Parallèle une création de Bruno Geslin

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Fondateur du parti national fasciste italien, Mussolini arrive au pouvoir en 1922. Il engage aussitôt une politique de développement sportif de masse qui encadre l’activité physique sous l’autorité de l’Etat.
En reprenant l’idée de la fonction militaire de la gymnastique, déjà largement répandue en Europe au début du vingtième siècle, Mussolini utilise le sport comme un moyen de forger et d’embrigader les masses et la jeunesse, qu’il veut dynamiques, fortes et fidèle à leur chef selon sa devise « croire, obéir, combattre ».
La volonté uniformisatrice totalitaire du Régime se traduit par une politique de fascination qui embrasse tous les domaines de la société dont les milieux sportifs. Le régime fasciste italien encadre l’activité physique des jeunes par un système d’organisation pyramidale qui débute dès l’âge de 8 ans et la pratique obligatoire de la gymnastique se poursuit à l’âge adulte
Avant même le déploiement de la propagande nationale socialiste des jeux de Berlin en 1936, la dictature fasciste a été, sans aucun doute, le premier régime politique à mener une action d’envergure dans le domaine du sport et de l’éducation physique, allant de l’introduction massive des exercices corporels dans l’éducation des jeunes italiens, à la construction de stades aux allures futuristes, en passant par l’obtention de succès de prestige aux jeux olympiques.
En quoi le sport a-t-il pu constituer une politique à part entière s’inscrivant dans le projet fasciste de contrôle totalitaire ?
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Pour répondre à cette question, l’historien italien Felice Fabrizio s’est intéressé au phénomène sportif comme un espace social à investir par le régime, devenant, après réorganisation, un instrument de contrôle des masses, visant à transformer le peuple italien en nation sportive.
Puisant notamment son inspiration dans l’œuvre de Wilhelm Reich, Fabrizio tient les exercices corporels pour un moyen essentiel de contrôle des pulsions par le pouvoir.
« L’instinct rationalisé »
il devait donc être canalisé vers des finalités d’utilité concrète afin que le sport puisse acquérir une fonction de première importance. Ainsi, à la lumière des travaux réalisés depuis trente ans, on peut résumer l’attitude initiale du Régime à l’égard du sport dans les préoccupations suivantes : maintenir l’ordre public, épurer les milieux sportifs des éléments jugés séditieux, et prendre le contrôle des principales organisations pour lancer des projets d’envergure dans le domaine de l’éducation physique et du sport. »
Dans la perspective de la « révolution anthropologique » qui devait transformer la « race italienne », au cœur du projet fasciste, la formation de l’homme nouveau passait d’abord par « la seule conception de l’homme identifié au citoyen soldat ».
C’est dans cette optique que l’éducation physique et les sports modernes furent mobilisés pour transformer physiquement et spirituellement le peuple italien.
L’homo sportivus
fasciste était à la fois un but concret à atteindre dans l’éducation des jeunes italiens et un élément de la politique de l’image mené par le Régime. La jeunesse fasciste devait se jeter avec bonheur dans l’action, elle devait se détacher des lois de la liberté jugée incertaine, de l’esprit démocratique tenu pour stérile.

Bruno Geslin travaille avec Salvatore Cappello, artiste circassien et le danseur performeur Nicolas Fayol, son complice de longue date. Ensemble, ils tentent d’imaginer comment le corps a pu être un instrument de propagande et d’embrigadement des masses en général et de la jeunesse en particulier. Et ils cherchent à comprendre en quoi la pratique sportive a constitué une politique à part entière s’inscrivant dans les projets fascistes de contrôle totalitaire.

 

Mise en scène par Bruno Geslin Parallèle sera donnée au Théâtre de Nîmes les 25 et 26 janvier 2017, à Montpellier à hTh les 2 et 3 mars 2017, les 22 et 23 mars au Théâtre de l’Archipel à Perpignan.
Voir aussi : Rubrique Agenda, Théâtre, Danse, rubrique Politique, rubrique Histoire, rubrique Société, Orwell : «le sport est ouvertement un simulacre de guerre » rubrique Europe, Italie,

Les œillets d’espoir de Pina Bausch

L’âme de Pina restituée intacte et sauvage. Photo Ulli Weiss

Danse. Le Théâtre de Nîmes accueille jusqu’à dimanche, les dix-neuf danseurs du Tanztheater dont l’épouse de l’imaginaire, Pina, fut la figure maîtresse.

Unique représentation donnée en France, Nelken (œillets), un des grands succès internationaux de la compagnie de Pina Bausch, occupe le plateau du Théâtre de Nîmes jusqu’à dimanche.* Dans le vaste répertoire de l’artiste, dont les danseurs poursuivent avec une sincérité indomesticable la transmission, cette pièce parle la langue de Pina Baush. Celle d’une danse-théâtre qui sort des rôles de composition pour approcher le réel.

Il y a la dimension symbolique avec cet immense parterre de fleurs qui évoque le jardin rêvé de l’enfance et le danseur « bowiesque », Lutz Forster, qui ouvre la pièce dans la langue des signes sur The man I love de Cole Porter. Il y a la dimension humaine qui traverse la mise en scène fragmentée avec ses émotions, ses failles et ses pulsions. La scène est un théâtre d’exploration intime où les danseurs se parlent, s’interpellent, s’aiment, se battent… L’émotion y circule de la colère au rire, de l’introversion à l’exubérance, de la souffrance au réconfort, parallèle aux contradictions de la mondialité, elle bascule soudainement de l’individuel au collectif et réciproquement.

Une éducation à l’altérité

Dans le bel hommage rendu au génie de Pina par Wim Wenders, les danseurs évoquent la capacité qu’elle avait à les voir de l’intérieur, à creuser en eux pour les faire danser. Exigeante, Pina Baush allait chercher la singularité des corps bien au-delà des apparences. Elle exprimait la violence de la société et dénonçait la séduction ; ce qui explique sans doute qu’elle ait toujours boudé le festival Montpellier Danse contrairement à Raimund Hoghe qui signe la dramaturgie de Nelken.

Le sens inouï de l’humanité de Pina a donné une éducation à l’altérité à ses danseurs qui franchissent naturellement la frontière entre l’espace scénique et public pour partager leur savoir être avec la salle. La notion même de spectateur semble se dissoudre devant cette communauté fragile dont la force des liens évoque une grande famille qui affronte le monde et célèbre les saisons. L’empathie que l’on éprouve peut aller jusqu’au sentiment d’appartenance à cette improbable fratrie. Tentation renforcée par la démarche des danseurs qui nous parlent et nous invitent au sens physique et psychique.

On ne saurait énumérer tous les ingrédients qui nourrissent l’esthétisme de Pina Bausch. Son œuvre contient un véritable concentré de la culture européenne, de la tragédie grecque, aux contes de Perrault, et à l’expressionnisme en passant par Boccace, Stravinsky, Pasolini et les Monty Python.

Créée en 1982 Nelken n’a pas pris une ride. A la fin, les danseurs  nous expliquent un à un les raisons les ayant conduits à devenir danseur. La boucle  est bouclée, l’âme de leur égérie nous est restituée, intacte et sauvage. Nelken est un spectacle qui  nous donne la force et l’ambition d’être ce que nous sommes vraiment, c’est exceptionnel !

Jean-Marie Dinh

La troupe donnera Ein stück von Pina Baush au  Théâtre de la ville à Paris en mai 2012.

Voir aussi : Rubrique Danse, rubrique Allemagne,