Lydie Parisse adapte au théâtre l’Exégèse des lieux communs du sulfureux Léon Bloy. Un pavé dans le bain douillet de la bêtise bourgeoise. Le texte, écrit à la fin du XIXe, décrypte l’immoralité pleine et entière de la non-pensée qui tient lieu de repère au monde de son époque. Le texte qui commente les expressions toutes faites les déshabille de leur innocente vertu. Un siècle après sa première publication, il offre aux spectateurs la démonstration de leurs efficiences dans le temps. On prend plaisir aux jeux de la langue qui offre une vision inversée des choses. Chez Bloy le sérieux côtoie le rire. Pauvre, marqué par la perte de deux enfants en bas âge liée à des conditions de vie insalubres, ce grand pamphlétaire a dédié son œuvre à la notion de perte. Comble de la provocation, il revendique la pauvreté comme un but à atteindre. On comprend que son ironie réaliste et subversive ait séduit les Dadas et outré la conscience des milieux catholiques, d’autant plus que Bloy se revendiquait chrétien. La pièce interprétée par Dominique Ratonnat et Yves Gourmelon tourne autour de trois figures : celles du bourgeois, « inculte primaire bouffi de sa propre importance et de son matérialisme ranci », celle de l’argent qui incarne une valeur cardinale sans avoir de valeur, et celle du pauvre. Attention, nous dit Bloy, « si vous donnez de mauvais cœur un sou à un pauvre, votre acte, projeté dans l’infini, risque de compromettre l’équilibre du monde. » Dans sa forme, le texte est écrit comme une parole adressée. La mise en scène s’appuie sur une interactivité avec le public qui participe au jeu jubilatoire des questions réponses. Lydie Parisse se saisit de L’Exégèse pour en faire une savoureuse matière à savoir, mais pourra-t-on comme le croyait sincèrement Bloy ramener le bourgeois dans le droit chemin ? La bêtise est une étape, pensait-il…
Jean-Marie Dinh
Après nous le déluge ! Jusqu’au 23 avril Théâtre Pierre Tabard Rens : 06 62 79 81 25