En Allemagne, des migrants logés à Dachau

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Transformer un camp de concentration en centre d’accueil pour migrants, une idée de mauvais goût ? C’est pourtant la décision de la ville de Dachau.

La ville de Dachau, dans le sud-est de l’Allemagne, a décidé de loger les migrants dans un lieu tristement célèbre, l’ancien camp de concentration. Les réfugiés sont logés sur le « herb garden », situé en face du mémorial, une sorte de potager que cultivaient les juifs déportés pour nourrir la population allemande. À l’entrée du site, l’inscription « Pensez à comment nous sommes morts ici », gravée sur une pierre, rappelle que plus de 40 000 personnes sont mortes dans ce camp entre 1939 et 1945.

Selon Gabriele Hammermann, la directrice du mémorial du camp de concentration de Dachau, « héberger les réfugiés dans un endroit qui symbolise la torture et la mort » n’est pas un geste très « accueillant ». Le maire de la ville, Florian Hartmann, met en avant « un but social utile », car, selon lui, les réfugiés ne peuvent pas « avoir des appartements aux tarifs du marché », explique-t-il sur le site du Guardian.

Un lieu chargé d’histoire

« Bien sûr, c’est bizarre, mais j’aime mieux ça que voir les gens dans la rue », admet le maire de Dachau sur le site allemand Deutschlandradio Kultur. L’idée n’est d’ailleurs pas nouvelle, elle a été mise en place avant l’arrivée massive de réfugiés ces dernières semaines. Peter Himmelsbach, un jeune commerçant allemand de 28 ans qui visite Dachau pour la toute première fois, estime pour sa part que « la crise des réfugiés, c’est une chance de racheter » la Shoah.

Si en Allemagne cela pose un vrai cas de conscience, ce n’est pas le cas pour les réfugiés. Ashkan, un Afghan de 22 ans, cité dans le Guardian, ne connaît pas grand-chose à l’histoire allemande et n’a pas eu le temps de visiter le camp. « Je voulais juste un toit au-dessus de ma tête », résume-t-il.

Source Le Point 21/09/2015
Voir aussi : Les articles du  Times of Israel Staff et du Monde,

 

La stratégie européenne de Macron plie sous la pression de l’extrême droite

Le chancelier autrichien conservateur Sebastian Kurz et Emmanuel Macron à Bruxelles, le 28 juin. © Reuters

Le chancelier autrichien conservateur Sebastian Kurz et Emmanuel Macron à Bruxelles, le 28 juin. © Reuters

Les dirigeants de l’UE ont salué de concert l’accord sur les questions migratoires, entériné le 29 juin à Bruxelles. Sans régler la crise qui déchire l’Europe, les compromis trouvés pour la forme épousent sur le fond l’agenda des extrêmes droites européennes. Les autres dossiers, notamment celui du budget de la zone euro cher à Emmanuel Macron, ont quant à eux été relégués au second plan.

Bruxelles (Belgique), envoyée spéciale.– En apparence, chacun y a trouvé son compte. Et c’est précisément ce qu’Emmanuel Macron souhaitait : sauver les apparences. Vendredi 29 juin, au petit matin, le président de la République est sorti satisfait des neuf heures de négociation qui ont permis aux dirigeants européens de trouver un accord sur les questions migratoires. « Nombre de commentateurs prédisaient l’absence d’accord et la rupture. Nous avons montré hier qu’un accord était possible », s’est-il félicité, évoquant une « vraie satisfaction » et même une « victoire ».

« L’Italie n’est plus seule, l’Europe sera plus solidaire », s’est également réjoui le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, qui avait menacé la veille de bloquer les conclusions du Conseil européen si des « actes concrets » n’y étaient pas entérinés. « L’Italie n’a plus besoin de mots ni de déclarations », avait-il expliqué à son arrivée dans la capitale belge. Ce sont pourtant bien des mots et non des actes concrets qui ont été approuvés par les 28 le lendemain. Des mots qui ont permis à chacun de rentrer dans son pays en donnant le sentiment du devoir accompli, mais qui ne règlent rien sur le fond de la crise qui déchire l’Union européenne (UE) à moins d’un an de ses élections.

Cette crise, que l’Élysée qualifie de « crispation politique », n’a rien à voir avec la crise migratoire de 2015. « Le nombre de franchissements illégaux des frontières de l’UE détectés a été réduit de 95 % par rapport au pic qu’il avait atteint en octobre 2015 », indique d’ailleurs le Conseil dans ses conclusions. C’est donc un problème qui n’en est pas vraiment un qui a absorbé les dirigeants européens pendant toute une nuit, les contraignant à trouver des solutions qui, en toute logique, n’en sont pas non plus.

En refusant d’accueillir l’Aquarius dans l’un de ses ports il y a quinze jours, l’extrême droite italienne du ministre de l’intérieur Matteo Salvini a en réalité réussi à imposer son agenda au reste de l’Europe. « Finalement, l’Europe a été obligée d’accepter la discussion sur une proposition italienne », s’est enorgueilli le chef de file de la Ligue, avant d’annoncer que les ports de son pays seraient fermés « tout l’été » aux ONG qui secourent des migrants en Méditerranée.

Tous les autres dossiers, à commencer par celui du budget de la zone euro qu’Emmanuel Macron espérait porter, ont ainsi été relégués au second plan. Le président de la République a eu beau introduire sa conférence de presse finale en expliquant que les deux jours de travail à Bruxelles avaient aussi permis d’avancer « sur de nombreux sujets, que la France a portés sur l’agenda européen », notamment en matière de défense et de commerce, rien n’y a fait. Le bilan de ce Conseil est limpide : la France, qui se voulait leader sur la scène européenne, a perdu la main.

Ce devait être le grand rendez-vous du chef de l’État. Celui durant lequel il devait convaincre les autres dirigeants de l’UE de se rallier à son projet de refondation européenne, présenté à la Sorbonne en septembre 2017. Or la crise politique des quinze derniers jours l’a non seulement contraint à revoir ses ambitions à la baisse, mais elle a également révélé son isolement.

Pendant des mois, l’exécutif français s’était résigné au statu quo, en attendant la réélection d’Angela Merkel, puis la formation complexe de sa coalition. Dans le même temps, il justifiait son agenda intérieur, expliquant que les réformes économiques et sociales lancées depuis le début du quinquennat permettraient de peser sur les négociations européennes le moment venu. Ce moment est encore repoussé à la fin de l’année 2018.

Sur la question qui a occupé l’essentiel des discussions, Emmanuel Macron a toutefois tenté d’apparaître comme l’homme de la situation, le pivot central d’une Europe qui n’en finit plus de se replier, le maillon incontournable d’une chaîne de plus en plus fragile. Alimentant les réseaux sociaux de photos et de vidéos le montrant en pleine conversation avec les uns et les autres, il s’est, selon les mots de l’un de ses conseillers, « énormément engagé » pour obtenir un compromis sur les questions migratoires.

« Nous avons un accord et c’est en soi une bonne nouvelle », soufflait un diplomate français à l’issue de la réunion. Comme si le document en tant que tel avait plus d’importance que son contenu. Le président de la République lui-même n’a pas caché la faiblesse du compromis obtenu. « Cet accord est un accord pour construire, il ne règle en rien à lui seul la crise que nous vivons et qui a des composantes largement politiques, mais il permet de répondre, de continuer à répondre en actes à la crise que nous vivons », a-t-il reconnu, avant d’en minimiser plus encore la portée : « Je ne suis pas en train de dire aujourd’hui que la France a gagné, c’est l’Union européenne qui a gagné un peu ou qui a évité de perdre. »

Convaincu que « le choix de la coopération, d’un travail européen » l’a emporté sur celui « de politiques nationales et de replis nationalistes », le chef de l’État a estimé que l’UE n’avait « pas cédé à la fascination du pire ». Les conclusions floues du Conseil révèlent pourtant son incapacité à faire valoir la stratégie européenne qu’il défend depuis la campagne de 2017, face aux réalités politiques qui traversent l’Italie, la Hongrie, l’Autriche, mais aussi l’Allemagne, où Angela Merkel est mise sous pression par son ministre de l’intérieur Horst Seehofer, leader de la CSU bavaroise.

Car si un accord a été trouvé sur la forme, il épouse sur le fond l’agenda des extrêmes droites européennes. L’une des mesures phares adoptées vendredi par les 28, à savoir la mise en place de « centres contrôlés » pour les migrants secourus dans les eaux de l’UE, en est la démonstration parfaite. Copie des « hotspots » existants, ces nouvelles structures sont censées être créées « sur une base volontaire », mais aucun dirigeant européen ne s’est aujourd’hui clairement engagé à en accueillir. De même, les pays d’Europe de l’Est du groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), hostiles à l’accueil de migrants sur leur territoire, ont obtenu l’abandon du projet de quotas obligatoires pour la répartition des réfugiés au sein des États membres.

S’il continue de plaider en faveur d’« une Europe à la hauteur de son histoire et de ses valeurs », Emmanuel Macron ne fait rien d’autre que de suivre le mouvement. Sur la scène européenne d’abord, en cédant à l’agenda populiste ; mais aussi en France, où il fait voter la loi asile et immigration, refuse d’accueillir l’Aquarius, exclut l’idée de mettre en place des « centres contrôlés » et s’en prend vertement aux « donneurs de leçons » qui s’aventurent à lui rappeler son « humanisme » de campagne. « Une “solution européenne” qui s’aligne sur les positions les plus rétrogrades de l’Italie de Matteo Salvini, de la Hongrie. Comment s’en féliciter M. Emmanuel Macron ? interroge Médecins du monde sur Twitter. Vers la fin d’une certaine idée de l’Union européenne basée sur la solidarité. »

L’exécutif français n’a cure de ce type de critiques. Les futures échéances électorales en ligne de mire, l’Élysée rappelle qu’à la présidentielle de 2017, « presque 50 % des gens ont voté pour des candidats anti-européens ». Et qu’il ne faut, dès lors, faire preuve d’aucune « naïveté », y compris au niveau national. La situation est telle, souligne un diplomate français, qu’elle justifierait davantage encore qu’il y a un an « l’agenda ambitieux de réformes européennes proposées par le président de la République ». Et désormais méprisé par la majorité des autres dirigeants.

Source Médiapart 30/06/2018

La doctrine d’Orban

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À l’occasion du premier anniversaire de la mort d’Helmut Kohl, le Premier ministre hongrois Victor Orbán a délivré le 16 juin dernier un discours crucial. Avec Shahin Vallée, nous croyons qu’il marquera le débat de la prochaine année électorale européenne. Orbán revendique pour son mouvement une place centrale dans la conception du néo-nationalisme européen, et sa position doit être comprise.

Nous souhaitons donc traduire en exclusivité ce texte important qui inaugure la bataille politique et culturelle des élections européennes de 2019. Il nous confronte aux difficultés d’une campagne encore à dessiner et à penser. De ces quelques fragments d’un discours qui théorise le tournant néo-nationaliste en Europe, on peut tirer plusieurs conclusions : le « nationaliste » Victor Orban reconnaît la position géopolitique de la Hongrie comme « petit pays », mais la place au cœur du destin politique de l’Europe centrale. Alors qu’il pourrait être tenté de quitter le PPE pour « fonder un parti européen anti-immigration », il prend à cœur le fait de le « renouveler », en infléchissant sa politique et le sens du projet européen.

C’est que le Président hongrois a compris la leçon de la configuration géopolitique contemporaine : un bloc capable d’aller de Juppé à Le Pen gagnera dans la séquence électorale qui nous attend. Entre le catholicisme zombie théorisé par Emmanuel Todd et Hervé Le Bras, le dirigeant hongrois voit l’alliance des forces populistes comme une faute : « Les modèles hongrois et autrichiens montrent la voie à suivre : répondre au populisme sans voter à gauche. Contrairement aux politiques libérales, les politiques chrétiennes sont à même de protéger l’Europe, nos nations et nos familles. ». Critiquer n’est plus suffisant : contre Orban, il faudra proposer un contraste. 

IMPORTANT. Cette traduction sera l’objet d’un débat à l’Ecole Normale Supérieure le Mardi 26 juin à 19h30 au 29 rue d’Ulm, en salle Jean Jaurès. Vous pouvez vous inscrire à l’événement ici


De nos jours, l’Europe est dans un état d’agitation fiévreuse. Beaucoup d’éléments évoluent en même temps : les signes alarmants d’une guerre économique avec les États-Unis ; un conflit armé entre l’Ukraine et la Russie ; une nouvelle configuration de la politique en Italie ; les négociations du Brexit. Autrement dit, ceux qui ont affaire, aujourd’hui, à la politique de l’Europe ont besoin de tempérance, de calme, de courage, et d’un bon sens de la temporalité. Concernant notre rendez-vous d’aujourd’hui, nous avons trop de sujets à traiter. Mais nous ne devons pas trop nous engager pour autant, parce que l’invitation à la cérémonie ne requiert pas des membres de l’assistance qu’ils développent longuement leurs positions. Nous avons seulement le temps de rendre hommage à Helmut Kohl, avant d’évoquer la position hongroise sur un certain nombre de problèmes importants de l’Europe.

En politique, la providence consiste à être la bonne personne au bon endroit et au bon moment. Il n’est pas exagéré de dire que Helmut Kohl était un cadeau de la providence fait à l’Allemagne et à l’Europe. Pour nous, en Europe centrale, Helmut Kohl est l’exemple de l’Européen chrétien. Il représentait l’Europe chrétienne à laquelle nous avons toujours appartenu, et, après quarante ans de communisme, sa volonté politique a ouvert la voie à notre réintégration à la communauté des peuples d’Europe. Le courage du chancelier Kohl a jeté les bases de la réunification de l’Allemagne et de l’Europe, c’est pourquoi nous nous souviendrons toujours de lui avec respect et gratitude. Qu’il repose en paix.

En ce qui concerne les relations de la Hongrie avec la politique européenne, nous devons, avant tout, préciser le rôle que peut jouer la Hongrie dans la politique européenne. La Hongrie est consciente de sa force, de son influence et de sa mission. C’est ce qu’on appelle se connaître soi-même. Bien se connaître est le point de départ de toute bonne action politique. En tant qu’État-membre de l’Union européenne, la Hongrie ne cherche pas à jouer un rôle politique européen. Pour nous, la Hongrie est la priorité. De plus, ni le pays ni moi-même n’a, ni n’aura, une telle ambition. Nous n’oublions pas la réalité : dix millions de citoyens, un PIB de 114 milliards d’euros, moins de vingt milles soldats.

Notre implication sur des questions importantes, qui nous ont menés à nous opposer à Bruxelles et à certains grands États-membres, a créé l’illusion que la Hongrie pouvait avoir une influence sur la politique européenne. Il faut résister à cette idée flatteuse et, avant tout autre chose, nous consacrer à la défense des intérêts nationaux de la Hongrie. Cela n’est pas remis en cause par le fait que, comme vous allez l’apprendre par un communiqué qui sera publié cet après-midi, j’ai eu une conversation téléphonique avec Donald Trump il y a quelques minutes, au cours de laquelle nous avons discuté de la différence entre « un beau mur » et « une belle clôture ».

Quoiqu’il en soit, le cœur de ma position est que les Hongrois sont un peuple qui a de l’honneur et de la dignité, mais qui reconnaît, de manière réaliste, sa situation. La zone pour laquelle nous avons de grandes ambitions est l’Europe centrale et le Groupe de Visegrad. L’ambition hongroise est de permettre à la Hongrie d’exister dans une région d’Europe centrale forte, composée de pays qui coopèrent étroitement et qui s’entre-aident. C’est ainsi que la Hongrie a de l’influence et de l’importance. La Hongrie reconnaît le rôle déterminant de la Pologne en Europe centrale, et cherche, par ses propres forces, à conduire les relations en Europe centrale vers davantage de coopération. Une autre ambition de la Hongrie est de promouvoir l’accession à l’Union européenne des pays des Balkans occidentaux – et notamment de la Serbie. Nous souhaitons convaincre les autres États-Membres que l’Union européenne en a besoin, et qu’elle peut bénéficier d’un nouvel élargissement. Helmut Kohl avait une vision précise de la signification de l’égalité parmi les États-membres de l’Union européenne. De toute évidence, cela ne signifie pas qu’ils ont une influence égale. Ici, le mot clef est Augenhöhe. Si je le comprends bien, il signifie quelque chose comme « à hauteur des yeux » – ou sur un pied d’égalité – ce qui, traduit en termes culturels, correspond au fond de ma pensée. (…)

Permettez-moi de dire quelques mots à propos des relations entre l’Allemagne et la Hongrie. Il y a deux ans, je suis allé voir la maison du chancelier Adenauer à Rhöndorf, où j’ai vu les statues d’Adenauer et de de Gaulle. Elles ont été faites par Imre Varga, qui a également sculpté la statue de Saint Stéphane de Hongrie, qui se trouve devant la Chapelle de Hongrie dans la fière cathédrale de l’Europe chrétienne, à Aachen. Pour les Allemands, c’est une réponse facile à comprendre à la question historique et idéologique du positionnement de la Hongrie.

Helmut Kohl comprit que l’Allemagne avait grand intérêt à avoir des amis. A l’époque, la situation était moins favorable. Helmut Kohl accordait de la valeur à notre amitié. En Hongrie, il existe un jour de mémoire pour commémorer la déportation des personnes d’ethnie allemande en Hongrie. En Hongrie, les Allemands ont un député au Parlement. Il existe treize minorités nationales et ethniques en Hongrie, qui représentent la diversité civilisationnelle et ethnique, mais aussi l’homogénéité culturelle de notre pays. Le nombre d’écoles allemandes, et de leurs élèves, est également en train de grimper.

Concernant les relations germano-hongroises, nous devrions aussi nous souvenir de 1989. Kohl a compris le lien essentiel qui existait entre la souveraineté hongroise et l’unité allemande. La Hongrie a fait tomber la première brique du mur de Berlin. En 1989, beaucoup de gens voulaient nous convaincre de ne pas ouvrir la frontière.

En 1989, beaucoup de gens voulaient dissuader Helmut Kohl d’unifier l’Allemagne et d’adhérer à l’OTAN. La Hongrie ne craignait pas la réunification allemande, mais peu de nations – voire aucune – pensaient comme nous. En 1990, le soutien à la réunification allemande était plus fort en Hongrie qu’en Allemagne même. Aujourd’hui, je vois des politiciens européens qui, à l’époque, s’opposaient à l’unification allemande, mais qui veulent aujourd’hui nous expliquer comment être de bons Européens. Par la suite, la Hongrie est devenue membre de l’Union européenne. Nous sommes reconnaissants à l’Allemagne pour cela.

Je dois également rappeler que les contribuables allemands n’ont pas à s’inquiéter : nous ne sommes pas venus dans l’Union européenne pour mendier, et nous ne voulons pas vivre de l’argent allemand. Nous travaillons à ce que, d’ici à 2030, la Hongrie devienne un contributeur net au budget de l’Union européenne. Qui plus est, les échanges commerciaux de l’Allemagne avec les pays du V4 sont désormais nettement plus importants que ceux avec, par exemple, la France, l’Italie ou la Grande-Bretagne. Les Allemands et les autres États-membres profitent bien de nous. Ni eux ni nous n’avons de raison de nous plaindre.

En outre, un élément important des relations germano-hongroises est que nous utilisons nos propres ressources pour défendre notre frontière méridionale – et par extension l’Allemagne – contre l’arrivée de quelque douze mille migrants par jour. Nous n’avons pas abandonné l’Allemagne, ni l’Europe. Comme nous l’avons dit, nous sommes les gardiens des forteresses frontalières et connaissons notre devoir. La morale des relations germano-hongroises est la même, en 2015 et en 1989 : quand le moment vient, il ne faut pas hésiter, mais il faut se décider et agir ; nous devons hisser notre pavillon et montrer nos couleurs. C’est exactement ce que nous avons fait en 1989 et en 2015.

Abordons désormais la question de la frontière et de la clôture. Nous devons défendre la frontière extérieure. C’est la condition préalable à la libre circulation au sein des frontières. La défense de la frontière fait partie des “devoirs-obligatoires”. Ce n’est pas une tâche qui s’assume à l’échelle européenne, mais à l’échelle nationale, par les États-membres. Il peut y avoir une aide européenne, mais la responsabilité demeure nationale. Nous avons constaté que la position de la Hongrie, jadis condamnée, est désormais de plus en plus acceptée. Nous n’attendons pas de remerciements auxquels nous ne sommes pas habitués. Nous ne jubilerons pas non plus. Il n’est pas agréable de constater que la valeur de la monnaie de certains a baissé après trois années de crise, tandis que la nôtre l’a fait immédiatement.

Peut-on atteindre un compromis dans le débat sur les migrants ? Non – et ce n’est pas nécessaire. Il y a ceux qui s’imaginent que chaque partie adverse devrait faire des concessions, qu’ils devraient discuter puis se serrer la main. C’est une mauvaise approche. Certaines questions ne pourront pas aboutir à un consensus. Cela n’arrivera pas, et ce n’est pas nécessaire. L’immigration est l’une de ces questions. Aucun document ne stipule que l’entrée d’un pays dans l’Union européenne implique que ce dernier devienne une terre d’immigration. Lorsque nous sommes entrés, nous n’avons pris aucun engagement de ce genre. Il est également vrai que les documents fondateurs de l’Union européenne ne déclarent pas qu’un État-membre ne puisse pas chercher à se transformer en pays d’immigration. C’est pourquoi il y a des pays d’immigration dans l’UE, où les migrants sont les bienvenus, où les populations locales veulent bien les intégrer et se mélanger avec eux. Il y a aussi des pays qui ne veulent pas de migrants, qui ne veulent pas se mélanger avec eux, et où leur intégration est donc hors de question. Dans de telles situations, il n’y a pas besoin de compromis, mais de tolérance. Nous tolérons que certains États-membres de l’espace Schengen admettent des migrants. Cela a et aura des conséquences – y compris pour nous. De même, ils devraient tolérer le fait que nous ne voulons pas le faire. Ils ne devraient pas nous sermonner, ils ne devraient pas nous faire chanter, ils ne devraient pas nous forcer, mais ils devraient simplement nous donner le respect propre aux États-membres ; puis il y aura la paix sur le Mont des Oliviers.

Outre l’immigration, il n’y a pas besoin de compromis et d’accord, mais de tolérance et de respect sur d’autres questions : le concept de la nation ; les principes de base de la politique familiale ; la réglementation du mariage ; et l’intégration sociale. Ces questions relèvent de la compétence des États membres, et l’absence d’accord sur ces questions est due à des spécificités culturelles et à des racines historiques. Il est donc inutile d’essayer à plusieurs reprises et sans succès de se convaincre les uns les autres sur des questions sur lesquelles nous n’avons pas besoin de prendre une décision commune.

Je voudrais maintenant dire quelques mots sur les échecs de l’Europe au cours des cinq dernières années. Il y a longtemps que l’Union européenne n’a pas connu cinq années aussi infructueuses que ces cinq dernières années. Trois graves erreurs pèsent sur la conscience de Bruxelles : premièrement, nous avons perdu le Royaume-Uni ; deuxièmement, nous avons été incapables de défendre notre continent contre les migrants ; et troisièmement, Bruxelles a bouleversé l’équilibre entre l’Est et l’Ouest. La responsabilité des dirigeants européens actuels est claire comme de l’eau de roche. Avec l’élection de Jean-Claude Juncker – à laquelle les Britanniques se sont fermement opposés, fermement et jusqu’au dernier – nous avons dynamité le cadre des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. À l’exception de la Hongrie, tout le monde a ignoré le point de vue des Britanniques. Nous n’avons donc aucune raison d’être surpris que l’étincelle de la migration ait allumé la mèche qui a tout fait exploser.

Bien sûr, il est également vrai qu’au cours des cinq dernières années, il y a eu des résultats positifs – même s’ils ont été surpassés par les échecs. Le programme de relance économique de Juncker, par exemple, a vraiment aidé certains États-membres. C’est également une réussite que, même en période d’échec, Bruxelles a été en mesure de maintenir le fonctionnement de l’UE. Il est vrai que nous avons une stratégie digitale ambitieuse et que nous avons également pris des mesures pour constituer une défense commune. En temps de paix, ce résultat pourrait mériter de vives acclamations. Et pourtant ces années n’étaient pas des années de paix – parce que nous avons perdu la Grande-Bretagne, parce que nous n’avons pas réussi à nous défendre contre l’invasion des migrants et parce que Bruxelles a ouvert un conflit entre les parties orientale et occidentale de l’UE. C’est de cela que je voudrais maintenant dire quelques mots.

Tout le monde peut voir qu’il y a une ligne de faille symbolique entre l’Est et l’Ouest. Les hommages rendus à Fidel Castro par la Commission et notre coprésident ont causé une certaine gêne. Nous les supportons. Mais l’éloge funèbre pour Marx nous est resté en travers de la gorge, parce qu’elle nous est incompréhensible. Marx a défendu l’abolition de la propriété privée ; la dissolution des nations ; l’abolition du modèle familial qui existait depuis mille ans ; l’abolition de l’Eglise et de la foi ; et, enfin, il a créé l’antisémitisme moderne, lorsqu’il a qualifié les Juifs de quintessence d’un capitalisme condamné à disparaître. Comment cela peut-il être loué ? Qui a perdu la tête ?

Ce qui est certain, c’est que quelqu’un a perdu la tête – soit eux, soit nous. Quoiqu’il en soit, nous aurions dû, d’une manière ou d’une autre, combler ce fossé symbolique entre l’Est et l’Ouest. Ce qui s’est avéré impossible à surmonter, c’est que dans les litiges pratiques centrés sur la compétitivité, la Commission représente exclusivement les intérêts des pays occidentaux. D’après notre expérience, lorsque les pays occidentaux ont un avantage concurrentiel naturel – comme par exemple dans la libre circulation de l’argent et des capitaux – Bruxelles se bat unguibus et rostro pour le protéger, au nom du marché. Je pense qu’il est juste de le faire. Toutefois, dans les domaines où les pays de l’Est ont une position concurrentielle relativement forte – comme dans le travail et les services – Bruxelles crie immédiatement au scandale, déclarant qu’il s’agit d’un dumping et nous oblige à prendre des mesures correctives ; tout à coup, le marché passe au second plan. Cela nous coûte très cher et c’est complètement injuste.

Helmut Kohl était également président de son parti et, dans un discours en sa mémoire, il est nécessaire de parler des relations entre les partis au pouvoir en Hongrie et le Parti populaire européen. Malgré les erreurs commises à nos dépens par les dirigeants du Parti populaire européen, nous avons décidé de continuer à faire partie de cette famille de partis européens.

En ce qui concerne les élections au Parlement européen de 2019, il serait facile, par exemple, d’établir une nouvelle formation à partir de partis d’Europe centrale partageant les mêmes idées – ou, en fait, une formation anti-immigration paneuropéenne. Il ne fait aucun doute que nous aurions un grand succès aux élections européennes de 2019. Mais je propose que nous résistions à cette tentation et que nous nous en tenions aux idéaux d’Helmut Kohl et à la famille du parti. Au lieu de déserter, nous nous attellerons à la tâche, plus difficile, de renouveler le Parti populaire européen et de l’aider à retrouver ses racines démocrates-chrétiennes. Le Parti populaire européen est le parti qui a connu le plus de succès dans l’histoire de la communauté européenne. Au début des années 2000, à l’invitation de Helmut Kohl, le Fidesz – Hungarian Civic Union s’est joint à cette grande communauté, et au cours des deux décennies, il est devenu l’un de ses partis les plus forts.

Le Parti populaire européen a réussi à obtenir des résultats exceptionnels en se positionnant dès le début comme un parti de vainqueurs. Nous avons jeté les bases de nos succès non pas à Bruxelles, mais au sein des nations. Tant dans les États que dans l’UE, le Parti populaire a fait le travail essentiel d’un parti, celui que fait tout parti : il a représenté la volonté du peuple dans les institutions politiques décisionnelles et dispose donc de bases solides sur lesquelles il peut revendiquer d’imposer son point de vue sur l’orientation de l’intégration européenne. Nos rivaux politiques de gauche et libéraux se sont perdus dans les idéologies et sont devenus esclaves de doctrines irréalistes rédigées sur des pupitres. Pendant des décennies, nous avons eu beaucoup plus de soutien populaire que les autres formations parce que, contrairement à nos rivaux, nous avons toujours gardé les pieds sur terre, nous avons toujours compris les gens, nous avons une connaissance approfondie de nos propres pays et nous avons toujours prêté attention à ce que les citoyens de l’Europe veulent. Nous les avons représentés.

Même s’il reste aujourd’hui le plus grand parti du continent, le Parti populaire européen a perdu lentement mais régulièrement de sa force et de son influence au cours des quinze dernières années. L’évolution la plus importante – et un certain nombre d’élections au cours des dernières années en témoignent – est que, petit à petit, l’influence de nos partis auprès des électeurs a diminué. La réponse de la direction du Parti populaire à cette situation a été mauvaise : elle a créé un front populaire anti-populiste. L’Allemagne en est un bon exemple, mais c’est également vrai au Parlement européen. Ce front populaire anti-populiste cherche à s’opposer aux nouveaux partis émergents en unissant toutes les forces traditionnelles : des communistes, en passant par les verts, les sociaux-démocrates et les libéraux, jusqu’aux chrétiens-démocrates. Nous pensons que c’est une erreur. C’est une erreur parce que, tout d’abord, elle jette une bouée de sauvetage à une gauche qui s’affaiblit rapidement. Deuxièmement, c’est une erreur en raison de sa dynamique politique bipolaire : au lieu d’affaiblir les forces que nous voulons vaincre, elle les renforcera de fait, en tant que seule alternative à l’élite dirigeante.

Alors que la direction du Parti populaire européen a mal réagi, des modèles nationaux se sont formés et ont été couronnés de succès. L’autre modèle, qui a été testé avec succès en Autriche et en Hongrie, relève le défi, ne crée pas un tel front populaire, prend au sérieux les questions soulevées par les nouveaux partis et leur apporte des réponses sérieuses. C’est le faire sans rejoindre la gauche – qui cherche à nous entraîner dans la mauvaise direction politique et à profiter de nous.

La seule raison pour laquelle notre force politique, qui perd des forces, n’est plus spectaculaire, Mesdames et Messieurs, c’est que nos rivaux traditionnels s’affaiblissent encore plus vite que nous. Mais ce n’est qu’une maigre consolation. Nos opposants de gauche et libéraux veulent nous enfermer dans une cage intellectuelle ; ils veulent nous dire – à gauche comme à droite – ce qu’il faut faire et penser ; ils veulent nous expliquer ce dont nous pouvons et ne pouvons pas parler, et avec qui nous pouvons et ne pouvons pas nous allier. Plus récemment, ils ont même voulu nous dire, à gauche comme à droite, qui peut et ne peut pas être membre du Parti populaire européen. Voilà une situation absurde. Pour nous, pays qui ont connu le communisme, cela nous rappelle de mauvais souvenirs. Cela rappelle la technique du salami employée dans toute l’Europe centrale au milieu du siècle dernier par les communistes – soutenus par l’Union soviétique et les accords géopolitiques mondiaux – afin d’éliminer progressivement les partis civiques.

Nous sommes sans aucun doute la CSU du Parti populaire européen, et donc la plateforme démocratique chrétienne de droite du Parti populaire européen. Nous croyons que le temps est venu d’une renaissance démocratique chrétienne, et non d’un front populaire anti-populiste. Contrairement à la politique libérale, la politique chrétienne est capable de protéger nos peuples, nos nations, nos familles, notre culture, enracinée dans le christianisme et l’égalité entre les hommes et les femmes : en d’autres termes, notre mode de vie européen.

Après avoir parlé des affaires du parti, permettez-moi de dire quelques mots de l’avenir de l’UE. L’Union européenne est toujours riche, mais faible. Elle s’affaiblira davantage avec le Brexit, tandis que nos concurrents extérieurs se renforceront. Nous ne pouvons avoir d’autre objectif qu’une Union européenne forte, mais une Union européenne forte a besoin d’États-membres forts. Dans l’économie, la responsabilité individuelle ne peut pas continuer à être diluée, et ne peut pas être dissoute dans un processus magique de formation communautaire. C’est une condition préalable à une Europe forte : tout d’abord, chacun doit mettre de l’ordre dans sa propre maison, car seul un État-membre fort peut s’empresser de venir en aide à un autre État-membre qui se trouve en difficulté sans que ce soit de sa faute. J’aimerais vous rappeler que nous avons été les premiers à nous retrouver dans le filet de sécurité financière. Mais, en 2013, nous avons aussi été les premiers à rembourser l’aide financière que nous avons reçue – jusqu’au dernier centime. Nous croyons au concept de M. Schäuble selon lequel des réformes structurelles majeures peuvent être menées dans le cadre de la discipline budgétaire. Nous savons que c’est possible parce que nous l’avons essayé et que nous avons réussi.

L’avenir de l’Union européenne dépend de sa capacité à défendre ses frontières extérieures. C’est la prochaine question qui se pose pour l’avenir de l’UE. Si nous défendons nos frontières, le débat sur la répartition des migrants n’a plus de sens, car ils ne pourront plus entrer. S’ils ne peuvent pas entrer, il n’y a personne à répartir. C’est simplement du bon sens. Et si nous suivons cette ligne de conduite, la seule question est de savoir ce que nous devons faire de ceux qui sont déjà entrés. Notre réponse à cette question est qu’ils ne devraient pas être répartis, mais qu’ils devraient être ramenés chez eux.

Enfin, la défense est aussi l’un des principaux enjeux pour l’avenir de l’Europe. Sur ce point, nous devons être clairs : ceux qui ne sont pas en mesure de se protéger avec leurs propres ressources seront toujours à la merci des autres – même en temps de paix, même si ce n’est pas de manière aussi visible. Cela signifie que, pour pouvoir se défendre, l’Europe a besoin de sa propre défense. Heureusement, nous avons progressé dans cette direction – lentement toutefois, et sans doute plus lentement que nous ne le devrions.

La plus grande faiblesse de l’Union européenne est le manque de confiance en elle-même. J’aimerais maintenant dire quelques mots à ce sujet. La Commission a commis une erreur fondamentale en annonçant qu’elle ne s’en tiendrait pas à la neutralité, mais qu’elle jouerait un rôle politique. C’était de mauvais augure. Nous avons également commis une erreur fondamentale en ne nous prononçant pas contre cela et en le tolérant tout simplement. Aujourd’hui, la Commission est un instrument que les grands États utilisent contre les plus petits. Quel autre rôle pourrait jouer un organe politique ? Dans une telle situation, la réalité politique doit être dûment prise en compte. C’est pourquoi non seulement la Commission ne nous protège pas contre la force écrasante face à laquelle nous sommes confrontés, mais elle contourne les règles en faveur des grands États, ouvre la voie à l’altération furtive – et donc illégale – des pouvoirs, et la Commission utilise ses instruments à des fins de chantage. Bien que la comparaison soit légèrement problématique du point de vue de la dimension temporelle, je pourrais dire qu’elle se transforme en Moscou. En 2019, il nous faudra y mettre fin. Cette Commission doit disparaître, et nous aurons besoin d’une Commission et d’un Parlement qui reflète les nouvelles réalités européennes.

Si la faiblesse physique a une cause spirituelle, comme c’est le cas avec l’UE, alors il faut traiter non pas le corps, mais l’esprit. Je suis convaincu que l’Union européenne a perdu sa capacité exemplaire de résolution de problèmes parce qu’elle a renoncé à son propre passé et qu’elle a ainsi renoncé à ses décennies d’expérience en matière de gouvernance. Elle a contracté une amnésie. C’est ce que nous avons appris des écrits de József Szájer. Selon l’idéologie officielle actuelle de l’UE, la paix, le progrès et la coopération en Europe ont commencé avec la création de la communauté européenne. Ce qui l’a précédé, c’est une rivalité pitoyable et fragmentée, d’État-nations et de religions, alimentée par des pulsions nationales et sectaires, qui a conduit à des guerres sanglantes – et finalement à l’Holocauste lui-même. Par conséquent, la logique de Bruxelles veut qu’il n’est pas seulement irréaliste de s’appuyer sur cette ancienne pratique pour se guider : si vous le faites, vous agissez en violation directe des valeurs fondamentales et neutres de la nouvelle Europe ; c’est de l’exclusion, c’est nuisible et c’est carrément criminel. Ainsi, l’Europe s’est revêtue d’une camisole de force spirituelle et a mis de côté les leçons tirées de centaines  voire – de milliers – d’années d’expérience de gouvernement. Nous devons d’abord nous libérer de cette camisole de force spirituelle, car elle ne nous cause pas seulement des problèmes spirituels, mais aussi des problèmes politiques pratiques. Dans un autre écrit de József Szájer, j’ai lu que ceux qui se rendent, qui se débarrassent de leur passé – ou qui se laissent enlever leur passé – ne devraient pas être surpris si, lorsqu’ils cherchent à résoudre les nouveaux problèmes auxquels ils sont confrontés, ils découvrent qu’ils ont aussi perdu leur boussole. C’est ainsi qu’il a été possible pour des hommes d’État très respectés de faire récemment des affirmations qui peuvent être facilement réfutées avec une connaissance minimale de l’histoire ; l’une de ces affirmations étant que les frontières maritimes ne peuvent être défendues. Au cours des dernières années, les arguments qu’ils ont avancés ensemble au sujet des frontières, des murs et des clôtures sont contredits par l’expérience de l’humanité qui remonte à des milliers d’années. Après tout, les frontières sont des aspects fondamentaux de la vie : sans frontières, l’existence est impossible. Quelque chose qui n’a pas de frontières, pas de contours, n’existe pas. Et si les frontières maritimes ne peuvent être défendues, comment des pays ayant des côtes maritimes peuvent-ils exister ? Il est évident que ce qui manquait, ce n’était pas la possibilité de défense, mais la volonté ; et cela a été prouvé par les actions récentes du gouvernement italien.

Lorsqu’on parle d’une potentielle renaissance des démocrates chrétiens et de la démocratie chrétienne, pour moi la pensée dominante est celle que les Allemands recevaient par message radio des Américains dans les années 1945. « La chrétienté est le fondement duquel toutes nos pensées tirent leur sens. Tous les Européens ne doivent pas forcément croire à la vérité de la foi chrétienne ; mais tout ce qu’ils disent, tout ce qu’ils font, tire son sens de l’héritage chrétien.

Aujourd’hui, l’ordre libéral s’effondre parce qu’il est devenu clair que ses idéaux ne sont pas fondés sur la vie, ni sur la réalité, ni sur l’histoire, mais sur des constructions artificielles qui ne peuvent tout simplement pas accueillir des concepts qu’ils considèrent comme des configurations irrationnelles, mais qui ont façonné et déterminé l’Europe et la vie des Européens depuis deux mille ans : des concepts tels que la foi, la nation, la communauté et la famille.

Enfin, je dois dire quelques mots sur les aspirations fédéralistes – dont le dernier avatar est « l’État de droit. » La Commission européenne – mais ici nous pouvons inclure le Parlement européen – est continuellement insatisfaite de sa propre marge de manœuvre et cherche à étendre ses prérogatives à d’autres domaines. La logique dite de l’État de droit, dont l’analyse approfondie est une fois de plus fournie par József Szájer. Il souligne à cet égard que cette logique n’a pratiquement aucun fondement juridique – du moins pas dans les traités fondateurs de l’Union européenne. Le tour de passe-passe consiste en ce que certaines autorités nationales et organismes de réglementation appliquent également dans une certaine mesure le droit communautaire ; l’Union exige d’avoir son mot à dire sur le fonctionnement des différents systèmes juridiques nationaux, sur les mécanismes de contrôle dont ils devraient disposer et sur la manière dont les différents États membres devraient organiser leur propre pratique législative. C’est pourquoi nous disons que la primauté du droit n’est qu’un nom de code pour l’aspiration fédéraliste, cherchant à faire pression sur les gouvernements réticents.

En guise de conclusion, je devrais peut-être aborder la question de la contribution que la Hongrie peut apporter à la politique européenne commune. En toute modestie, nous pouvons vous proposer les options suivantes. D’abord, nous pouvons nous ériger en exemple en ce qui concerne les réformes économiques. Nous pouvons vous offrir tout le soutien nécessaire pour la réémigration. Depuis longtemps, nous disons qu’il faut exporter de l’aide et non pas importer des problèmes. Nous pouvons également donner des conseils à toute personne qui en fait la demande. Il y a un conseil que nous pouvons également donner qui provient de l’expérience historique de la Hongrie : chacun doit se rendre compte que l’Islam ne fera jamais partie de l’identité des pays européens. Il faudrait savoir quelle est la réponse de l’Islam. Nous, les Hongrois, nous savons de quoi il s’agit. Pour les musulmans, si l’Islam fait partie de l’Allemagne, alors, l’Allemagne fait partie de l’Islam. Cela mérite réflexion. En plus d’offrir un exemple, une assistance et des conseils, nous devons également souligner – de façon bienveillante mais ferme – que nous n’abandonnerons jamais notre avenir et que nous ne permettrons jamais à personne de nous imposer quoi que ce soit contre notre volonté. Si nous ne sommes pas en mesure de parvenir à un résultat satisfaisant dans les négociations à venir, si nous ne sommes pas en mesure d’accepter – ou même de tolérer – les points de vue des uns et des autres sur les questions de migration et de budget, alors nous attendrons. Attendons que le peuple européen exprime sa volonté lors des élections de 2019. Alors ce qui doit arriver arriveraScreenshot 2017-08-24 23.44.37Gegeurope

Source : Le Grand Continent 21/06/2018

Budget de la zone euro : l’éléphant accouche d’un souriceau

Angela Merkel et Emmanuel Macron lors d’une réunion du Conseil européen, en juin 2017. Photo : European Council - CC BY-NC-ND 2.0

Angela Merkel et Emmanuel Macron lors d’une réunion du Conseil européen, en juin 2017.
Photo : European Council – CC BY-NC-ND 2.0

Emmanuel Macron et Angela Merkel se sont enfin mis d’accord ce mardi 19 juin sur l’idée d’un budget de la zone euro pour ainsi favoriser la compétitivité et la convergence des économies de la zone euro. Les détails de ce futur budget restent néanmoins largement flous. Peut-on alors parler d’un véritable succès ou d’une coquille vide ?

C’est au Château de Meseberg, près de Berlin, qu’Emmanuel Macron a rencontré la chancelière Angela Merkel pour un conseil franco-allemand. Les dossiers chauds du moment, comme la crise des migrants, les impôts sur les sociétés ou la zone euro ont été abordés. Si la crise des migrants et ses ultimes soubresauts en Italie et en Espagne a peut-être largement capté l’attention médiatique, le budget de la zone euro a quand même été amplement évoqué, et un accord a même été trouvé entre les deux dirigeants, bien aidés par leurs ministres de l’économie, Bruno Lemaire et Olaf Scholz.

« Un accord historique » pour Bruno Lemaire. Qu’en est-il vraiment ?

Le ministre français de l’économie n’a pas caché sa satisfaction à l’issue des heures de discussions entre les deux chefs d’État et de l’annonce de l’accord. « C’est un accord historique, c’est la deuxième étape de la monnaie unique créée il y a quelques années ». Sur la forme, il n’a pas tort : un budget pour corriger les chocs asymétriques, pour favoriser la convergence des agrégats économiques entre les pays du Nord et ceux du Sud est en effet indispensable pour éviter de nouvelles crises graves entre les économies de la zone euro comme entre 2010 et 2015.

Mais sur le fond, faut-il voir le remède miracle tant attendu ? Pour l’instant, c’est de la poudre aux yeux. La somme allouée annuellement à ce budget n’est pas encore connue avec certitude, mais elle pourrait tourner autour de… 20 milliards d’euros par an. Une goutte d’eau, moins de 0.5% du PIB de la zone euro, alors que pour commencer à exister efficacement, de nombreux économistes suggèrent 1 à 2% du PIB. On est très loin des « plusieurs points de PIB » qu’Emmanuel Macron voulait pour sa mesure phare de « l’Europe qui protège ». Dans le même temps, le couple franco-allemand s’est engagé à réformer le mécanisme européen de stabilité (MES) et l’union bancaire, conformément aux volontés allemandes de stabilité financière.

2021, une éternité à attendre…

Ce budget de la zone euro pourrait voir le jour en 2021… Autrement dit une éternité à attendre. Il peut se passer beaucoup de choses en trois ans, une nouvelle crise de la dette peut partir d’Italie, du Portugal ou de la Grèce, où les dettes publiques restent abyssales. Et que faire avec 20 milliards d’euros ? Un choc asymétrique peut impliquer des centaines de milliards d’euros de déséquilibres.

En même temps, instituer une telle mesure à court terme semble totalement irréalisable… Car où trouver l’argent ? A l’heure où le cadre financier pluriannuel (CFP 2021-2027) est âprement négocié, notamment en prenant en compte le fait que 11 milliards d’euros vont disparaître chaque année dû au Brexit, trouver 20 milliards d’euros semble relever du vœu le plus pieux. Cette somme pourrait également provenir de nouvelles taxes instituées au niveau européen, comme une taxe sur les transactions financières ou sur un impôt sur les sociétés harmonisé. Des solutions plus crédibles, même si la création de telles taxes restent compliquée à envisager à court terme.

La pérennité d’un budget de la zone euro est liée à la stabilité du gouvernement allemand

Mais ce qui peut poser le plus de problèmes dans les prochaines semaines, c’est la faiblesse de la Chancelière Merkel. Qui aurait pu croire il y a quelques années que la femme la plus puissante du Monde pouvait se retrouver dans un tel marasme impliquant son propre gouvernement ? Le ministre de l’intérieur de la CSU (les conservateurs de Bavière) Horst Seehofer s’est engagé dans un bras de fer avec Angela Merkel au sujet des migrants. Si cette dernière ne réussit pas à trouver un nouvel accord avec les partenaires européens d’ici la fin du mois de juin, Horst Seehofer risque purement et simplement de rompre le contrat de coalition, faisant tomber le gouvernement.

Dans ce cas extrême, que pourrait-il se passer ? De nouvelles élections verraient peut-être une nouvelle percée de l’AfD europhobe, actuellement entre 13% et 16% dans les sondages. La « GroKo » entre la CDU-CSU et le SPD pourrait même récolter moins de 50% des suffrages, portant un sérieux coup à sa légitimité. Une nouvelle coalition « jamaïcaine » impliquant la CDU-CSU, les Verts et les libéraux du FDP est aussi envisageable, avec un Christian Lindner hostile à un budget de la zone euro qui pourrait devenir ministre des finances. L’avenir politique d’Angela Merkel est assez incertain, et sans un soutien ferme de l’Allemagne pour un budget de la zone euro, ce dernier restera hypothétique. Une proposition qui resterait franco-allemande n’est néanmoins pas non plus suffisante : il faudra convaincre les 17 autres États de la zone euro, et particulièrement ceux du Nord, comme les Pays-Bas, la Finlande ou l’Estonie, une gageure. La réforme de la zone euro sera à l’agenda de la prochaine réunion du Conseil européen, qui aura lieu les 28 et 29 juin prochains.

Emmanuel Macron a peut-être gagné une petite bataille en convaincant Angela Merkel du bien-fondé de l’idée d’un budget de la zone euro. Les modalités de mise en place de ce budget sont néanmoins des plus floues, et le contexte politique européen n’incite guère à l’optimisme.

Source : Le Taurillon en Seine 21/06/2018

Budget propre ou fin de la zone euro : l’ultimatum de la France à l’Allemagne

 Le ministre de l'Economie française, Bruno Le Maire, avec son équivalent allemand, Olaf Scholz à Paris, le 16 mars 2018 LANGSDON


Le ministre de l’Economie française, Bruno Le Maire, avec son équivalent allemand, Olaf Scholz à Paris, le 16 mars 2018 LANGSDON

La zone euro ne survivra pas à l’absence de réforme, assure le ministre de l’Economie français, faisant monter la pression sur l’Allemagne à quelques semaines d’un Conseil européen crucial.

Une longue journée de travail attend les ministres de l’Economie français et alllemand, à Berlin, mercredi 16 mai. L’objet, la feuille de route pour la zone euro de demain qui doit être présentée fin juin lors du Conseil européen, est devenu une pomme de discorde entre la France et l’Allemagne. La France tente de jeter tout son poids politique dans la balance, et ce dans un langage de plus en plus cru.

« La zone euro ne résistera pas aux divergences économiques entre ses Etats-membres. Les différences fiscales  sont devenues trop importantes pour une union monétaire » affirmait ainsi, le 14 mai Bruno Le Maire, lors d’une rencontre avec des journalistes à Bercy.

Pour la France, l’urgence de la réforme est dictée par la succession d’alertes électorales qui transfigure l’Europe politique en raison de la montée des forces centripètes. Le Brexit, les élections en Italie et la montée des extrêmes un peu partout  devrait, selon l’équipe Macron, entraîner une réaction rapide pour donner des gages aux citoyens. Et ce avant les élections européennes de 2019, pour se prémunir d’une prochaine crise à laquelle l’euro pourrait ne pas résister.

« Maintenant ou jamais »

« C’est maintenant, ou jamais » résume  le ministre français, en faisant référence à l’étroite fenêtre de tir qu’il reste : 5 semaines de discussion avant le Conseil européen des 28 et 29 juin. Il sera ensuite trop tard avant l’échéance électorale des européennes, en mai 2019.

Or, les discussions achoppent. « Réveillez-vous ! La France a changé », avait déjà prévenu Emmanuel Macron, le 10 mai à Aix-la-Chapelle, tout en insistant sur le fait qu’ « en Allemagne, il ne peut y avoir un fétichisme perpétuel pour les excédents budgétaires et commerciaux, car ils sont faits aux dépens des autres ».

Une analyse largement partagée par son ministre de l’Economie, qui reconnait que les efforts de compétitivité représentent le premier lieu de convergence économique, mais qu’ils ne suffiront pas tant l’Allemagne a pris une longueur d’avance.

Un sujet sur lequel il n’y a guère de débat de fond : les économistes s’accordent sur le fait que dans une zone monétaire intégrée, les excédents de l’un pèsent sur la capacité des autres à les rattraper, notamment parce que les financements vont en priorité aux profils moins risqués. Un cercle vicieux qui fait que l’Allemagne ne peut qu’améliorer ses performances économiques, en investissant plus et en exportant toujours plus, alors que les autres qui ne peuvent user de l’outil monétaire pour améliorer leur compétitivité ne font que rester à la traine.

Le budget de la zone euro, ligne rouge française

Et le budget allemand pour 2018 continue de viser toujours plus d’excédent commercial et budgétaire, plutôt que de répartir les fruits de la croissance en dopant la consommation.

L’absence de mouvement de la part de l’Allemagne interroge sérieusement du côté du gouvernement français, qui estime de son côté payer le prix fort politiquement de sa politique plus rigoureuse, avec les grèves, ou la suppression de 200.000 emplois aidés qui soutenaient la consommation et les territoires.

Des concessions qui visaient notamment à gagner en crédibilité et parvenir à mettre en place un budget de la zone euro qui permette de lisser les divergences économiques. La France n’accepte pas que ces efforts ne soient pas récompensés. La mise en place d’un budget de la zone euro, un projet qui suppose d’en définir son montant, l’origine des ressources et leur affectation, a priori sur l’investissement et l’innovation, reste donc plus que jamais une ligne rouge française.

« Je ne ménagerai aucun effort  pour parvenir à un accord fin juin pour une feuille de route pour la zone euro » insiste donc Bruno Le Maire, recruté au poste de ministre de l’Economie il y a un an par Emmanuel Macron pour sa germanophonie et germanophilie.

« Est-ce que l’Europe a la volonté politique d’affirmer sa souveraineté, politique, économique, financière ? Notre réponse est un oui massif », affirme-t-il, tout en interrogeant en creux la motivation allemande.

Le ministre insiste aussi sur la nécessaire réforme de la fiscalité internationale, alors que l’Allemagne hésite face à la proposition de la Commission européenne de taxer le chiffre d’affaires de GAFA actuellement en discussion.

« L’Europe est-elle capable de définir elle-même les règles qu’elle croit juste ou efficace, ou doit-elle attendre » pour le faire interroge le ministre allemand qui refuse « la vassalisation de l’Europe » aux intérêts américains. Un sujet là encore sensible outre-Rhin, dont les exportations sont très dépendantes des Etats-Unis.

Aline Robert |

Der stellvertretende Vorsitzende der CDU/CSU-

Der stellvertretende Vorsitzende der CDU/CSU-

La droite allemande torpille l’idée d’un fond monétaire européen

Prompte à soutenir l’intervention de la France en Syrie, la droite allemande tente en revanche de torpiller le projet de Fond monétaire européen, censé remplacer à terme le Mécanisme européen de stabilité.

 

Source : EURACTIV.fr 15/05/2018