Les visions gravées et renouvelées de l’estampe

La Gravure de Rembrandt.  Photo dr

La Gravure de Rembrandt. Photo dr

 

Impressions fortes, l’estampe en 100 chefs-d’œuvre, l’exposition d’été du Musée de Lodève se glisse sur les pas de l’étonnante histoire de cet art multiple, outil de savoir et de connaissance, ancêtre de la photographie et véritables œuvres d’art. à découvrir au Cellier des évêques du 8 juillet au 5 novembre.

Fascinant projet autour des plus grands artistes du genre que celui de l’exposition Impressions fortes proposée par le Musée de Lodève qui présente du 8 juillet au 5 novembre une collection exceptionnelle de gravures ; appartenant à la Fondation suisse William Cuendet et Atelier de Saint Prex. L’invitation entreprend ni plus ni moins de bouleverser le rapport du spectateur à la gravure en fournissant un panel quasi complet de toutes les techniques de la gravure d’hier et d’aujourd’hui. Le terme  estampe définit l’image obtenue par différents procédés de reproduction à l’aide d’une matrice, ainsi que ces procédés eux-mêmes. On revient avec cette exposition aux formes vives de l’Estampe à partir de 100 chefs-d’oeuvre faisant appel à la pensée effervescente de  ses grands maîtres : Dürer, Rembrandt, Goya, Degas, Morandi, Bonnard,Vuillard…

Fondée en 1977, par les héritiers de William Cuendet, pasteur et collectionneur invétéré d’estampes, et les membres de l’atelier de gravure de Saint-Prex, la fondation compte 10?000 œuvres du 15e au 21e siècle. Le noyau initial est constitué de 53 planches de Rembrandt et 117 planches de  Dürer, auxquelles sont venues s’ajouter une bonne partie de l’oeuvre gravée de Corot et de nombreux autres dons d’oeuvres du 17e au 21 e siècle. Sont ainsi réunis les chefs-d’oeuvre qui font référence et une production en court, réalisée par de jeunes artistes soucieux de s’inscrire dans l’histoire de l’art.

La double vie des gravures
La dimension thématique de l’exposition élargit le point de vue à l’ensemble de cet art en prenant en compte la double vie de la gravure. « La gravure entretient d’un côté un lien étroit avec le développement du livre et contribue à l’élargissement des connaissances. De l’autre elle s’inscrit dans une dimension artistique pure avec des paysages, portraits et scènes intimes, indique Ivonne Papin Drastik la directrice du musée, qui assure le commissariat de l’exposition avec  Florian Rodari, l’histoire de l’estampe abordée dans l’exposition recoupe l’histoire de l’imprimerie. Avec la lithographie qui émerge au début du 19e siècle les images circulent en Europe en colportant savoirs et styles

Le parcours de l’exposition se divise en 7 sections thématiques. Dans la partie L’estampe au service du livre. On pourra découvrir les images de Dürer et de Rembrandt, en relation avec les textes de la bible qui expliquent la passion développée par le pasteur Cuendet, La partie Le Vedutisme et Venise, montre bien en quoi l’estampe a joué en faveur des connaissances aussi bien scientifiques que géographiques.

L’estampe acquiert une valeur propre au sein du monde de l’art. Elle a tout de suite été pratiquée par de grands artistes désireux non seulement de diffuser largement leurs oeuvres mais également d’explorer les ressources particulières à ce médium original comme le met en lumière la partie Recherches techniques et le travail exceptionnel de Claude Mellan, ou le volet Intimité qui témoigne de l’attrait prononcé pour les scènes de genre, par des artistes comme Degas, Toulouse-Lautrec ou Fantin-Latour.

Cette exposition s’inscrit comme une introduction à la découverte de mille horizons techniques historiques et esthétiques.

JMDH

Source La Marseillaise 03/06/2017

Raoux rococo

raoux-pygmalion

Pygmalion amoureux de sa statut. Photo DR

La redécouverte du peintre montpelliérain au Musée Fabre

ne laissera pas un souvenir impérissable.

Une rétrospective internationale du peintre montpelliérain Jean Raoux (1677-1734) rassemble au Musée Fabre 90 œuvres à découvrir jusqu’au 14 mars 2010. 45 peintures, 6 dessins et 13 gravures de l’artiste ainsi qu’une trentaine d’œuvres de ses contemporains. « Ce peintre, contemporain d’Antoine Watteau, participa de manière active au renouvellement de la peinture française au temps de la Régence », lit-on dans le dossier de présentation. Un renouvellement dont les excès d’artifices et de préciosité n’ont pas laissé beaucoup de traces dans l’histoire de l’art.

On sait combien un maître peut codifier le style de peinture de ses élèves. Né dans une époque pétrie de conventions, à l’image du goût de l’aristocratie française aux premières décennies du XVIIIe, il se forme dans l’atelier d’Antoine Ranc, un autre Montpelliérain, dont la carrière madrilène auprès de Philippe V se déroula sans grand éclat. Question originalité, on peut estimer que le jeune Jean Raoux ne tira pas le bon numéro. Se pliant aux principes pieux renfermés dans leurs saintes limites, il réalise ses premières œuvres pour les établissements religieux. Raoux compte parmi la tribu de peintres français de son époque qui suivent l’exemple de l’Italie et de la Hollande. Après avoir suivi les cours parisiens du peintre Bon Boulogne, qui lui transmet une bonne technique du coloris, Raoux obtient le Prix de Rome en 1704. Ce qui lui ouvre les portes de l’Italie. Ses escales à Venise et Padoue, où il réalise plusieurs commandes, lui permettent de peaufiner sa maîtrise du clair-obscur.

A Rome, il rencontre Philippe de Vendôme qui vit une existence fastueuse ponctuée de scandales libertins. Le Grand Prieur de l’Ordre de Malte le prend sous sa protection et impose Raoux dans le milieu des dévots de la vieille Cour. Le peintre trempe alors son pinceau dans les sources antiques ou historiques. En 1717, Raoux est élu à l’Académie Royale. Le même jour que Watteau dont l’œuvre fantaisiste, poétique et songeuse souffre mal la comparaison. Raoux devient un portraitiste apprécié. Maître des beaux arts et serviteur obligé de la mode et de la richesse.

Impressions de parcours

L’exposition se divise en quatre sections. La première concerne le séjour italien. Elle offre au regard des œuvres consciencieuses, à l’imitation des styles passés. Tout aussi minutieuse, la seconde réunit le cycle pictural commandé par Philippe de Vendôme autour des Quatre Ages qui ravira peut être les experts. La partie parisienne qui obéit à la direction générale des mœurs de l’époque semble plus vivante. On perçoit l’influence hollandaise et déjà, la désacralisation qui pointe vers le bonheur subjectif des individus. La dernière section nous entraîne dans le théâtre ultra mondain et ses sages doctrines à travers les portraits et les sujets de genre. Un travail habile et maîtrisé mais prisonnier de l’ornement. A l’exception de la paire thématique des vestales Vierges antiques et Vierges modernes, dont la composition et la pureté des figures laissent planer le doute…

Il semble bien que l’événement Raoux au Musée Fabre tient avant tout au lieu de sa naissance. Voltaire le comparait à Rembrandt, à tort. Car Jean Raoux fut certainement un portraitiste subtile et minutieux mais sans personnalité. Cette rétrospective qui va provoquer toute une série de rendez-vous éducatifs risque fort de faire bailler la jeunesse. Et il y a peu de chance que la grande expo d’été consacrée au très académique peintre montpelliérain Alexandre Cabanel, n’éveille leur goût pour la peinture avant l’automne 2010.

Jean-Marie Dinh

Rétrospective Jean Raoux Musée Fabre jusqu’au 14 mars 2010