Du rêve à la réalité du cinéma

Cinemed. Pour la 8ème année, le Studio du scénario organise la journée du scénario, avec Jean-Pol Fargeau.

Atelier scénario avec Jean-Pol Fargeau aujourd'hui au Cinemed

Atelier scénario avec Jean-Pol Fargeau aujourd’hui au Cinemed

R06379Jean-Luc Saumade enseigne à l’Université Paul-Valéry aux étudiants en Art du spectacle ayant choisi la motion cinéma. Il assure également des formations professionnelles avec Le studio du scénario qui invite cette année le scénariste de Claire Denis, Jean-Pol Fargeau, pour la journée du scénario sous l’égide du Cinemed. Entretien.

A qui s’adresse la journée du scénario ?

L’idée initiale était d’apporter un soutien aux réalisateurs. Notamment aux jeunes qui veulent tourner et ont parfois des difficultés à comprendre qu’une idée doit se développer avant de devenir un film. Cette journée a désormais un public fidèle composé de professionnels, de cinéphiles, d’étudiants et de passionnés de cinéma. Il n’y a pas de recette particulière pour écrire un scénario. D’ailleurs, nous ne proposons pas une approche figée mais des visions que chacun peut s’approprier à sa manière.

Toute idée peut aboutir à un scénario, non ?

C’est vrai, mais il se trouve que l’écriture du scénario et le montage sont des moments difficiles dans l’histoire d’un film parce qu’ils confrontent à la réalité. Le scénario pose la question de la faisabilité, technique, matérielle, il permet l’estimation budgétaire. C’est à partir du scénario que se bâtit la rencontre avec le producteur qui devra conduire les négociations pour financer le film et réunir l’équipe technique et artistique. Le scénario assure le passage entre le rêve et la réalité en prenant en compte le médium du cinéma, il présente la vraie idée cinématographique.

A ce propos, on peut dire que Jean-Pol Fargeau est un maître en la matière. Quelle sera la nature de son intervention ?

Bien qu’il soit aussi un auteur de théâtre, l’écriture de Fargeau est très peu littéraire. Elle est peu dramatique au sens théâtral du terme. On aime ou on n’aime pas, mais c’est vraiment quelqu’un qui fait du cinéma de cinéma. Les films de Claire Denis sont un peu choquants, ils donnent le sentiment d’être mal finis, ce qui les rapproche du cinéma expérimental mais on est toujours dans des situations narratives cinématographiques d’une grande intelligence de langage. Jean-Pol Fargeau a choisi de bâtir son intervention à partir des scènes qui n’apparaissent pas dans les films, soit parce qu’elles n’ont pas été tournées, soit parce qu’elles ont été coupées au montage. C’est une approche intéressante. L’étude du scénario permet l’accès à une autre grille d’analyse.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Jean-Luc Saumade est aussi réalisateur. Son film « Mère méditerranéenne » est projeté dans le cadre du festival le 30 octobre et le 2 novembre.

Source : L’Hérault du Jour La Marseillaise

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Les Salauds de Claire Denis : Un film dans et sur l’urgence

On a vu : Les Salauds de Claire Denis

Chiara Mastroianni

Chiara Mastroianni

Actuellement sur les écrans Les Salauds, le dernier film de Claire Denis avec Vincent Lindon, Chiara Mastroianni et Lola Créton a été plutôt mal accueilli par la critique. On reproche à la réalisatrice un côté confus dans le scénario et une vision glauque. « C’est un film antipathique » avance Franck Nouchi dans Le Monde qui titre « Claire Denis ne fait rien pour se faire aimer » On l’aura compris, l’essentiel n’est pas là.

La réalisatrice qui a tourné dans l’urgence, dit avoir pensé au film de Kurosawa Les salauds dorment en paix. A l’image d’un célèbre slogan présidentielle, elle décrit un monde normal régi par un ordre moral où les parents accompagnent leur enfants à l’école. Mais elle fait intervenir une fille de 17 ans provenant d’un tout autre milieu qui le remet en cause.

Rien n’est fortuit, et cet autre monde nous renvoie plutôt aux frasques sexuelles supposées d’un autre présidentiable. Le montage en ellipse relève d’une grande inventi- vité narrative. Les Salauds est un film noir à plusieurs énigmes, avec une omniprésence du désir, et de la souffrance qui vibrent comme une onde obscure. Il n’y a pas de héros, personne n’est épargné car tout le monde est concerné.

JMDH

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« Salves » de Maguy Marin

L’espace noir élargit l’imaginaire. Photo D Grappe

Dans la lumière blanche, un périmètre invisible se dessine avec du fil de pêche. On suit ce fil tendu par Maguy Marin. Il est comme un lien transparent qui appelle à la mobilisation. Les danseurs s’en saisissent. De la salle, ils montent sur la scène.

Noir. On est entré en plongée dans l’esthétique de Salves. L’histoire se joue dans un entre-temps où le noir n’est pas tout à fait noir, où les bobines des vieux magnétos à bandes se mettent à tourner, à s’arrêter pour reprendre dans un autre sens. Le langage chorégraphique aspire comme les grandes vagues de l’océan. Maguy Marin nous retourne, flirtant par moment avec l’expression cinématographique entre White Material de Claire Denis et The Very black Show de Spike Lee.

Sur cette scène à quatre entrées, une mutation sociale inédite accélère le cours des choses. Dans une métrie du temps et de la lumière, l’histoire défile en diagonale. Les tableaux apparaissent et  s’éteignent. Ce noir qui occupe la majeure partie de l’espace, élargit l’imaginaire. L’édifice scénique se construit et se déconstruit à mains d’hommes et de femmes. La cadence est rapide, on ressent la tension de la mécanique en ne percevant que des segments. Les corps se soulèvent de la nuit.

Le danger est palpable. Il est même permanent comme un trou d’air gigantesque. Une culture  hors sol où tout le monde est devenu clandestin. On s’efforce de recoller les morceaux précieux de l’identité collective. Mais il y a des pertes. Des assiettes se cassent, des corps s’effondrent, s’enfouissent, disparaissent. Les danseurs résistent collectivement pour ne pas être balayés.

Résistance

Maguy Marin sait jouir de sa liberté et elle est généreuse. Ce qui lui donne une force sans beaucoup d’équivalent sur la scène de la danse contemporaine française. Depuis vingt ans, elle répond à une exigence artistique débridée. L’artiste n’a jamais tourné le dos à l’absurde, mais sa critique moqueuse a toujours du sens. Salves affirme une prédilection pour le monde nocturne. Les humains agissent dans le noir. Un langage s’invente, fait de rythmes et de mouvements. Il traduit l’ébranlement de la cohésion sociale fondée sur des siècles d’Histoire et de valeurs.

C’est du moins la piste de travail initiale. L’œuvre qui en sort au final la dépasse. L’excellent travail sur la lumière, privilégiant le cadrage serré fait songer aux peintures de La Tour. Les préparatifs somptueux du banquet dénotent un dérèglement comme si la consommation des symboles n’avait plus le même goût. Salves, n’est pas une pièce noire, c’est une pièce qui transporte l’aura de Walter Benjamin, pour qui le déclin n’est pas disparition. Une fois de plus Maguy Marin s’attaque au temps et prend la tendance générale à contre pied . Pour elle le corps est une arme qui pense un dernier espace de liberté…

Jean-Marie Dinh

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