George Orwell devient un symbole de protestation en Thaïlande

george-orwell-6Suite au coup d’État militaire en Thaïlande, le 22 mai dernier, la junte au pouvoir menace de sévir contre toutes formes de rassemblements politiques de plus de 5 personnes, même pacifiques. Des centres commerciaux ferment leurs portes ou réduisent leurs horaires d’ouverture, les autorités bloquent la circulation dans certaines avenues, la censure est de rigueur en attendant que soient organisées des élections. Une transition qui pourrait prendre une année encore selon le chef de l’armée. Dans ce climat, le roman dystopique 1984 de George Orwell serait devenu un symbole de protestation dans le pays et la lecture en public un acte de résistance.

Selon l’Associated Press, samedi dernier, un groupe de manifestants s’est assis sur une passerelle surélevée de Bangkok afin d’y lire des livres en guise de protestation face à la prise de contrôle du gouvernement thaïlandais par l’armée du général Prayuth Chan-ocha.

Pour ce faire, ils se sont armés du célèbre livre d’Orwell mais aussi d’autres titres comme Unarmed Insurrection, The Politics of Despotic Paternalism, ou encore The Power of Non-Violent Means. En somme, tout un lot de lectures qui n’incitent pas à marcher au pas sur fond de fanfare militaire.

La campagne de répression actuellement menée par les putschistes vise à faire taire toutes dissidences pour rétablir l’ordre à sa façon. Les citoyens qui risquent de faire des esclandres sont mis en garde de même que les médias locaux sont tenus par la censure. 14 réseaux de télévision et près de 3000 stations de radio communautaires sans autorisation sont sous le coup d’un blocus.

Des chaînes indépendantes comme CNN et la BBC ainsi que des pages web ont également été bloquées, parmi lesquelles la page thaïlandaise de Human Rights Watch. Journalistes et universitaires sont dans le collimateur.

L’un des militants de la lecture publique, resté anonyme, a expliqué la démarche à l’AP : « Les gens sont en colère à propos de ce coup d’État, mais ils ne peuvent pas l’exprimer… Nous étions à la recherche d’un moyen alternatif de résistance, d’une manière qui n’est pas conflictuelle. Et l’un de ces moyens est la lecture. »

Certains libraires de la ville seraient moins téméraires et auraient d’ores et déjà retiré des ouvrages sulfureux de leurs tables. Pour un autre lecteur d’Orwell : « Nous avons Big Brother nous regarde désormais. Il est devenu trop risqué de parler. C’est triste . Mais il est plus sûr de garder le silence en Thaïlande en ce moment. »

D’autres Thaïlandais ont adopté le geste de salut tiré d’Hunger Games, une main levée en l’air, index, majeur et annuaire dressés, pouce et auriculaire baissés. Dans la trilogie de Suzanne Collins, le mouvement signifie Merci, Respect et Au Revoir, mais plus largement un geste de résistance aux pouvoirs répressifs, rapporte l’Associated Press.

Ce qui s’avère particulièrement adapté à la situation, mais également risqué : les autorités ont rapidement saisi le message et n’hésitent plus, désormais, à interpeler les individus qui refusent de baisser leur bras. « Si un seul individu lève ses trois doigts en l’air, nous n’allons pas l’arrêter », explique le Colonel Weerachon Sukhondhapatipak, porte-parole de la junte, « mais s’il s’agit d’un rassemblement de cinq personnes ou plus, nous devrons prendre des mesures ».

Washington, par l’intermédiaire du Secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel, a appelé la junte militaire thaïlandaise à relâcher les prisonniers politiques actuellement détenus, et à organiser des élections au plus vite. « Nous demandons instamment aux forces armées royales thaïlandaises de libérer les personnes détenues, de mettre fin aux restrictions de la libre expression et de restaurer immédiatement le pouvoir du peuple thaïlandais grâce à des élections libres et justes. »

Source ActuaLitté  03/06/2014

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Le coup d’Etat militaire en Thaïlande soutenu par les États-Unis

2305-ThailandeL’armée définit ses projets en concertation avec Washington

L’armée thaïlandaise a organisé hier ce qui avait toutes les caractéristiques d’un coup d’Etat, sauf le nom. Aux premières heures de la matinée, alors que les soldats se déployaient dans Bangkok, le chef de l’armée, le général Prayuth Chan-ocha a décrété la loi martiale dans tout le pays et pris le contrôle de l’ensemble de l’appareil sécuritaire de l’Etat, y compris la police.

L’armée a stupidement déclaré que ses mesures n’étaient « pas un coup d’Etat » et n’avaient été prises que pour « préserver l’ordre public » au bout de six mois de crise politique aiguë à Bangkok. Les chefs militaires n’ont pas consulté le gouvernement, ils en ont dissout le comité de sécurité, se sont emparés des chaînes de télévision et se sont attribués de vastes pouvoirs pour censurer, arrêter, fouiller et interdire des rassemblements publics.

Interrogé sur le statut du gouvernement, le général Prayuth a plaisanté avec les journalistes : « Et où est-il ce gouvernement ? » Des sections clé des gros bonnets, tels les tribunaux, la bureaucratie d’Etat et la monarchie, se sont montrés sensibles aux protestations anti-gouvernementales organisées par le Comité thaïlandais de la réforme démocratique (PDRC) et le Parti démocrate de l’opposition, tout comme à leur demande de faire tomber le gouvernement élu de Pheu Thai.

Suite à une décision judiciaire qui a annulé les résultats de l’élection qui s’était tenue en février et que Pheu Thai avait remportée haut la main, le gouvernement pour sa part expédie les affaires courantes avec des pouvoirs limités. Le 7 mai, la Cour constitutionnelle a organisé ce qui correspondait à un coup d’Etat judiciaire, en destituant la première ministre Yingluck Shinawatra et neuf de ses ministres au motif de fausses accusations d’abus de pouvoir. Le gouvernement est confronté à d’autres défis émanant du Sénat et des tribunaux qui pourraient le faire chuter si l’armée ne prend pas d’abord directement le pouvoir.

Le gouvernement Obama soutient le coup d’Etat, tout comme il avait tacitement soutenu l’éviction de Yingluck. La porte-parole du Département d’Etat américain, Jen Psaki, a insisté pour dire que les actions de l’armée n’étaient pas un coup d’Etat et que la loi martiale « est prévue dans la constitution thaïe. » En fait, le général Prayuth a justifié ses actions non pas sur la base de la constitution de 2007 élaborée par l’armée, mais en faisant référence à une loi opaque centenaire datant de l’époque de la monarchie absolue en Thaïlande.

L’armée a de toute évidence défini ses projets en concertation avec Washington. L’assistant au secrétaire d’Etat américain pour l’Asie, Daniel Russel, avait séjourné le mois dernier à Bangkok pour rencontrer un « certain nombre de dirigeants et d’acteurs concernés » à propos de la crise politique dans le pays. Le gouvernement Obama considère la Thaïlande, et particulièrement son armée, comme un élément important de son « pivot vers l’Asie » qui vise à subordonner et à encercler militairement la Chine. Le Pentagone est en train de renforcer sa collaboration avec l’armée thaïe et cherche à accéder aux bases aériennes thaïes qui furent utilisées dans les années 1960 durant la guerre du Vietnam pour effectuer des bombardements de saturation.

Le coup d’Etat d’hier fait suite à huit années d’instabilité politique qui avait commencé avec le coup d’Etat militaire qui avait renversé le frère de Yingluck, Thaksin Shinawatra, premier ministre depuis 2006. Ces violentes querelles intestines au sein des élites dirigeantes ont leurs racines dans la crise financière asiatique de 1997-98 qui avait durement touché l’économie thaïe. Après avoir initialement soutenu le milliardaire des télécommunications Thaksin afin de contrer les exigences de mesures brutales de restructuration du Fonds monétaire international, les élites traditionnelles du pays, qui sont axées sur la monarchie, se sont retournées contre lui lorsque ses mesures économiques se sont mis à contrecarrer leurs intérêts commerciaux et leurs réseaux clientélistes. Elles furent tout particulièrement hostiles à son aumône populiste accordée aux pauvres du monde urbain et rural.

La principale cible du décret imposant la loi martiale n’est pas tant le gouvernement intérimaire pro Thaksin que la classe ouvrière et les masses rurales. Dans le contexte d’un ralentissement économique accru partout en Asie et d’une croissance négative en Thaïlande, le gouvernement, tout comme l’opposition, sont déterminés à imposer des mesures d’austérité, dont la réduction des concessions sociales limitées faites par Thaksin. Dans le même temps, toutes les sections de l’élite dirigeante craignent que les luttes politiques intestines au sommet de la hiérarchie ne mènent à un soulèvement social d’en bas.

Les deux factions de la bourgeoisie pro et anti-Thaksin avaient reculé sous le choc au moment où en 2010 les protestations combatives des « Chemises rouges » contre le gouvernement démocrate soutenu par l’armée avaient failli échapper à tout contrôle. Bien que théoriquement sous la direction du Front uni de la démocratie contre la dictature (UDD), les pauvres urbains et ruraux, qui constituaient l’épine dorsale des protestations, avaient commencé à avancer leurs propres revendications de classe. L’armée avait réagi par une répression brutale qui avait tué au moins 90 manifestants non armés en en blessant 1.500 autres.

L’ensemble de la classe dirigeante cherche désespérément à éviter une explosion sociale. Au cours de ces six derniers mois, le gouvernement et les dirigeants de l’UDD ont délibérément démobilisé leurs partisans des Chemises rouges. Ils étaient vivement préoccupés que la classe ouvrière industrielle, qui est rassemblée dans de vastes usines du centre et de la périphérie de Bangkok, ne se jette dans la mêlée.

Loin de condamner le décret de la loi martiale d’hier, le ministre de la Justice par intérim, Chaikasem Nitisiri, a dit aux médias : « Il est bon que l’armée s’occupe de la sécurité du pays. » Le dirigeant de l’UDD, Jatuporn Prompan, a déclaré que la loi martiale était « une bonne chose » et exhorté ses partisans à coopérer avec les soldats.

Cette capitulation veule ne fera qu’encourager les forces anti-gouvernementales à achever le processus de l’établissement d’une dictature soutenue par l’armée, en lançant un assaut de grande envergure contre le niveau de vie des masses et une répression impitoyable de toute résistance venant de la classe ouvrière.

Le soutien de Washington au démantèlement de la démocratie parlementaire par l’armée thaïe est un avertissement sévère pour les travailleurs et les jeunes dans la région entière. Dans leur renforcement militaire et leur préparation à la guerre contre la Chine, les Etats-Unis n’hésiteront pas à appuyer ou à mettre en place des gouvernements droitiers et autocratiques alignés sur Washington et prêts à recourir à des mesures d’Etat policier pour imposer un programme de militarisme et d’austérité.

Comme le spécifie la théorie de la Révolution permanente de Léon Trotsky, la bourgeoisie des pays connaissant un développement capitaliste arriéré est totalement incapable de satisfaire les besoins sociaux et les aspirations démocratiques des travailleurs. Dans toute la région, la démocratie de façade, usée jusqu’à la corde, de pays comme la Thaïlande, la Corée du Sud et l’Indonésie est en train de rapidement montrer son vrai visage.

 Peter Symonds

 Source, WSWS, paru le 21 mai 2014

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Thaïlande: la plus sévère crise politique depuis des décennies

Un rassemblement de Chemises rouges dans la ville de Pattaya, à l’est de Bangkok. Photo RFI Arnaud Dubus
par Arnaud Dubus correspondant RFI à Bangkok

La Thaïlande se débat depuis début novembre dans une crise politique multidimensionnelle dont l’issue est difficile à entrevoir.

Cette crise n’est que le dernier soubresaut d’une phase de transition chaotique amorcée fin 2005. A l’époque, les classes moyennes de Bangkok, alliées à l’establishment traditionnel et monarchiste, se sont révoltées contre le Premier ministre, Thaksin Shinawatra, un leader populaire mais autocratique et corrompu. Sa sœur, Yingluck Shinawatra, qui dirige le gouvernement depuis les élections de juillet 2011, fait face depuis plusieurs mois à la même fronde conservatrice, appuyée sur la magistrature et la bureaucratie.

Ce n’est pas la première fois que la Thaïlande (ou le Siam, comme le pays s’appelait avant 1939) passe, dans la douleur, d’un modèle de société à un autre. Dans les années 1930, la montée en puissance économique et sociale des roturiers avaient entrainé la fin de la monarchie absolue. La forte croissance économique dans les milieux urbains, et surtout à Bangkok, à partir du début des années 1960 avaient abouti à la mobilisation pro-démocratique des classes moyennes, avec à leur tête les étudiants, lesquels avaient renversé, au début de la décennie suivante, la dictature militaire de Thanom Kittikachorn.

C’est un schéma similaire que l’on peut voir aujourd’hui, sauf qu’il se produit dans les provinces rurales. A partir du milieu des années 1980, la formidable croissance économique du royaume a bouleversé la donne sociale dans ces provinces. Les paysans ont progressivement diversifié leurs activités économiques, faisant un peu de commerce à côté de la rizière, voire se lançant dans le secteur des services. Ces mêmes paysans, qui vingt ans plus tôt peinaient à subvenir à leurs besoins, ont sorti la tête de l’eau. Ils ont souvent pu acheter une voiture, ont envoyé un ou deux enfants à l’université, voyagé à travers le pays ou même ont travaillé à l’étranger. Ils sont informés, lisent les journaux, leurs enfants surfent sur l’internet.

Un vieil adage qui ne fonctionne plus…

Dans les années 2000, ils ont réalisé, avec l’arrivée au pouvoir de Thaksin Shinawatra, que leur vote avait du poids. Ils avaient élu un politicien qui, pour la première fois, mettait en application ses promesses de campagne : sécurité sociale, micro-crédits, subventions à l’agriculture. Et quand les militaires, accusant Thaksin de manque de respect envers le roi et de corruption, l’ont évincé du pouvoir en septembre 2006, ces provinciaux (et beaucoup de migrants travaillant à Bangkok) ne l’ont pas accepté. Le vieil adage « les campagnes élisent le gouvernement, Bangkok les démantèlent » ne fonctionnait plus.

Ce que l’on voit dans les rues de Bangkok peut être analysé comme la réaction des classes moyennes de la capitale, très souvent d’origine sino-thaïlandaise, lesquelles réalisent qu’un rééquilibrage politique s’effectue dans le pays. Il est frappant lorsque l’on interviewe ces manifestants, fiers de leur éducation universitaire, de les entendre dire et redire qu’ils « paient des taxes » et qu’ils ont donc des droits spéciaux. Les Chemises rouges (comme sont appelés les gens des provinces qui soutiennent le gouvernement) sont qualifiés sans ambages de « buffles » – c’est-à-dire de gens stupides – par ces Bangkokois. Et certainement, les sino-Thaïlandais des grandes villes ont probablement plus d’affinités avec les habitants de Hong Kong ou de Singapour où ils aiment faire leur shopping qu’avec les habitants des provinces de leur propre pays.

C’est peut-être pour cette raison que leur perception des ruraux du royaume est dépassée. Leur vision se réfère à une réalité qui était peut être vraie il y a trente ans, mais ne l’est plus.

D’autres facteurs rendent cette crise de transition particulièrement sévère, au premier plan desquels la fin proche du règne du roi Bhumibol Adulyadej, âgé de 86 ans et de santé fragile – un règne entamé en 1946 et qui est le plus long de l’histoire du pays. L’identité nationale du pays a été fondée au début du XXème siècle sur le triptyque Nation-Religion-Roi, mais ces trois piliers sont en voie d’érosion accélérée.

La crise politique de ces derniers mois a mis en évidence une nouvelle montée des régionalismes. Les Chemises rouges dominent le nord-est, le nord et le centre et s’opposent au sud bouddhiste, fief des forces conservatrices (ou Chemises jaunes). La rébellion ethno-religieuse du sud à majorité musulmane relativise la position du bouddhisme – fragilisé par la corruption et les scandales de mœurs au sein de la communauté monastique – comme critère absolu de la citoyenneté thaïlandaise. La famille royale, dont l’image a été utilisée à l’excès par la Chemises jaunes dans leur campagne politique, ne parvient plus à exercer le rôle de ferment national comme par le passé. La Thaïlande doit se redéfinir et elle y semble mal préparée. Selon plusieurs analystes, cette quête d’elle-même pourrait encore durer entre dix et vingt ans.

Source RFI : 25/04/2014

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L’inculpation pour meurtre qui menace l’équilibre politique en Thaïlande

Manifestation en 2010 Reuter

Manifestation en 2010 Reuter

Le procureur général de Thaïlande a annoncé qu’il comptait poursuivre l’ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva pour meurtre.

La situation politique thaïlandaise devient de plus en plus tendue. Hier soir, le procureur général de Thaïlande a annoncé qu’il comptait poursuivre l’ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva pour meurtre en liaison avec son rôle dans la répression des manifestations de 2010. A l’époque, le chef du gouvernement, qui est repassé dans l’opposition depuis la défaite en 2011 de son parti démocrate, avait autorisé les forces de sécurité à intervenir pour déloger des manifestants fidèles à Thaksin Shinawatra, l’ancien homme fort du pays vivant en exil depuis un coup d’état militaire de 2006. Les affrontements entre les différents camps avaient alors fait 90 morts et plus de 1.900 blessés. « Les preuves montrent que leurs ordres ont poussé d’autres personnes à commettre des meurtres et des tentatives de meurtres », a expliqué, hier, Nanthasak Poonsuk, le porte-parole du bureau du procureur général.

Les proches d’Abhisit Vejjajiva ont immédiatement condamné cette décision et accusé le procureur de répondre à des ordres politiques du gouvernement qui est actuellement emmené par Yingluck Shinawatra, la sœur de Thaksin. Selon eux, l’accusation pour meurtre devrait effrayer les dirigeants de l’opposition et les inciter à soutenir le grand projet de loi d’amnistie actuellement proposé par l’exécutif. Ce texte, qui vise officiellement à refermer les années d’affrontements sanglants entre une élite urbaine liée au Parti démocrate et le mouvement plus populiste de la famille Shinawatra, très populaire dans les campagnes pauvres du royaume, effacerait l’ensemble des charges retenues contre tous les responsables politiques de l’époque et pourrait ainsi permettre le retour dans le pays de Thaksin, qui avait notamment été reconnu coupable, après sa chute, de plusieurs faits de corruption.

Pour l’instant, le Parti démocrate assure qu’il ne soutiendra pas le texte d’amnistie et que ses responsables feront face, devant la justice, aux accusations de meurtre.

Gabriel Gresillon et Yann Rousseau

Source Les Echos 29/10/2013

Voir aussi : rubrique Asie, Thaïlande, Une balle dans la tête du général, Les chemises rouges acceptent la médiation

Une Thaïlande divisée vote pour des législatives sous tension

Dans une ambiance électrique, la Thaïlande votait dimanche pour des élections législatives cruciales pour que le royaume sorte enfin de la violence et réduise le profond fossé qui sépare les élites de la capitale des masses urbaines et rurales défavorisées.

Les bureaux de vote, protégés par plus de 170.000 policiers, ont ouvert à 08H00 (01H00 GMT) et fermeront à 15H00, lorsque seront dévoilés les premiers sondages sortis des urnes, avant des premiers résultats attendus vers 21H00 (14H00 GMT).

Le scrutin met aux prises le Parti démocrate du Premier ministre Abhisit Vejjajiva et le parti d’opposition Puea Thai, de facto dirigé depuis son exil par l’ancien chef de gouvernement Thaksin Shinawatra, renversé par un coup d’Etat militaire en 2006.

Un duel sous tension qui marque la ligne de fracture du pays entre les élites de la capitale – hauts-fonctionnaires, magistrats, militaires, palais royal – qui ont porté Abhisit au pouvoir fin 2008, et les masses rurales et urbaines défavorisées, dont beaucoup considèrent Thaksin comme un héros.

Plus de 47 millions d’électeurs sont appelés à choisir leurs 500 députés pour quatre ans. Et les sondages donnaient un avantage certain au Puea Thai, dont la campagne est menée par la soeur cadette du milliardaire, Yingluck Shinawatra.

La photogénique femme d’affaires de 44 ans, que son frère a lui-même décrite comme son « clone », a voté dans une école de Bangkok vers 08H15, sous l’oeil des caméras. Abhisit en a fait de même deux heures plus tard, également dans la capitale, appelant les électeurs à venir voter en masse.

Ce scrutin, comme les trois précédents, s’apparente à référendum pour ou contre Thaksin, personnage incontournable de la politique du royaume autour duquel s’est encore une fois focalisé la campagne.

Alors que le Puea Thai a évoqué une amnistie pour tous les hommes politiques condamnés, dont lui, les Démocrates ont crié au scandale. « Il est temps de se débarrasser du poison Thaksin », a notamment lancé Abhisit.

Mais le Puea Thai prendrait des risques importants en faisant revenir un homme haï des élites et de l’armée, qui voient en lui une menace pour la monarchie.

« S’il pose un pied en Thaïlande l’armée pourrait l’accuser (…) d’essayer de créer de la désunion parmi les Thaïlandais », a estimé Pavin Chachavalpongpun, de l’Institut d’études sur l’Asie du Sud-Est à Singapour, évoquant alors une « riposte » de la part des militaires.

Dans un pays qui a connu 18 coups d’Etat ou tentatives depuis 1932, l’armée est en effet soupçonnée de vouloir s’immiscer dans le processus électoral. Et malgré ses multiples dénégations, son puissant chef Prayut Chan-O-Cha, qui a appelé à voter pour les « bonnes personnes », n’a pas réussi à apaiser les rumeurs de putsch.

Thaksin et ses alliés ont remporté toutes les élections depuis 2001. Mais ils ont été chassés du pouvoir par les militaires en 2006, puis à deux reprises par la justice en 2008, permettant l’arrivée au pouvoir d’Abhisit à la tête d’une coalition de six partis.

Le milliardaire vit en exil pour échapper à une condamnation à deux ans de prison pour malversations financières. La moitié de sa fortune a été saisie l’an dernier. Il est également poursuivi pour terrorisme pour son soutien présumé aux manifestations du printemps 2010.

Jusqu’à 100.000 « chemises rouges », pour la plupart fidèles à l’ancien magnat des télécommunications, avaient alors occupé le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission d’Abhisit, avant d’être délogés par l’armée au terme de plusieurs jours de guérilla urbaine.

La crise, la plus grave qu’ait connu la Thaïlande moderne, avait fait plus de 90 morts et 1.900 blessés. Quels que soient les résultats de ces élections, la plupart des analystes s’accordent sur le risque de nouvelles violences, à court ou moyen terme.

Plusieurs pays ont d’ailleurs mis en garde leurs ressortissants. « Il y une possibilité de nouveaux troubles et de violence dans la période autour des élections et de la formation d’un nouveau gouvernement », pouvait-on ainsi lire sur le site du ministère australien des Affaires étrangères.

Alélie Bottollier-Depois, AFP

Les premieres indications (sondages sortis des urnes) annonce un raz-de-marée de l’opposition pro-Thaksin.

Voir aussi : rubrique Asie Thaïlande, Une balle dans la tête du général, Les chemises rouges acceptent la médiation, nouveau rassemblement des  chemises rouges, Lien externe entretien avec Olivier Guillard directeur de recherche de l’IRIS,