Les paysages prophétiques de Bioulès

vincent-bioulesJe suis né à Montpellier avant la guerre. Toute mon enfance se déroule dans ce quartier. Ce n’était pas très drôle, il y avait des Allemands dans la maison. Il y avait des soucis majeurs qui étaient de trouver de la nourriture et donc on fichait une paix royale aux enfants. On faisait à peu près ce que l’on voulait. On recevait quelques coups de pied au derrière sans que nous vienne l’idée d’aller porter plainte contre nos parents. On s’en foutait complètement. On riait. On était libre. Enfant, j’ai ressenti comment le contact avec la nature qui m’entourait était véritablement le plaisir de vivre. Dès l’adolescence, je quittais la maison pour aller dessiner ce qu’il y avait autour de chez moi, des vignes, des chemins, des potagers… Aujourd’hui quand je sors de mon atelier et que je vais marcher dans Montpellier, l’espace n’est plus une chose perceptible. La ville ressemble à un petit appartement sur-encombré. Si on va à la campagne ou devant la mer, on retrouve l’espace et le silence qui sont des choses irremplaçables. La nature nourrit notre conscience joyeuse.

Premiers pas

Quand on commence à peindre, on prend la peinture là où elle en est. En entrant aux Beaux-Arts de Montpellier en 1957, je connaissais assez bien la peinture parce que j’étais né dans un milieu où on m’avait montré les tableaux. Je ne connaissais pas la peinture contemporaine, parce que ce qui est vraiment contemporain vous échappe toujours, mais je connaissais la peinture de l’époque, l’école française abstraite. Je suis arrivé au Beaux-Arts avec ce bagage que j’ai quitté assez vite pour faire de la peinture figurative très marquée par le milieu ambiant où j’avais grandi..

Expressionnisme abstrait

Dans les années 60, j’ai rencontré à Paris d’autres camarades qui connaissaient ce qui se faisait aux Etats-Unis. On parlait de Pollock, de sa liberté et de la manière dont il s’était servi de l’héritage de Picasso et de Gorky. Nous avions peu d’informations visuelles mais il y avait un récit mythique sur la peinture américaine dans lequel j’ai été pris. Entre 62 et 64, j’ai fait de la peinture abstraite influencée non par cette peinture, mais par le récit de cette peinture. Puis, comme tous les gens de ma génération, j’ai fait de la peinture non figurative parce que nous considérions qu’elle constituait un progrès objectif dans l’histoire de l’art. Cela m’a conduit à fonder à Montpellier le groupe ABC production et à exposer dans la rue en 67, 68. Après je suis entré dans le groupe Support surface en 70 que j’ai quitté en 72.

Support Surface succès story

C’est une période éphémère qui a marqué les esprits parce que le slogan est excellent et pas difficile à comprendre. Et puis, nous avons beaucoup parlé de ce que nous faisions. Nous avons su nous mettre en scène. Il paraît que c’est ce que l’on recommande aux jeunes artistes d’aujourd’hui… Nous constituons paraît-il, le dernier mouvement d’avant-garde français de l’histoire de l’art.

Emancipation

Je ne pouvais plus y rester parce que les exigences du groupe ne correspondaient pas à ma nature réelle. J’avais envie de faire des expériences, de faire une peinture plus libre, assez liée à l’expression lyrique de la nature. J’ai continué à faire de la peinture non figurative mais en la reliant au monde qui m’entourait. Plus tard, je me suis rendu compte qu’il fallait continuer à faire de la peinture figurative, la réinventer. Je me suis servi de tout ce qui existait dans l’histoire de l’art pour construire une grammaire et une syntaxe. J’assimile la syntaxe à la composition qui permet d’organiser la surface du tableau, à laquelle s’ajoutent un lexique de forme et un lexique coloré. Je me suis attaché à ce travail entre 1975 et 1990.

Style

le chateau de Vauvenargues

le chateau de Vauvenargues

On a souvent dit que je changeais de style. Ce n’est pas tout à fait exact dans la mesure où j’ai fait des investigations. J’ai abordé des thèmes précis par séries. Je me rends compte que j’ai fait énormément de tableaux. Ce qui n’est pas difficile. Il suffit de travailler huit heures tous les jours comme tout le monde. A partir des années 90, j’ai découvert un sentiment de liberté. Aujourd’hui, en vieillissant, j’ai l’impression de devenir vraiment libre. Cela m’exalte. Avec l’âge, on se rend compte que la liberté se mesure à la façon dont on franchit les obstacles. Si on n’a pas d’obstacle à franchir, on ne peut pas faire l’expérience de la liberté. Il faut que ce bien précieux devienne une expérience intime.

Saisir l’imprévisible

Je vais régulièrement sur le motif avec ma voiture de plombier aménagée pour transporter mon petit matériel. Sur place j’exécute rapidement des petits tableaux qui me permettent de découvrir des possibilités d’expression cachées. Je fais des variations. Le peintre ne saisit que les variations. Il n’y a pas de thème comme en musique, parce que la nature n’est pas un tableau. Plus tard, dans le silence de l’atelier, je reprends, face au grand tableau, et l’intègre dans le travail pictural proprement dit.

Le temps de voir

Quand on commence on ne voit rien. On est face à un paysage que l’on a envie de peindre. La première chose est de trouver le format qui convient. Petit à petit on commence à voir et il est très difficile de savoir si l’on voit vraiment bien. Ce qui compte c’est le parcours et, à la fin de ce parcours, ce qu’on y a vu. On pourrait croire que l’expérience fait que l’on voit mieux. L’expérience fait que l’on va voir plus intensément ce que l’on va voir soi-même. La voie reste ouverte, jamais un artiste ne bouchera la vue aux autres. Chaque vision n’est que l’approfondissement d’une vision.

Effet du tableau sur le visiteur

lile-de-maire

L'île de Maïre

On a toujours envie que les tableaux plaisent. Mais il faut aussi que les gens puissent regarder le tableau avec suffisamment d’attention pour entrer dans la toile. Si le spectateur ne fait pas de travail, le tableau n’existe pas vraiment. Celui qui regarde met les choses en place. Cela demande une culture, une attention qui n’est pas comparable à celle du peintre mais qui est nécessaire. Je me méfie beaucoup du mot  » intéressant « . Quand les gens regardent mes toiles et me disent  » c’est intéressant « , vous pouvez être sûr que c’est un mauvais tableau. L’inexplicablement intéressant, c’est autre chose. Il faut faire des choses qui dépassent la conscience.

Peinture témoignage d’une nostalgie

Nous sommes tous faits d’un immense regret. Ce que fait un peintre c’est lutter tous les jours contre la perte du monde qui nous échappe. Il se confronte au mystère de l’évidence. On porte en soi cette perte que l’autre n’est pas à nous. L’homme n’est pas à nous, le monde n’est pas à nous. Est-ce que notre vie nous appartient ? Je crois que l’œuvre d’art est faite pour répondre à cela.

A la vie à la mort

Je n’ai pas du tout envie de mourir. Par contre j’ai une assez grande curiosité. La mort est sans doute le seul instant dont nous aurons conscience. Une chose difficile à comprendre, c’est la notion d’éternité parce que l’éternité ne peut pas se mesurer à l’aune du temps. L’éternité, est un instant démesurément dilaté. Nous en avons le sentiment uniquement lorsque nous vivons l’instant. Il y a aussi cet instant ultime où l’on passe de l’état de vie à l’état de mort. Alors, on est terrorisé par la mort et en même temps on est totalement fasciné par elle. Quand je peins, j’essaie d’arracher ce que je vois à la destruction. « 

Recueilli par Jean-Marie Dinh

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Vincent Bioules Pic saint loup

L’exposition Paysages du Sud  actuellement au  Musée de Lodève

vincent_bioules_paysages_du_sud_illustrationL’air, la mer qui se fond à la montagne, la pierre, la lumière… Vincent Bioulès est sans conteste un peintre phare de la Méditerranée. L’exposition Paysage du Sud en est un bon témoin. Elle présente des successions chronologiques de l’artiste montpelliérain sur plusieurs périodes. Une cinquantaine de peintures grand format et un ensemble de dessins et aquarelles des années 70 à aujourd’hui s’offrent au regard, en pacifiant l’aspect âpre et violent de l’environnement méditerranéen. Dans une majestueuse simplicité, ce parcours pictural invite à une immersion dans l’univers de l’artiste, qui puise depuis toujours son énergie aux racines de son environnement natal. Naguère conceptuel, le fondateur de Support surface s’est progressivement libéré de tous ses liens théoriques pour créer sa langue. Persistant à creuser le sillon de sa propre représentation du réel comme si il cherchait à redonner à la peinture la place qu’elle a perdu au cours d’un siècle de scandales et de provocations. Peinture figurative revendiquée par le peintre comme une continuité liée au sens profond de son œuvre.

De même, ce goût pour le paysage et le retour des perspectives ne relève pas d’un abandon de l’abstraction, il s’en nourrit. A Lodève, Vincent Bioulès envisage la peinture comme le témoignage d’une nostalgie. Aix en Provence, Aigues-Mortes, Marseille, Céret, Rome… les lieux familiers défilent pour aboutir à un langage en phase avec la nature. La quête de l’émotion que poursuit Vincent Bioulès a pris différents visages depuis plus de 50 ans. Et si elle est aujourd’hui complètement accessible aux néophytes, ce n’est pas par manque d’exigence mais grâce à celle-ci. Lorsque l’on prend de la distance, les toiles dévoilent toute leur puissance. Mais le travail des surfaces colorées très poussé et complexe produit son effet lorsque l’on se rapproche. Un examen attentif découvrira la dimension métaphysique où les personnages apparaissent comme des indices. On éprouve les toiles comme inexplicablement intéressantes. La place qu’occupe Vincent Bioulès dans la peinture semble évidente dans cette exposition généreuse en plaisir esthétique et spirituel.

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Paysage du Sud au Musée de Lodève jusqu’au 4 avril 2010 Rens : 04 67 88 86 10.

L’artiste éveille la sensibilité du regard

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On ne présente plus Raymond Depardon dont l’œuvre plurielle avant tout photographique, touche aussi le court métrage, le documentaire et la fiction. L’artiste qui a fêté cette année, ses 67 ans a répondu à la sollicitation du Conseil régional pour offrir un regard photographique sur la Région Languedoc-Roussillon. L’exposition itinérante fait escale au Carré St Anne jusqu’au 31 janvier 2010.

Banalité du réel

Une succession d’images sans scénographie particulière se déploie un peu comme un chemin de croix dans le vaste espace d’exposition. On ne trouve pas de chef-d’œuvre de la photographie de paysage mais des clichés en prise avec le réel presque banals. L’artiste confie lui-même que sur la trentaine de photos présentées, deux ou trois présentent à ses yeux un intérêt. C’est en fait la vision partielle d’un travail en cours qui le conduit depuis 2004 à sillonner la France pour réaliser un état des lieux photographique. « Seules deux ou trois photos qui sont ici feront partie de la grande exposition que je présenterai à la BnF à la fin de mon périple. J’ai pris le parti d’exclure d’entrée les centres-villes où tout est franchisé ainsi que le patrimoine et les banlieues. »

Effet moderne

Nous sommes en arrêt devant une photo du café Maracana à Bédarieux. Avant d’acquérir une renommée internationale l’artiste s’est fait connaître à travers son approche sociologique, ce que confirme son commentaire. « Le café fait partie de la culture. Il faut avoir voyagé pour se rendre compte de son importance. C’est un lieu politique qui tend à disparaître au profil des sandwicheries. Désignant les chaises vertes pétard de la terrasse, Depardon souligne amusé, « on voit l’effet de modernisation recherché. » La relation intime que nous entretenons avec ces paysages connus masquerait-elle ce qu’ils peuvent nous transmettre ?

Errance

Errance

Espace déchu

Nous sommes maintenant devant la photographie d’une devanture de cinéma abandonnée. L’image fragmentée verticalement par un tronc d’arbre au premier plan donne le sentiment d’un espace déchu. « Pourquoi cette photo et pas une autre ? interroge Depardon. Ici je ne cherche pas à prendre parti contre la disparition des salles. J’ai pris cette photo simplement parce qu’elle rejoint mon histoire personnelle. Tout est là, la lumière, le platane arbre du Sud et le cinéma. » Le champ spécifique que nous offre le photographe à travers sa propre histoire est imperceptible pour le visiteur qui mystérieusement peut cependant capter l’empreinte humaine inscrite dans le cadre. Avec Depardon, rien n’est présent d’emblée. Tandis que ses paysages mettent en scène des espaces violents, les personnages qui y vivent n’apparaissent pas. Il faut les chercher dans l’exposition, s’approcher, entrer dans le cadre pour saisir leur présence fantomatique dans l’intimité des boutiques.

L’art du détachement

Nous emboîtons le pas à l’artiste qui s’arrête devant le cliché d’un monument aux morts lozérien. « Je ne prétends rien. Cette photo est faite. D’autres photographes pourraient la faire. Les monuments aux morts font partie de ce qui nous réunit d’un territoire à l’autre. » Il y a toujours une mise à distance chez Depardon qui cite le pionnier de la photographie documentaire Walker Evans : « Le détachement est la qualité première d’une photographie. » Café, route, monument, paysage, le parcours auquel nous convie le photographe nous mène d’une méditation sur ce qui se fond ou se détache de l’environnement à une réflexion sur le temps. Un temps qui n’est plus celui de l’instant mais de la durée.

Jean-Marie Dinh

Parallèlement à l’expo du Carré St Anne, Le pavillon populaire propose une autre exposition de l’artiste Errance ville et paysans.

 

Raoux rococo

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Pygmalion amoureux de sa statut. Photo DR

La redécouverte du peintre montpelliérain au Musée Fabre

ne laissera pas un souvenir impérissable.

Une rétrospective internationale du peintre montpelliérain Jean Raoux (1677-1734) rassemble au Musée Fabre 90 œuvres à découvrir jusqu’au 14 mars 2010. 45 peintures, 6 dessins et 13 gravures de l’artiste ainsi qu’une trentaine d’œuvres de ses contemporains. « Ce peintre, contemporain d’Antoine Watteau, participa de manière active au renouvellement de la peinture française au temps de la Régence », lit-on dans le dossier de présentation. Un renouvellement dont les excès d’artifices et de préciosité n’ont pas laissé beaucoup de traces dans l’histoire de l’art.

On sait combien un maître peut codifier le style de peinture de ses élèves. Né dans une époque pétrie de conventions, à l’image du goût de l’aristocratie française aux premières décennies du XVIIIe, il se forme dans l’atelier d’Antoine Ranc, un autre Montpelliérain, dont la carrière madrilène auprès de Philippe V se déroula sans grand éclat. Question originalité, on peut estimer que le jeune Jean Raoux ne tira pas le bon numéro. Se pliant aux principes pieux renfermés dans leurs saintes limites, il réalise ses premières œuvres pour les établissements religieux. Raoux compte parmi la tribu de peintres français de son époque qui suivent l’exemple de l’Italie et de la Hollande. Après avoir suivi les cours parisiens du peintre Bon Boulogne, qui lui transmet une bonne technique du coloris, Raoux obtient le Prix de Rome en 1704. Ce qui lui ouvre les portes de l’Italie. Ses escales à Venise et Padoue, où il réalise plusieurs commandes, lui permettent de peaufiner sa maîtrise du clair-obscur.

A Rome, il rencontre Philippe de Vendôme qui vit une existence fastueuse ponctuée de scandales libertins. Le Grand Prieur de l’Ordre de Malte le prend sous sa protection et impose Raoux dans le milieu des dévots de la vieille Cour. Le peintre trempe alors son pinceau dans les sources antiques ou historiques. En 1717, Raoux est élu à l’Académie Royale. Le même jour que Watteau dont l’œuvre fantaisiste, poétique et songeuse souffre mal la comparaison. Raoux devient un portraitiste apprécié. Maître des beaux arts et serviteur obligé de la mode et de la richesse.

Impressions de parcours

L’exposition se divise en quatre sections. La première concerne le séjour italien. Elle offre au regard des œuvres consciencieuses, à l’imitation des styles passés. Tout aussi minutieuse, la seconde réunit le cycle pictural commandé par Philippe de Vendôme autour des Quatre Ages qui ravira peut être les experts. La partie parisienne qui obéit à la direction générale des mœurs de l’époque semble plus vivante. On perçoit l’influence hollandaise et déjà, la désacralisation qui pointe vers le bonheur subjectif des individus. La dernière section nous entraîne dans le théâtre ultra mondain et ses sages doctrines à travers les portraits et les sujets de genre. Un travail habile et maîtrisé mais prisonnier de l’ornement. A l’exception de la paire thématique des vestales Vierges antiques et Vierges modernes, dont la composition et la pureté des figures laissent planer le doute…

Il semble bien que l’événement Raoux au Musée Fabre tient avant tout au lieu de sa naissance. Voltaire le comparait à Rembrandt, à tort. Car Jean Raoux fut certainement un portraitiste subtile et minutieux mais sans personnalité. Cette rétrospective qui va provoquer toute une série de rendez-vous éducatifs risque fort de faire bailler la jeunesse. Et il y a peu de chance que la grande expo d’été consacrée au très académique peintre montpelliérain Alexandre Cabanel, n’éveille leur goût pour la peinture avant l’automne 2010.

Jean-Marie Dinh

Rétrospective Jean Raoux Musée Fabre jusqu’au 14 mars 2010

Regard sur les artistes méconnus de RDA

 

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On se réjouit à la Maison de Heidelberg, du regain d’intérêt pour la culture allemande qu’a pu susciter la commémoration de la chute du Mur du Berlin. Faut-il souligner que la mobilisation ainsi que l’esprit d’invention déployés en interne pour élargir l’audience régionale de cet événement n’y sont pas étranger ? Toujours est-il que le centre culturel allemand poursuit sur sa lancée dans le domaine de l’art. Une fois n’est pas coutume, le succès citoyen de la chute du Mur de l’Esplanade s’est doublé d’un succès auprès des artistes qui ont massivement répondu à l’appel à candidature lancé aux artistes régionaux autour de l’exposition 20 ans déjà – La chute du Mur, hier et aujourd’hui. Cette exposition collective présente les œuvres conçues pour l’occasion d’une vingtaine d’artistes. A découvrir jusqu’au 17 décembre dans les locaux de La Maison de Heidelberg.

L’art en miettes

On peut suivre aussi en français le cycle de conférences proposé par l’historienne de l’art Christina Weising et élargir son regard sur la peinture en découvrant les artistes de RDA. Les recherches récentes ont répertorié environ 6000 artistes (peintres, sculpteurs, dessinateurs, photographes) peu connus, voire inconnus au niveau international. Deux volets sont notamment consacrés à la célèbre école de Leipzig.

La semaine dernière la première conférence (entre 1945 et 1990) présentait les travaux les plus marquants. Pour comprendre cette période, Christina Weising est revenue sur des artistes comme Georges Grosz, Jean Heartfield ou Otto Dix, qui dénonçaient le nazisme et se sont exilés, la plupart aux Etats-Unis. En 1937, les œuvres de ces artistes et d’autres comme celle de Nolde accèdent au statut d’art dégénéré qui donne lieu à la célèbre exposition du même nom. S’ouvre la période de l’art officiel régénéré par les nazis. Après guerre, des artistes comme Wilhelm Lachnit opèrent un retour à la triste réalité. Dans cette veine pessimiste Wilhelm Rudolph, peint le squelette de Dresde en ruine. On entre dans la guerre froide, aux Etats-Unis l’essor de l’expressionnisme abstrait subit de violentes attaques politiques. Les Républicains décèlent le poison d’une inspiration communiste dans les projections subjectives d’un Pollock ou d’un Rauschenberg.

En RDA, sous le choc des horreurs de la guerre, les artistes cherchent un sens. Tandis que la RFA s’échappe à travers l’abstraction, à l’Est Werner Tübke revisite le réalisme magique en référence à la renaissance et à Jérôme Bosch. Inspiré par l’union soviétique, Wofgan Matthever s’attache aux racines et explore les voies d’un réalisme poussé. Mais c’est surtout Bernhard Heisig qui a vécu toutes les fureurs de l’histoire allemande au sein du régime nazi puis du SPD. Dix ans après la chute du Mur, le peintre est choisi pour réaliser la frise du Reichstag, siège du Parlement à Berlin. Au cœur d’une polémique sur son passé, l’homme plaide  » coupable par devoir. » En lien avec l’avant garde, son œuvre n’a jamais soutenu l’Etat mais s’est imprégnée de tous ses maux.

Jean-Marie Dinh

Voir Aussi : Revue de presse Election législative en Allemagne  – Rubrique culture  Maison de Heidelberg Un mur de Berlin  à Montpellier – Rubrique Livre histoire :  entretien avec Markus Meckel. Arts, Les sujets de l’abstraction ,

« Berlin: l’effacement des traces »: la disparition de la RDA mise en scène

La disparition d’une société, celle de la RDA, est explorée et mise en scène dans « Berlin: l’effacement de traces, 1989-2009 », exposition originale qui s’ouvre mercredi aux Invalides. Le musée de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) a commandé des oeuvres à des artistes contemporains, afin d’illustrer les procédures de destruction de la capitale de la RDA et leur inscription dans un paysage urbain reconstruit.

L’historienne Sonia Combe, une des commissaires, explique qu' »il ne s’agit ni de faire l’apologie de la RDA, ni de faire une exposition historique. C’est le point de vue de l’artiste sur l’effacement de cet Etat singulier », avertit-elle. Fil conducteur de la déambulation du visiteur: le mur de Berlin, no man’s land photographié pendant 20 ans par Jean-Claude Mouton, devenu souvenir avec un travelling grandeur nature. Empiétant sur cette projection, une installation du plasticien Wolf Leo reproduit les banderoles de la manifestation du 4 novembre 1989 qui avait réuni un million d’Est-allemands, prélude à la destruction du mur quatre jours plus tard.

Un groupe de graffeurs, mené par Gérard Zlotykamien et ses « éphémères », silhouettes évoquant la disparition, ont réinterprété le mur, tandis qu’une voix féminine chantant a cappella, en tremblant, l’hymne national est-allemand, invite à l’émotion.

Les commissaires ont distingué trois modalités d’effacement des traces de RDA: disparition et destruction, détournement et réécriture de l’histoire, muséification. Les rues débaptisées, la destruction de l’énorme Palais de la République, les reconstructions sont évoquées en photos, films et installations, mais aussi la réécriture de l’histoire avec la restauration du Neue Wache, monument dédié « aux victimes du fascisme et du militarisme » sous la RDA puis, après la réunification, « aux victimes de la guerre et de la dictature », mettant sur le même plan SS et victimes juives, soldats de la Wermacht et militants anti-fascistes.

L’exposition montre aussi « la muséification » de la RDA avec un « cabinet des curiosités » où s’amoncellent Trabant en jouet, équipement d’agent de la Stasi (police secrète), cahier de jeune pionnier. Mais « tout n’a pas pu être démoli et l’urbanité spécifique de Berlin Est est encore visible », soulignent les commissaires, ainsi les Amperlmännchen, ces petits bonhommes des feux de signalisation, personnages symboliques de la RDA et qui sont en passe de se substituer à l’ours berlinois comme emblème de Berlin. Ils se tiennent à l’entrée de l’exposition.

« Berlin: l’effacement des traces, 1989-2009 » 21 octobre-31 décembre 2009- hôtel national des Invalides

Voir aussi : Rubrique Actualité locale Le mur de Berlin à Montpellier