Quel féminisme en 2011 ?

Conférence ; Le Monde et la Fnac décodent les grands sujets de société. Quelle forme doit prendre la revendication de l’émancipation des femmes ?

Mercredi à 17h30, le Mouvement de libération des femmes sera au cœur du grand débat de la Fnac avec la participation d’Isabelle Alonso, de Françoise Picq et de Juliette Joste. Trois auteures de génération différentes sont invitées à confronter leur point de vue autour de la question : « Quelle forme doit prendre la revendication de l’émancipation des femmes ? » Dans leur ouvrages*, elles portent des observations différentes sur l’évolution d’un mouvement et d’une volonté qui permet d’appréhender notre société dans son ensemble. Evoquer les luttes pour l’égalité et la pleine reconnaissance des femmes sur plusieurs décennies, c’est aborder les obstacles, les espoirs et les désirs d’hier pour les remettre dans une perspective contemporaine. Cette question éclaire notre contexte socio-économique dans lequel les femmes demeurent plus exposées à la précarité. Elle se pose aussi comme un enjeu d’actualité politique. Même si l’autonomie politique du Mouvement des femmes, revendiqué dans les années 70, semble aujourd’hui hors de portée. « Le MLF insistait sur la communauté de situation entre toute division entre le petit noyau initial qui engageait la lutte et celles au nom desquelles elle était menée » rappelle la chercheuse en science politique Françoise Picq. La forme nouvelle de l’émancipation pourrait bien tourner autour d’une refonte de l’identité collective. Reste à dépasser le féminisme historique et à en assumer un digne héritage.

Jan-Marie Dinh

* Isabelle Alonso, Maman ed Héloïse d’Ormesson. Françoise Picq Libération des femmes quarante ans de mouvement, ed Dialogue, Juliette Joste, Merci les filles, ed, Hors collection.

Voir aussi : Rubrique Droits des femmes, Rubrique Cinéma, We want sex equality,

La Zat sur les rails de l’innovation urbaine

Zone Artistique. La seconde édition du rendez-vous artistique se tiendra au parc Méric du 23 au 25 avril. Elle suscite une urbanité mixte dans la composition des publics et des expériences.

La ZAT, Zone Artistique Temporaire, dont la première édition s’est déroulée en novembre dernier, se déplace pour sa seconde édition dans le parc de Méric du 23 au 25 avril prochains. Manifestation culturelle innovante dans son concept, la ZAT s’articule dans le temps et dans l’espace urbain au fil des saisons et du tracé du tram pour proposer aux artistes et aux habitants de mettre la culture en partage dans l’espace public.

Politique culturelle

L’ambitieuse opération a pris le relais de Quartiers libres avec succès dans le quartier Antigone en 2010. La ville de Montpellier abonde financièrement pour conserver la culture au rang des priorités et assurer la gratuité de tous les spectacles (1). Sur trois jours le budget de l’événement printanier s’élève à 180 000 euros. L’adjoint à la culture Michaël Delafosse, qui porte  la manifestation avec la conviction qu’on lui connaît, projette déjà cette forme particulière de l’exploration urbaine à l’horizon lointain de 2020 en adéquation avec la  ligne 5 du tramway. Il recueillait hier, lors de la présentation de la 2ème Zat le soutien entier d’Hélène Mandroux par la voix de son premier adjoint Serge Fleurence : « La ville de Montpellier a toujours considéré  la culture comme un facteur prédominant du développement. Un sondage récent place la culture comme un élément d’attractivité déterminant de la ville. Nous ne comptons pas nous endormir sur nos lauriers, raison pour laquelle nous continuons à innover. »

Relation environnementale

La célébration du printemps prévue lors du week-end de Pâques prendra une orientation bien différente que l’embrasement hivernal du quartier Antigone. Le choix du Parc du domaine de Méric, superbe propriété ayant appartenu à la famille du peintre Frédéric Bazille, offre l’occasion aux Montpelliérains  d’envisager une relation avec la nature tout en demeurant dans leur cité : « une occasion de montrer que la ville de Montpellier agit sur les enjeux de l’environnement », glisse Michaël Delafosse. Durant la manifestation, la circulation sera limitée aux riverains. Une mesure très incitative à s’y rendre en tramway (2). Pour les personnes qui le souhaitent, un petit train-navette parcourra les 600 mètres de la rue Ferran jusqu’à l’entrée du parc.

Offre esthétique

Au-delà du marketing politique, sous la houlette de Pascal Le Brun-Cordier, un conseil artistique diversifié, composé d’acteurs culturels issus d’univers différents a travaillé sur une programmation conceptuelle forte dont les artistes se sont saisis pour mettre l’espace du domaine de Méric en récits. Attaché à la notion de désir des publics, le plan de médiation culturelle propose une ligne artistique subtile. Démarche approfondie que l’on perçoit dans le choix des artistes contemporains et accessibles, des formats, plutôt court, et des modalités d’interventions spécifiques. Un ensemble cohérent qui participe à une offre esthétique pertinente.

Propositions artistiques

Les vergers et l’écrin de verdure offerts par le domaine de Méric seront soumis durant trois jours à une tentative de greffes poétiques. On pourra y flâner du lever du soleil à son coucher. Dès 6h49, un petit déjeuner au soleil permettra d’observer les cocons du chorégraphe Patrice Barthès ou d’entendre au coucher Jean Boucault et Johnny Rasse dialoguer avec les oiseaux qui, paraît-il, ont ici l’accent du Sud. Plusieurs itinéraires sont proposés pour (re)découvrir notre rapport au monde et certaines vérités au contact de la nature. Avec Fugue / trampoline, la Cie Yoann Bourgeois interrogera le point de suspension, moment fugitif  dans les airs. Le fougueux musicien Dimoné nous invitera à l’écoute du silence. Jordi Cardoner et la compagnie BAO raconteront les histoires du fleuve dont celle du Loch Lez. L’espace réel croisera l’espace virtuel dans un dialogue en temps réel avec les citoyens tunisiens. Rien ni personne pour nous obliger à marcher au pas. L’expérience sensorielle pourra se vivre dans les chaises longues disposées dans le verger des arbres rares où l’on écoutera contes et poésies en se faisant masser. Au total c’est une centaine de propositions plus surprenantes les unes que les autres, qui s’enchaîneront dans la douceur et le dialogue des arts pour satisfaire et éprouver notre envie de différence.

Jean-Marie Dinh

(1) Pour un certain nombre de propositions la réservation est obligatoire voir la programmation sur le site zat.montpellier.fr
(2)Ligne 2 – arrêt Saint-Lazare.

Du lard ou du bourgeois

L’immoralité pleine et entière de la non-pensée

Lydie Parisse adapte au théâtre l’Exégèse des lieux communs du sulfureux Léon Bloy. Un pavé dans le bain douillet de la bêtise bourgeoise. Le texte, écrit à la fin du XIXe, décrypte l’immoralité pleine et entière de la non-pensée qui tient lieu de repère au monde de son époque. Le texte qui commente les expressions toutes faites les déshabille de leur innocente vertu. Un siècle après sa première publication, il offre aux spectateurs la démonstration de leurs efficiences dans le temps. On prend plaisir aux jeux de la langue qui offre une vision inversée des choses. Chez Bloy le sérieux côtoie le rire. Pauvre, marqué par la perte de deux enfants en bas âge liée à des conditions de vie insalubres, ce grand pamphlétaire a dédié son œuvre à la notion de perte. Comble de la provocation, il revendique la pauvreté comme un but à atteindre. On comprend que son ironie réaliste et subversive ait séduit les Dadas et outré la conscience des milieux catholiques, d’autant plus que Bloy se revendiquait chrétien. La pièce interprétée par Dominique Ratonnat et Yves Gourmelon tourne autour de trois figures : celles du bourgeois, « inculte primaire bouffi de sa propre importance et de son matérialisme ranci », celle de l’argent qui incarne une valeur cardinale sans avoir de valeur, et celle du pauvre.  Attention, nous dit Bloy, « si vous donnez de mauvais cœur un sou à un pauvre, votre acte, projeté dans l’infini, risque de compromettre l’équilibre du monde. » Dans sa forme, le texte est écrit comme une parole adressée. La mise en scène s’appuie sur une interactivité avec le public qui participe au jeu jubilatoire des questions réponses. Lydie Parisse se saisit de L’Exégèse pour en faire une savoureuse matière à savoir, mais pourra-t-on comme le croyait sincèrement Bloy ramener le bourgeois dans le droit chemin ? La bêtise est une étape, pensait-il…

Jean-Marie Dinh

Après nous le déluge ! Jusqu’au 23 avril  Théâtre Pierre Tabard Rens : 06 62 79 81 25

Voir aussi : Rubrique Théâtre, Puissance ubiquité de la création féminine, rubrique Cinéma, Le modernisme de Marco le subversif,

Francesc Trabal : Romantique surréaliste

Rencontre Sauramps. « L’homme qui s’est perdu » de Francesc Trabal, le 28 avril à l’auditorium Musée Fabre.

Francesc Trabal (1899-1957), journaliste catalan républicain, exilé à l’issue de la guerre civile en France puis au Chili, nous ouvre les portes du surréel dans son roman L’homme qui s’est perdu. L’ouvrage vient de paraître dans la collection tinta blava créée par Llibert Tarrago qui a rejoint les éditions Autrement. Il est traduit de sobre et belle façon par la journaliste montpelliéraine Marie-José Castaing. Cette ahurissante histoire narre l’ascension fulgurante de l’entreprise de Lluis Frederic Picàbia. Elle entraîne le lecteur dans un jeu vertigineux. Il importe, pour compréhension des règles, d’enjamber les frontières de la raison, ce qui place résolument l’auteur catalan dans l’espace de la littérature vivante. La vie du jeune bourgeois barcelonais Lluis Frederic, bascule le jour ou sa fiancée le quitte. Accablé, le jeune homme décide de faire de la perte son mode de vie. Ce véritable défi prend forme sur le mode binaire de choses à perdre et à retrouver. Les objets où les choses perdues par Lluis Frederic sont variables et ses expériences toujours plus extravagantes. L’essence de la pensée surréaliste plane dans ce roman qui nous conduit aux quatre coins de la planète en bousculant les puissants codes de la propriété et de l’esthétique bourgeoise. Mu par une irruption émotive, le personnage principal jouit d’une capacité d’adaptation étonnante qu’il met à profit dans des projets toujours plus imprévisibles. Devenu un grand professionnel désintéressé Lluis Frederic va tenter le top, et il va l’atteindre, sauf imprévu…

Jean-Marie Dinh

L’homme qui s’est perdu. Editions Autrement, 15 euros.

Voir aussi : Rubrique Livre

Jean Varela “ Rassembler autour d’un projet artistique ”

 

Le nouveau directeur évoque les conditions de sa nomination à la tête du festival du Printemps des comédiens et le projet artistique de la 25e édition du 1er juin au 1er juillet.

A 44 ans, le comédien issu du conservatoire de Montpellier et créateur de SortieOuest, Jean Varela est le nouveau directeur du Printemps des Comédiens. Retour sur les conditions de sa nomination après le départ précipité de son fondateur Daniel Bedos. Et levée de rideau sur les enjeux futurs de la manifestation qui se tiendra du 1er juin au 1er juillet prochain à Montpellier.

Peut-on revenir sur la feuille de route que vous a confié le Conseil général en vous nommant à la direction du Printemps après le départ précipité de Daniel Bedos ?

« J’ai été sollicité en septembre par la voie de Jacques Atlan en accord avec Jean-Claude Carrière qui préside l’association pour assurer l’édition 2011. Je suis le directeur de sortieOuest créée pour rééquilibrer l’offre culturelle  en faveur de l’Ouest du département donc j’étais déjà un bras séculier de l’action culturelle du Conseil général.

Vous avez demandé un court délais de réflexion que vous est-il passé par la tête à ce moment ?

Quand on vous fait ce type de proposition c’est très angoissant. Que faire ? Comment faire ? On se dit j’y vais, j’y vais pas…  Et en même temps cela fait plaisir, je l’ai vécu comme une reconnaissance de mon travail à SortieOuest, mission que je souhaitais poursuivre.

Avez-vous négocié ?

Il n’était pas question de négocier, vu que le Conseil-général m’a tendu la main le jour où je me suis fait licencier par le Maire de Sérignan alors que je venais lui présenter ma saison. Cela fait partie de notre profession de prendre des engagements et de relever des défis. Il fallait essayer de maintenir la manifestation dans un temps difficile avec les incertitudes liées à la réforme des collectivités territoriales tout en bénéficiant d’un soutien politique. J’ai accepté cette mission qui prend fin au 1er juillet prochain.

Entreteniez-vous des relations avec le fondateur du Printemps des comédiens ?

C’est un ami. Je ne pensais pas que Daniel quitte le navire si vite. Je sortais du Conservatoire de Montpellier quand il a créé le Printemps des Comédiens il y a plus de 25 ans. Avec Daniel Bedos, on partage la même géographie héraultaise, autour de Pézenas notamment, la ville de Molière.

Le Conseil général semble manifester la volonté de poursuivre le festival. Ce qui laisse présager que votre contrat pourrait être reconduit. Comment trouver un nouveau souffle après 25 ans d’existence ?

Je suis entré dans mes nouvelles fonctions en novembre dernier. On apprend à marcher en marchant. La réponse à cette question ne se trouve pas dans l’édition 2011. En arrivant à Montpellier j’ai trouvé une équipe enthousiaste et ouverte sur l’avenir sans idée préconçue.

Les préoccupations politiques que vous avez évoquées se traduisent-elles par une baisse du budget* en 2011 ?

L’Etat nous a annoncé via la DRAC un retrait de l’ordre de 60 000 euros. Pour le reste on est à peu près sur la même base que l’année précédente.

Vous qui êtes artiste comment concevez-vous le rôle d’un programmateur culturel ?

Il faut rassembler le public autour d’un projet artistique, faire une proposition de programmation et tenter d’en donner les clés. Pour l’édition 2011 du Printemps des Comédiens, j’ai prévu entre 15 et 20 présentations du programme dans le département. Je vais aller à la rencontre du public. J’essaie de défendre le service public en créant du lien. La façon dont on conçoit les saisons fait évoluer le public. Le public actuel de SortieOuest n’est pas le même que celui de la Cigalière en 2003. Nous avons grandi ensemble. Une confiance commence à naître entre la direction artistique et le public. Les gens viennent voir un spectacle qu’ils ne connaissent pas. Ils se déplacent parce qu’ils savent qu’ils peuvent y trouver quelque chose. Cela implique un travail sur la durée qui peut s’évaporer très vite. C’est pour cela qu’il faut sauver les institutions.

Comment avez-vous abordé la programmation du 25e Printemps des Comédiens ?

Ce n’est pas la même chose qu’à SortieOuest. Là-bas nous avons creusé un sillon pied à pied, ici le bateau est en marche et cette édition présente un enjeu particulier. Par ailleurs beaucoup de choses diffèrent : la géographie, l’offre culturelle, la population… L’objectif n’est pas de transformer mais de mener le festival à bon port.

L’identité forte de la manifestation est en partie liée à la composition de son public et notamment à la déambulation que Daniel Bedos avait mis au cœur de la programmation et qui représentait 30% des entrées. Comment prenez-vous cette problématique en charge ?

En effet, il a fallu répondre à ce questionnement du 18h/20h et des cultures du monde autour duquel était construit le festival. Après un temps de réflexion, il nous a semblé que le moment était venu de passer à autre chose. Je ne suis pas Daniel Bedos. Le nouveau projet artistique souhaite redonner au théâtre une place importante. Est-ce qu’un festival de théâtre peut trouver sa place ? Nous pensons qu’une exigence artistique  plurielle et populaire, peut ouvrir de nouvelles perspectives.

Quelles seront les grandes lignes de la programmation 2011 ?

La programmation qui a été conçue dans l’urgence fera place à des metteurs en scène qui jalonnent notre histoire de spectateurs. Georges Lavaudant qui vient présenter sa Tempête, un hommage à deux pièces de Shakespeare, Peter Brook, pour une libre adaptation de La Flûte enchantée. Il y aura aussi des  personnalités plus jeunes comme Dorian Rossel, ou Dag  Jeanneret. Richard Mitou monte Les règles du savoir vivre de Lagarce en déambulation festive. On pourra assister à des spectacles où le théâtre croise d’autres disciplines artistiques, la musique, le cirque… Un travail sur la figure du clown avec le retour de Pierre Etaix, le grand clown russe Slava Polinin et Pierre Rigal qui développe des images drôles sur le rapport du musicien et de son instrument. Cette édition propose un large éventail du théâtre d’aujourd’hui. Le festival est dédié à Gabriel Monnet qui représente les grand idéaux de la décentralisation du théâtre public. »

Recueilli par Jean-Marie Dinh

* Le budget du Printemps 2010 était de l’ordre de 2,2 M d’euros.

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Festival, Printemps des Comédiens 2010 une Orageuse réussite , Connaisseur en la chose, Rubrique Politique culturelle, Politique cuturelle 34, Crise : l’effet domino,