La stratégie arabe de la Chine

Par Mohamed Troudi

L’émergence de la Chine comme puissance montante de cette fin du 20ème siècle résulte de sa capacité prouvée de faire cohabiter deux traditions, celle de manier à bon escient les ressources que lui offrent la technologie occidentale tout en consolidant ses traditions propres tissées depuis des millénaires. La question qui se pose est la suivante: le monde est-il entrain d’assister en même temps qu’à l’émergence inéluctable de la Chine à un retour à un monde plus  normal, par conséquent moins marqué par une longue et brutale domination européenne?. Assiste-on à l’affaiblissement de l’impérialisme américain et européen? La crise économique et financière si grave aujourd’hui va-elle dans le même sens d’un affaiblissement de l’impérialisme mondial, qui pousse toutes les puissances au désespoir en causant des frictions entre elles chacune cherchant à alléger ses problèmes au dépend de l’autre?

Chacun sait que la domination américaine au Moyen orient représente un argument essentiel pour la réussite de la stratégie mondiale des Etats-Unis qui souhaiterait imposer son modèle au monde entier. En effet les Etats-Unis veulent s’assurer le contrôle des gigantesques ressources pétrolières de la région, ce qui donnera à l’Amérique les moyens de manipuler l’économie mondiale et par conséquent de limiter  voire de gommer toute concurrence des autres pays développés. Je pense à la Chine, à l’Inde et probablement la Russie.

Les fondements de la pensée stratégique chinoise

L’apparition de nouveaux acteurs majeurs sur le marché mondial comme la Chine, offrant une toute autre stratégie d’échange et de relations basées sur un partenariat d’égal à égal, peut fortement gêner la puissance américaine notamment dans sa quête inlassable de grandes espaces et de nouvelles sources de matières premières  en tête desquelles le pétrole notamment dans la région arabe et  en Afrique, dans le but de mieux diversifier son approvisionnement.

Sans vouloir verser dans un anti-américanisme primaire, je note que les Etats-Unis sont aujourd’hui dans l’incapacité de peser sur les grands bouleversements mondiaux. En choisissant souvent la facilité et le court terme dans la conduite de leur politique étrangère, ils ne sont plus aujourd’hui à l’abri de nouveaux concurrents déterminés à repenser les termes du débat stratégique, dans un espace désormais fragmenté.

En somme, ils entretiennent la peur d’un empire somme toute théâtral  et d’une expansion narcissique notamment dans le monde arabe. Le résultat désormais consommé, l’échec dans la réalisation de leurs objectifs stratégiques, l’exemple irakien et afghan en est l’illustration parfaite. L’apparition d’acteurs majeurs sur la scène mondiale dont les Etats-Unis sont incapables de contrôler, particulièrement la Chine, est de nature à compliquer davantage une tâche déjà complexe pour les Américains. Cette situation ouvre un boulevard pour la Chine, puissance montante, qui semble décider à utiliser tous les moyens en sa possession pour jouer à fond sa chance.

Il est opportun de signaler à titre d’exemple la réussite du rapprochement entre la Chine et l’Amérique latine, qui peut servir d’exemple à reproduire dans le monde arabe. En effet,  l’Amérique latine  trouve dans le commerce avec Pékin, un marché parfaitement en état de recevoir ses produits. La Chine importe du Brésil des quantités importantes de produits extraits du soja. De son côté le Venezuela de CHAVEZ, a négocié avec la Colombie pour construire un oléoduc vers sa côte pacifique. Cette plateforme a pu accroître les exportations pétrolières de Caracas vers la Chine, privant ainsi les Etats-Unis d’une manne dont elle en a tant besoin surtout que l’Amérique dépend du Venezuela à hauteur de 14% de leur importation en pétrole. Cet exemple de rapprochement réussi sino latin, est-il en cours de se reproduire au Moyen-Orient et au Maghreb?

Le rapprochement entre la Chine et le monde arabe semble être une opportunité stratégique pour les deux parties, même si l’un des deux partenaires a pris plusieurs longues d’avance sur l’autre. En effet si la Chine semble aller de l’avant, le monde arabe donne encore au monde l’image d’une région divisée, sans aucun dessin politique et stratégique commun, incapable de s’unir autour de sujets d’importance majeure engageant l’avenir des peuples de la région. Toutefois les printemps arabes déclenchés par la révolution tunisienne et égyptienne, permettent d’espérer un retournement de situation et la mise en place de politiques économiques plus en phase avec les aspirations des peuples arabes. La Tunisie puis l’Egypte, le Yémen et la Syrie en attendant que d’autres pays du monde arabe ne connaissent à leur tour des bouleversements profonds qui pourraient  bouleverser non seulement le monde arabe, mais aussi les relations qu’il entretient avec le reste du monde, notamment la Chine

En quoi, la Chine peut-elle en tirer profit de cette nouvelle donne arabe?  En grande puissance, la Chine suit  la situation de très près, même si elle se refuse à la commenter .En  effet la possible onde de choc des évènements dans le monde arabe fait craindre aux dirigeants chinois le risque d’une contagion, pourtant hautement improbable, à la Chine. Comment la Chine va-t-elle se comporter? Jusqu’à quel point  les troubles qui secouent le monde arabe, peuvent-elles peser sur la situation interne de ce grand pays, sachant que ce type d’évènements est toujours traité avec une grande prudence, et le plus souvent assimilé à une forme de chaos dont il faut se méfier.? Autant de questions que ce travail se propose d’y apporter une esquisse de réponse.

Pour bien comprendre la politique chinoise en vers le monde arabe, il est opportun de rappeler les fondements notamment intellectuels de la pensée stratégique chinoise qui dictent la nature et le contenu de sa politique étrangère. Il faut admettre que l’espace stratégique mondial considéré jusqu’à lors comme unique, et homogène, est probablement en passe de laisser la place à un espace stratégique mondial fragmenté. Qu’il s’agisse de l’Amérique latine ou de la Chine, des puissances dites émergentes concurrencent sur le terrain politique et économique, des puissances jadis bien établies. Parmi ces nouveaux acteurs menaçant l’hégémonie stratégique américaine, la Chine se place en bonne position. Cette dernière a en effet décidé de projeter en dehors de son environnement immédiat, sa vision du monde partant des fondements de sa pensée stratégique.

Une des bases de la stratégie chinoise c’est qu’elle s’inscrit presque toujours dans le long terme et cherche avant tout à influer sur les tendances lourdes. Elle ne se construit pas dans la précipitation et par conséquent s’inscrit dans la durée,  tenant compte à la fois de l’environnement et des stratégies des concurrents directs. Elle s’appuie sur des comportements inébranlables, celui de l’écoute, l’absence de préjugé et d’arrogance et enfin la disponibilité et sa capacité à s’adapter à toutes les circonstances extérieures. En somme ce premier fondement de la  politique étrangère chinoise peut être résumé en une phrase: moduler la situation, ne surtout pas la forcer.

Le deuxième fondement de la stratégie chinoise, s’appui sur une conception nuancée du monde contrairement à la vision occidentale qui adopte souvent une approche plutôt dualiste et cartésienne du monde. La conception chinoise du monde qui influe largement sur sa stratégie se résume en un mot «  le soft power ». Si le hard power se réfère à l’utilisation des outils traditionnels mis à la disposition d’un Etat à savoir la coercition, en brandissant la menace de représailles militaires, ou encore l’incitation économique et financière, à l’opposé le soft power, fait appel à l’habilité pour un Etat d’obtenir ce qu’il désire par le pouvoir d’attraction du rayonnement de sa culture et de sa civilisation, de sa conception des relations internationales et plus particulièrement de sa diplomatie. Il a pour effet de propulser l’Etat ou la puissance en question sur la scène mondiale et d’attirer l’attention des autres acteurs sur la spécificité d’un acteur donné.

La Chine a  misé sur le soft power dont l’objectif est moins d’imposer un système ou une manière de voir que d’influencer imperceptiblement ces partenaires à travers le monde. Ce qui m’amène à penser que la Chine tout en utilisant la puissance de son économie, elle s’appuie aussi sur ce mécanisme du soft power, mettant en avant la force de  sa culture plurimillénaire et sa population, deux vecteurs essentiels aujourd’hui de sa puissance politique et économique. La multiplication  des instituts Confucius (1) à travers le monde en est l’exemple parfait du rayonnement culturel de la Chine.

La politique de la main tendue tout en souplesse avec des acteurs partenaires, semble être d’une grande efficacité au Tiers-monde, particulièrement en Afrique et depuis un certain temps dans le monde arabe. Il faut rappeler que la Chine se considère d’abord comme un pays du Sud, ayant optée pour une vision singulièrement différente des autres puissances, basée sur l’écoute et la non ingérence pour se rapprocher de nouveaux partenaires et gagner la confiance. Cette phrase prononcée par le président nigérian Olusegun Obasanjo lors du dîner officiel offert en avril 2006 au Président Hu Jintao, en dit long sur le charme qu’exerce en permanence la Chine sur ses partenaires africains : « Nous souhaitons un jour que la Chine dirige le monde, et quand ce sera le cas, nous voulons être juste derrière vous ». Le grand stratège chinois Sun Tzu, auteur du premier traité de stratégie militaire écrit au monde «  stratégie militaire du maître Sun », dans le quel, il  développe des thèses originales qui s’inspirent de la philosophie chinoise ancienne. Il disait pour en citer un exemple que les armes sont de mauvais augures, car le vainqueur sera haï par le vaincu et ses ressources seront d’autant plus difficiles à exploiter sur la durée. La Chine semble avoir retenu cette leçon dans sa relation avec les pays du Sud, plus que toutes autres puissances du moment, Etats-Unis en tête.

La diplomatie chinoise dans le monde arabe, s’inscrit dans la droite ligne de la politique extérieure  de l’empire du milieu, énoncée pour la première fois en 1953 par celui qui était le ministre des affaires étrangères Chou En-Laï. Quelques principes majeurs fondent la nouvelle diplomatie chinoise dans le monde arabe: respect mutuel, non agression, non ingérence dans les affaires internes, relations basées sur l’égalité, les bénéfices mutuels et la coexistence pacifique.

Le multilatéralisme chinois en dehors de l’Asie

Très tôt, lors de la conférence de Bandung en 1955 et dans l’euphorie révolutionnaire, la République populaire de Chine a manifesté un intérêt pour l’Afrique et  le monde arabe, ce qu’on désignait à cette période par le Tiers-monde. Une trentaine de pays qui pour la plupart venaient d’accéder à l’indépendance, comptaient désormais peser sur la politique internationale. C’est l’économiste et le démographe Alfred Sauvy qui est à l’origine de l’expression «  Tiers Monde », en effet dans un article publié dans le Nouvel Observateur en 1952, désigne pour la première fois ses pays nouvellement libres sous le terme de Tiers Monde, en allusion au Tiers Etat qui avait provoqué la Révolution française (2). L’on peut lire à Alfred Sauvy notamment ce passage : « car enfin, ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut lui aussi, être quelques chose ».

Trois acteurs vont organiser la philosophie tiers-mondiste : l’Indien Jawarharlal Nehru qui a succédé à Gandhi  et qui veut mettre en avant la nécessité d’une union et d’une lutte par des moyens pacifiques,

l’Egyptien Gamal Abdel Nasser,  qui symbolise le nationalisme arabe  et  Zhou Enlai, premier ministre chinois qui  fort du prestige et de la puissance numérique de la Chine populaire, voulait lui donner, l’image d’un pays soutenant les luttes contre toute forme d’impérialisme mondial.

Ils se définissent contre les essais nucléaires, la politique des blocs, et le colonialisme. La Conférence de Bandung se tient du 18 au 24 avril 1955 et regroupe 29 pays (15 asiatiques, 9 du Moyen-Orient et 5 africains). L’Afghanistan, la Birmanie, le Cambodge, Ceylan (l’actuel Sri Lanka), la République populaire de Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, le Laos, le Népal, le Pakistan, les Philippines, Siam (l’actuelle Thaïlande), la République populaire du Vietnam, l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Iran, l’Irak, la Jordanie, le Liban, la Syrie, la Turquie, le Yémen la Côte-de-l’Or (l’actuel Ghana), l’Éthiopie, le Libéria, le Soudan et la Libye. La République populaire de Chine a été également membre pendant un temps du mouvement des non-alignés crée suite à la déclaration de la Havane en 1949.  Son but est d’assurer : l’indépendance nationale, la souveraineté, l’intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés dans leur lutte contre l’impérialisme, le colonialisme, le néo-colonialisme, la ségrégation, le racisme, le sionisme, et toute forme d’agression étrangère, d’occupation, de domination, d’interférence ou d’hégémonie de la part de grandes puissances ou de blocs politique.

La Chine a  été le premier pays non arabe à reconnaître le gouvernement provisoire d’Algérie, créé en septembre 1958. Si après la mort de Mao Zedong, la présence chinoise en Afrique est devenue plus discrète, se limitant à certains investissements ciblés comme au  Bénin, la Chine a rapidement repris une politique de rapprochement avec des pays africains et arabes, comme en témoigne l’intérêt de la Chine pour l’Egypte et l’Algérie et récemment pour le Maroc. En effet la Chine considère l’arabisme comme une variante du tiers-mondisme, il est également l’expression de la lutte des classes et ses partisans les plus acharnés se plaçaient dans son camp.

Depuis toujours, fidèle à sa stratégie de petits pas, la diplomatie chinoise est fondée sur le principe du développement pacifique, orientation confirmée après l’accession au pouvoir de Hu Jintao en 2002. Tout en privilégiant des relations harmonieuses et stables avec ses voisins asiatiques, la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, aujourd’hui première puissance démographique et deuxième puissance économique mondiale, cherche à se placer sur un pied d’égalité avec les autres grandes puissances mondiales qu’il s’agit des Etats Unis, de la Russie ou de l’Union européenne. Se faisant Pékin développe sa présence économique via des partenariats solides avec les pays du Sud notamment en Afrique et dans le monde arabe. La politique chinoise est une politique caractérisée par des évolutions en petites touches, l’objectif étant de défendre les intérêts du pays notamment l’accès aux hydrocarbures  sur le long terme. Pékin défend ses intérêts vitaux sous couvert de la solidarité avec les pays du Sud et profite de sa puissance pour réaliser ses desseins stratégiques au risque souvent de créer le ressentiment et de faire peur.

Le développement économique de la Chine et son appétit insatiable en pétrole, lui impose de redéployer sa diplomatie afin de s’assurer des disponibilités en matières premières, ce qui pousse aujourd’hui le pays à se tourner vers l’Afrique, l’Amérique latine et le monde arabe. La pénétration chinoise en Afrique est à cet égard emblématique et surtout à contre-courant de la stratégie européenne et américaine, puisque Pékin par altruisme n’en conditionne jamais son aide et ses investissements souvent colossaux à un quelconque critère politique. Il faut signaler que les principaux partenariats noués par la Chine, en dehors de l’Asie orientale, se fondent sur des coopérations économiques ou militaires ciblées avec des partenaires finement choisis.

Dans le cas du monde arabe, particulièrement au Moyen-Orient, la Chine a signé des partenariats surtout  avec l’Arabie Saoudite grand producteur et exportateur du pétrole et l’Iran dont les relations avec c e pays sont excellentes.

En ce qui est de l’Afrique, les liens sont étroits avec des pays comme l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, deux pays richement dotés en matières premières et qui n’oublient pas le soutien de Pékin dans la lutte contre l’apartheid et plus largement dans leur lutte contre la colonisation britannique. La Chine a également lourdement investit dans trois pays producteurs de pétrole, je veux parler du Nigeria, de l’Angola et du Soudan. S’agissant de ce dernier, Pékin a fortement investi dans l’exploitation et dans le raffinage du pétrole, mettant une sourdine sur le conflit de la province du Derfour, considérant la question comme une affaire interne au Soudan, ce qui ne l’a pas empêché d’envoyer une force multinationale d’interposition dans la province. Mais qu’en est-il de son action en direction du monde arabe?

La Chine et le monde arabe, des intérêts partagés

La politique étrangère de la Chine repose sur les principes généraux stipulés par le paragraphe 12 de la constitution chinoise : rôle de locomotive de la Chine pour les pays du Tiers-monde ; non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats ; coopération bilatérale et multilatérale mutuellement avantageuse, c’est le principe de développement pacifique, qui a été confirmé  en 2002 par l’accès à la tête de la Chine de Hu Jinato

La diplomatie chinoise poursuit quelques objectifs majeurs, en tête desquels se trouve le développement économique du pays, ce qui vient en soutien au deuxième objectif, celui de la consolidation de son statut de grande puissance émergente. On peut en citer un troisième et non des moindres, celui d’assurer la pérennité du régime communiste au pouvoir, probablement l’objectif prioritaire aujourd’hui. En effet l’effondrement de l’Union soviétique, a persuadé les différents dirigeants communistes chinois, de Deng Xiaoping à ses successeurs, Jiang Zemin puis Hu Jintao, aujourd’hui, de poursuivre  non seulement les réformes et le développement du pays mais d’accélérer son intégration à l’économie mondiale, considérée comme une condition sine qua non à l’accès  au statut de puissance à la fois politique et militaire.

Bastion de la plus grande révolution  communiste survenue dans le Tiers Monde, et lieu de   ressourcement de  nombreux espoirs révolutionnaires, la Chine  accélère son développement économique et son ouverture au monde extérieur, tout en renouant  avec son riche héritage culturel et historique national, se faisant elle est probablement en cours de réussir  une action de réforme en profondeur de la société internationale. En renforçant sa diplomatie économique et ses échanges culturels avec le monde extérieur, la Chine considère en effet que le contexte international est favorable à la réalisation de ces objectifs si liés.

Dans ses conditions perçues comme propice, favorisant les opportunités stratégiques, la Chine marque  sa volonté  non seulement de  prendre part au nouvel ordre international qui se profile mais surtout de le façonner et  l’adapter à ses intérêts vitaux tout en en évitant de heurter frontalement les Etats-Unis.

L’action de Pékin à l’extérieur, se présente désormais comme la diplomatie  d’un nouvel ordre mondial, mettant en avant la nécessité de promouvoir une approche nouvelle des relations internationales basée sur la justice et la raison dans la conduite des affaires du monde. En somme aider à sortir d’un monde mono polaire rendu possible par l’éclatement de l’Union soviétique et favoriser la promotion d’un  multilatéralisme effectif, enjeu majeur de ce début du 21ème siècle.

La vocation à l’hégémonie de la Chine qui n’est pas que symbolique, est en passe de se transformer en aspiration à la domination territoriale et  politique de certaines zones stratégiques dont le monde arabe en fait partie intégrante. A la fin des années soixante dix, la diplomatie chinoise jusqu’à la teintée de coopération militante sur fond d’idéologie tiers-mondiste, est rapidement passée à une nouvelle approche diplomatique marquée par le réalisme et le pragmatisme dans ses rapports avec les pays arabes et africains.

On posera deux questions essentielles: comment la Chine influence-t-elle le monde arabe et comment ce dernier peut l’influencer en retour après les printemps arabes qui va sans dire  inquiète le pouvoir communiste chinois?

Depuis le 8e Congrès du P.C.C., en 1956, la République Populaire de Chine s’est lancée dans une politique d’ouverture bien au delà de sa zone d’influence régionale, notamment vers l’Amérique latine, et particulièrement l’Afrique à qui l’empire du milieu consacre plus de 40% de son aide extérieure et une partie du monde arabe. Cette nouvelle phase politique l’a obligé, à  dessiner une stratégie chinoise pour le Tiers Monde, avec pour enjeu de taille, la satisfaction de ses besoins grandissants en matières premières et contre balancer autant que faire se peut la puissance américaine sans véritablement rentrer en confrontation directe avec les Etats-Unis. Si en Asie, la stratégie de Pékin se résume à une équation simple: s’imposer comme la première puissance face au Japon, son concurrent direct, ce qui peut donner à la politique asiatique de la Chine une connotation impériale, qu’en est-il de sa  politique arabe?

Depuis la décennie quatre vingt, Pékin a instauré un partenariat solide avec le monde arabe. Dans une de ses   interventions, l’ancien ambassadeur chinois au Maroc,  Cheng Tao,  a clairement dévoilé les atouts et les arcanes de la politique étrangère de la Chine dans cette partie du monde. C’est une politique basée sur  le respect mutuel de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, tout particulièrement sur le bénéfice réciproque « gagnant-gagnant » ou « win-win », déclarait-il.

Tout comme sa politique africaine, l’action de Pékin au Maghreb et au Moyen-Orient se résume à une politique d’occupation de terrain via des partenariats et des forums économiques. Un des constats stratégiques parfaitement intégré par la diplomatie pékinoise, est que la Méditerranée est  un lieu de présence des puissances du moment, la Chine est par conséquent consciente de la nécessité d’intégrer cet espace. Parallèlement certains pays arabes cherchent à diversifier leurs relations en s’ouvrant à de nouveaux acteurs émergents, cherchant ainsi à sortir du suivisme économique et politique qui a jusqu’à présent caractérisé leurs rapports avec l’Occident en général et les Etats-Unis en particulier. Ces tentatives menées par les Etats arabes, ont permis de densifier leurs relations avec un ensemble de pays désigné par ces quatre lettres « BRIC », en l’occurrence  Brésil, Chine, Inde et Russie. Ce rapprochement s’est opéré dans le cadre d’un mouvement Sud Sud, mené par des pays d’Amérique du sud, notamment le Brésil et des pays nord-africains principalement l’Algérie et des pays arabes du Moyen-Orient, avec le soutien de la Chine et la Russie. Ce désir des pays arabes de développer des politiques étrangères multidirectionnelles et de diversifier leurs rapports commerciaux internationaux, n’a pas échappé à la vigilance de Pékin, qui s’intéresse d’autant plus au monde arabe, que les derniers bouleversements de cette partie du monde, inquiètent la Chine .

Aujourd’hui, la Chine figure parmi les premiers partenaires commerciaux de nombreux pays maghrébins notamment de l’Algérie dont il est le sixième fournisseur. La pénétration chinoise du marché maghrébin est réelle, aujourd’hui nombreuses sont les entreprises chinoises dans le domaine du bâtiment ou encore dans la téléphonie, qui sont devenues de véritables rivales des groupes occidentaux notamment français comme Dumez ou encore Bouygues. La Chine multiplie depuis quelques temps, la construction d’infrastructure, secteur dans le quel les compétences et le savoir-faire chinois sont indiscutables. La Chine a entamé un large redéploiement des activités de ces grands groupes industriels vers l’Afrique du Nord principalement dans le textile, l’électronique et l’alimentaire, permettant ainsi à la Chine d’occuper le terrain et de promouvoir ses produits. La présence économique et le développement commercial avec ces pays semblent être les deux piliers du projet socialiste chinois, en somme le business, ce qui est pour le moins paradoxal car c’est un mode de pensée que Mao n’aurait  jamais imaginé.

En effet, la priorité de Pékin, n’est plus celle de Mao, unifier le Tiers monde sous la bannière du  socialisme chinois, désormais la Chine est avant tout en quête de stabilité par et pour la croissance économique, dans la quelle le monde arabe est appelé à jouer un rôle déterminant. C’est partant d’un activisme diplomatique très dense notamment en direction du Maghreb et surtout du Proche et Moyen-Orient, tentant par la même un certain contrôle de l’islam mondial.

Au Maghreb, la Chine joue de tous son poids pour tirer profit de relations plutôt solides avec les pays du Maghreb comme avec le  reste du monde arabe notamment avec les palestiniens. Elle est par conséquent dans une position favorable pour tisser des liens solides, partant d’un fort capital de sympathie et de confiance accumulé dans les cinq dernières décennies.

Le regard du monde arabe en vers la Chine se résume en deux idées phares: la Chine à l’OMC, peut infléchir le commerce mondial vers plus d’équité et de justice économique et permettre au monde arabe de bénéficier d’une meilleure chance en terme d’investissements internationaux. C’est du moins ce qu’attend le monde arabe de la Chine. En effet la montée en puissance de la Chine et son entrée à l’OMC en 2001 a entraîné un bouleversement de réorientation des flux commerciaux internationaux. Les pays du Maghreb n’ont pas été épargnés des effets de la montée en puissance de la Chine. Un pays comme le Maroc a ressenti les effets sur certains secteurs d’activités comme le textile habillement. Certaines analyses économiques marocaines font état d’un déficit commercial important dans les relations de la Chine avec Rabat, en effet si Pékin est devenue en l’espace de quelques années le troisième fournisseur du Maroc, elle ne représente néanmoins que son 18ème client

Le Maroc travaille à des relations plus équilibrées avec la Chine basée sur un véritable partenariat, il se place dans les priorités de la politique extérieure chinoise. Partant de sa position géographique, espace d’intérêt commun entre l’Afrique et la Chine, le Maroc veut jouer pleinement la carte de la profondeur stratégique que représente pour ce pays l’Afrique et  dont on connaît son importance aujourd’hui pour Pékin. Il cherche à faire valoir sa position de concentrateur commercial et financier régional, au carrefour des marchés européen, américain, africain et arabe, très attractif aux entreprises chinoises.

Le but recherché pour le Maroc est de s’associer à la dynamique conquérante des entreprises chinoises dans le continent et passer ainsi d’un cadre concurrentiel à un cadre partenarial. Parallèlement, Pékin veut faire du Maroc une plate-forme pour leurs exportations vers l’Europe et les Etats-Unis. La déclaration d’un chef d’une délégation d’hommes d’affaires chinois représentant la province de Zhijiang lors d’un déplacement au Maroc est à cet égard signifiante: « nous examinons avec les responsables de la région, la possibilité de créer des usines comme on l’a fait dans d’autres pays. Nous manquons de ressources naturelles, mais nous avons des ressources humaines dynamiques et qualifiées ».Il est vrai  que la position géographique stratégique et la nature de son système politique très particulier, offrent des atouts majeurs à la pénétration chinoise, même si les récents printemps arabes viennent compliquer quelque peu la stratégie arabe de la Chine, idée que je développerai à la fin de cet article. Développer la connaissance mutuelle des deux nations et rapprocher culturellement les peuples du Sud, figurent parmi les fondements de la politique étrangère chinoise et un pilier de sa stratégie d’approche, qui lui permet d’une année à l’autre d’alimenter sa croissance très souvent à deux chiffres, plaçant officiellement le pays désormais au deuxième rang d’économie mondiale, devant le Japon  mais  derrière les Etats-Unis du moins pour le moment.

Voulant consolider cette stratégie de pénétration en douceur dans le monde arabe, la Chine a lancé  une chaîne de télévision en langue arabe qui diffuse depuis  le 25 juillet 2009 des programmes 24 heures sur 24 à destination de 22 pays arabophones, soit près de 300 millions de téléspectateurs potentiels.

L’ambition  de ce projet d’après l’autorité de la chaîne, représentée par Zhang Changming, vice président de CCTV est de « montrer la « vraie » Chine aux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord . Elle s’inscrit dans la volonté du gouvernement chinois de promouvoir sa vision pluraliste du monde en encourageant ses médias à agir en occupant l’espace médiatique mondial.

Outre l’aspect culturel et l’échange inter civilisationnel, qui est certes présent dans l’approche chinoise du monde, la stratégie arabe de la Chine reste dominée par des considérations économiques majeures au centre desquelles le développement de la Chine et l’accès  au pétrole occupent une place de choix.

La diplomatie pétrolière est  au centre de la stratégie arabe de la Chine

Outre l’Afrique noire, qui abrite près de 10% des réserves mondiales en pétrole et en assure 11% de la production mondiale, offrant à la Chine une possibilité de choix pour diversifier ses approvisionnements, l’Algérie, la Libye et bien évidemment l’Arabie saoudite et l’Iran sont des partenaires stratégiques pour Pékin. Le développement de la Chine et son besoin insatiable en hydrocarbures, ont entraîné un rapprochement remarqué avec les pays arabes exportateurs de pétrole, elle mène une stratégie d’accès au pétrole au centre duquel les liens avec l’Arabie saoudite et accessoirement l’Algérie sont capitales, ce qui n’a pas manqué de créer un bouleversement géopolitique, poussant les Etats-Unis à contrôler de près la pénétration chinoise dans ces pays comme elle a tenté de contrôler la pénétration chinoise en Afrique. En effet Pékin considère son approvisionnement en pétrole  comme une question de sécurité nationale

Depuis 1995, la Chine n’est plus autonome, devenant rapidement par la rapidité de son développement industriel, un pays importateur net de pétrole, par conséquent largement dépendant des zones d’approvisionnements, notamment du Moyen-Orient. Cette situation de dépendance énergétique, est devenue rapidement  concevable pour les dirigeants chinois au regard du rôle mondial qu’entend tenir la Chine. Jusqu’en 1990, pékin s’approvisionnait en matières énergétiques essentiellement auprès de  l’Indonésie, du sultanat d’Oman et d’Iran. La diversification des fournisseurs est devenue une priorité nationale  à cause de l’augmentation de la consommation de la Chine et de la raréfaction des réserves de l’Indonésie. Aujourd’hui, la Chine est devenue le deuxième importateur de pétrole d’Afrique, après les Etats-Unis. L’Afrique représente 25 % de l’approvisionnement pétrolier de la Chine, contre 15 % au milieu de la décennie 1980. Il serait par conséquent intéressant de s’interroger sur les conséquences géopolitiques évidentes de ce rapprochement chinois avec les pays arabes les plus riches en pétrole et sur les risques que cela fait courir à la stratégie globale des Etats-Unis dans cette partie du monde.

Les bonnes relations entre la Chine et l’Algérie, sont à cet égard très significatives. Ces relations très cordiales, ont permis d’établir des  liens commerciaux et techniques avec le  (CSCEC), numéro un du BTP chinois concurrence les groupes occidentaux notamment français et  remporte  fréquemment des contrats publics. Aujourd’hui, la Chine se présente comme le septième fournisseur de l’Algérie. A titre d’exemple la Sinopec (3) a signé en 2002 un contrat de 420 millions d’euros pour développer le gisement de Zarzaitine au Sahara. Une autre société chinoise, la China National Oil and Gas Exploration doit également construire une raffinerie dans le désert algérien, près d’Adrar.

Ces relations qui se sont bonifiées avec le temps, remontent à la fin des années cinquante, avec le soutien politique et militaire apporté par la Chine nouvelle aux revendications algériennes de  libération nationale, qui s’est traduit par la reconnaissance du gouvernement provisoire comme l’unique représentant du peuple algérien. Il faut rappeler ici, que la Chine était le premier pays hors du monde arabe à  reconnaître officiellement, le premier gouvernement provisoire algérien en 1958. Parallèlement, la Chine reste reconnaissante pour l’Algérie, qui dès le début  l’indépendance algérienne,  n’a cessé de soutenir fermement la réunification et l’intégrité territoriale chinoise. La convergence  entre les deux pays notamment sur les questions internationales les plus importantes, a facilité leur rapprochement, qui s’est traduit par un partenariat stratégique entre les deux pays, signé à Beijing en novembre 2006.

Si l’on prend en compte,  les statistiques officielles tant algérienne que chinoise, le volume d’échanges  commerciaux entre les deux pays a totalisé 3,828 milliards de  dollars en 2007 et est en nette progression depuis. D’un autre côté, les exportations de l’Algérie envers la Chine ont atteint 1,140 milliards de dollars (+696% par rapport à 2006),  tandis que ses importations étaient de 2,688 milliards de dollars  (+38%).

En 2002, la Sinopec a signé un contrat pour développer le gisement de Zarzaïtine au Sahara, pour 420 millions d’euros. Le gisement doit fournir entre 1,3 millions et 2,5 millions de tonnes de pétrole par an à la Chine. Une autre société chinoise, la China National Oil and Gas Exploration, a construit une raffinerie à Adrar, dans le désert algérien. Ce volume des échanges a dépassé les 4 milliards de dollars fin 2008 et a avoisiné les 5 milliards de dollars, à la fin 2009.

Alger occupe une place particulière dans l’histoire de la coopération sino-africaine, étant un des rares pays africains à avoir obtenu son indépendance par une dure lutte armée, cet élément a d’emblée resserré les liens entre Alger et Pékin. Pays producteur de pétrole, l’Algérie a rejoint le rang des pays fournisseurs de la Chine. Le partenariat stratégique entre les deux pays, perçu comme un modèle de coopération Sud Sud, n’a cessé de se consolider.  La Chine est  déjà dans le top dix des fournisseurs et des clients de l’Algérie. Elle a l’opportunité de tirer avantage des secteurs sur lesquels les occidentaux refusent le transfert de technologie, comme à titre d’exemple le nucléaire civil, la médecine nucléaire, l’industrie spatiale, les secteurs militaires ou encore la recherche minière et médicale et d’autres secteurs sur lesquels l’Algérie est bien déficitaire.

Les sociétés chinoises obtiennent par conséquent de très nombreux contrats de construction dans des domaines variés comme la construction navale, aéronavale, l’équipement téléphonique, les forages pétroliers ou encore les logements sociaux. Ce dynamisme des entreprises chinoises s’explique par des prix très compétitifs et par des embauches de  main d’œuvre locale, ce qui participe de la lutte contre le chômage plutôt endémique dans ces pays surtout parmi les jeunes diplômés.

Jusqu’en 1990, Pékin importait ses besoins énergétiques principalement d’Indonésie, du sultanat d’Oman, d’Arabie saoudite et d’Iran (5). L’augmentation de sa consommation pétrolière a poussé la Chine à diversifier ses sources d’approvisionnement, en mettant en place une véritable diplomatie pétrolière. L’Afrique reste le continent privilégié pour Pékin, conscient que les réserves du Moyen-Orient sont sous contrôle américain depuis l’invasion et l’occupation de l’Irak. Très rapidement la Chine est devenue le deuxième consommateur du pétrole africain, derrière les Etats-Unis. Des pays comme le Gabon, l’Algérie, le Congo ou encore la Libye répondent parfaitement aux besoins chinois en pétrole et entretiennent de bonnes  relations, basées sur le respect mutuel et la non ingérence dans les affaires internes.

Les pays africains producteurs de pétrole  affirment que la Chine présente quelques avantages non négligeables en tant que partenaire commercial. Pékin offre en effet  son savoir-faire, sa main-d’œuvre et des crédits avantageux pour la construction d’infrastructures. La Chine par conséquent n’impose aucune condition politique préalable à une coopération bilatérale ou multilatérale avec les pays du Sud. Certains vont même jusqu’à considérer la Chine comme un contrepoids à l’hégémonie américaine notamment le Soudan qui a bénéficié d’un soutien entier de la Chine sur la question de Darfour. Ne perdons pas de vue que la diplomatie chinoise a toujours eu une position constante sur le Soudan et considère cette question comme une affaire interne à Khartoum.

En dépit de l’importance des gisements africains, des ressources présumées de l’Arctique ou encore des sites de pétrole offshore du Brésil, aucun Etat ne peut aujourd’hui se passer du pétrole du Moyen-Orient. Abritant près des deux tiers des réserves pétrolières conventionnelles mondiales et près de  40% des réserves gazières aujourd’hui connues, le Moyen-Orient demeure et demeurera certainement l’une des régions clés de production et d’exportation de pétrole brut. Cette région couvrira pour longtemps encore les besoins énergétiques aussi bien des pays riches que des pays émergents en tête des quels la Chine.

Certains États sont en effet des producteurs clé, je veux parler de l’Arabie saoudite particulièrement et accessoirement du  Koweït, du Qatar et des  Émirats arabes unis, sans oublier, l’Iran qui a une capacité de production considérable .Il faut rappeler que ce pays produisait pas moins de six millions de barils par jour en 1979, il n’en produit aujourd’hui que 4,3 millions actuellement dont la moitié seulement sont destinés à l’exportation soit environ 2,4 millions de barils. S’agissant de l’Irak, ces réserves connues sont aussi importantes, il y a quelques années sa capacité de production, avoisinait les 11 millions barils par jour, il n’en produit aujourd’hui que 2,5 millions barils jour, les guerres successives dans ce pays, et l’invasion américaine, ont eu des lourdes conséquences et ont contribuées à ralentir d’une manière drastique la production de ce pays.

Riyad abrite en effet, le plus grand champ pétrolier du monde, celui de Ghawar (6). La région abrite également des terminaux pétroliers et gaziers majeurs pour l’industrie mondiale des hydrocarbures. Le plus grand, le site saoudien de Ras Tanura, possède une capacité de raffinage de plus de 30 millions de tonnes par an.

Le Moyen-Orient au cœur des enjeux énergétiques: la carte saoudienne

Les gisements pétroliers étant tarissables par définition, le fait que leur localisation géographique ne coïncide pas avec l’emplacement des Etats consommateurs, font que l’exploitation et l’accès à ses ressources stratégiques, étaient et demeurent une source permanente de tensions mondiales depuis les premières découvertes en ce début du XXe siècle. Importatrice nette depuis 1993, avec une consommation qui augmente de près de 15% par an, la Chine est désormais le deuxième consommateur mondial d’or noir après les Etats-Unis, du fait d’un développement industriel  important, elle est également le premier marché mondial pour l’automobile

La diplomatie chinoise du Moyen-Orient s’articule en deux volets, bilatéral et multilatéral. Elle oscille entre sa dépendance croissante vis-à-vis du pétrole de la région, impliquant des concessions politiques, et sa volonté de s’affirmer comme puissance responsable dans les affaires régionales et internationales, notamment sur la question palestinienne,  avec des succès de plus en plus visibles. Je rappelle que la Chine a reconnut l’Etat palestinien au niveau diplomatique depuis le 20 octobre 1988 et n’a eu de cesse depuis de soutenir la solution pacifique du conflit par l’application des résolutions des Nations unies  notamment les résolutions 242 et 338.

Si l’axe bilatéral de la diplomatie moyen-orientale de la Chine s’étend à l’ensemble  des pays de la région, mettant de côté les aspects politiques, Pékin a noué des relations commerciales avec tous les pays de la région en accordant néanmoins une attention particulière à l’équilibre de sa balance commerciale. L’approvisionnement en pétrole en Iran, au Sultanat d’Oman et en Arabie saoudite constitue la priorité de la stratégie chinoise dans la région. En effet, si l’Afrique participe à hauteur d’environ 21%, la région Asie Pacifique à hauteur de 20%, le Moyen orient représente plus 40 % de ces importations en hydrocarbures.

La Chine s’emploie à renforcer des partenariats solides avec les pays riches en pétrole, dans la région du Moyen-Orient, la carte saoudienne occupe une place névralgique dans sa stratégie de diversification de son approvisionnement en or noir. Le Prophète de l’Islam Mohammed  a dit une phrase célèbre : « pour ceux qui sont en quête de la connaissance, même la Chine n’est pas trop éloignée ». Depuis des siècles, Arabes et Chinois apprennent  les uns des autres et l’histoire de leur amitié remonte aux temps les plus reculés.

Les nations arabe  et chinoise ont  une longue  histoire, elles ont crées des civilisations brillantes et originales. L’histoire des relations contemporaines sino-arabes, démarre à partir 1950,  quand les Chinois décident de nouer des liens et des relations diplomatiques affirmées avec le monde arabe. Qu’en est-il du rapprochement entre la Chine et l’Arabie saoudite, premier producteur de pétrole au monde ? Depuis le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays en 1990, le développement des liens diplomatiques, économiques, commerciales voire stratégiques s’est considérablement accru.

Depuis 2001, l’Arabie saoudite a subtilement réorientée sa stratégie pétrolière et ses investissements  vers l’Asie, aussi un partenariat stratégique sino saoudien a pris place aux côtés du partenariat stratégique saudi-états-uniens mis à mal par les attentats du 11 septembre. Ce n’est pas un hasard si le premier voyage officiel du Roi Abdallah depuis son accession au trône (août 2005) a eu pour destination l’Asie avec une première escale à Pékin le 22 janvier 2007. Plusieurs accords bilatéraux, économiques et politiques y ont été signés. Il paraît clairement que le royaume saoudien et certaines monarchies du CCG « Conseil de Coopération du Golfe », ont  enclenché une orientation très asiato-centrée, on évoque même la conclusion très probable d’un accord de libre-échange entre le CCG et Pékin, ce qui peut renforcer d’autant plus solidement la position des sociétés chinoises en Arabie saoudite, que les négociations d’un accord de libre-échange CCG-UE patinent depuis plus de vingt ans et semblent définitivement s’orienter vers une forme de coopération bilatérale entre l’Union européenne et les pays membres du CCG, souhaitant s’y engager.

La Chine qui a accueilli en 2010 la quatrième session ministérielle du Forum de la coopération sino-arabe, lancé en en 2004, qui se tient tous les deux ans, a fait de ce forum un cadre idéal d’échange et de discussion entre les deux parties. Se faisant, il a conféré une dimension stratégique à la coopération entre la Chine et le monde arabe, axée sur le développement des intérêts communs des deux parties. Sur le plan économique, les deux parties entretiennent des relations très fortes. Les chiffres sont très significatifs à cet égard. L’année 2009, a été une année très dense, puisque à la  lecture des statistiques des autorités chinoises, présentées par M. Zhai Jun, vice ministre chinois des Affaires étrangères,  le volume des échanges commerciaux entre les deux parties avait atteint plus 100 milliards de dollars et que son pays avait importé quelque 90 millions de tonnes de pétrole en grande partie du Moyen-Orient. Certes la Chine, mais également l’Inde, le Japon et même la Corée du Sud, se placent aujourd’hui dans une position très favorable pour réaliser un  partenariat industriel d’une grande  importance avec les pays du CCG et particulièrement avec l’Arabie saoudite. Il faut dire qu’outre le facteur pétrolier toujours présent, la proximité géographique des Etats asiatiques avec l’Arabie saoudite et les pays du CCG et les performances économiques indéniables dont ils font objet depuis les trente dernières années, sont de nature à encourager les pays du CCG à renforcer la coopération avec la Chine et lui donner un caractère stratégique pour l’ensemble des parties selon l’équation chère aux chinois «  gagnant-gagnant ».

Seulement cette situation n’est pas pour plaire aux Etats-Unis qui tiennent à rester le premier partenaire, considérant cette région comme une « chasse gardée » américaine, elle suscite par conséquent des inquiétudes et des réactions américaines, ce qui est loin d’être loin le cas de l’Europe qui semble se contenter de son rôle de principal perdant de cette concurrence sino-américaine déclenchée par l’Arabie saoudite et les membres du CCG. Seulement voilà la Chine détient un atout de taille, elle dispose de la plus grande réserve en dollars de l’histoire soit  plus de 2 000 milliards de dollars en 2009. Avec un dollar historiquement faible, ce stock devient une arme non négligeable. Ceci favorise la position de Pékin de partenaire industriel et financier de premier ordre notamment pour les pays arabes. La performance de l’économie chinoise qui compte parmi la plus dynamique au monde, peut amener Pékin à renforces des relations stratégiques avec ces pays. La question lancinante est la suivante: sommes-nous entrain d’assister à cet affrontement Chine-Etats-unis que l’on annonce comme inévitable depuis des décennies? L’opposition frappante entre le déficit abyssal et non moins régulier des Etats-Unis, représentant aujourd’hui quasiment 100% du PIB américain et le surplus quasi structurel de la Chine qui par ailleurs finance ce déficit américain à hauteur de près de 30% en 2009 (il était de 13% en l’an 2000), peut-il être le fer de lance de cet affrontement? Autrement dit, les Etats-Unis peuvent-il se maintenir encore longtemps comme la véritable colonne vertébrale de la défense et de la protection du royaume saaoudien et des autres monarchies du Golfe. L’avenir le dira.

Néanmoins c’est un autre problème qui gène Pékin aujourd’hui en tous les cas davantage que cet affrontement annoncé avec les Etats-Unis. Je veux parler des révolutions arabes qui ont secoué non seulement la région maghrébine mais quasiment l’ensemble du monde arabe, qui sont probablement entrain de changer l’ordre des choses et le statu quo en vigueur dans le monde arabe depuis les indépendances grâce notamment à l’appui souvent inconditionnel des Etats-Unis et de l’Occident à des régimes corrompus et corrupteurs.

La Chine suit forcément de très près, l’issue de ces révolutions, faisant mine de pas les commenter et mieux de pas s’y intéresser. En vérité, le possible onde de choc des évènements dans le monde arabe fait craindre aux dirigeants chinois le risque d’une contagion, pourtant hautement improbable, à la Chine. Qu’en est-il?

La Chine dans la tourmente des révolutions arabes

La révolution du « jasmin » a  été le fer de lance, une rampe de lancement de ce qu’il convient d’appeler désormais le « printemps arabe », qui a vu successivement la chute de deux dictateurs d’un gros calibre, j’ai nommé Ben Ali et Moubarak.

L’effet de dominos est terrible pour les autres, que ce soit en Libye ou le régime pernicieux de Ghadafi cherche à prolonger l’échéance au prix d’un terrible massacre de population civile dans lequel l’impensable était utilisée je veux parler d’avions de combats achetés d’ailleurs à la France dans les années 80 qui bombardent sans distinction.

Ailleurs, notamment au Yémen, l’actuel président Ali Salah au pouvoir depuis plus de trente ans saisit le ballon en vol et annonce qu’il ne briguera pas un nouveau mandat et qu’il ne chercherait pas à installer son fils au pouvoir à sa place ce qui était pourtant programmé.

En Jordanie le roi sent la révolte se rapprocher et annonce toute une série de réformes doublée d’un remaniement ministériel, quant à la Syrie le président Bachar a annoncé  également une série des mesures en faveur des couches les plus démunis comme la baisse du prix du chauffage et de l’essence, voilà à mon sens une tentative à la fois insignifiante et tardive pour tenter de relativiser la portée de la contestation qui grandie d’un jour à l’autre, qui atteint aujourd’hui son paroxysme.

Ce qui est acquis, c’est qu’un vent de changement souffle désormais sur le Maghreb et tous le monde arabe et plus rien ne peut arrêter ce désir ardent des populations arabes à une meilleure gouvernance qui passe inévitablement par des changements des régimes autocrates et incompétents qui depuis plus de 20 à 40 ans se sont servis plutôt que de servir. Ces révolutions vont pour le moins bouleverser non seulement les pays arabes, mais également les relations qu’entretenaient ces pays en ébullition avec le reste du monde. Nombre de pays occidentaux observent de près l’évolution des différentes situations avec des solutions différentes apportées ici et là. En grande puissance, la Chine n’échappe pas à cette règle, même si officiellement Pékin se contente d’observer sans prendre une quelconque position, fidèle à sa stratégie de ne pas s’immiscer dans les affaires internes des Etats, du moins en apparence.

Pour autant la Chine s’inquiète à juste titre, notamment des risques à mon sens improbables de contagion notamment dans les provinces musulmanes. La Chine se contente visiblement, d’observer ce sursaut révolutionnaire et adopte une grande prudence dans le traitement des informations en lien avec les pays arabes en proie à des changements en profondeur. Pékin a peur et semble relativiser la portée de ces révolutions, allant jusqu’à déconsidérer ce type de changement comme l’atteste le traitement des médias chinois qui ne s’attardent guère sur les revendications et les origines de ces mouvements. L’objectif étant de ne pas donner des idées aux chinois et notamment aux séparatistes musulmans situés au nord ouest de la Chine. Je veux parler des militants musulmans du Xinjiang, une province autonome semblable au Tibet

Les déclarations de Hu Jintao à propos des manifestations qu’a entraîné le passage de la flamme olympique en Europe montrent que la Chine se sent menacée au Tibet, dans la province du Xinjiang, territoire qu’elle ne veut perdre. La Chine ne perd pas de vue la désintégration du territoire du voisin russe, qui lui fait horreur, encouragés il est vrai par les positions de bon nombre de Russes qui estimaient que  leurs dirigeants auraient dû suivre l’exemple chinois. Toutefois la différence est de taille: si en Chine la périphérie s’agite, sans aucun résultat tangible, en Russie c’est le centre qui a implosé, entraînant avec lui la désintégration de l’empire.

Aujourd’hui, la Chine étudie avec inquiétude les mouvements nationalistes et séparatistes qui lui posent de sérieux problèmes à la fois interne mais également de critiques à l’extérieur. Dès lors on peut légitimement s’interroger sur les incidences de ces mouvements et au delà sur l’avenir des relations sino-arabes après cet élan libérateur des peuples arabes? La question est d’autant plus intéressante que la présence de l’islam en Chine populaire  n’a commencé que depuis peu à intéresser l’opinion publique mondiale, quand des troubles ont éclaté en 1988-1989 dans le Xinjiang et que des républiques de l’ex-URSS à forte majorité musulmane sont devenues indépendantes en Asie centrale.

Il faut d’abord rappeler que les relations sinoarabes sont très anciennes, commencées par des échanges principalement maritimes, commencés dès avant 500 après J.C, le résultat étant l’installation de quelques commerçants arabes notamment sur les côtes méridionales, principalement dans les a provinces actuelles de Canton, de Fujian, Zhejiang et Jiangsu. Quelques années après l’hégire en 622, on assiste à un début de  présence musulmane en Chine, qui s’est renforcée par la suite par le processus d’expansion de l’islam, poussant les Arabes vers une conquête de l’Asie centrale. Ceci a eu pour effet quasi immédiat la conversion de tribus d’origine turque et mongole du centre de l’Asie, alors en contact avec l’empire chinois. Les historiens datent l’implantation de l’islam en Chine en 651 avec l’arrivée des  émissaires du calife abbaside Osman Ibn Affan (7).

Le développement du commerce de la soie autour des côtes chinoises a joué un rôle majeur dans l’installation d’une forte communauté arabe en Chine, appelée alors « Fanke » ou hôtes étrangers, dirigée par un juriste «  Qadi », dont le mariage mixte a consolidé les liens avec les autochtones. Cette communauté, n’était pas seulement arabe, il existait en effet d’autres groupes ethniques notamment persans, mais tous soudés par une religion, l’islam. L’expansion musulmane s’est poursuit dans l’Asie du centre et du nord, particulièrement par la conversion de la population Uigur en 965, aujourd’hui connue sous le nom de musulmans de la province Xinjiang.

D’après les statistiques officielles des autorités chinoises, les musulmans chinois sont passés de près de 11 millions en 1951 à plus de 20 millions aujourd’hui, alors que d’autres estimations avancent le chiffre de 40 à 60 million, avec plus de 30.000 imams et presque 24.000 mosquées répartis principalement dans les provinces musulmanes de l’empire. Depuis 1980, les  séparatistes musulmans de la province autonome du Xinjiang, ont de plus en plus contesté l’autorité centrale de Beijing, néanmoins ce conflit est resté très discret, par conséquent moins connu que la lutte historique des Tibétains contre le gouvernement central chinois.

La Chine craint en effet la contagion des printemps arabes. Les enjeux sont élevés, et Pékin  s’inquiète sans aucun doute de ce que le séparatisme musulman devienne une menace importante pour la stabilité politique à long terme de la Chine, à commencer par les régions périphériques du pays. Pékin craint en particulier une coordination de plus en plus efficace entre le  séparatisme du Xinjiang et  le mouvement d’indépendance actif du Tibet qui a le soutien international principalement des Etats-Unis et de l’Europe. Un autre élément économique donne une importance majeure à la province du Xinjiang dont les importantes réserves pétrolières seraient fortement utiles aux progrès économiques de la Chine, si toutefois elles s’avèrent exactes, notamment dans le bassin de Tarim. Par ailleurs,  cette région désertique, renferme d’autres richesses notamment du plomb, du zinc et de l’or, des sources hautement précieuses pour Pékin

L’extrémisme musulman actuel dans le Xinjiang a été inspiré par les  changements en profondeur qui ont secoué l’Asie centrale au cours de la dernière décennie. L’indépendance à laquelle ont accédé les républiques musulmanes voisines, conséquence de la dislocation  de l’Union soviétique a sans  doute alimenté  les espoirs des séparatistes du Xinjiang de parvenir à l’autonomie à leur tour. D’autre part la défaite de l’armée soviétique et son retrait dans la difficulté d’Afghanistan a forgé chez les séparatistes musulmans un mental de vainqueur surtout quand il s’agit d’affronter et de vaincre des des puissances mondiales.

Ce qui est certain c’est que l’issue finale de la lutte dans le Xinjiang est loin d’être certaine. La réémergence  de l’identité islamique partout en Asie centrale a certainement donné  une dimension nouvelle au conflit, aussi la réponse répressive et exclusivement sécuritaire de Beijing ne peut que compliquer davantage la question à l’avenir. A cela s’ajoute le soutien qu’apporte la communauté musulmane et notamment les mouvements jihadistes aux séparatistes du Xinjiang. Dans ce contexte de révolutions arabes contre l’oppression et l’injustice, toute la priorité pour la Chine aujourd’hui est de garder de bonnes relations avec les Etats arabes en majorité musulmans sans heurter la sensibilité des peuples arabes musulmans, tous juste débarrassées de certains de leurs dictateurs, en pratiquant la répression d’autres musulmans, même si  Pékin considère ce problème comme une affaire strictement interne. Pékin aura tout intérêt à adopter des mesures plus efficaces permettant aux musulmans de ces provinces de jouir d’une réelle autonomie qui aura un sens dans le cadre d’une administration chinoise plus souple.

Le traitement des médias chinois des printemps arabes, reste très prudent, obéissant à des règles strictes émanant de l’appareil du parti, il rappelle les déboires voire les responsabilités historiques à la fois des  Etats-Unis et de l’Europe. Un article du Quotidien du peuple sous le titre ironique « Washington piégé au Moyen Orient » illustre bien la position officielle de la Chine: cet article contient une analyse des contradictions américaines en Egypte, qui entretiennent une position très délicate entre leur soutien à Israël, partenaire stratégique et leur obligation de s’adapter à l’évolution de l’histoire de cette région. Le journal va plus loin en critiquant la politique américaine dans cette région poudrière en des termes très durs, je cite : « Les Etats-Unis jouent avec le feu. Ayant contribué à mettre sous le boisseau les réformes politiques dans la région, ils participent aujourd’hui à créer les conditions de l’émergence de forces extrémistes radicales. Mais si l’Oncle SAM était dépassé par son propre machiavélisme, le pétard qu’il a lui-même allumé pourrait bien lui exploser à la figure ».

Le même journal, revenant sur le dossier égyptien, dans un article portant le nom « l’Egypte a gagné une bataille, mais elle n’a pas gagné la guerre », considère que le  problème dans ces pays n’est pas tant la démocratie dont il met en doute l’efficacité et insiste lourdement sur l’inégalité entre les couches sociales égyptiennes et l’absence de partage des richesses dans ce pays, on peut y lire par exemple : « la classe moyenne égyptienne est faible, la bureaucratie, la corruption dominent le système politique, les écarts de revenus sont considérables. La démocratie à elle seule ne viendra pas à bout de ces problèmes. Il y faudra d’abord un long et difficile processus de développement de toute la société égyptienne ».

Dans un autre article d’un autre journal, le China Daily, qui tout en essayant d’analyser les causes politiques, mettant en avant les conséquences sociales et politiques de la crise économique et monétaire mondiale,  rappelle que ces révolutions arabes relèvent de questions internes et que par conséquent, il ne faudrait pas s’immiscer, on peut y lire notamment : « la hausse des prix, le chômage et le désordre monétaire sont à la racine des troubles, dont les premières victimes sont les pays en développement à faibles revenus »

La position chinoise semble bien critique de la solution démocratique à tous prix, que semble défendre l’Occident et les Etats-Unis de la manière la plus hypocrite quand on connaît le soutien indéfectible apporté par l’une et l’autre puissance à des régimes corrompus au non de la lutte contre l’extrémisme. La position chinoise insiste sur la nécessité d’un compromis, plutôt que la révolution et ses conséquences directes, le désordre et le chaos généralisé.

Paradoxalement le malaise dans le quel sont plongés certaines démocraties occidentales, que ce soit la France avec ces tergiversations et ses déboires dans le traitement du dossier tunisien, ou encore les Etats-Unis qui ont toujours apporté un soutien sans faille au dictateur déchu Moubarak et l’inaction de ces sois disons démocraties et leur silence criminel sur le dossier syrien, yéménite et bahreïni, ouvre des possibilités pour la Chine qui ne manquera pas de les exploiter. En effet, comme je l’ai rappelé plus haut, l’instauration de la démocratie même embryonnaire par l’arrivée de nouvelles représentations politiques dans les pays arabes, libérés, pourrait faire le bonheur de la Chine par une baisse importante de l’influence occidentale si ce n’est l’éviction quasi totale des puissances occidentales, au bénéfice de Pékin.

Puissance montante indiscutable, la Chine pourrait gagner cette bataille face aux  puissances occidentales sur le terrain de l’investissement qu’elle pourrait apporter aux nouveaux dirigeants dont les pays souffrent de graves difficultés économiques tant les demandes et les aspirations à l’égalité économiques sont énormes pour des populations longtemps laissées en marge de toute participation aux richesses de ces pays. Dans ce contexte de crise économique mondiale aggravée pour ces pays par des mois de manifestations, et de récession économique, les priorités politiques pourraient probablement s’effacer devant la convergence d’intérêts strictement économiques. Il est fort possible que les printemps arabes qui ont secoué la conscience mondiale dont les effets ont dépassés le cadre strictement régional, pourraient à court et moyen terme tourner à l’avantage d’un pays qui pour le moins qu’on puise dire n’est pas une démocratie.

Sommes nous en train d’assister à un paradoxe, la montée de la Chine pas seulement en tant que puissance mondiale mais également en tant qua partenaire privilégié des pays du Sud, en partie grâce aux révolutions arabes? L’histoire le dira.

Résumé

Napoléon Bonaparte disait : “quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera”.

Plus d’un demi-siècle après la naissance de la Chine populaire, le cours de l’histoire chinoise apparaît aujourd’hui plus stable sans être néanmoins dépourvus d’interrogations. En dépit d’une image ternie notamment par les évènements tragiques de 1989, la Chine a pu accélérer la marche de son développement économique et son ouverture sur le monde, notamment  arabe, renouant ainsi avec son héritage culturel et historique national et une stratégie de pénétration, basée sur le respect mutuel et sur un marché de gagnant-gagnant, ce qui peut probablement permettre aux pays arabes de  sortir du verrou américain et occidental.

Résumé en anglais

? Napoleon Bonaparte said, « When China awakes, the world will tremble ».

More than a half a century  after the birth of the People’s Republic of China, the course of Chinese

history seems more stable today but not void of numerous interrogations.  Despite an image tarnished by the tragic events that took place in 1989 at Tiananmen, China has been able to accelerate its pace of economic development and has opened up to the outside world, notably to the Arab world, reignited its cultural and historic tradition and its strategy of penetration based on mutual respect, and a win-win engagement, which will probably help Arab countries escape American and Western grips.

Notes

(1) Confucius (env. 551- 479 av. J.-C.): Philosophe et penseur chinois, il a exercé une puissante influence sur la culture chinoise et sur son histoire dont on voit encore aujourd’hui les effets. Pour lui, le bon fonctionnement d’une société passe obligatoirement par la connaissance d’un ordre cosmique supérieur porteur de préceptes universels, et par la reconnaissance d’un ordre intime propre à la nature humaine. Car dès lors que l’homme se ressent  porteur de la plus grande vertu qui soit et qu’il nomme « noblesse du ciel », il se découvre uni à l’infini comme avec les autres et comprend que l’ordre social ne peut émaner que de sa volonté de développer la perfection qui est en lui. Confucius préconise, à cet effet, de forger nos propres comportements, par amour pour autrui comme pour nous-mêmes, selon cinq principes de base: la bonté, la droiture, la bienséance, la sagesse et la loyauté. A la lumière de la  médecine chinoise qui se préoccupe avant tout de soigner la cause du mal, la doctrine confucéenne propose de soigner la cause profonde des désordres sociaux. Les instituts chinois qui se réclament de courant philosophique, ont pour mission de développer la diffusion de la langue et la civilisation chinoise à travers le monde. Même si le premier institut Confucius n’a été lancé qu’en 2004 en Ouzbékistan, l’on compte depuis le début de 2009 plus de 290 instituts répartis sur plus de 98 pays à travers le monde. A titre d’exemple en compte sept instituts rien qu’en France

(2) On désigne par Tiers Etat, le troisième ordre de la société d’Ancien Régime, ils concerne tous  ceux qui n’appartiennent ni au clergé, ni à la noblesse et exercent des activités économiques telles que les agriculteurs, les marins, les artisans et commerçants, c’est-à-dire la grande majorité, soit 95% des Français.

(3) China Petroleum and Chemical Corporation ou Sinopec,  deuxième pétrolier mondial et premier raffineur en Asie. Ce géant pétrolier chinois est présent dans des zones stratégiques, comme en Afrique, dans le monde arabe et au Kazakhstan dont il contrôle près de 20% du pétrole si l’on croît l’AIE «  Agence internationale de l’énergie ». Cet intérêt marqué pour le Kazakhstan résulte de l’existence d’un pipeline de 2.200 kilomètres de long qui permet de relier les côtes de la mer Caspienne à la Chine. D’ici à 2015, cet oléoduc va permettre de transporter environ 6 % des importations de la Chine. Ce qui devrait réduire quelque peu la dépendance du deuxième consommateur de pétrole au monde vis-à-vis du Moyen-Orient et de l’Afrique (76 % des importations chinoises en 2010 et en 2011). Il existe deux autres sociétés aussi importantes, issues toutes d’une réorganisation du ministère chinois de l’industrie pétrolière mise en place entre 1981 et 1983. Il s’agit de « China National Offshore Oil Corporation » (CNOOC), créée en 1982, en vue de développer et d’exploiter les gisements offshore. La troisième est crée en 1988, elle résulte de la transformation du ministère de l’Industrie Pétrolière, devenu lui même compagnie sous le nom de « China National Petroleum Company «  (CNPC), chargée de la production on shore.

(4) CCTV-Arabic China Central Television (CCTV), n’est pas la première chaîne arabe, l’empire du milieu n’est donc pas précurseur dans ce domaine, d’autres pays l’ont devancé notamment aux Etats-unis avec la création de la chaîne arabe El Hurra, en Angleterre avec la mise en place de la chaîne BBC arabic ou encore en Russie avec la diffusion de la chaîne Roussya elyoum, en France avec la présence de France24 et en Turquie avec la chaîne TRTarabic

(5) L’Iran exporte 340 000 barils de pétrole par jour en Chine, ce qui place l’Iran comme troisième plus grand fournisseur de la Chine après l’Angola et l’Arabie Saoudite. Les investissements de la Chine dans les infrastructures pétrolières iraniennes comprennent un accord récent de 100 billions de dollars US pour développer le champ pétrolier de Yadavanan, et la construction d’un pipeline pétrolier de 386 Km traversant le Kazakhstan voisin.

(6) Le champ pétrolier de Ghawar est le joyau de la couronne,  le plus grand champ pétrolier au monde, s’étendant sur plus de 200 km de zone désertique. Il produit deux fois plus que n’importe quel autre champ et a manifestement contribué à plus de la moitié des ressources du Royaume. La difficulté majeure, c’est qu’il est exploité depuis plus de cinquante ans, et on évoque déjà son assèchement et à terme son déclin.

(7) Othman Ibn Affân Ibn al-Âs Ibn Amîa (579-656) est le troisième calife succédant à Abû Bakr, puis Omar, son règne s’est étalé de 644 à 656. Selon la tradition, il est le premier Mecquois converti à l’islam, conversation intervenue avant l’hégire, mot qui  désigne le départ du Prophète Mahommad et de ses compagnons de la Mecque vers Médine, connue avant sus le nom d’oasis de Yathrib en 622.

Préféré à Ali,  il suscita des mécontentements autour de lui notamment par la confiscation au profit de son clan d’une partie du butin ramené des conquêtes d’Afrique, d’Asie Mineure et de Perse. C’est sous son règne que la conquête de nouveaux territoires était la plus accrue en l’an 649  où de nombreux territoires africains et espagnols furent conquis. Il fut assassiné à Médine le 17 juin 656 et c’est Ali qui a été désigné par la population médinoise comme successeur en tant quatrième calife de l’islam.

Mohamed TROUDI est chercheur en relations internationales et stratégiques, politologue, spécialiste du monde arabe et musulman. Il collabore à la revue Géostratégiques et intervient régulièrement dans les colonnes de Politique-actu.

Publié dans la Revue Geostrategiques :

http://www.strategicsinternational.com/

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Un regard engagé

Cédric Gerbehaye a choisi la photographie comme forme d’écriture. Photo Agence Vue

Photo. Cédric Gerbehaye raconte l’indépendance du Soudan en inscrivant son reportage dans la durée, loin des emballements médiatiques épisodiques.

En janvier 2005, un accord de paix qui mettait fin à la plus longue guerre civile africaine fut signé entre le Nord et le Sud-Soudan. Selon ce qui a été convenu, les Sud-Soudanais ont donc pu voter lors d’un référendum historique en janvier de cette année, et se sont prononcés à 98 % en faveur de la séparation… mais les défis persistent. La malnutrition est chronique et 75 % de la population n’a pas accès aux soins de santé primaires. À cela s’ajoutent les conflits internes pour le pouvoir, le partage de la manne pétrolière, ainsi que la démarcation de la frontière Nord-Sud.

Né en 1977 en Belgique, journaliste de formation, Cédric Gerbehaye a choisi la photographie comme forme d’écriture. Il raconte l’indépendance du Soudan en inscrivant son reportage dans la durée, loin des emballements médiatiques épisodiques. Son exposition nous fait découvrir son point de vue, grâce à des photographies dont l’engagement journalistique et artistique livre un réel parti pris.

Le photographe Cédric Gerbehaye figure parmi les trois lauréats de la première Bourse Fnac d’aide à la création photographique, d’un montant de 8 000 euros chacune. Son travail sera exposé dans le cadre de Visa sur l’Image à Perpignan ainsi que dans plusieurs Fnac.

Visa pour l’image Cédric Gerbehaye Du 27 août au 11 septembre Tous les jours de 10h à 20h Entrée libre

 

« Il s’agit, à l’évidence, d’un travail de journaliste, au meilleur sens du terme, exigeant et difficile parce qu’il se confronte à une situation complexe et refuse de la caricaturer. Pour Cédric Gerbehaye, il ne s’agit ni de décrire ni de témoigner, mais d’enquêter, en opérant par strates, par moments, par catégories. Il y a chez lui une « volonté de savoir » qui est un besoin de comprendre. Comprendre l’inacceptable autant que l’incompréhensible, les gens comme les paysages, la dévastation et les émotions. Les siennes et celles de ceux qu’il rencontre, avec pudeur, avec empathie, avec une curiosité qui au-delà de la situation spécifique, interroge les individus et leur relation aux groupes qui les ont fondés ou formés, auxquels ils appartiennent et desquels parfois ils se détachent. »

Christian Caujolle

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Le Sud-Soudan vote à 98,83% en faveur de la sécession

Les Sud-Soudanais ont voté à 98,83% en faveur de la sécession, selon les résultats définitifs officiels rendus publics lundi soir par la commission référendaire. Cette annonce était une simple formalité puisque les résultats préliminaires complets publiés le 30 janvier avaient déjà indiqué que 98,83% des Sud-Soudanais avaient voté pour l’indépendance de leur région, appelé ainsi à devenir en juillet un nouvel Etat. Les résultats, affichés sur des écrans lors d’une cérémonie à Khartoum, montrent que sur les 3.837.406 votes valides, seulement 44.888, soit 1,17% étaient en faveur du maintien de l’unité avec le Nord.

Dans la matinée, le président soudanais Omar el-Béchir avait déclaré: «les résultats du référendum sont bien connus. Le Sud-Soudan a choisi la sécession». «Mais nous nous engageons à maintenir les liens entre le Nord et le Sud et (…) à maintenir de bonnes relations fondées sur la coopération», avait-il ajouté, soulignant «accept(er) les résultats» et «respect(er) le choix des Sud-Soudanais». Le référendum, qui s’est tenu du 9 au 15 janvier, était un élément clé de l’accord de paix qui avait mis fin en 2005 à plus de deux décennies de guerre civile meurtrière entre le Nord, principalement musulman et arabe, et le Sud, principalement chrétien et noir.

AFP

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Egypte : Washington à la recherche du statu quo

Le tapis brûle

«Nous ne prônons aucune solution en particulier», a avoué Hillary Clinton hier sur CNN, résumant la position américaine. Pour Obama, qui avait fait de Moubarak son «ami» et «partenaire» pour la paix au Moyen-Orient, les soubresauts égyptiens sont une épreuve de vérité embarrassante. Les jours de Moubarak à la présidence sont certainement comptés, analyse-t-on en interne à Washington. Clinton a même parlé de «transition» vers un régime plus démocratique que les Etats-Unis appellent de leurs vœux.

Mais la Maison Blanche a aussi très peur de ce qui pourrait advenir en Egypte, et dans les pays voisins, si Hosni Moubarak est renversé par la rue. Pour cela, Barack Obama refuse encore de lâcher cet allié de trente ans. Après lui avoir téléphoné vendredi soir, le président américain a fait mine de croire que Moubarak pourrait encore «donner sens» à des réformes politiques, sociales et économiques pour «répondre aux aspirations du peuple égyptien». Obama s’est aussi abstenu d’appeler à des élections libres en Egypte.

Rempart. L’Egypte est un allié clé pour les Etats-Unis, garant de la paix avec Israël, gardien du canal de Suez et rempart face à l’islamisme iranien. Washington subventionne cette «amitié» à hauteur de près de 2 milliards de dollars par an depuis 1979, une aide devenue essentiellement militaire ces dernières années. «Ce que veut Obama en Egypte, c’est le statu quo, résume un diplomate à Washington. Si l’Egypte tombe aujourd’hui, c’est l’Arabie Saoudite, la Jordanie, le Yémen qui peuvent tomber demain. Et en Egypte même, si des élections libres sont organisées, seuls les Frères musulmans sont en mesure de l’emporter aujourd’hui. Tout cela explique que Washington y réfléchisse à deux fois avant de lâcher Moubarak».

L’épouvantail de nouveau agité ces jours-ci est celui de l’Iran, où le lâchage du Shah par les Etats-Unis en 1979 avait ouvert la porte au régime islamique. Cette analyse n’est pas forcément juste, mais elle inspire encore largement les dirigeants américains, observe John P. Entelis, directeur des études sur le Moyen-Orient à l’université Fordham de New York. «En Egypte, on ne devrait pas avoir si peur de voir les Frères musulmans s’emparer du pouvoir, explique cet universitaire. L’armée peut jouer un rôle de transition comme elle l’a fait par le passé en Turquie. Et il y a aussi en Egypte des hommes politiques valables, comme Mohamed el-Baradei ou Ayman Nour. Mais il est vrai que du point de vue de l’administration américaine, une transition interne, autour d’Omar Souleiman, peut être considérée comme une très bonne option.» L’administration Obama évite de le dire trop ouvertement pour ne pas saper ses chances, mais Omar Souleiman, le nouveau vice-président égyptien nommé vendredi soir par Moubarak, est en effet un homme bien connu et apprécié à Washington.

Pour Obama, ce soulèvement égyptien tombe d’autant plus mal qu’il avait particulièrement misé sur le régime de Moubarak. C’est au Caire que le président américain avait prononcé son grand discours proposant un «nouveau départ» au monde musulman, en juin 2009. Ce faisant, Obama avait délibérément mis la sourdine sur les violations des droits de l’homme en Egypte. L’analyse faite alors par son équipe était que les grandes leçons de démocratie proférées par l’administration Bush n’avaient pas mené à grand-chose dans la région, si ce n’est à la guerre d’Irak et la victoire du Hamas aux élections de 2006 en Palestine.

Ambition. Soucieux aussi de relancer le processus de paix au Proche-Orient, une de ses grandes ambitions, pour laquelle il avait besoin du soutien de Moubarak, Obama avait donc remisé à la sphère privée la question des droits de l’homme. Il pourrait le payer cher aujourd’hui. Les plus féroces commentateurs, comme Jackson Diehl, éditorialiste du Washington Post, l’accusent déjà d’avoir provoqué cette révolution en empêchant l’émergence d’une «opposition démocratique modérée» en Egypte.

Cette grande prudence d’Obama face au soulèvement égyptien contraste aussi avec sa hardiesse, il y a quelques jours, au sujet de la Tunisie : cette semaine encore, le président américain a salué la victoire du «peuple tunisien» sur le «dictateur» Ben Ali. «En Tunisie, on peut se permettre de prendre une position morale. En Egypte pas, les intérêts géostratégiques sont trop importants», résume John P. Entelis.

Dans l’ensemble, la retenue d’Obama fait pourtant plutôt consensus aux Etats-Unis. L’équilibre que l’administration Obama tente de préserver, entre soutien aux droits du peuple égyptien et soutien au gouvernement, est «raisonnable», souligne Haim Malka, chercheur au Center for Strategic and International Studies : «Les autres options, notamment appeler Moubarak à démissionner, risqueraient de provoquer une plus grande instabilité encore.»

Lorraine Millot (Washington Libération)

Israël nerveux à l’idée de perdre son allié

Si les Frères musulmans accèdent au pouvoir, l’Etat hébreu craint une remise en cause du traité de paix.

«Moubarak, ce n’est pas Ben Ali», ont répété comme un mantra les responsables israéliens aux premiers jours des manifestations en Egypte. Même les services de renseignements israéliens assuraient qu’elles ne constituaient pas de «danger pour la stabilité du régime». Depuis vendredi, tous ont dû se rendre à l’évidence : un renversement pur et simple du raïs égyptien, un des seuls chefs d’Etat de la région à maintenir des liens avec Israël, n’est pas exclu. Avec potentiellement de lourdes conséquences diplomatiques, stratégiques et militaires.

Le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, s’est fait l’écho, hier, de l’inquiétude qui s’est emparée d’Israël : «La paix avec l’Egypte dure depuis plus de trois décennies et notre objectif est que cela continue. Nos efforts portent sur la préservation de la stabilité et la sécurité dans la région.»

Nervosité. L’Egypte est le premier pays arabe à avoir signé un accord de paix avec Israël, en 1979, suivi de la Jordanie en 1994. Signe de la nervosité du gouvernement israélien, Nétanyahou, qui s’exprimait pour la première fois sur la crise égyptienne, a réitéré sa demande aux membres de son cabinet de ne pas faire de déclarations publiques sur le sujet. La chute de Moubarak serait probablement suivie d’une période de transition au terme de laquelle des élections auraient de grandes chances de porter les Frères musulmans au pouvoir, estiment la plupart des commentateurs israéliens. Les islamistes, hostiles à toute normalisation des relations avec l’Etat hébreu, pourraient alors remettre en cause le traité de paix entre les deux nations. «Alors que de nombreux pays considèrent avec satisfaction la chute d’un régime qui prive ses citoyens de leurs droits élémentaires, le point de vue israélien est complètement différent. Si le régime du Caire chute, cela aura une influence négative considérable sur la situation d’Israël. A long terme, cela risque de menacer la paix avec l’Egypte et la Jordanie, les deux atouts stratégiques les plus importants d’Israël après le soutien américain», résume Amos Harel, le spécialiste militaire du quotidien Haaretz.

Exagéré. Même si la paix signée avec l’Egypte a toujours été froide, limitée essentiellement aux aspects sécuritaires, elle a permis à Israël de désengager ses troupes du front sud. Sur le plan diplomatique, la perte de son partenaire égyptien, après la fin de son alliance avec la Turquie, laisserait Israël presque totalement isolé dans la région. A l’exception de ses relations avec la Jordanie, considérablement refroidies ces derniers temps en raison de l’intransigeance de Nétanyahou sur le dossier palestinien.

Certains analystes estiment cependant que le scénario catastrophe d’une dénonciation de l’accord de paix est exagéré. Il s’inscrit dans la «tendance des Israéliens à dramatiser les menaces», observe Uri Bar Joseph, professeur de relations internationales à l’université d’Haïfa. «Je ne crois pas à une révolution islamiste en Egypte en raison de sa grande dépendance vis-à-vis de l’Occident, explique ce spécialiste du renseignement. Même si les Frères accèdent au pouvoir, ils ne prendront pas le risque d’une dénonciation pure et simple de l’accord de paix avec Israël. Dans le pire des cas, l’ambassadeur israélien sera rappelé. Mais l’armée égyptienne ne leur laissera pas le champ libre dans le domaine de la collaboration sécuritaire avec Israël.»

Delphine Matthieussent (Jérusalem Libération)

L’onde de choc fait trembler les pays arabes

Du Yémen à la Mauritanie, des marches de contestation et des immolations par le feu ont lieu pour protester contre les difficultés économiques et les dictatures.

Risque immédiat de contamination, voire de contagion. C’est la lecture par les dictatures arabes des événements de Tunisie quand elles ont vu que ceux-ci avaient entraîné la chute du président Ben Ali. D’où des mesures prises rapidement dans plusieurs capitales arabes pour tenter de l’empêcher de se répandre. «On a prédit que la révolution du jasmin répandrait son parfum sur son voisinage. C’est chose faite et il semble que ses effluves aient atteint l’Egypte», écrivait hier l’éditorialiste du journal tunisien le Quotidien. Mais il n’y a pas que l’Egypte à être percutée par l’onde de choc tunisienne. Et la révolte égyptienne risque à son tour d’être un exemple, d’autant que ce pays est regardé par les populations des pays voisins comme la mère des nations arabes.

Jordanie. La contestation a débuté dès le 14 janvier, lorsque des milliers de personnes ont manifesté contre la politique économique. Plusieurs autres défilés ont eu lieu à Amman, malgré l’annonce de nouvelles mesures sociales. Le 28, plusieurs milliers de Jordaniens sont descendus dans la rue à l’appel des Frères musulmans, réclamant un changement de gouvernement et des réformes. Depuis plusieurs jours, le roi Abdallah II multiplie les initiatives pour tenter d’apaiser la grogne populaire.

Yémen. Les manifestations antirégime se multiplient depuis la mi-janvier. Le 27, elles ont pris de l’ampleur avec le défilé de milliers de personnes à Sanaa pour réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 1978. Samedi, il y a eu des heurts entre opposants et partisans du régime. Le gouvernement a annoncé une augmentation des salaires. Au moins trois tentatives d’immolation par le feu et un décès ont eu lieu en quelques jours.

Algérie. Début janvier, cinq jours d’émeutes contre la vie chère ont fait cinq morts et plus de 800 blessés. Le mouvement de protestation a pris fin après l’annonce d’une baisse des prix des produits de base. Une marche «pour la démocratie» a été empêchée le 22 par la police, une autre pour demander le «départ du système» est prévue le 12 février à l’appel de la toute nouvelle Coordination nationale pour le changement et la démocratie. Deux décès par immolation et sept tentatives ont eu lieu depuis le 14 janvier.

Soudan. Les tensions politiques et les difficultés économiques ont provoqué des manifestations ces dernières semaines, et au moins un homme s’est immolé par le feu. Début janvier, des heurts avaient déjà opposé la police à des étudiants protestant contre la hausse des prix. Ils ont repris à Khartoum.

Mauritanie. Dès le 13 janvier, une marche et un meeting ont réuni plusieurs milliers de personnes à Nouakchott, à l’appel de l’opposition, et des lycéens ont manifesté contre la hausse des prix. Un homme d’affaire s’est immolé le 17. Face à la montée en flèche des prix, les autorités ont annoncé le 20 janvier une baisse de 30% sur les produits de première nécessité.

Maroc. Trois personnes ont tenté de s’immoler par le feu le 21 janvier, une autre le 25. Les autorités ont lancé des appels d’offres pour l’achat d’importantes quantités de céréales, afin d’éviter des pénuries.

Oman. Quelque 200 personnes ont manifesté le 17 janvier à Mascate pour protester contre la cherté de la vie et la corruption.

Syrie. Visiblement, la révolution du Nil n’a pas atteint l’Euphrate. Le régime de Damas, l’un des plus policiers du monde arabe, demeure néanmoins sur le qui-vive. Il a augmenté les subventions sur le fuel, resserré le contrôle sur Internet et un tribunal spécial a condamné à sept ans de prison un opposant pour avoir contesté le pouvoir absolu du parti Baas. Pourtant, la crise agricole est terrible. La mauvaise gestion de l’eau a transformé l’est du pays en désert et, selon un rapport des Nations unies, 800 000 personnes sont gravement affectées par cette pénurie. Mais les nombreuses minorités, le clientélisme, l’omniprésence des services secrets, l’érosion de la classe moyenne et le pauvre niveau d’éducation rendent difficile l’émergence d’une contestation.


L’Arabie saoudite, l’Angola et l’Iran restent les trois plus grands fournisseurs de pétrole de la Chine

L’Arabie saoudite, l’Angola et l’Iran sont restés en 2009 les trois plus grands fournisseurs de pétrole de la Chine et les importations en provenance de ces trois pays ont représenté 47,7% du total de celles de la Chine, a indiqué mercredi l’Administration générale des douanes (AGD). En 2009, la Chine a importé 41,86 millions de tonnes d’Arabie saoudite, 32,17 millions de tonnes d’Angola et 23,15 millions de tonnes d’Iran, soit des hausses respectives de 15,1%, 7,6% et 8,6% par rapport à l’année précédente, a précisé l’AGD.

La Chine a importé 204 millions de tonnes de pétrole brut l’année dernière, en hausse de 13,9% sur 2008, avec un prix moyen de 438 dollars la tonne. Ces importations ont coûté à la Chine 89,26 milliards de dollars, soit une baisse de 31% en glissement annuel, grâce à la chute des prix de l’or noir. Selon les statistiques de l’AGD, les importations en provenance d’Arabie saoudite, le plus grand fournisseur de pétrole de la Chine, ont représenté 20,5% du total des importations pétrolières chinoises en 2009, suivies par celles en provenance d’Angola (15,8%) et d’Iran (11,3%).

Parmi les autres fournisseurs de la Chine, ont figuré notamment la Russie, Oman et le Soudan. L’AGD a attribué la hausse de la demande de pétrole de la Chine à l’industrialisation, à l’urbanisation et à l’augmentation du nombre des voitures individuelles. La Chine est de plus en plus dépendante de ses importations de pétrole. En 2009, ces dernières ont représenté 52% du total de la consommation du pays, alors que la production domestique de pétrole de la Chine était d’environ 189,5 millions de tonnes.