monétaireLa dette des Etats-Unis frôle les 60 000 milliards de dollars… Le signe avant-coureur d’une nouvelle récession?

dollarstackSelon des données de la Réserve Fédérale de Saint Louis, la dette des Etats Unis atteint presque 60.000 milliards de dollars (exactement 59.400 milliards de dollars au 31 mars de cette année), soit une augmentation de 500 milliards de dollars depuis la fin de l’année 2013, indique Russia Today. Mais en fait de dette, il s’agit essentiellement de dette privée, et non d’emprunts du gouvernement, rappelle le site. Or, la progression de cette dette privée pose un risque bien réel de récession.

 Il y a quarante ans, la dette des États-Unis ne représentait que 2.200 milliards de dollars. Mais selon James Butler, le recours au crédit est comparable à une maladie virale : « En 50 ans, la dette est passée d’un luxe réservé à une minorité à une commodité pour certains, à une addiction pour beaucoup, et à une maladie pour tous. C’est un virus qui s’est répandu dans chaque aspect de notre économie, du consommateur qui utilise sa carte de crédit pour acheter une barre chocolatée à 0,75 dollar à un distributeur, au gouvernement qui emprunte 17.000 milliards de dollars pour pouvoir continuer à éclairer les rues », écrit-il.

Selon une étude de The Economist de 2012, la croissance de la dette privée est un indicateur de récession plus fiable que l’augmentation de la dette publique, l’offre de monnaie, ou un déséquilibre dans les échanges. Aux Etats-Unis, le crédit à la consommation a connu une hausse de 22% sur les 3 dernières années, ce qui l’a porté au niveau de 18 milliards de dollars au mois d’avril de cette année. De plus, l’utilisation des cartes de crédit a également augmenté de 8,8 milliards de dollars au cours de cette période.

Pendant la récession, les gens ont eu tendance à réduire les crédits souscrits au moyen de leur carte, et plus généralement, à se désendetter. Mais ce n’est plus le cas, désormais, et ils sont revenus à leurs habitudes de consommation à crédit, souligne Michael Snyder d’Infowars. Actuellement, 56% des Américains ont un crédit, et 52% des propriétaires ont eu besoin de retarder l’échéance de leur emprunt hypothécaire, et ne disposent pas des ressources financières suffisantes pour y faire face. Les jeunes adultes sont particulièrement vulnérables ; une étude menée par Wells Fargo est venue à la conclusion que les jeunes de la génération Y consacrent au moins la moitié de leur salaire à leurs échéances de prêt. Et deux ans à la suite de l’obtention de leur diplôme, la moitié des diplômés américains sont toujours obligés de compter sur leurs parents ou des proches pour joindre les deux bouts.

D’après un rapport du Congressional Budget Office, la croissance économique aux Etats-Unis est susceptible de stagner d’ici 2017, parce que la population va continuer à consommer, sans que les salaires ou la richesse du pays n’augmentent suffisamment, ce qui risque d’accentuer les inégalités.  L’écart sera en effet comblé par des crédits, selon la même dynamique que celle qui a contribué à la récession. Toutefois, ironiquement, cette dynamique est aussi celle qui a permis de sortir de la crise.

«Les économistes ne s’accordent pas sur la stratégie à adopter pour éviter une nouvelle crise, mais ils pensent que la dépendance des Américains au crédit ne facilitera pas les choses. « Le problème, c’est que plus il y a de dettes, plus le revenu futur qui doit être utilisé à rembourser la dette avec les intérêts doit être conséquent, ce qui réduit l’argent que nous pouvons dépenser sur des choses. Cela agit en ralentissant l’économie », explique James Butler. « Finalement, l’effet négatif de la charge de la dette deviendra plus important que l’impact positif des dépenses supplémentaires, ce qui déclenchera une récession, voire, pire ».

Audrey Duperron

Source : Express Be 17 juin 2014

Voir aussi : Actualité Internationale , Rubrique Finance, rubrique Etats-Unis,

Les solutions de sortie de crise se heurtent au vide politique

Frédéric Lordon

Cela fait quinze ans que Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS, se penche sur les montagnes russes du marché financier. Il fait partie de la petite minorité d’experts de la finance qui se distinguent des 95% formés pour défendre le système. Lordon identifie ce qui est vicié dans la finance du marché. Jusqu’ici, on faisait semblant de ne pas l’entendre. A l’instar de Don Quichotte, il apparaît depuis l’automne 2008 comme le héros problématique dans un univers dégradé.

Invité par l’Université Populaire Montpellier Méditerranée, il a donné une juste mesure du marasme qui a débuté avec la contamination des prêts hypothécaires à risque (subprimes) diffusés aux Etats-Unis depuis 2001.

L’injection de finances publiques est absorbée

« L’injection des finances publiques dans le secteur bancaire ne viendra pas à bout de la contraction des crédits, affirme le chercheur. Plutôt que de renflouer les banques, il aurait fallu consacrer cet argent à restaurer les ménages à un niveau solvable pour sauver les banques. » En d’autres termes le plan Paulson (secrétaire au Trésor de G.W Bush), 700
Md$ financés par le contribuable pour assainir le système financier mondial, est un coup d’épée dans l’eau.

Curieusement absent du débat lors des élections européennes, le plan de relance commun européen devrait passer par un doublement de l’UE au financement du FMI qui passerait de 250 Md à 500 Md de dollars sans débat approfondi au Parlement (Mais le chèque signé de l’UE est pour l’instant de 5 Md$). En revanche 400 Md$ vont être débloqués dans le cadre des plans de relance nationaux.

L’onde de choc se poursuit

Depuis l’automne 2008, les actifs «toxiques» dont les banques cherchent à se débarrasser, ne cessent d’affluer. Le plan américain est passé à 1 000 Md$ et la crise s’accroît de manière cumulative. « En novembre, on est entré en récession. L’explosion des mauvaises dettes des ménages s’est transformée en dette des entreprises. Dans ce contexte, vous pouvez renflouer les banques, elles ne se mettront pas à prêter. Parce que pour un banquier, il devient rationnel de ne plus prêter. » Mais si Frédéric Lordon dénonce le plan de sauvetage bancaire comme un scandale, il admet pourtant sa nécessité. « La densité des flux croisés interbancaires fait que la faillite d’une banque entraîne un risque systémique d’écroulement. C’est-à-dire la volatilisation soudaine de tous les avoirs bancaires. Et cela justifie pleinement l’intervention des Etats qui n’ont pas le choix.» Les dernières évaluations du FMI, qui estime les pertes bancaires à 4 000 Md$ et les moins values boursières à 50 000 Md$, donnent une rapide idée de ce qui nous attend.

Montage Alambic'up

Montage Alambic'up

Les propositions

Une fois n’est pas coutume, après l’énoncé des problèmes, le chercheur esquisse les solutions qui appellent à une modification radicale du système. Et notamment celles qui permettent aujourd’hui aux banques de prendre en otage le gouvernement. Frédéric Lordon se prononce pour l’interdiction de la titrisation qui permet aux banques qui ouvrent un crédit de s’en défausser immédiatement. De reprendre le contrôle des entreprises de bourse par leur nationalisation. D’interdire les transactions de gré à gré. D’instaurer une politique monétaire antispéculative en distinguant les taux d’intérêts spéculatifs des taux réels. Et de réviser les formules de rémunération des traders. Ces mesures sont développées dans son dernier livre*. « Leur moyen d’application a déjà été inventé, affirme-t-il, cela s’appelle la conditionnalité. Elle est mise en œuvre par la Banque mondiale et le FMI pour les pays du Sud. »

Ce n’est pas la méthode qui fait défaut, c’est la volonté des gouvernants. « L’ampleur de la secousse est telle qu’elle ouvre une fenêtre d’opportunité politique », insiste le chercheur. Pour l’heure, avec 30% du PIB mondial et un espace économique autosuffisant, l’UE joue la stratégie de la chaise vide et B. Obama vient de renoncer à une législation posant de manière restrictive des limites à la rémunération des patrons et hauts cadres des sociétés financières. Le Président américain préfère s’en remettre au sens éthique des actionnaires. Mais comme le dit Frédéric Lordon dans son livre : « On n’imagine pas une sortie de l’esclavage par appel à la vertu des planteurs ! »

Personne ne sait ce qui va se passer dans les mois qui viennent…

Jean-Marie Dinh La Marseillaise


Dernier ouvrage paru : La crise de trop, Editions Fayard 19 euros

Voir aussi : Rubrique Finance La spéculation attaque l’UE par le Sud, Les banquiers reprennent leurs mauvaises habitudes, Le Sénat américain  adopte un paquet de dépense,