Les règles encadrant la neutralité du net ont été abrogées aux États-Unis, à la suite d’un vote du régulateur des télécoms. Cependant, si ce vote est une très mauvaise nouvelle pour les partisans de ce principe, tout n’est pas (encore) perdu.
C’est une nouvelle ère qui s’ouvre désormais aux États-Unis, maintenant que la fin de la neutralité du net a été votée par la Commission fédérale des communications. Mais cette période pourrait en définitive ne pas durer très longtemps. En effet, si le projet de réforme anti-neutralité du net du régulateur des télécoms américain est passé jeudi 14 décembre, des recours existent.
C’est ce qu’a rappelé sur Twitter Bernie Sanders, sénateur des États-Unis pour le Vermont et candidat malheureux lors de la campagne présidentielle américaine de 2016. Très remonté contre la politique de Donald Trump et le vote de la FCC, le parlementaire américain a appelé les défenseurs de la neutralité du net à riposter, en dénonçant « une attaque flagrante contre notre démocratie ».
« La fin de la protection de la neutralité du Net signifie qu’Internet sera à vendre au plus offrant. Lorsque nos institutions démocratiques sont déjà en péril, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher cette décision de prendre effet », a complété l’élu. Mais surtout, l’intéressé a évoqué deux plans de bataille, l’un destiné à être appliqué au niveau du Congrès, l’autre devant les tribunaux.
Au Congrès
La première tactique consiste à mobiliser la Congressional Review Act, ou loi de révision du Congrès. Au Sénat comme à la Chambre des représentants, les élus ont la possibilité de proposer une « résolution conjointe de désapprobation », explique Libération, au lieu de passer par une proposition de loi classique, afin de renverser une mesure critique, ici le vote de la FCC.
Pour exploiter cette disposition, les parlementaires ont une fenêtre d’action de 60 jours. Le sénateur démocrate Edward J. Markey a annoncé le jour même du vote, avec le soutien de 15 collègues, la mise en route de la résolution. « Le Congrès peut corriger la décision mal avisée et partisane de la FCC et laisser Internet entre les mains des gens, pas des grandes sociétés », a-t-il dit. Depuis, ils sont 26 à soutenir sa démarche.
Pour qu’une loi de révision du Congrès passe, il faut la faire voter. Or, il y a un souci : l’équilibre des forces politiques est en défaveur des démocrates. Toutefois, les Républicains, qui sont plutôt contre la neutralité du net, n’ont qu’une voix d’avance au Sénat. Reste qu’il y a encore un obstacle : le président des États-Unis. Celui-ci a le droit de mettre son veto pour empêcher une résolution.
Les chances d’obtenir gain de cause par ce canal-là paraissent minces.
Devant les tribunaux
La seconde solution est de passer par l’ordre judiciaire. « Nous déposerons une plainte pour préserver la protection des New-yorkais et de tous les Américains. Et nous travaillerons d’arrache-pied pour empêcher les dirigeants de la FCC de nuire davantage à Internet et à notre économie », a déclaré Eric Schneiderman, le procureur général de l’État de New York, cité par Techcrunch.
Des actions du même type pourraient venir d’au moins dix-huit autres procureurs, vu la teneur d’un courrier adressé le 12 décembre à la FCC dans lequel ils ont demandé un report du vote en raison de révélations sur des faux commentaires lors du processus de consultation publique. Selon Quartz, plusieurs d’entre eux ont annoncé qu’ils agiront en justice pour renverser la situation ou au moins entraver le processus.
Multiples recours judiciaires sur la rampe de lancement
Des organisations issues de la société civile sont aussi sur la brèche. Reuters indique qu’au moins trois groupes d’intérêt public — Public Knowledge, Common Cause et Free Press — se préparent à aller devant les tribunaux. L’Electronic Frontier Foundation est aussi sur le coup. Par ailleurs, le lobby des géants du net, Internet Association, a fait savoir qu’il examinait le vote et évaluait ses options légales.
Ici, les chances de succès semblent plus importantes. « Je pense que cette affaire est condamnée au tribunal », a estimé Tim Wu, un professeur en droit à l’université Columbia à New York. « Ils sont allés trop loin », a ajouté celui qui est considéré comme l’inventeur de l’expression « neutralité du réseau » en 2002.
Source Numérama 22/12/2017
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