Frêche sereinement contre la « politicaillerie » parisienne

freche20091221Le président de Région en appelle à un nouveau serment du Jeu de Paume dans une tribune libre de l’hebdomadaire Marianne.

Depuis les dernières élections régionales, les médias nationaux s’intéressent aux joutes politiques du Languedoc-Roussillon. Un intérêt qui tient sans doute moins au destin collectif de sa population qu’à la posture occupée par les acteurs dans la perspective de 2012. Après la tribune d’Hélène Mandroux dans Le Monde, c’est au tour de Georges Frêche de prendre la plume.

Dans l’hebdomadaire Marianne de cette semaine, le président du Languedoc-Roussillon dénonce le faussé entre les élites parisiennes engluées dans la médiacratie et la « politicaillerie » et le petit peuple.  «  La France étouffe. Elle ressemble à un Titanic où, côté VIP, on se demande, que peut on dire ?, pendant que, dans les soutes, on crie : que peut on faire pour nous ?

Dans un lexique entre Sénèque et Jaurès, Georges Frêche choisit son vocabulaire pour poser un constat distancié. Aucune référence directe au maire de Montpellier, ni à la première secrétaire du PS, ou à la politique du gouvernement Fillon. Il met en exergue « l’absence de débouché politique » face au « ressenti social ». Rejetant l’idée d’un quelconque complot comme l’image de la main invisible du marché, l’homme fort du Languedoc-Roussillon plaide pour un retour de l’action politique. « L’information continue, le « présentisme » à tous crins, la fausse interactivité, a broyé le temps politique. Il faut répondre vite, penser vite, agir vite, réagir vite. Mais la fast démocratie n’existe pas. »

Pour Georges Frêche, Le malaise social se double d’une fracture territoriale. « La question sociale est de retour. » Et le président de faire l’éloge des élus de province : « Comme on pouvait le dire autrefois du tiers état, ils connaissent mieux que quiconque cette réalité qu’ils se coltinent quotidiennement (…) Ce sont eux qui gardent le cap au beau milieu de la tempête.  Il est temps de les réunir, urgent de les écouter (…) il est l’heure de se retrouver pour un nouveau serment du Jeu de Paume. » Reste à savoir comment la mission de dialogue et de rénovation mise en place par le Bureau National du PS pour enquêter sur les fédérations socialistes du L.R appréciera l’abolition de la féodalité !

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Politique locale, Démocratie de quartier,, Mandroux et le village Gaulois,Pourquoi la gauche doit rompre avec Georges Frêche,rubrique Livre : Frêche L’empire de l’influence,

«Midi libre» trop friand d’infos Frêche

propagande2Midi libre aurait-il fait campagne pour le président du Languedoc-Roussillon, Georges Frêche, réélu haut la main dimanche ? «Nous avons tenu la ligne de l’indépendance vis-à-vis du président sortant d’un bout à l’autre», assure Philippe Palat, directeur de la rédaction du quotidien régional (édité par le groupe des Journaux du Midi, revendu en 2007 par le groupe Le Monde au groupe Sud-Ouest), dont la diffusion totale en 2009 était de 151 165 exemplaires en moyenne par jour. En interne, pourtant, certains journalistes se plaignent (sous couvert d’anonymat) du tournant frêchiste pris par leur canard et des pressions subies pour maintenir cette ligne.

«Une partie des journalistes est dégoûtée. Nous avons un regard très critique sur la manière dont ces élections ont été couvertes», rapporte un rédacteur du quotidien. L’un de ses confrères pousse plus loin : «Midi libre a participé au discrédit de la gauche anti-Frêche, en la rabaissant plutôt qu’en l’analysant. Les éditorialistes font du « parler Frêche », en reprenant son antiparisianisme ainsi que ce même langage populaire, cette familiarité de comptoir.»

Doléances. Certains évoquent la mise sous surveillance étroite, voire la modification de la ligne éditoriale du quotidien gratuit Direct Montpellier Plus, détenu, comme Midi libre, par le groupe des Journaux du Midi, et dont plusieurs articles ont eu le malheur de déplaire au président de région et d’agglomération. «Jean-Michel Servant [rédacteur en chef du gratuit, ndlr] et son staff font du bon boulot»,» réfute Philippe Palat.

Pourtant, toutes ces critiques trouvent un écho à l’extérieur. Ainsi le journaliste local Jacques-Olivier Teyssier écrivait, le 12 février sur son site Montpellier journal : «Chaque jour, on se dit : là, Midi libre a atteint le sommet. Et le lendemain, le quotidien apporte de nouvelles preuves de sa toujours plus grande révérence envers Georges Frêche.» Du côté des politiques, les perdants ne sont pas tendres non plus. Pour le candidat UMP Raymond Couderc, autant la couverture de la campagne par le quotidien en 2004 (entre Georges Frêche et l’UMP Jacques Blanc) était équilibrée, autant celle-ci ne l’est pas. Il s’est fendu de plusieurs coups de fil à la direction générale. «On me répondait vous avez raison, on s’excuse, on va rééquilibrer. Mais ça tenait deux jours.» Mêmes doléances dans l’équipe de campagne d’Hélène Mandroux, la candidate officielle du PS : «Les candidats de l’équipe Frêche avaient droit à leur article lors de leurs déplacements dans la moindre commune.» Des militants socialistes parlent même de censure sur le site du quotidien, Midilibre.com. «J’ai envoyé trois posts de soutien à Hélène, sans agressivité, en réaction à deux articles, puis un post « pro Frêche ». Seul ce dernier est passé», affirme ainsi David Sauvade, un soutien d’Hélène Mandroux.

Si l’on s’en tient simplement aux faits, la lecture des articles est troublante. «En frappant fort, ici et contre Paris, Georges Frêche a infligé un désaveu à tous ses ennemis. Le fiasco d’Hélène Mandroux est une double victoire. D’abord contre ses détracteurs locaux. Ses vrais faux amis de trente ans», s’enflamme dans un éditorial le rédacteur en chef, François Martin, au lendemain du premier tour. Lorsque Martine Aubry vient à Montpellier soutenir Hélène Mandroux, le 8 mars, aucune trace de son passage en une du quotidien le lendemain. Le reportage est relégué en page 5 du cahier Région. «Il n’y a qu’une chose qui préoccupait les Montpelliérains, c’était la neige. On a ouvert par l’actualité, les problèmes météo, le sujet majeur», justifie Philippe Palat.

Ce dernier a réponse à tout. Il récuse toute censure du site internet, «sauf en cas de diffamation». Il nie aussi être influencé par les coups de fil des communicants mécontents. Même ceux de Laurent Blondiau, directeur de campagne de Georges Frêche et directeur de communication à la région, qui admet l’avoir appelé «trois fois» en un mois ? «J’appelle quand je pense qu’on n’a pas demandé l’avis des intéressés. Montpellier Plus n’a clairement pas fait la campagne de Frêche. J’ai juste appelé pour dire que l’équilibre n’était pas respecté», reconnaît Laurent Blondiau.

Lèse-majesté. Mais cet ancien journaliste de l’Humanité reconverti dans la com de Frêcheest un trop fin politique pour ne pas avoir conscience de son influence. En 2005, Georges Frêche, sire de feu Septimanie, avait déjà fait des siennes en coupant pendant huit mois toute publicité au quotidien pour cause d’articles lèse-majesté. Le manque à gagner a été évalué à trois millions d’euros. Actuellement, la région et l’agglomération de Montpellier, ainsi que leurs organismes satellites, restent pourvoyeurs d’annonces publicitaires et légales à hauteur de «2 millions d’euros sur un budget publicitaire de 49 millions d’euros en 2009», veut relativiser Alain Plombat, président des Journaux du Midi.

Autre épée de Damoclès sur celui-ci, l’arrivée annoncée du gratuit 20 Minutes, concurrent de Direct Montpellier Plus. Ce dernier est distribué principalement sur les lignes de tramway, géré par la TAM, donc l’agglomération. Si Frêche décidait de l’en sortir en faveur de 20 Minutes, la situation serait plus que tendue pour le gratuit de Midi libre.

Carole Rap (Libération)

Voir aussi : Rubrique Médias, Rubrique Politique,

Aubry organise un happening féministe contre Frêche

Martine Aubry. Photo Rosereau

Martine Aubry. Photo Rosereau

Lundi 8 mars, la direction du Parti socialiste fera d’une pierre deux coups. Elle célèbrera la Journée de la femme et en fera une journée anti-Frêche. Martine Aubry a finalement choisi cette date pour se rendre à Montpellier afin de soutenir Hélène Mandroux. La première secrétaire ne sera pas seule. L’accompagnera un aréopage de grandes figures féminines du PS : Elisabeth Guigou, Marylise Lebranchu, Adeline Hazan et Aurélie Filippetti, notamment, sont annoncées. En tout, la délégation devrait compter une quinzaine de « pétroleuses » comme dit en souriant l’une des participantes. Point de meeting à l’horizon mais une conférence de presse suivie d’une réunion sen compagnie de femmes de la région ayant décidé de soutenir la maire de Montpellier ». En début d’après-midi chacune repartira vers ses terres, Martine Aubry ayant aussi tenu à participer aux réjouissances liées à la journée de la femme organisées à Lille.

Choisir le féminisme comme angle de tir contre Georges Frêche ; a priori, le positionnement ne manque pas d’habileté. Les « pétroleuses » socialistes venues défier le beauf’ divers-gauche ; l’effet de contraste est tentant. Les mauvaises langues diront que l’argument portera davantage hors Languedoc-Roussillon qu’au sein de la sphère d’influence de Georges Frêche. Et ajouteront, que c’est bien l’effet escompté. En tout cas, les organisateurs-organisatrices de ce happening anti-Frêche découvriront avec intérêt le dernier entretien accordé par le président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, paru dans la livraison de Voici datée du 27 février. Toujours aussi « bon client » pour les médias, Frêche joue sa partition habituelle. Morceaux choisis : « je suis fils unique, c’est pourquoi j’ai besoin d’amour. J’ai été élevé par des femmes (…) : j’aurais du devenir soit homosexuel, soit macho. Je suis devenu macho ». « En m’attaquant, Martine Aubry m’a transformée en icône (…). Elle m’a donnée une aura nationale dont je n’aurais jamais osé rêver (…). Même si elle va tenter encore un coup fourré, je vais me charger de sa réputation après les régionales ». Conclusion de cet entretien : « en fait, le seul regret de ma vie est de chanter faux. Sinon, j’aurais fait carrière dans le lyrique ou dans l’opérette ».

 

Hélène Mandroux

Hélène Mandroux

Sur le terrain, les choses sont moins folkloriques et plus tendues. Les anti-Frêche se plaignent de recevoir des mails nominatifs injurieux et dénoncent le chantage aux subventions exercé à l’encontre de responsables associatifs, contraints de signer des appels publics en faveur du président sortant. Maigre consolation ; un sondage paru la semaine passée accorde 9% à Hélène Mandroux contre 6% la semaine précédente. Dans les rangs Frêchistes, on se compare aux hérétiques Albigeois et l’on dénonce « l’épuration » menée par la rue de Solferino. Chacun des 59 candidats présents sur les listes pro-Frêche a reçu un courte missive lui rappelant l’article 11.19 des statuts du PS concernant « les membres du parti candidats à un poste électif pour lequel les instances du parti ont investi un autre candidat ». « Tu as pris la responsabilité de t’exclure toi-même du Parti socialiste. Tu ne peux donc plus t’en prévaloir, ni utiliser ses logos ou emblèmes » conclut la lettre qui prie le camarade de croire « en l’expression des sentiments distingués » des trois signataires. Qui sont Christophe Borgel, secrétaire national aux élections, Pascale Boistard, secrétaire nationale à l’organisation et Alain Fontanel, secrétaire national à l’animation et au développement des fédérations.

Jean-Michel Normand Le Monde

Voir aussi : Rubrique Politique locale :  Frêche et le serment du Jeu de paumeDémocratie de quartier , Mandroux et le village Gaulois, Le problème frêche : copie à revoir ! ,

 

Livre politique. Radioscopie du système Frêche par son ex-avocat

andre-ferran2André Ferran, l’ex-secrétaire fédéral PS, connu pour avoir été l’avocat de président de région, signe un pamphlet sur le système Frêche.

Pourquoi ce livre après avoir été un compagnon de longue route ?

J’avais des choses à dire. Depuis un certain temps, je m’étais écarté politiquement de Georges Frêche. J’ai voté contre lui aux sénatoriales, contre le fait d’écarter la gauche, les communistes, les Verts au bénéfice du Modem. Par ailleurs, je me suis rendu compte, en hésitant beaucoup à trouver cette réalité, que Frêche n’était plus socialiste. Mon livre ne touche pas l’homme privé si ce n’est dans ce qu’il est devenu en tant qu’homme politique. Et que la fédération qu’il avait mis en place était une fédération à sa botte. Navarro n’est pas plus socialiste que moi archevêque.

Vous n’êtes pas archevêque mais vous qualifiez le secrétaire de la fédération de chanoine?

C’est une boutade pour présenter le personnage. J’explique dans le livre que l’un fait la carrière de l’autre. Frêche n’aurait jamais pu faire ce qu’il a fait s’il n’avait mis la main sur la fédération socialiste en plaçant à sa tête un apparatchik qui lui doit tout. Toutes les sections sont présidées par un élu, c’est une pyramide.

Le socialisme en L.R n’existe plus, dites-vous. Ici moins qu’ailleurs ?

J’espère qu’ailleurs le socialisme est un peu plus vivant qu’en Languedoc où il est devenu une secte. Je suis socialiste depuis plusieurs décennies, je pense et j’espère qu’il reste des gens pour défendre le socialisme qui me va droit au coeur et pour lequel je me suis engagé. J’attends que cette équipe soit partie pour revenir dans mon parti et je ne suis pas seul dans cette situation.

Vous citez André Vézinhet qui dit : «  en tant que député, je ne connais pas le nombre de militant de ma propre circonscription « . Est-ce un fait nouveau cela ?

Non ce n’est pas nouveau, le problème est que dans cette fédération, il y a deux catégories d’adhérents. Il y a ceux qui ont une vue très exigeante du socialisme dans sa philosophie et dans sa pratique. La plupart de ces militants pense qu’il faut régler les problèmes en interne et ne pas mettre sur la place publique ce qui pourrait affaiblir le socialisme. Et à côté vous avez les Navarro est les autres qui sont les roitelets. Le fonctionnement de la fédération a révulsé un certain nombre de personnes qui ont démissionné. Moi j’avais proposé de saisir le magistrat compétent en référé afin d’obtenir une ordonnance obligeant Navarro à fournir les registres aux plaignants pour savoir qui cotise et qui ne cotise pas, et éclaircir les choses autour de la fameuse section hors sol. Les gens bien pensants ont préféré ne pas le faire, ce qui permet à l’autre partie de la fédération de poursuivre sur un terreau qui n’est pas le nôtre.

Dans l’affaire des Harkis vous réhabilitez Frêche en expliquant la décision de justice ?

Je n’étais plus son avocat à ce moment-là. La Cour a rendu une décision à mon sens remarquable. Elle considère que le terme de sous-homme n’a pas été employé pour l’ensemble de la communauté. Il n’a pas dit que les Harkis étaient des sous-hommes, il a employé le terme pour les deux personnes qui étaient venues le provoquer donc je le réhabilite. Je ne cherche pas à l’accabler. Je dis ce qu’il en est. Seulement quand il dit j’ai été absout, ce n’est pas vrai. La cour n’a pas jugé puisqu’il y a eu un vice de forme qui lui a interdit d’aller au fond. Frêche c’est le bluff, le bluff, le bluff et j’en est marre de le voir abuser les gens.

Comment voyez-vous l’avenir du PS dans cette région après Frêche ?

Je pense que l’on ne peut pas voir le Languedoc-Roussillon indépendamment de Paris. Si le renouveau du PS se fait, il faudra changer les têtes. Navarro ne pourra pas rester. Il y a un tas de jeunes qui peuvent prendre des responsabilités, d’autres qui sont partis reviendront. Si ça patine à Paris je vous avoue que je ne sais pas ce qui va se passer. Frêche peut mettre des personnes qui travailleront pour lui en gardant la structure et seront plus difficile à déboulonner « .

Recueilli par Jean-Marie Dinh

De dérapages en déraison Frêche se démasque. Chicxulub éditions, 15 euros

Les bonnes feuilles

Le système Frêche
Peu à peu, sans éclat, mais avec une bonasserie rassurante de chanoine, c’est Navarro qui étouffe chez les membres du parti toute velléité de changement, leur interdit d’accéder aux fichiers de la Fédération, à sa comptabilité et à tous autres documents instructifs. Cotisez, braves camarades, votez comme on vous le dit ! Et pour le reste, dormez en paix : je veille ! La devise fait toujours florès. Certes, ce personnage a construit jusqu’à aujourd’hui une belle carrière « politique ». Toujours par scrutins de listes, auxquels il contribue activement en s’y plaçant au mieux pour être élu : vice-président régional, député européen, puis sénateur pour ne parler que des saute-mouton les plus criants.

C’est le pilier central du système Frêche, cimenté par un clientélisme extérieur au parti. Frêche et Navarro font ainsi la paire et route commune, l’un sacrant l’autre et réciproquement ; le premier a beaucoup lu, sait parler ; le second a le souffle court, mais exécute ferme. Cette confiscation du pouvoir au maillage serré, fait de soumission pusillanime, sert encore de corset d’acier aux fondations de l’Empire régional.

Le chef
C’est que Frêche, à califourchon sur la plus grosse branche du chêne qu’il a planté et fait croître – d’après lui, jusqu’à rejoindre Dieu, qu’à l’occasion il conseille, et même remplace – la scie allégrement avec des rires sarcastiques et tonitruants.
Un jour, il prend une décision bizarre sinon incohérente, qui doit sur-le-champ être apportée au peuple. Les services de communication accourent, la presse, et chacun se met aux abris… Le lendemain, il injurie, de préférence publiquement, piétine ceux qu’il trouve trop peu courtisans ou pas assez décérébrés à son goût ; ceux qu’il rencontre, par malheur, à l’instant où sa pression intracrânienne lui impose de libérer pour son confort un jet de vapeur, et même en désespoir de cause, ceux qui respirent trop fort sans son autorisation.

Le reste du temps, Frêche « fait des coups », toujours sans préparation, souvent pulsionnels. Machiavel, c’est pour la légende. Parfois, bingo ! Ça marche ! Vite les médias, il se répand, en rajoute, se vautre. Ah ! Le visionnaire ! Oubliés les échecs, la Septimanie avortée, les lycées débaptisés, etc. Et puis, il faut bien le dire aussi, il exécute : les soupçonnés de traîtrise, les comploteurs présumés, les possibles « pas clairs », les porteurs de mauvaises nouvelles qui font arriver le malheur… Lesdites exécutions sont bien sûr « politiques ».

Ainsi va l’homme, sur la voie qu’il s’est faite, empierrée de courtisans, d’obligés, de ravis, d’attentistes fiers et reconnaissants du pas qui les courbe un peu plus chaque jour. De leader politique, il est devenu gourou. La secte qu’il a créée, où les militants sont devenus fidèles et Navarro le Grand Prêtre, plus calculateur qu’inconditionnel, s’est coupé du monde.

Le faux plébiscite
Le 3 décembre 2009, par un vote, les militants du PS ont adopté la liste Frêche, bien que ce dernier ne paie aucune cotisation au parti depuis trois ans, soit trente mille euros environ. Ils sont bien bons les militants qui paient la leur parfois avec difficulté.

Le paradoxe
Pour comprendre le paradoxe vivant qu’est Frêche, dans son apparence d’être droit dans ses pompes et dans ses oeuvres, toile de fond sur laquelle s’impriment en continu ses foucades, ses outrances, ses boursouflures et ses délires… il ne faut pas procéder par analyse manichéenne de ce dualisme. Il n’y a pas, en l’espèce, le bien et le mal bien tranchés. Pas de pan de mur à l’ombre derrière lequel viendraient, par génération spontanée, et sortiraient, grimaçants, des mots qui dépècent ; ni un point de lumière enveloppante, chaude de généreuse et vivifiante grandeur. Frêche, n’est qu’un. Ses deux facettes ne se succèdent pas en alternance ; elles s’interpénètrent et se légitiment mutuellement.

Ce qui frappe d’abord ceux qui l’approchent, c’est sa pauvreté psychologique dans ses rapports aux autres, en regard de son intellect multiforme et riche. Comme s’il avait pris toute la place disponible pour mieux s’épanouir et s’imposer en maître. « Par ma mère, j’ai été formé machiste, confesse Frêche. J’ai reçu une éducation machiste, continue-t-il, celle de l’homme placé au centre du monde. Comme elle était institutrice, je devais être premier partout. Quand je n’étais que second, elle m’engueulait. Quand elle me disait « tu es second », elle me le disait avec un de ces mépris… Pour faire plaisir à ma mère, j’avais tous les prix. J’étais la « grosse tête de la classe ». Je devais aussi séduire les plus jolies filles » ».

Ce savoir, qui a bâti l’enfant et son accessoire avaient pour vocation de nourrir et muscler son intellect, non point pour l’amener vers autrui, le connaître, apprendre à l’aimer, et peut-êre à le servir, mais pour lui être supérieur et mieux le dominer. C’est pourquoi dans les propos, les façons de faire et les écrits de l’homme qu’il est devenu, on ne peut rien trouver ressemblant à une main tendue, fraternelle, où même simplement à l’offrande d’un soupçon de chaleur humaine vraie.

Le masque
Frêche n’a été formé ni pour les ambassades, ni pour les médiations. Il passe en force ; il ne mène pas les hommes, il les malmène pour les atteler à son char. Son agressivité systématique, son mépris claironnant de tous ou presque, la supériorité qu’il se prête sont les paravents qui participent de ce cynisme. Il en use pour tenir à distance de lui ceux qu’il ne comprend pas, ceux qui l’impressionnent ou qu’il craint ; ceux qui peuvent lui être préférés par les militants du parti. La hantise de n’être pas toujours le premier ! Ainsi trouve-t-on dans ses ouvrages quelques appréciations acides exemplaires, en l’espèce, sur les hommes et les femmes politiques du parti socialiste.

Frêche « élimine »
Ainsi, dans « La France ligotée » (éd. Belfond, p. 49), il écrivait déjà en octobre 1990 : « Le PS est une école de guerre, peut-être la meilleure. Comme ces soldats de mon enfance, les militants au cours des batailles internes luttent à balles réelles ». Drôle de métaphore…

Le bluff
En même temps que la mise en place de ces moyens de protection, à la fois pour mieux compenser ses manques affectifs et donner le sentiment qu’il est toujours et malgré tout le premier de la classe, Frêche, par le verbe et le livre, joue de son intellect. Porteur de grande culture faite d’authentique science, sans respect pour ses auditoires, il engouffre dans ses discours des contre-vérités, de larges tranches d’histoires de pays étrangers, souvenirs de ses cours magistraux, et bluffe à tort et à travers pourvu que cela le fasse mousser, quitte à dire le contraire plus tard. Seul compte l’impact immédiat pour son équilibre profond et sa propre image, celle qu’il croit être la meilleure pour lui.

Jaurès
Mais masquer sa réalité profonde, en suppléant le « sentiment » par l’intellect, n’est encore pour Frêche qu’une talonnette, mise aux bottes de sept lieues qu’il a chaussées pour fuir au plus loin sa « boiterie ». La parade est insuffisante à créer l’humanisme qui manque d’un côté et arriver au génie politique de l’autre. Alors, comme les enfants qui, admirant les qualités d’un personnage mythique, veulent les posséder, et pour cela, l’investissent, s’identifientà lui et finissent par vivre à travers la chimère, Frêche s’est « réincarné » en Jaurès et Machiavel « grands politiques », subtils anticipateurs des temps futurs. Cependant, à y regarder de plus près, on voit bien qu’il n’y a là que panoplies.

Les autres injures
A propos de la venue d’une délégation russe pour la Comédie du Livre de mai-juin 2008 : « C’est un peuple formidable, méconnu en Occident, mais extrêmement gentil ». Attention ! Quand il se fait patelin, la suite glace souvent : pour lui, les Russes n’ont qu’un seul défaut : « ils sont antisémites… ». « Je ne suis plus adapté au monde actuel, un monde de faux-culs où il faut du calme et ne pas dire ce que l’on pense » (Le Journal du Dimanche, 19 février 2006). « Maintenant, on ne peut plus rien dire. J’engueule deux mecs et aussitôt on me fait porter tous les péchés du monde. On vit dans une société de merde préfascisante. Le procès qu’on fait à Sarko est un procès fasciste » (Midi Libre, 28 février 2008). Frêche ne manque pas d’air !

La république bananière
Mais les scores à la Ceausescu enregistrés dans l’Hérault n’ont rien à voir avec le niveau national. La Fédération fait marcher les militants au canon – la section hors sol que dirige Navarro est son domaine réservé. Il en est le secrétaire ; sa femme en est trésorière. Impossible de connaître les inscrits ; madame Navarro vient d’être désignée au Comité national du PS à Paris. « On ne nous a jamais fourni les comptes, je ne veux pas que ma cotisation serve à des postes de budget dont on ne sait rien, ma démission du PS est une sorte de cri d’alarme » s’indigne encore Jacques Atlan. Cette déclaration carrée mérite une exégèse. La « tricherie », ce mot est ici un euphémisme ! On devrait parler du trucage des résultats définitifs des votes, ceux prétendument obtenus dans la fameuse « section hors sol » étant comptabilisés pour les obtenir. Elle est constituée de près de quatre cents inscrits qui seraient éparpillés de par le monde et regroupés autour d’un Navarro au grand coeur, qui les accueille en respectant leur besoin d’anonymat… C’est l’Arlésienne ! Au moins, camarade Navarro, est-ce qu’ils cotisent, comme imposé par les statuts du PS, pour avoir accès aux votes ? La question ne se pose pas, camarade ! Réponse idéale dans son double sens. On peut en rester là ! Il a bien été conseillé à un groupe d’opposants de saisir la justice par voie de référé pour contraindre sous astreinte le Premier fédéral à mettre à leur disposition tous documents indispensables à l’analyse de la situation, pour qu’en soient tirées toutes conséquences. Cela n’a pas été fait, mais il paraît qu’on y pense toujours et qu’on attend l’occasion…

Un nouvel état
Convaincu qu’avant lui, rien n’existait que le désert, et le proclamant, urbi et orbi, il doit créer une entité régionale, creuset de l’oeuvre obligatoirement grandiose qu’il va réaliser et qui portera son sceau pour passer à la postérité. Tous les gouvernements de gauche successifs l’ont laissé à leur porte, le jugeant trop fantasque malgré ses réalisations en qualités de maire, appréciées à Montpellier. Et parce qu’il n’avait pas acquis, malgré ce, sens politique et sagesse.

La Région, véritable « petit pays », lui est alors confiée pour qu’il lui fasse un avenir. Il y est prêt moins pour elle que pour lui et ils vont voir de quoi il est capable, lui, qu’ils n’ont pas accepté. Son oeuvre s’appellera « La Septimanie », sortie de ses souvenirs d’historien, en lieu et place de la dénomination Languedoc-Roussillon, avec son nouveau drapeau, son logo particulier et tout ce qui va suivre d’organisation originale.

La raison hoquette
Après avoir ébroué son esprit, lecture faite de ce morceau d’anthologie, petite partie d’un tout à l’avenant sur d’autres sujets, la raison hoquette d’ahurissement. Ainsi, la stratégie politique de Frêche est basée sur le « cul » pour se faire élire ! Cet « humanisme » a le plus grand mépris pour la démocratie et ceux qui la constituent, qu’il trompe sans état d’âme ; ce « fin lettré », à travers sa langue dont il se moque, refuse au peuple catalan la considération qui est due à sa vivante et riche culture. Les Occitans ne sont pas mieux traités avec leur langage assimilable au « patois », terme péjoratif, oubliant que l’occitan est enseigné à plus de 13 000 élèves en Languedoc.

Epilogue
Le vide s’est fait autour de Georges Frêche. Ses amis sont partis choqués par ses dérives devenues immaîtrisables et inacceptables. Le premier cercle et les autres, à la fois conseillers et gardes du corps, ceux qui avaient eu la chance de servir à travers lui et avec lui, un socialisme ardent et constructif, aujourd’hui, à jamais disparu. C’est que Frêche, en perpétuelle recherche d’équilibre profond, se protège en imposant le personnage qu’il s’est fait, brutal et cynique, excluant les autres de peur qu’ils le découvrent et le maîtrisent. Frêche, à ce jour, est au plus haut degré de l’hubris, de façon irréversible et assumée avec une rare violence si on lui discute une parcelle de pouvoir. Pas pour mettre au concret un socialisme nouveau : pour mieux le combattre. Avec un cynisme rare, il en est arrivé, intouchable qu’il est, pense-t-il, à provoquer l’électeur de gauche. Et puis, il bétonne et bétonne comme il a été vu, et bétonnera encore s’il est réélu, dans l’exercice d’un pouvoir résolument mégalomaniaque. Il ne réalise que des constructions qu’il veut de renommée « européenne » et si possible « mondiale » : aquarium, casino, zone ludico-commerciale, etc. Il s’en gargarise devant  la presse en alignant les chiffres astronomiques des coûts en millions d’euros, à contre-courant de toute considération écologique ; et d’un socialisme au service de l’homme et non de ce qui l’exploite.

La raison a quitté la Région Languedoc-Roussillon. Qui peut la faire revenir ?

Voir aussi : Rubrique Politique : Frêche et le serment du Jeu de paume, Mandroux et le village Gaulois, Pourquoi la gauche doit rompre avec Frêche, Philippe Guérineaud contre Frêche , Le problème frêche : copie à revoir ! , rubrique Livre : Frêche L’empire de l’influence,

A quoi joue Gérard Collomb ?

Gérard Collomb était mardi à Montpelier pour soutenir son « ami de vingt ans » Georges Frêche

Dans la course aux élections régionales. Le sénateur-maire de Lyon a pris, une fois de plus, le contre-pied des positions du parti, qui, non content d’avoir exclu le président du conseil régional du Languedoc Roussillon, vient de mettre à pied pour deux ans les 59 colistiers socialistes de Georges Frêche. Et si le parti socialiste joue les pères fouettard, Gérard Collomb préfère lui la voltige. Et ce n’est pas la première fois. Depuis sa sortie d’Octobre 2009 sur le débauchage proposé par Nicolas Sarkozy, Gérard Collomb multiplie les attitudes équivoques auprès de sa propre famille politique. Une posture trop grossière pour être sincèrement naïve.

«Il faudrait que la gauche me déçoive beaucoup pour que j’en vienne à accepter les propositions de Nicolas Sarkozy». Une réponse en forme d’avertissement. Gérard Collomb, invité du plateau de la Matinale le 28 Octobre 2009, laisse peu de place à la tiédeur, quand Caroline Roux, son interlocutrice, évoque, malicieuse, les tentatives de débauchage dont a été l’objet le sénateur-maire de Lyon par l’Élysée. Et de la déception à la dissidence, il n’y a qu’un pas. Un pas franchi, et allègrement par Gérard Collomb, depuis sa réponse sybilline devant les caméras de Canal+.

Cela a commencé par le contre-pied pris par le maire de Lyon suite à la défection surprise de Vincent Peillon pour le débat de Mots Croisés sur France 2, face à Éric Besson, sur la question de l’identité nationale. «J’y serais allé» assurait-il le 18 Janvier, se positionnant déjà à l’inverse du bureau national du PS et de Martine Aubry. Et Gérard Collomb de persister, et signer, lorsqu’il se rend au dîner annuel du CRIF où le ministre de l’immigration est l’invité d’honneur. Jean-Jack Queyranne avait refusé de s’y rendre. Une occasion trop belle pour le sénateur-maire de Lyon de faire voir à nouveau sa différence. Besson et Collomb, socialistes contrariés, chantre de l’ouverture à la Sarkozy pour l’un et poil à gratter du parti pour l’autre, se promettent même un débat ultérieur autour du thème tellement polémique de l’identité nationale.  Alors que penser aujourd’hui du soutien de Gérard Collomb à Georges Frêche ?

S’il nous est vendu comme un soutien du coeur, sa portée est sans doute plus politique qu’il n’y paraît.  Car au jeu des inventaires, cette dernière transgression de Collomb a une saveur plus offensive. Soutenir Georges Frêche, c’est très clairement faire acte de défiance auprès de la direction du parti socialiste. De là à ce que Collomb devienne un nouveau symbole de l’ouverture pour la majorité présidentielle, il y a loin de la coupe aux lèvres. Alors Collomb prépare-t-il réellement le terrain à Dominique Strauss-Kahn, comme le laissent entendre les commentateurs de la politique locale. C’est probable, connaissant l’amitié liant les deux hommes. Mais il reste encore des zones où la maire de Lyon joue double-jeu.

En effet, Gérard Collomb est chargé d’une partie du projet économique du Parti Socialiste pour les Présidentielles de 2010. Il s’agit plus précisément du volet innovation et recherche de la convention nationale du PS sur l’économie. Alors pourquoi s’impliquer dans le futur proche du parti, sur c’est pour piétiner, dès que l’occasion s’en présente, la doctrine et les positions du bureau national ? Une position ambivalente qui donne à réflechir. Et quand Gérard Collomb assure être venu à Montpellier «pour l’apaisement», on l’entend sans doute d’une autre oreille rue de Solférino. Joint ce mercredi matin, le service communication du PS n’a pas souhaité donner suite à notre demande d’interview.  Il faudra pourtant, le moment venu, savoir pour qui roule réellement le maire de Lyon. Sans pour autant jouer les Cassandre, tout laisse à penser que Martine Aubry n’aura pas forcément un allié entre Saône et Rhône dans la course aux élections présidentielles.

Lyon Mag

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