
Titiou Lecoq
Le regard sans fard de Titiou Lecoq fait mouche.
Le premier roman de Titiou Lecoq commence dans un lieu de culte et pourrait bien finir par en devenir un, livre culte. Plusieurs arguments étayent cette hypothèse. Née en 1980 Titiou fait partie de la même génération que ses héroïnes. Il y a une réelle proximité entre l’auteur et ses personnages. On touche à une prose spontanée, un peu comme entre Jack, (Kérouac) et les beatniks. Sortie en août au Diable Vauvert, Les Morues a rencontré un très bon accueil des lecteurs et poursuit son bout de chemin. Le livre en est à sa troisième réédition.
Confronté aux changements rapides de leur époque, Ema, Alice et Gabrielle éprouvent de profondes difficultés à trouver leur place, ce qui les amène à rejeter les valeurs traditionnelles pour mordre à pleines dents dans le monde nouveau. Elles se retrouvent mensuellement dans un bar parisien pour les soirées Morues. Lors de ces rendez-vous, il est question trouver un minimum de cohérence à l’héritage du féminisme. On s’intéresse au plaisir féminin en intégrant les problématiques masculines à l’image de Fred un génie introverti qui soigne sa déprime en trinquant avec ses copines à grands bols de Nesquik ou de Blester qui rêve d’une relation suivie au grand dam d’Ema.
Bref, les Morues examinent les possibilités de relations humaines dignes de ce nom dans la société actuelle. Elles planchent par exemple pour savoir faire respecter leur indépendance par les mecs en tant que femmes modernes mais aussi en tant que chiennes, si le besoin s’en faisait sentir.
Se prendre en main
Le bon fonctionnement de l’équipe tient à une ligne de conduite simple en théorie : traquer chez les femmes les réflexes sexistes dont on accuse généralement les hommes. Ce qui suppose de dépasser quelques tabous. Avec un heureux sens de l’organisation, les Morues ont établi leur charte de fonctionnement qui dispose d’une entrée masturbation où les trois copines ratifient de manière tout à fait démocratique les phrases proscrites, genre : « Je me masturbe que quand je suis seule depuis longtemps » ou « Cà m’arrive de me caresser mais que sous la douche » ou encore « Oui, j’ai un gode, il est griffé Sonia Rykiel » !
A l’instar de ses personnages, Titiou Lecoq, pourrait être la première fille à se faire jeter d’une église pour n’avoir pu contenir un fou rire lors de l’enterrement de sa meilleure amie, même si cet événement inexpliqué la ravage en profondeur.
Titiou joue sur la crête de l’équilibre psychique tout en échafaudant une structure précise qui nous maintient en haleine d’un bout à l’autre du roman. La critique du monde est existentielle, mais aussi politique. Le champ lexical peu orthodoxe flirte avec l’ironie du ton, ça décoiffe sans jamais tomber dans la vulgarité.
Les histoires de filles ne manquent pas de réalisme nous rappelle l’auteure en posant dans le fond du décor une réflexion transversale sur la société, l’asservissement du système médiatique et les dessous de la privatisation du système public. Sans s’en extraire Titiou Lecoq, attire notre attention sur le caractère absurde ou factice du consumérisme moderne.
Jean-Marie Dinh
Les Morues, éditions Au Diable Vauvert, 22 euros
Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique Littérature Littérature française,
Le premier roman de Titiou Lecoq commence dans un lieu de culte et pourrait bien finir par en devenir un, livre culte. Plusieurs arguments étayent cette hypothèse. Née en 1980 Titiou fait partie de la même génération que ses héroïnes. Il y a une réelle proximité entre l’auteur et ses personnages. On touche à une prose spontanée, un peu comme entre Jack, (Kérouac) et les beatniks. Sortie en août au Diable Vauvert, Les Morues a rencontré un très bon accueil des lecteurs et poursuit son bout de chemin. Le livre en est à sa troisième réédition.
Confronté aux changements rapides de leur époque, Ema, Alice et Gabrielle éprouvent de profondes difficultés à trouver leur place, ce qui les amène à rejeter les valeurs traditionnelles pour mordre à pleines dents dans le monde nouveau. Elles se retrouvent mensuellement dans un bar parisien pour les soirées Morues. Lors de ces rendez-vous, il est question trouver un minimum de cohérence à l’héritage du féminisme. On s’intéresse au plaisir féminin en intégrant les problématiques masculines à l’image de Fred un génie introverti qui soigne sa déprime en trinquant avec ses copines à grands bols de Nesquik ou de Blester qui rêve d’une relation suivie au grand dam d’Ema.
Bref, les Morues examinent les possibilités de relations humaines dignes de ce nom dans la société actuelle. Elles planchent par exemple pour savoir faire respecter leur indépendance par les mecs en tant que femmes modernes mais aussi en tant que chiennes, si le besoin s’en faisait sentir.
Se prendre en main
Le bon fonctionnement de l’équipe tient à une ligne de conduite simple en théorie : traquer chez les femmes les réflexes sexistes dont on accuse généralement les hommes. Ce qui suppose de dépasser quelques tabous. Avec un heureux sens de l’organisation, les Morues ont établi leur charte de fonctionnement qui dispose d’une entrée masturbation où les trois copines ratifient de manière tout à fait démocratique les phrases proscrites, genre : « Je me masturbe que quand je suis seule depuis longtemps » ou « Cà m’arrive de me caresser mais que sous la douche » ou encore « Oui, j’ai un gode, il est griffé Sonia Rykiel » !
A l’instar de ses personnages, Titiou Lecoq, pourrait être la première fille à se faire jeter d’une église pour n’avoir pu contenir un fou rire lors de l’enterrement de sa meilleure amie, même si cet événement inexpliqué la ravage en profondeur.
Titiou joue sur la crête de l’équilibre psychique tout en échafaudant une structure précise qui nous maintient en haleine d’un bout à l’autre du roman. La critique du monde est existentielle, mais aussi politique. Le champ lexical peu orthodoxe flirte avec l’ironie du ton, ça décoiffe sans jamais tomber dans la vulgarité.
Les histoires de filles ne manquent pas de réalisme nous rappelle l’auteure en posant dans le fond du décor une réflexion transversale sur la société, l’asservissement du système médiatique et les dessous de la privatisation du système public. Sans s’en extraire Titiou Lecoq, attire notre attention sur le caractère absurde ou factice du consumérisme moderne.
Jean-Marie Dinh
Les Morues, éditions Au Diable Vauvert, 22 euros

Que fait la police en banlieue ? Qu’y fait-elle vraiment ? Sorti du folklore télévisé, on n’en savait rien ou presque. C’est le mérite de l’enquête de Didier Fassin que de nous l’apprendre. En s’intéressant aux brigades anticriminalité, en les suivant au long cours nuit et jour, cet anthropologue – qui enseigne désormais au prestigieux Institute for Advanced Studies de Princeton – a ouvert l’une des boîtes noires de la République. Son livre, appelé à devenir classique, donne à voir et à saisir, avec détails et nuances, l’une des réalités sociales et politiques les plus fantasmatiques et méconnues de la France contemporaine : la relation de la police nationale aux jeunes dits des quartiers. Au risque de nous faire peur. Car ce qui frappe d’abord, c’est l’omniprésence du racisme ordinaire. Qu’il soit possible lorsqu’on est policier de placarder une affiche électorale de Jean-Marie Le Pen sur les murs d’un commissariat ne manquera pas de désespérer, y compris les citoyens les plus indulgents à l’égard des forces de l’ordre. S’il faut absolument lire ce livre, c’est aussi qu’il ne pourrait plus être écrit aujourd’hui, la police ayant fermé la porte aux chercheurs. Comme elle est parvenue, sous Nicolas Sarkozy, à se débarrasser de sa Commission nationale de déontologie. Didier Fassin le rappelle : «L’ethnographie a partie liée avec la démocratie.» Et, dans un pays normal, son livre serait un best-seller et une contribution majeure au débat présidentiel.
Prof de sciences sociales à Princeton (New Jersey) et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Didier Fassin a suivi, de 2005 à 2007, une BAC en banlieue parisienne. Avant d’interrompre son enquête, faute d’autorisation du ministère.
Les éditions Actes Sud sont en deuil: leur fondateur, Hubert Nyssen, est mort samedi 12 novembre 2011, il avait 86 ans. La maison d’édition a publié deux Nobel et rencontré un immense succès commercial avec la saga «Millenium».