Meurtre de Terrre’Blanche

Le leader d'extrême droite sud-africain Eugene Terre'Blanche, le 11 juin 2004 à sa sortie de prison à Potchefstroom (AFP Alexander Joe)

Sa milice de protection, armée jusqu’aux dents et joignable 24 heures sur 24 par SMS, n’aura pas eu le temps de le sauver. Le leader extrémiste afrikaner Eugène Terre’Blanche a été assassiné samedi, dans sa ferme, par deux de ses ouvriers agricoles.

Les circonstances du meurtre sont encore floues. Les deux employés, âgés de 16 et 21 ans, ont eux-mêmes appelé la police après avoir roué le fermier de coups et clament la «légitime défense». Ils affirment que le drame est parti d’une bagarre et que leur patron, «un homme mauvais», ne voulait pas leur verser leur salaire de mars, soit 300 rands (30 euros) chacun. En Afrique du Sud, le salaire minimum légal est de 1 600 rands mensuels (160 euros). Ils ont confié à la police qu’Eugène Terre’Blanche les «abusait physiquement et verbalement».

«guerre froide». Président de l’AWB (Mouvement de résistance afrikaner), Eugène Terre’Blanche prônait la supériorité «génétique» de la «race» blanche sur les Noirs. Il se battait depuis la fin de l’apartheid contre «le joug de la suprématie noire», et réclamait un Etat indépendant afrikaner au sein du territoire sud-africain, sous la protection de Dieu et de la loi internationale qui défend le «droit des peuples à disposer d’eux-mêmes». Dans une récente interview accordée à un journal local, il avait affirmé qu’il était dans son droit «de se séparer d’une nation rongée par le crime, la mort, le meurtre, le viol, le mensonge et la fraude». Antidémocrate, Eugène Terre’Blanche ne s’est jamais présenté à une élection, mais avait monté un dossier pour le présenter aux Nations unies. Si le monde ne lui accordait pas le droit de fonder son propre Etat, l’AWB avait promis de prendre les armes.

Aujourd’hui, l’AWB compterait 5 000 membres, même si ce chiffre est invérifiable. Il n’existe aucun recensement : «C’est stratégique, avait expliqué Terre’Blanche. On ne donne pas le nombre et l’identité de ses espions quand on mène une guerre froide.» Mais la menace n’a jamais vraiment été prise au sérieux. L’AWB, le mouvement qu’il a créé avec quatre amis en 1973, en plein apartheid, s’inspire du parti nazi, et ses membres arborent fièrement des bannières noir et rouge ornées d’un svastika, qui rappelle sans conteste la croix gammée. Ils ont toujours pensé que le régime d’apartheid n’était pas assez radical et que les leaders afrikaners ont «vendu» le pays de leurs ancêtres à des Noirs corrompus.

En 2001, Terre’Blanche est condamné à six ans de prison pour l’agression d’un pompiste noir, puis pour la tentative de meurtre d’un de ses anciens ouvriers agricoles. Finalement, il ne reste que trois ans sous les verrous. A sa libération, le mouvement a perdu de son éclat, et Eugène Terre’Blanche de son aura.

L’année dernière, on a cru à une renaissance de la formation. Le leader avait rassemblé plus de 300 personnes pour fêter la bataille des Afrikaners contre le peuple Matabele en 1836. Armés de fusils et de leur Bible, les membres de l’AWB se sont rappelés avec nostalgie l’époque du Grand Trek, lorsque les premiers Afrikaners ont conquis les terres d’Afrique du Sud, promises par Dieu. Eddie Von Maltitz, ami de Terre’Blanche, était présent au meeting. Selon lui, «Eugène Terre’Blanche était un homme bon. Les Noirs l’aimaient et il aimait les Noirs. Mais il est prouvé que leur ADN est moins développé. Ils détruisent tout ce qui est bon pour eux.»

fermiers. La mort de Terre’Blanche pourrait relever du simple fait divers, comme il s’en passe tant d’autres dans les campagnes sud-africaines… Mais, à deux mois de la Coupe du monde de football et quelques semaines après les provocations répétées de Julius Malema, président du mouvement de jeunesse de l’ANC, le parti au pouvoir, beaucoup de Sud-Africains y voient plutôt la montée en puissance d’un racisme anti-Blanc… et, pourquoi pas, un meurtre politique. Malema chantait lors de son dernier meeting «tuez les Boers, tuez les fermiers blancs, car ce sont des violeurs». Les Blancs ne peuvent s’empêcher de s’identifier à leurs voisins zimbabwéens. En 2000, le président Mugabe avait lancé une réforme agraire pour expulser tous les fermiers blancs du pays. Sur 4 000 fermiers, il n’en reste plus que 300.

Malema est justement au Zimbabwe en voyage officiel ce week-end. Vêtu d’une chemise bariolée à l’effigie du dictateur de 86 ans, il a célébré le «courage et la détermination» de Robert Mugabe face aux «impérialistes». Dans une ultime provocation, Julius Malema a réentonné son chant de la discorde devant 2 000 supporteurs en furie, samedi après-midi, à l’heure même où Terre’Blanche était tué : «Tuez les Boers, tuez les fermiers blancs, car ce sont des violeurs.» Avant de reprendre :«Apportez-moi ma mitraillette.»

Les deux ouvriers agricoles accusés du meurtre du néonazi sud-africain Eugène Terre’Blanche plaideront la légitime défense après une agression sexuelle, rapporte la presse dominicale en citant un des avocats de la défense.

«Selon mon client, il y a eu une sorte de sodomie et c’est ce qui a déclenché le meurtre de M. Terre’Blanche. Ce sera un des éléments de notre défense pendant le procès», a déclaré Me Puna Moroko à l’hebdomadaire Sunday Times.

Défenseur de la suprématie blanche, Eugène Terre’Blanche a été battu à mort le 3 avril à l’âge de 69 ans. Il a été retrouvé sur son lit, le pantalon baissé au niveau des genoux, selon le procureur.

Deux de ses ouvriers agricoles, Chris Mahlangu âgé de 28 ans et un mineur de 15 ans, s’étaient immédiatement rendus à la police. Ils ont été inculpés mardi de meurtre, effraction, tentative de vol et atteinte à la dignité de la victime.

Jusqu’à présent, la presse rapportait que le motif du meurtre était pécuniaire et portait sur un salaire impayé. Eugène Terre’Blanche a essayé de faire boire les deux hommes avant d’agresser sexuellement «un ou les deux», selon la version de Me Moroko, qui défend Chris Malhangu.

Son collègue Zola Majavu, avocat du mineur, a refusé d’entrer dans les détails. «Quelque chose de choquant a eu lieu le jour du crime. Je révèlerai ce que mon client m’a confié pendant le procès», a-t-il dit au journal. Mon client «a subi tous les tests nécessaires pour soutenir mes arguments», a-t-il ajouté.

Les deux hommes doivent comparaître mercredi devant le tribunal de Ventersdorp (nord-ouest) pour une audience de procédure au cours de laquelle ils pourront demander une remise en liberté sous caution. Le meurtre d’Eugène Terre’Blanche a ravivé les tensions raciales en Afrique du Sud, où la couleur de la peau reste facteur de divisions seize ans après la chute de l’apartheid.

 AFP

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Le destin meurtri d’un fils de colons

afrique-du-sudRoman étrangerL’odeur des Pommes de Mark Behr. Une troublante histoire qui dessine l’Afrique du Sud des années 70.

On découvre l’Afrique du Sud des années 70 à travers les yeux d’un enfant blanc de dix ans qui rêve un jour d’être aussi fort que son père, un général de l’armée sud africaine. Le jeune Marnus vit une enfance paisible. Il reçoit une éducation rassurante, catholique et ordonnée. Dans la douceur de la maison familiale, il hérite des valeurs de son père fier et sans crainte. « Tu n’as pas peur de te couper ? » lui demande-t-il en l’observant se raser. Sa mère consacre son temps à prendre soin de lui. Depuis qu’elle a mis un terme à sa carrière de cantatrice internationale, son regard se perd parfois dans ses pensées. Et puis il y a cette solide amitié avec Frikkies son petit copain de classe avec qui il découvre le monde. A première vue, il semble que la violence ne pénètre pas directement à l’intérieur de ce foyer modèle, pas plus que dans le quartier résidentiel choisi comme terre d’asile par ses parents. Ceux-ci ont abandonné leurs terres en Tanzanie après la nationalisation socialiste. Un jour, pourtant, le fils de la nourrice noire est retrouvé gravement brûlé par le moteur d’un train…

C’est toute l’essence de la culture de l’apartheid que transmet Mark Behr à travers ce premier roman écrit en Africaan en 1993 et jamais traduit en français jusqu’alors. L’auteur lui-même originaire de Tanzani puis exilé en Afrique du Sud, use de la naïveté pour révéler l’intensité d’un drame sourd. Le lecteur découvre par le biais d’une double structure ce qu’il est advenu de ce sujet pensant qu’il retrouve bien plus tard sur le front de l’Angola. La haine a germé dans son être. La trame éducative de Marnus qui a besoin d’être guidé dans son cheminement intellectuel et existentiel, va basculer avec l’arrivée du sympathique et mystérieux M. Smith. Un général chilien, ami de son papa, accueilli dans le foyer familial. La vie n’est pas si rose, elle est même parfois semée de sérieuses embûches.

Jean-Marie Dinh

Mark Behr, L’odeur des pommes, Editions Lattès, 20 euros à paraître le 10 mars

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Sarkozy en mission de réconciliation à Kigali et d’amitié au Gabon

Nicolas Sarkozy fait son retour mercredi en Afrique pour tourner la page, seize ans après le génocide, du lourd contentieux qui a empoisonné les relations entre la France et le Rwanda et apporter son onction au « nouveau » Gabon du fils d’Omar Bongo. francafrique1Une journée à Franceville et Libreville, trois heures à Kigali… A l’image des précédentes, la nouvelle virée africaine du chef de l’Etat tient du grand écart. Un pied dans le « pré carré » pour conforter les vieilles amitiés, l’autre en terre anglophone pour illustrer la rupture, en résumé d’une politique qui hésite toujours à trancher le lien avec la « Françafrique« . Même symbolique, le premier séjour jeudi d’un président français au Rwanda depuis le génocide constitue le point d’orgue de cette tournée. Nicolas Sarkozy vient y enterrer trois ans de brouille diplomatique et judiciaire avec le régime de Paul Kagamé, nouvelle étape de l’effort de « réconciliation » lancé en 2007 pour solder les contentieux de la France en Afrique.

Le Rwanda a coupé les ponts fin 2006, après l’émission par le juge Jean-Louis Bruguière de mandats d’arrêt contre neuf proches du président rwandais, soupçonnés d’avoir fomenté l’attentat qui a coûté la vie en 1994 à son prédécesseur, Juvenal Habyarimana, et marqué le coup d’envoi d’un génocide qui a fait 800.000 morts, en grande majorité d’ethnie tutsie.

Cet incident a relancé de plus belle le procès instruit depuis 1994 par le régime de Kigali, aux mains des tutsis, contre Paris, accusé d’avoir aidé les génocidaires. Ce que la France, soutien du régime Habyarimana contre le guérillero Kagamé, a toujours farouchement nié. Malgré cette escalade, les fils du dialogue renoué par Nicolas Sarkozy en entrant à l’Elysée n’ont jamais été rompus. Deux entretiens « francs et directs » avec Paul Kagamé en 2007 puis 2008 ont remis le différend à plat.

Avant qu’une série de péripéties judiciaires opportunes ne dégage la voie à une reprise des relations, à la faveur d’une visite éclair à Kigali en novembre dernier du numéro 2 de l’Elysée, Claude Guéant. Couronnement de ce chemin tortueux, Nicolas Sarkozy débarque donc dans l’ex-colonie belge avec la satisfaction d’avoir retiré une grosse épine du pied de la France. Et l’ambition de la réinstaller dans l’Afrique des Grands lacs, à la frontière du Kivu congolais au sous-sol riche en minerais.

« Cette réconciliation avec le Rwanda fait disparaître un irritant majeur qui, à cause des accusations de complicité de génocide, nuisait à l’image de la France sur l’ensemble du continent », se réjouit-on à Paris. Les deux camps assurent avoir « tourné la page » mais le climat de la visite du président reste lourd. Ses gestes et ses mots y seront observés à la loupe. Car à Kigali, les victimes du génocide continuent à exiger des « excuses » françaises. Et à Paris, politiques et militaires s’inquiètent à mots couverts du prix de ces retrouvailles. Il y a deux ans, Nicolas Sarkozy, que l’on sait réservé sur la repentance, avait évoqué « les faiblesses ou les erreurs » de la France. « Il dira des choses fortes », prévient son entourage, « mais pas d’excuses ».

Le chemin qui conduit mercredi le président Sarkozy au Gabon pour la troisième fois depuis son élection, s’annonce moins risqué. Huit mois après la mort du « doyen » Omar Bongo, considéré comme le gardien des secrets de la France en Afrique, Paris veut faire du Gabon de son fils Ali, dont l’élection a été contestée par l’opposition, l’appartement témoin de sa nouvelle diplomatie africaine. « Le modèle d’une politique plus moderne et débarrassée des soupçons du passés », jure l’Elysée. Nicolas Sarkozy signera donc à Libreville un accord de défense rénové avec le fils. Mais ira aussi s’incliner sur la tombe du père.

AFP

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Niger : Coup d’Etat contre le président Tandja

mamadou Tandja

Un « Conseil suprême pour la restauration de la démocratie » a annoncé à la radio d’Etat nigérienne la suspension de la Constitution, après un coup d’Etat jeudi à Niamey. « Le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSDR), dont je suis le porte-parole, a décidé de suspendre la Constitution de la sixième république et de dissoudre toutes les institutions qui en sont issues », a annoncé le colonel Goukoye Abdoulkarim (bien Abdoulkarim). Il lisait un communiqué à la radio Voix du Sahel. Le président nigérien Mamadou Tandja, visé jeudi par un coup d’Etat qui a fait plusieurs morts et blessés, a été « emmené » par des militaires qui ont ouvert le feu sur le palais présidentiel à Niamey, ont annoncé plus tôt à l’AFP deux ministres nigériens, eux-mêmes arrêtés.

Le Conseil demande à « la population de garder son calme et de rester unie autour des idéaux qui animent le CSRD et qui pourront faire du Niger un exemple de démocratie et de bonne gouvernance à l’instar des autres Etats épris de paix et de stabilité », a poursuivi le porte-parole à la radio. La Constitution que le CSDR affirme suspendre est celle adoptée en août dernier à l’issue d’un référendum très contesté qui a accordé une prolongation d’au moins trois ans du mandat du président Tandja, après deux quinquennats à la tête du pays sahélien.

La précédente Constitution, qui limitait à deux le nombre des mandats présidentiels consécutifs, prévoyait qu’il quitte le pouvoir le 22 décembre dernier. Pour arriver à ses fins, M. Tandja avait dissous le parlement et la Cour constitutionnelle qui s’étaient opposés à son projet de référendum sur une nouvelle Constitution. « C’est une situation difficile. Le président Tandja a essayé de rallonger son mandat », a réagi jeudi le porte-parole du département d’Etat américain Philip Crowley, en affirmant que les Etats-Unis avaient exprimé des « inquiétudes » à ce propos. « Et il est évident que cela a très bien pu précipiter ce qui s’est passé aujourd’hui », a estimé le porte-parole. M. Crowley a toutefois précisé que les Etats-Unis ne défendaient « en aucune façon » la violence qui s’est exercée contre le pouvoir. « Mais cela souligne le fait que le Niger doit organiser des élections et former un nouveau gouvernement », a indiqué le porte-parole qui a précisé que Washington disposait encore de peu d’informations sur la situation sur place.

AFP

Un coup d’Etat prévisible

nigerDepuis trois mois, bon nombre de Nigériens prévoyaient une réaction de l’armée. La date du 22 décembre dernier a marqué l’expiration du deuxième mandat de Mamadou Tandja qui, pour se maintenir au pouvoir au-delà de cette date, avait dissous le Parlement et fait adopter par référendum une nouvelle Constitution. D’autres facteurs ont aussi compté dans la décision de renverser Mamadou Tandja.

L’armée a visiblement voulu donner une dernière chance à la négociation menée par la CEDEAO. Mais, mardi 16 février, le sommet des chefs d’Etats de l’organisation sous-régionale n’a pu faire qu’un constat d’échec. Les cartes du dialogue épuisées, les militaires ont renversé 48 heures après ce sommet le président Tandja. Plusieurs facteurs les y ont incités. Après la rupture du dialogue avec l’opposition, les militaires ont probablement craint un durcissement du régime Tandja avec à la clef la mise à l’écart au sein de l’armée d’éléments jugés suspects. Les putschistes ont peut-être également décidé d’agir rapidement pour ne pas être pris de vitesse par un autre groupe : des officiers supérieurs, par exemple, qui auraient pu faire le coup avant eux.

Selon une source bien informée de la région, au sein des forces armées nigériennes un ou deux autres groupes de militaires se préparaient aussi. Ceux qui ont pris le pouvoir sont pour la plupart issus de la jeune génération et font partie des cadres intermédiaires qui seraient, selon un diplomate de Niamey, moins compromis avec le régime Tandja et moins corrompus. La junte, qui a dû prendre quelques assurances chez les voisins, ne peut pas échapper aux condamnations formelles. Mais l’éviction de Mamadou Tandja est sans aucun doute perçue comme un soulagement, en tout cas comme une potentielle solution pour ramener le Niger sur les rails de la démocratie, à condition bien sûr que les putschistes jouent le jeu.

RFI

Voir aussi :  Rubrique Politique étrangère Sarkozy en tournée dans la région des grands lacs, La guerre oubliée de l’Uranium,

Côte d’Ivoire : le président Gbagbo suspend le processus électoral

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Le président ivoirien Laurent Gbagbo Photo Issouf Sanogo

Les incertitudes qui planaient sur l’organisation de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, au mois de mars, viennent d’être levées d’une façon spectaculaire par le président Laurent Gbagbo. En annonçant, vendredi 12 février, la dissolution du gouvernement ainsi que celle de la commission électorale indépendante (CEI), le chef de l’Etat renvoie en effet le scrutin, sans cesse reporté depuis 2005, à une date indéterminée et risque de plonger le pays dans une nouvelle crise.Officiellement, M. Gbagbo a pris cette décision « afin de lever toute hypothèque sur le processus de paix et permettre à la Côte d’Ivoire d’aller en toute confiance à des élections propres », a-t-il annoncé dans une allocution télévisée. Il a demandé à Guillaume Soro, premier ministre sortant, de former lundi une nouvelle équipe. Un dirigeant du parti présidentiel, le Front populaire ivoirien (FPI), nous a précisé que M. Soro « a accepté de constituer un nouveau gouvernement dont seront exclus les ministres des deux principaux partis d’opposition ». Il s’agit du Rassemblement des républicains (RDR), d’Alassane Dramane Ouattara (68 ans), et du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), dirigé par Aimé Henri Konan Bédié (76 ans).

Guillaume Soro (38 ans), l’ancien chef de la rébellion des Forces nouvelles qui tenta de chasser Laurent Gbagbo (65 ans) du pouvoir par la force en 2002, dirigeait, jusqu’à vendredi, un gouvernement « d’union nationale » (pro-Gbagbo, ex-rébellion, opposition) en vertu de l’accord politique d’Ouagadougou en 2007. Depuis, les deux anciens adversaires semblent partager le même objectif : retarder les élections. Le chef de l’Etat, élu en 2000 pour un mandat qui n’aurait dû durer que cinq ans, s’accroche à un pouvoir que les urnes pourraient lui contester. Quant au premier ministre, le temps gagné lui permet d’épaissir sa stature politique en comptant sur l’épuisement de la vieille garde des partis historiques.

Enième report

On pressentait ce énième report du scrutin présidentiel depuis le début de l’année. Une polémique avait alors éclaté avec les accusations de « fraudes » lancées par le camp présidentiel contre le chef de la commission électorale, Robert Meugré Mambé, membre de l’opposition. Il était soupçonné d’avoir voulu inclure illégalement quelque 430 000 électeurs supposés proches de l’opposition sur les listes électorales. Ce dont il s’est toujours défendu. Le processus électoral, l’un des plus chers au monde, financé par la communauté internationale, s’était alors grippé. Quelle sera la réaction d’une opposition qui, depuis des années, demande vainement l’organisation d’élections libres et transparentes ? Osera-t-elle lancer ses militants dans les rues ? Chacun a encore en mémoire les manifestations de 2004, noyées dans le sang par les forces de l’ordre et les milices du pouvoir.

Christophe Châtelot (Le Monde)
Voir aussi : Rubrique France diplomatie L’élection doit absolument avoir lieu, Rubrique Afrique Un rapport sur les   manifestations de 2004,  Rencontre L’Afrique doit prospérer Rubrique Affaires, La Françafrique se porte bien, Simone Gbagbo entendue par les juges,