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C’est justement le cas avec Oncle Boonmee. Au-delà des qualités intrinsèques de ce film, qui nous coupe proprement du réel, cette distinction permettra de faire découvrir une des cinématographies les plus méconnues d’Asie. Et pas seulement sous l’angle bien ficelé d’un sujet d’actualité mais pour ce qu’elle est, pour la richesse des différences qui la composent. Apichatpong comme Ratanaruang, font du cinéma d’auteur. Ils appartiennent à la nouvelle génération des réalisateurs thaïlandais ayant étudié aux Etats-Unis qui ne se cantonnent pas à produire des films d’action. Cela dit sans a priori, on peut adorer Ong Bak et reconnaître la qualité d’un travail qui doit contourner la censure pour exprimer une certaine forme d’humanité.
L’histoire d’une mémoire
Dès les premières minutes de Oncle Boonmee, on pénètre dans un univers onirique où le conte, la dimension fantastique et la poésie se mêlent harmonieusement à la vie sociale. A l’érotisme aussi dans une scène captivante où une princesse fait l’amour avec un poisson chat. Autant le dire, le rythme, la trame narrative et émotionnelle, l’enchaînement des plans souvent fixes du film d’Apichatpong ouvrent les fenêtres d’un imaginaire aussi distant des représentations et des croyances occidentales que proche du culte de la réincarnation.
A l’aube de sa mort Oncle Boonmee, souffrant d’une insuffisance rénale, souhaite partir en paix. Il convie ses proches dans sa maison au nord de la Thaïlande. En pleine nature, au milieu de nulle part, la demeure est peuplée d’ouvriers agricoles clandestins laotiens et de fantômes. Lorsqu’à la nuit tombée la défunte femme d’oncle Boonmee et son fils, un homme singe qui s’est métamorphosé depuis quinze ans dans la forêt, se joignent à la table des vivants, tout se passe très paisiblement. Seul le domestique laotien semble un peu décontenancé par la situation, tirant, non sans humour, le spectateur de son ressenti subjectif.
Sur une trame non linéaire Apichatpong explore plusieurs modes opératoires et esthétiques interconnectés pour évoquer la mémoire personnelle d’un homme. Il effleure le vécu du traumatisme historique, à travers son personnage qui s’inquiète d’avoir tué trop de communistes, suggère en quelques images, les problèmes contemporains de la pression militaire, mais rien finalement ne vient troubler l’ordre des choses. Le voyage se poursuit jusqu’à la dernière partie qui semble nous ramener au réel. Le film passe comme une respiration d’entre-deux mondes loin de l’infernale machine urbaine dévoreuse d’espace de vie et de mort.
Jean-Marie Dinh
Le film est une libre adaptation du livre « Celui qui se souvient de ses vies antérieures. »
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