Retraites: Bruxelles pousse la France à faire des milliards d’euros d’économies

Le siège de la Commission européenne à Bruxelles. AFP Emmanuel Durand

Le siège de la Commission européenne à Bruxelles. AFP Emmanuel Durand

EXCLUSIF La Commission européenne s’appuie sur une étude du think tank libéral Ifrap pour inciter la France à réduire ses dépenses de retraite. Plus de 5 milliards d’euros pourraient être dégagés sur les régimes des fonctionnaires en 2022.

Et si Emmanuel Macron profitait de la grande réforme des retraites à points de 2019 pour revoir à la baisse les dépenses de pension ? C’est en tout cas ce que lui suggère la Commission européenne. La France doit « uniformiser progressivement les règles des différents régimes de retraite pour renforcer l’équité et la soutenabilité de ces régimes », écrit-elle dans une récente « Recommandation » qui doit être validée le 22 juin par les ministres des Finances européens réunis à Luxembourg.

« Si les réformes des retraites déjà adoptées devraient réduire le ratio des dépenses publiques de retraite à long terme, relève-t-elle, un système de retraites plus simple et plus efficient générerait des économies plus importantes et contribuerait à atténuer les risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques à moyen terme. »

Pour appuyer sa requête, la Commission européenne cite une « étude récente » qui estime qu’un alignement des régimes de retraite des fonctionnaires sur ceux du privé « réduirait de plus de 5 milliards d’euros les dépenses publiques à l’horizon 2022 ». Une mention qui a surpris nombre de spécialistes des retraites à Matignon et Bercy. « J’ai cherché mais je ne vois absolument pas de quelle étude il s’agit, confie un haut fonctionnaire. Il est d’ailleurs étonnant que Bruxelles ne cite pas sa source. » En 2015, les statisticiens du Conseil d’orientation des retraites avaient conclu, eux, que « les règles du privé s’avéreraient plus avantageuses que celles du public pour un peu plus de la moitié des fonctionnaires nés en 1958 et moins avantageuses pour l’autre moitié ».

Laurent Fargues

Source : Challenges 20/06/2018

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Destruction de la nature : un crime contre l’humanité

eunes hirondelles de fenêtre au nid. Depuis 2008-2009, les déclin des oiseaux des champs est de plus en plus marqué. Cela correspond à la flambée des cours du blé et à la généralisation des insecticides neurotoxiques très persistants. Photo Christian Décout. Biosphoto

eunes hirondelles de fenêtre au nid. Depuis 2008-2009, les déclin des oiseaux des champs est de plus en plus marqué. Cela correspond à la flambée des cours du blé et à la généralisation des insecticides neurotoxiques très persistants. Photo Christian Décout. Biosphoto

 

C’est la première fois. La première fois depuis quinze ans pour l’un, quarante ans pour l’autre, que nous travaillons dans la protection de l’environnement, que nous entendons cela. Dans notre réseau professionnel et amical, des directeurs de grandes associations naturalistes, des responsables de réserves naturelles nationales, des naturalistes de terrain sont de plus en plus nombreux à le dire, en «off» : «C’est fichu !» Ils n’y croient plus. Pour eux, les politiciens, les industriels mais aussi le grand public, personne ne comprend la catastrophe environnementale qui s’est enclenchée.

Ils continuent la lutte car il faut bien le faire, mais au fond, ils pensent que l’homme ne pourra pas faire machine arrière, c’est terminé. Nous courons à notre perte.

Quand on a, comme nous, consacré sa vie à la protection de l’environnement, de tels discours font froid dans le dos. Jusqu’ici, nous autres naturalistes, pensions que nous arriverions un jour à faire bouger les choses, à faire prendre conscience à l’humanité de son autodestruction. Mais si même nous n’y croyons plus, qui y croira ?

Ce printemps est un printemps vide. Les hirondelles, il y a encore quelques années très communes dans les villages, sont en train de disparaître à grande vitesse. On savait qu’on risquait de perdre un jour les éléphants. Que les guépards suivaient la même piste. Mais personne n’aurait imaginé que nous perdrions aussi les hirondelles, en même temps que les abeilles. Est-ce vraiment cela dont nous voulons ? Un monde sans éléphants, sans hirondelles ? Sans abeilles ? Aujourd’hui, plus de 12 000 espèces sont menacées d’extinction (et sans doute bien plus, certaines étant encore inconnues de la science). Depuis combien de temps n’avez-vous pas vu un hérisson autrement que sous forme de cadavre en bordure de route ? Depuis combien de temps n’avez-vous pas vu un hanneton butiner la haie fleurie au fond du jardin ? Ces animaux étaient communs, il y a encore peu de temps. Et plus besoin de nettoyer la calandre de la voiture après un long voyage. Il n’y a quasiment plus d’insectes écrasés dessus…

Les apiculteurs constatent un effondrement sans précédent au niveau des abeilles et des insectes pollinisateurs en général, avec toutes les questions agricoles et environnementales que cela pose. Comment allons-nous continuer à produire des fruits et des légumes sans insectes pollinisateurs ?

Dans le milieu des agriculteurs sensibles à l’environnement, une autre inquiétude est bien présente, depuis quelques années maintenant : les risques de grandes famines à venir, dues à l’agriculture industrielle, à la surexploitation des sols, à l’érosion et à la diminution des terres agricoles.

Contrairement à certains de nos amis naturalistes et scientifiques, nous espérons qu’il est encore possible pour l’homme de réagir, de se sauver, et donc de sauver ses enfants. Mais seulement si nous réagissons maintenant. Chaque jour, chaque heure compte désormais dans le compte à rebours.

Certains journalistes ont une grande part de responsabilité dans ce qui est en train de se passer, eux, qui sont censés donner l’alerte, eux, qui sont au courant des chiffres terrifiants de la situation écologique. Eux qui, lors des interviews des hommes politiques, ne posent presque jamais de questions sur l’environnement. Eux qui préfèrent consacrer des journaux entiers à des faits divers et autres informations malheureusement tellement dérisoires au regard de ce qui est en train de se jouer pour l’humanité.

Nous continuons de nous regarder le nombril, pendant que tout s’effondre autour de nous.

A chaque fois qu’un naturaliste essaie d’alerter l’opinion publique, on lui retourne qu’il est «moralisateur» ou «culpabilisant». Dirait-on à un assistant social qui explique à des parents mettant en danger leurs enfants l’urgence de changer de comportement qu’il est «moralisateur» ? Qu’il est «culpabilisant» ? Alors pourquoi, sur l’environnement, avons-nous le droit de mettre en danger l’avenir des enfants ? Pourquoi avons-nous le droit de leur donner à manger des aliments gorgés de pesticides ? De respirer un air pollué ?

Il est possible de retourner la situation, si ceux qui nous gouvernent et si les journalistes, qui doivent alerter l’opinion, prennent leurs responsabilités. Aujourd’hui, les politiques accouchent de «COP 21» médiatiquement parfaites mais dont les objectifs (inatteignables) font grimacer la communauté scientifique tant ils sont désormais irréalistes et non soutenus par des actions concrètes. C’est à nous citoyens qu’il appartient de montrer le chemin, en faisant pression pour que l’environnement devienne une priorité absolue.

On rétorque depuis des années aux scientifiques et aux naturalistes qu’ils sont «anxiogènes». Mais ce n’est pas d’alerter, ce n’est pas de parler du problème qui est anxiogène. C’est de laisser faire les choses sans réagir, alors qu’on a encore quelques moyens d’agir. Ce qui est anxiogène, ce sont les résultats d’études scientifiques qui s’accumulent depuis des décennies et qui vont aujourd’hui tous dans le même sens de l’accélération et de l’irréversibilité.

Nous devons urgemment apprendre à vivre avec mesure. Avant de se demander quelle énergie utiliser, il faut faire des économies d’énergie. Nous sommes dans une surconsommation énergétique, à l’échelle de la société comme à l’échelle individuelle. Cela pourrait être changé.

Nous devons aussi nous remettre à réfléchir à un thème banal dans les années 80 et devenu au fil du temps complètement tabou : la surpopulation. La société française reste profondément nataliste, tout comme le reste de la planète. Nous serons bientôt 8 milliards d’êtres humains sur Terre, engloutissant toutes les ressources.

Pourquoi faire autant d’enfants si c’est pour leur laisser une planète ravagée et l’impossibilité d’avoir une vie correcte ? A l’heure des enfants rois, nous leur faisons le pire des cadeaux : un environnement dévasté, une planète à bout de souffle.

Ne pourrions-nous pas faire preuve d’intelligence, nous, qui nous sommes hissés de facto au sommet de la pyramide du vivant ? Faire de deux domaines porteurs et concrets, l’alimentation bio et l’écoconstruction, des urgences prioritaires. Arrêter la course à la surconsommation. Réfléchir à notre façon de nous déplacer. Adhérer aux associations de protection de la nature. Ces dernières sont toutes extrêmement fragiles. Elles œuvrent à protéger l’humanité, mais leurs (maigres) subventions sont en permanence réduites, quand elles ne sont pas coupées. Cela demande un courage réel que de non plus changer de logiciel de vie, mais plutôt le disque dur de nos existences.

Nous appelons le gouvernement à écouter désormais Nicolas Hulot et à lui laisser la place et la marge de manœuvre promises. Nous sommes au-delà de l’urgence. Ceux qui auront contribué à la destruction de la nature, et donc des hommes, seront accusés, et peut-être même qui sait un jour jugés, pour «crime contre l’humanité». Car plus que la planète encore, c’est l’homme qui est aujourd’hui en danger.

Elise Rousseau écrivaine naturaliste , Philippe J. Dubois écologue

Source Libération 09/06/2018

Philippe J. Dubois est l’auteur de : Syndrome de la grenouille et de la Grande Amnésie écologique. Elise Rousseau est l’auteure de :  Mais pourquoi j’ai acheté tout ça ?! Stop à la surconsommation.

 

L’attaque faite aux lycées professionnels

blanquer-hacheLe 28 mai dernier, Jean-Michel Blanquer annonçait les grandes lignes de sa « réforme » de l’enseignement professionnel. Derrière la poudre aux yeux des « Harvard du professionnel », c’est un plan social sans précédent qui s’annonce ainsi qu’une dégradation des enseignements. Un bras de fer doit s’engager. Son issue dépendra de la détermination des personnels et de leurs syndicats.

Dès la première page du dossier de presse ministériel sur la réforme du lycée professionnel, on ne peut que soupirer d’agacement : « Former les talents aux métiers de demain ». Derrière la novlangue macronienne, on décèle l’essentiel : une vision élitiste basée sur « l’excellence » qui fait bien peu de cas de la lutte à mener contre les inégalités bien réelles d’aujourd’hui, à l’école comme au travail.

Source Blog Médiapart 14/06/2018

Depuis plusieurs années, les personnels des lycées professionnels se demandaient quand ils et elles subiraient à leur tour une « grande réforme », qui s’inscrirait dans les dogmes libéraux et les politiques d’austérité. C’est chose faite. Et le ministre n’y va pas avec le dos de la cuiller. « Cuiller » n’est d’ailleurs pas le bon mot. « Hache » ou « tronçonneuse » conviendraient davantage.

 

Enlever beaucoup à celles et ceux qui ont peu

C’est d’abord par la suppression massive d’heures de cours que se distingue cette prétendue réforme. Les premières annonces donnent le vertige : près de 400 à 300 heures en moins en Bac Pro selon les grilles, 200 heures en moins en CAP ! Pour l’essentiel ces heures de cours supprimées se concentreraient sur l’enseignement général en ciblant plus particulièrement le Français, l’Histoire-Géographie, les Mathématiques et Sciences… mais presque aucune matière n’est épargnée. Faut-il comprendre que les élèves de lycée professionnel en auraient moins besoin ?

La mise en place d’une seconde professionnelle « de détermination » (autour de quinze familles de métiers tout de même) avant une première et une terminale plus « spécialisées » pourrait apparaître comme une manière d’éviter le choix « par défaut » de la filière pro par de trop nombreux élèves… mais c’est faire fi des parcours en amont – de l’école primaire au collège – qui font que ce sont bel et bien les filles et les fils des classes populaires qui se retrouvent en lycée professionnel. Ne nous leurrons pas : toute l’architecture de l’école élitiste et républicaine repose sur le tri social.

Malgré ça, dès lors qu’il existe un enseignement professionnel spécifique, supprimer des heures aux élèves et leur donner moins de temps pour apprendre le métier auquel le système éducatif les forme, c’est en réalité amputer leurs capacités futures à l’autonomie et a contrario renforcer la disposition à l’exécution en entreprise.

Les quelques « Campus des métiers » promis par Blanquer (2 à 3 par région), pompeusement qualifiés de « Harvard du professionnel », ne feront, quant-à-eux, que renforcer les inégalités : s’il faudra mettre un peu de poudre aux yeux à l’occasion, ce sera au détriment de l’écrasante majorité des lycées professionnels qui n’auront pas bénéficié du précieux label et devront faire avec des moyens réduits, rognés. La suppression de la taxe d’apprentissage prélevée sur les entreprises, qui était une manne pour financer de nombreux projets, ne peut qu’inquiéter d’autant plus. En 2016 c’était 618 millions d’euros qui avaient été récoltés pour les lycées professionnels. Quel argent viendra les remplacer ? Le gouvernement annonce une obscure « contribution additionnelle », mais sans en dévoiler les modalités.

Au bout du bout, la conséquence majeure de tout cela est l’instauration d’un enseignement professionnel à deux vitesses. Il fallait oser.

 

Un plan social à la hache

Toutes ces mesures annoncées poursuivent vraisemblablement un autre but, bien plus trivial et comptable : tailler, couper dans les effectifs de fonctionnaires et assimilé.es (l’enseignement professionnel compte de nombreuses et nombreux contractuel.les). Les calculs des syndicats sont sans appel : avec ces mesures, pas moins de 7000 postes d’enseignant.es sont menacés. C’est « juste » 10 % de la profession ! La filière Gestion-Administration, qui regroupe les anciennes sections Secrétariat et Comptabilité, se taille la part du lion, si l’on ose dire, avec 1500 suppressions de postes promises.

Pour celles et ceux qui continueront à exercer au sein des établissements, la dégradation des conditions de travail et d’enseignement sera au rendez-vous. Non seulement la disparition de personnels qualifiés et adultes ne sera pas sans conséquences sur le climat scolaire. Et avec l’apprentissage désormais obligatoire il faudra de ce fait jongler entre calendrier « continu » et « alterné ». Dans des classes dont les effectifs augmentent, faute de moyens, il faudra qui plus est avoir un programme pour une partie de la classe et un différent pour l’autre partie.

À l’inverse d’une vague d’austérité, c’est un plan d’urgence qu’il faut pour l’enseignement professionnel. Développer les projets artistiques, sportifs ; mieux accueillir les élèves allophones qui composent une partie de notre public ; favoriser le travail en groupe, assurer des temps de concertation pour les équipes pédagogiques ; construire des foyers, des auditoriums ; renforcer les services de vie scolaire qui ont subi une véritable saignée avec des effectifs divisés par deux depuis dix ans… : mais rien de tout cela n’est abordé dans la « réforme » Blanquer !

 

Tout pour l’entreprise

Enfin, il faut faire un sort à l’un des aspects de la réforme : celui qui concerne la place – qui serait désormais accrue – de l’apprentissage dans l’enseignement professionnel. L’apprentissage c’est plus de temps en entreprise, en alternance, que dans la formation continue. Blanquer en veut partout, non seulement dans toutes les filières mais aussi dans toutes les classes. Le « monde merveilleux » de l’entreprise est devenu un véritable mètre-étalon. Tout s’y rapporte. Mais à quel moment prévient-on que l’entreprise c’est aussi le lieu de la confrontation d’intérêts antagoniques entre celles et ceux qui travaillent et celles et ceux qui en profitent ?

Parce que, non, « l’entreprise » ça n’est pas forcément formidable : syndicalistes, nous avons suffisamment d’exemples qui indiquent le contraire.

Pour celles et ceux qui enseignent en lycée professionnel dans une perspective émancipatrice c’est une véritable gageure. Il s’agit en fait de reposer la question du sens du lycée professionnel. Proposer un service public de l’enseignement professionnel, c’est faire le choix de dégager la connaissance et la maîtrise d’un métier des obligations de rentabilité et/ou d’efficacité qui sont celles des entreprises et des services. En lycée professionnel, les élèves ont le droit à l’erreur. Ils et elles peuvent se tromper, recommencer. Ce n’est pas grave, ça n’a pas d’incidence sur la production de biens ou d’activités. C’est une différence fondamentale avec ce que vivent les apprenti.es qui sont confronté.es au « monde de l’entreprise ».

On peut par ailleurs évidemment échanger, réfléchir à propos des métiers, des industries, des finalités et de l’intérêt de la production (écologique notamment), de l’organisation du travail, des constructions sociales et des représentations de genre liées aux activités… Mais ce n’est pas pour ça qu’il faut que ce soit synonyme de consentement à l’exploitation !

En soumettant plus encore le lycée professionnel au rythme et aux règles de l’entreprise, c’est pourtant ce à quoi aboutira la « réforme » Blanquer. On est bien loin du combat contre les discriminations et les déterminismes sociaux.

Car pour cela il faudrait remettre sans doute bien plus radicalement en cause le « système ». S’il a été possible de le faire pour le collège, pourquoi aujourd’hui ne pas poser la question d’un lycée unique, polyvalent ? Après tout, en quoi la filière « générale » mérite-t-elle ce qualificatif ? Voilà qui serait bien plus ambitieux et ferait avancer l’école de l’égalité.

 

Reste la lutte

Quoi qu’il en soit, les personnels, les usagères et les usagers, les élèves… toutes et tous devront faire face dans les mois à venir à cette attaque inédite. Une première intersyndicale s’est tenue le 5 juin, allant du Sgen-CFDT à SUD éducation, en passant par les principaux syndicats de l’enseignement professionnel, le Snetaa-FO, la CGT éduc’action et le Snuep-FSU. Quelques divergences d’appréciations sont encore tangibles. Pour autant, la plupart des organisations estiment nécessaire de construire une riposte au plan Blanquer.

Pour prendre la mesure de l’attaque et répondre en conséquence, il faudra que cela se matérialise dans des heures d’information syndicale unitaires, des tournées communes, et ce à partir de septembre. Mais si l’unité syndicale est une des conditions pour engager le rapport de force, ce n’est pas la seule.

Rien ne sera possible sans les personnels, principalement enseignants. Le long combat que mènent les cheminot.es invite en cela à la réflexion. Si l’on veut que la lutte s’ancre au plus près du terrain, c’est aux salarié.es de maitriser le calendrier, de s’adresser aux usagères et usagers. La question d’une grève reconduite et illimitée, la construction de cadres de mobilisation unitaires – par exemple des assemblées générales de délégué.es des Lycées professionnels dans chaque agglomération – ainsi que leur coordination doivent être discutées dès maintenant, équipe par équipe, bahut par bahut. Parce qu’on ne peut pas se laisser faire.


Le dossier de presse du ministère et quelques analyses syndicales de la « réforme » Blanquer : sur le site du Snuep-FSU, de la CGT éduc’action, de SUD éducation.

Thomas Porcher : « La dette a été inventée pour promouvoir des coupes dans les dépenses sociales »

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En matière économique, il y a des alternatives. C’est un peu son combat et il le défend dans son Traité d’économie hérétique publié chez Fayard. Alors que la dette justifie les nouvelles annonces d’économies du gouvernement et des cessions des parts de l’Etat dans de nombreuses entreprises qui génèrent de juteuses recettes, Thomas Porcher est l’invité de La Midinale.

 

VERBATIM

Sur l’économie et la politique
« L’économie reste un débat et il n’y a pas qu’une seule réponse contrairement à ce que veulent nous faire croire Emmanuel Macron ou Margareth Thatcher quand ils disent qu’il n’y a pas d’alternative. »
« L’économie est une science humaine donc c’est avant tout politique. »
« Depuis ces trente dernières années, dû à la crise pétrolière qui a ralenti le modèle d’après guerre, il y a des forces financières et des économistes qui ont fait que le modèle (libéral) a gagné. »
« Malgré le crise de 2008, celle du capitalisme libéral, on est allé encore plus loin dans la logique libérale. »
« Les 1% ou les 10% les plus riches ont cette capacité à faire passer des idées plus que le reste de la population. »
« Les plus riches, pourtant moins nombreux, arrivent à parler d’une seule voix quand il faut défendre des mesures de baisse de fiscalité. »
« Les 99% subissent cette politique depuis ces trente dernières années et ont du mal à parler d’une seule voix. »

Sur la gauche et l’économique
« La gauche a fait une erreur et s’est laissée imposer des mesures venant de droite. »
« Le Parti socialiste dans les dernières années partait du principe qu’il n’y avait qu’une seule voix (économique) et que l’on pouvait améliorer à la marge. »
« Il y a plusieurs avenirs possibles en économie et la gauche a perdu parce qu’elle a accepté de se laisser imposer l’agenda des mesures économiques par la droite. »
« La gauche a créé Emmanuel Macron. »

Sur la dette
« Un Etat ne meurt pas donc il peut constamment rembourser sa dette. »
« Il faut mettre la dette en comparaison avec un patrimoine public que l’on détient. »
« Les générations futures n’héritent pas que d’une dette, ils héritent d’un patrimoine public – patrimoine qui couvre notre dette. »
« Les marchés financiers continuent à nous prêter à des taux d’intérêts extrêmement faibles parce qu’ils ont confiance. »
« La dette est quelque chose qui a été imposée, inventée par des politiques pour promouvoir des coupes dans les dépenses sociales et des réformes libérales. »
« Quand il faut abaisser la fiscalité des plus riches, la dette n’est plus un problème, quand il faut couper dans les dépenses sociales, la dette est un problème. »

Sur les privatisations annoncées
« Ils vendent des choses qui rapportent à l’Etat donc on appauvrit le patrimoine de l’Etat. »
« A la fin du quinquennat Macron notre patrimoine public sera plus faible que notre dette. »
« On vend ce qui rapporte alors qu’on pourrait emprunter avec des taux plus faibles. »
« La base de l’économie c’est quand vous avez un actif qui rapporte plus et que vous pouvez vous endetter à des taux d’intérêt faibles, il faut s’endetter. »
« La logique c’est qu’il faut réduire la place de l’Etat. »

Sur la « jambe gauche » du gouvernement
« Je suis très étonné que des économistes brillants puissent penser qu’Emmanuel Macron avait un intérêt pour la politique sociale. »
« Il n’y aura pas de politique sociale. »
« Emmanuel Macron va réduire les aides sociales. »
« 70% des revenus des plus pauvres sont des prestations sociales donc si on les coupe, on s’attaque aux plus pauvres. »

Sur les traités européens
« Ce que je propose n’est pas compatible avec les traités. »
« Rien ne nous oblige d’appliquer les traités. »
« La France est en capacité à désobéir. »
« Qu’on soit dans l’Europe ou hors de l’Europe, Emmanuel Macron appliquerait la même politique. »

Sur les solutions politiques
« Sur le programme économique, je trouvais que le programme de Jean-Luc Mélenchon était très bien. »
« J’ai cru qu’on pouvait avoir une alliance – j’avais milité là-dessus – Jadot, Hamon, Mélenchon pour faire gagner la gauche. »

Source : Regards.fr 13/06/2018

Inégalités. Le modèle social français est bel et bien efficace

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Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux hier, Emmanuel Macron, préparant un discours, s’exclamait : « On met un pognon de dingue dans des minima sociaux, les gens sont quand même pauvres. On n’en sort pas. Les gens qui naissent pauvres, ils restent pauvres. Ceux qui tombent pauvres, ils restent pauvres. On doit avoir un truc qui permet aux gens de s’en sortir ! »

Le ton familier utilisé par le président a pu choquer ou susciter le sarcasme. Mais au-delà de la forme, il s’inscrit dans la droite ligne des différentes prises de position de ses ministres ou des membres de la majorité ces dernières semaines. Que ce soit Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, ou encore Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, plusieurs voix se sont déjà élevées pour pointer du doigt des aides sociales trop nombreuses, trop coûteuses et finalement peu efficaces.

Un credo qu’Emmanuel Macron a encore martelé ce mercredi devant le congrès de la Mutualité française, où il a déclaré que « la solution n’est pas de dépenser toujours plus d’argent ». A quoi bon, en effet, dépenser autant d’argent si cela ne permet pas de sortir les gens de la pauvreté ?

Les vertus du modèle social français

Cependant, si le président de la République a raison de rappeler que la pauvreté est une situation de laquelle on hérite trop souvent, il est faux de dire qu’il est impossible d’en sortir. Mieux encore, le « truc » qui permet aux gens de s’en sortir existe, et est clairement identifié : il s’agit de notre système fiscal (les impôts) et notre système de redistribution, via les prestations sociales (RSA, prime d’activité, allocations logements, etc).

Les prestations sociales coûtent cher en effet, et sans doute le système n’est-il pas parfait. Mais il est loin d’être inefficace ! En 2014, les impôts et prestations sociales ont en effet fait baisser le taux de pauvreté de 7,9 points. En clair, les aides sociales (et les impôts) ont permis à 4,9 millions de personnes de sortir de la pauvreté cette année-là.

L’efficacité du modèle social français ressort encore mieux lorsqu’on compare ses performances à celle des autres pays européens. Avec 13,6 % de pauvres dans la population, la France est bien en dessous de la moyenne européenne (17,3 %), de l’Allemagne (16,5 %), du Royaume-Uni (15,9 %) ou encore de l’Italie (20,6 %).

Or, non seulement il y a relativement moins de pauvres en France qu’ailleurs, mais ces derniers sont mieux lotis dans l’Hexagone que dans le reste de l’Union européenne. C’est flagrant quand on s’intéresse à l’intensité de la pauvreté. Cet indicateur mesure l’écart entre le niveau de vie moyen des personnes pauvres et le seuil de pauvreté. En France, par exemple, le seuil de pauvreté est officiellement fixé à un peu plus de 1 000 euros. Mais est-ce que la plupart des pauvres ont un niveau de vie situé juste en dessous, vers 950 euros, ou disposent-ils de beaucoup moins, comme 600 euros ? Autrement dit, les pauvres sont-ils pauvres, très pauvres ou très très pauvres ?

A l’aune de cet indicateur, la France est l’un des meilleurs élèves de la classe européenne : l’intensité de la pauvreté y est de 16,6 %, nettement sous la moyenne européenne (25 %). Ce qui veut dire qu’en France, les pauvres ont un niveau de vie relativement proche du seuil de pauvreté. A l’inverse, en Roumanie, en Grèce, en Espagne et en Bulgarie l’intensité de la pauvreté dépasse les 30 %, signe que ces pays cumulent un fort taux de pauvreté et des inégalités élevées.

Au-delà de la pauvreté stricto sensu, les inégalités de revenus sont plutôt contenues en France. C’est ce que montre le rapport interdécile, c’est-à-dire le rapport entre le revenu plancher des 10 % les plus aisés et le revenu plafond des 10 % les plus modestes. C’est l’indicateur qui est couramment utilisé pour mettre en évidence les écarts de revenus entre riches et pauvres. Ce ratio est de 3,5 en France, deux fois moins qu’aux Etats-Unis ! On est plus proche en réalité du modèle des pays scandinaves que du modèle anglo-saxon. Enfin, pour le moment…

Et qu’on ne s’y trompe pas : c’est bien le système de redistribution français qui permet de limiter à la fois la pauvreté et les inégalités. Comme nous l’avons détaillé dans un précédent article, les 10 % de personnes les plus pauvres disposent d’un niveau de vie moyen de 3 080 euros par an et par unité de consommation, contre 72 690 euros pour les 10 % les plus aisées, soit 24 fois plus. Après redistribution, ce rapport passe à 6 ! Les 10 % les plus pauvres voient leur niveau de vie grimper à 9 860 euros tandis que celui du dixième le plus riche tombe à 55 800 euros. Et ce sont les prestations sociales qui sont le plus efficaces en la matière, comme le précise l’Insee.

L’impact local de la redistribution

Ce qui est vrai à l’échelle nationale, l’est aussi à l’échelle régionale. La France est loin d’être homogène en matière de niveau de vie. Mais sans les prestations sociales et les impôts, le fossé entre régions serait bien plus grand. Avant redistribution, le rapport interdécile s’élève à 7,6 en Ile-de-France, 6,8 en Paca et 6,5 dans les Hauts-de-France. Après redistribution, il se réduit assez nettement, notamment là où les inégalités étaient les plus fortes. On passe ainsi de 7,6 à 4,5 en Ile-de-France, et de 6,5 à 3,3 dans les Hauts-de-France. A Paris, une fois passé à la moulinette de notre modèle social, le rapport interdécile chute de 4,5 points, en Seine-Saint-Denis et dans les Bouches-du-Rhône, les inégalités sont divisées par deux.

Car il faut bien avoir en tête que les aides sociales soi-disant « inefficaces » représentent près de la moitié du revenu des plus modestes en Hauts-de-France ! Au niveau départemental, la part des prestations sociales dans le revenu disponible des 10 % de la population ayant les revenus les plus bas grimpe à 52 % dans le Nord, 50 % dans le Pas-de-Calais ou 48,7 % en Seine-Maritime.

On peut certes critiquer le mille-feuille de notre système fiscalo-social, sa complexité. Certaines prestations sont sans doute mal calibrées, tandis que notre fiscalité pourrait être plus redistributive. Tout cela est vrai. Mais il ne faut pas oublier pour autant que le modèle social français, dans l’ensemble, fonctionne plutôt bien. Et couper dans les aides sociales aura des conséquences immédiates et très concrètes pour de nombreuses personnes…

Laurent Jeanneau, Vincent Grimault et Xavier Molénat

 Source Alternative Economique 13/06/2018