Daniel Villanova : L’ arme redoutable de l’humour

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Dans le dernier spectacle de Daniel Villanova  « La croisade des Rabat-joie, on découvre du gaz de schisme dans un village foldingue de Bourougnan. Au théâtre de la mer à Sète le 29 juin

On connait les personnages hauts en couleur qui peuplent le petit monde de l’auteur interprète, Daniel Villanova. Son theâtre qu’il qualifie lui-même de « comico-maquisard » a longtemps mis en vie les personnages typiques de la région dans la fictive bourgade héraultaise de Bourougnan. Le rire villanovien comme instrument de résistance s’est longtemps grimé sous les traits hilarants des figures du village. « Mes personnages, ça fait trente ans que je les travaille. Je peux leur faire dire ce que je veux. »

Son spectacle Jean-Charles président*, qui fait référence à la campagne de Nicolas Sarkozy marque un tournant dans la forme que l’humoriste donne à ses spec- tacles. « Dans le public, il y a des gens qui venaient voir les jambes de Lucette et qui n’ont pas été déçus du voyage. » Avec l’évolution libérale de la société et la déshumanisation qui l’accompagne, le ton de l’artiste est devenu beaucoup plus militant. «L’humour, si on l’enveloppe trop, les gens entendent ce qu’ils veulent. J’ai évolué dans ma forme d’expression parce que je sens que là, on est vraiment prêt du mur. Maintenant je ne laisse plus le choix. Je suis militant de la libre pensée. Cet aspect a toujours suinté dans mes pièces, mais maintenant je dis vraiment les choses. »

Cette décision modifie un peu la donne pour ce qui concerne les maires des petites communes « qui préfèrent les spectacles plus consensuels », mais aussi dans le public. « En génèral les gens interviennent moins lorsque vos propos sont plus affirmés. Je me souviens d’un type qui est venu me voir après le spectacle et qui m’a dit je suis à l’UMP mais j’ai beaucoup ri. Je lui ai répondu : personne n’est parfait. »

Avec son nouveau spectacle, La croisade des Rabat-Joie, Daniel Villanova, poursuit sur la voie de l’engagement. Horreur et peut-être perdition, les habitants de Bourougnan sont en émoi après la découverte d’un énorme gisement de gaz de schiste dans la commune. On fait confiance au bateleur pour insuffler dans la tête de ses personnages l’émancipation intellectuelle suffisante pour sauver le village de la catastrophe annoncée.

JMDH

*Disponible aux éditions Un jour une nuit.
La croisade des Rabat-Joie, au Théâtre de la mer le 29 juin. Réservations au 04 99 04 71 71.

Voir aussi : Rubrique Agenda, rubrique Culture d’OC

Mémoire guatémaltèque et train de l’angoisse

Les trains traversent le Mexique chargés de proies faciles. Photo : Aude Chevalier-Beaumel.

Les trains traversent le Mexique chargés de proies faciles. Photo : Aude Chevalier-Beaumel.

Le collectif Alba Amérique Latine propose ce soir salle Rabelais, la Nuit du film documentaire dans le cadre des Journées latino-américaine.

A travers ses actions humanitaires le collectif Alba Amérique Latine met en place des actions de solidarité avec le continent Sud américain. Il oeuvre aussi pour éclairer les Montpelliérains sur la situation sociale, économique et culturelle. Les journées latino-américaines qui se tiennent actuellement proposent un cycle de cinéma d’auteurs qui aborde sans complaisance, les conflits, ruptures et nouvelles voies qui s’ouvrent en Amérique latine.

A ne pas manquer ce soir, Salle Rabelais, le film de Grégory Lasalle Trafiquants de vérités dans le cadre de la Nuit films-documentaire en partenariat avec le cinéma Diagonal. Le film revient sur le coup d’état de 1954 au Guatemala financé par la CIA. En mettant la commission de la vérité, mise en place en 1998 dans un souci de réconciliation nationale, au centre de son sujet, le réalisateur français aborde ce triste épisode à travers ses conséquences (200 000 morts et plus de 50 000 disparus) et la difficulté de reconnaître la réalité historique.

Quand le train passe


En ouverture de la soirée, on pourra découvrir Protégeme (Protège-moi), un film franco-mexicain tourné en 2012, par Aude Chevalier-Beaumel. La réalisatrice a posé sa caméra sur le toit des trains mexicains sur lesquels 800 personnes en provenance d’Amérique centrale tentent quotidiennement de rejoindre les Etats-Unis. «?Sur ce bout de parcours vers l’Eldorado étasunnien, les jeunes candidats courent beaucoup de risques, explique la réalisatrice, ils sont raquettés par la police, ou victimes de violence, de viols ou d’enlèvements perpétués par la criminalité organisée.?» Les trains chargés de plusieurs centaines de clandestins roulent lentement ce qui en fait des proies faciles pour les prédateurs en tous genres.

«?J’ai choisi de m’intéresser à ceux qui viennent en aide à ces malheureux. Sur ce parcours qui traverse le Mexique, existent des auberges humanitaires souvent tenues par des religieux qui offrent un court répit aux clandestins. Ces prêtres dont les actions ne sont pas toujours soutenues par leur hiérarchie, recensent leurs hôtes, ce qui permet de conserver des traces en cas de disparition. L’aide vient aussi de la population civile. Je me suis rendue dans un village où un groupe de femmes prépare depuis dix ans des repas, qu’elles emballent dans des sacs en plastique afin de les jeter aux passagers lorsque le train passe.

Jusqu’ici, les mesures prisent par Barak Obama en faveur des Latinos dont 87% se sont prononcés en faveur de son second mandat en novembre dernier, ne concernent pas ces passagers de l’oubli.

Jean-Marie Dinh

Source : L’Hérault du Jour23 mai 2013

Voir aussi : Rubrique Cinéma, Rubrique Mexique, Le grand échec du mur entre les USA et le Mexique,

Les fondus du 7e art fêtent les 60 ans de Positif à Montpellier

Portrait d’une enfant déchue de Jerry Schatzberg 1970

Etre ou ne pas être positif, là pourrait être la question avec le week-end qui s’est engagé au Centre Rabelais. Depuis hier, le Ciné-Club Jean Vigo et le Cinemed célèbrent les 60 piges de la revue Positif. « C’est la seule revue existante qui considère le cinéma comme un art et pas comme de la communication », souligne Henri Talvat pour le Ciné-Club Jean-Vigo. Scorsese aussi considère Positif, désormais éditée par Actes Sud, comme la meilleure revue de cinéma européenne.
Un prêté pour un rendu, si l’on se souvient que les plumes de cette revue furent les premiers à saisir la révolution du cinéma indépendant américain. Dans la grande bataille critique entre les deux frères ennemis, les Cahiers du Cinéma lancés en 1951 et Positif qui vit le jour un an plus tard, les échanges n’ont pas été  toujours des plus courtois. Pendant une dizaine d’années, les deux mensuels spécialisés se sont envoyé des peaux de bananes à ne plus en finir. « Avec André Bazin Les cahiers étaient plus spiritualistes et Positif plus surréaliste, observe Henri Talvat. Depuis, les rapports entre les deux revues se sont pacifiés, mais leurs préférences cinématographiques demeurent toujours très distinctes. « Pour  simplifier, on peut dire que Les Cahiers sont situés politiquement à droite, alors que Positif, en revanche est carrément ancré à gauche », pense Maurice Roméjon du Ciné-Club Jean Vigo.

Comme quoi, l’exigence des cinéphiles vire facilement au débat passionné. Tant qu’on reste loin des produits manufacturés tournés à la chaîne, ce ne sont pas les amateurs de cinéma qui se plaindront de la diversité des points de vue. « Il faut aussi venir au Ciné-Club Jean-Vigo, glisse encore Henri Talvat, c’est le seul endroit où l’on peut voir des films de répertoire et sortir de l’actualité immédiate qui disparaît rapidement. »

En attendant la prochaine saison, ne boudons pas le plaisir de voir où revoir les films programmés*. Nourris par la contre-culture des années 70 et 80, amoureux éperdus du septième art, Positif  soutient  des réalisateurs  qui mettent en place des univers éminemment personnels. Après le passage hier du réalisateur Alain Cavalier, venu évoquer son premier film Le Combat dans l’île, les critiques Alain Masson et Michel Ciment animeront les débats de la journée autour des quatre premiers films ayant fait la Une de Positif.

* A 10h30 Une fille a parlé de Andrzej Wajda, 14h30 Les points dans les poches de Marco Bellocchio, 17h Portrait d’une enfant déchue de Jerry Schatzberg, 20h Réservoir Dogs de Quentin Tarantino

Voir aussi : Rubrique Cinéma,

Festival Hybrides : Trouver les moyens d’un langage nouveau

Julien Bouffier. Photo Rédouane Anfoussi

Festival Hybride. La quatrième édition lance ses pépites dans différents lieux de la ville aiguisant la curiosité des chercheurs d’or et des curieux.

Le directeur d’Hybrides, Julien Bouffier, évoque les axes de la quatrième édition. Du 24 au 31 mars, la création théâtrale plonge dans le noyau de la vie, en bousculant les habitudes…

Comment définissez-vous le Festival Hybrides ?

Deux choses essentielles correspondent à l’identité du festival. Nous proposons une forme de théâtre envisagée dans une optique transdisciplinaire qui s’élève contre la vision un peu réductrice : un acteur un texte. Il y a évidemment des textes et des acteurs au théâtre, mais ce ne sont pas les seuls outils. Hybrides explore, en se rapprochant d’autre disciplines, comme la musique, la danse, la vidéo, le cinéma, la BD… On cherche les moyens qui peuvent  fournir un langage nouveau, des idées nouvelles, des points de vue nouveaux. L’autre particularité du festival est de lier le théâtre au documentaire. Un aspect présent dès la première édition qui s’est renforcé l’année dernière et se poursuit à travers différentes propositions d’artistes.

Depuis les années 90, le genre documentaire s’affirme au théâtre comme un style difficile à définir, peut-on l’appréhender comme une autre façon d’envisager le rapport au public ?

Le rapport au public est une de mes préoccupations centrales. Je m’y confronte dans mon rôle de  programmateur avec Hybrides et en même temps c’est une question qui a toujours fait partie de mon travail de metteur en scène avec la Cie  Adesso e sempre. Indépendamment de nos créations nous avons initié des actions en relation avec d’autres structures culturelles. Cette démarche est à l’origine du festival. J’intègre la médiation autour des spectacles et au sein même du processus de création. Le prisme du documentaire est très large, dans la nature des rencontres, comme dans les modes performatifs. On peut collecter des documents pour s’inspirer. On peut s’engager dans un univers fictionnel en partant d’un fait divers, à l’image du comédien belge, Fabrice Murgia qui présentera Le Chagrin des Ogres au Théâtre Jean Vilar. On peut aussi partir d’un questionnement et aller chercher sa matière dans le réel, comme Pascal Rambert. A seize ans, il propose un spectacle sur les adolescents joué par des adolescents dans le cadre de la saison de Montpellier Danse.

Quel regard portez-vous  sur l’usage des nouvelles technologies…

Elles contribuent  au renouvellement de l’offre artistique mais on ne peut pas en rester à une identité de forme. Dans la forme se joue la rencontre avec le public, mais si l’on ne parle de rien cela n’a pas d’intérêt. Hybrides choisit des artistes qui utilisent les outils d’aujourd’hui pour ouvrir des brèches. Avec la vidéo, il faut sortir de la tarte à la crème, depuis les années 20 les gens essayent de mettre des images dans les spectacles.

Hybrides revendique aussi un regard critique, comment s’exprime-t-il ?

Le premier geste d’Hybrides a été la volonté de travailler ensemble, ce qui est une façon de briser les chapelles cloisonnées du monde culturel. En partenariat avec Kawenga nous éditerons quotidiennement les critiques du public dans Le journal des spectateurs. Il y a aussi le projet Démocratie Culturelle 2.0 où l’on pousse les limites en décrétant l’abolition du ministère de la Culture pour y substituer le ministère des jeux. Dans ce monde où l’Opéra Comédie devient un centre commercial et le Musée Fabre un hôtel de luxe, la résistance s’organise sur les réseaux sociaux avec un appel à la contribution critique… Hybrides fait du théâtre un miroir du monde qui lui pose des questions.

Recueilli par JMDH

Les nouveaux territoires du théâtre nous parlent

L’artiste israélienne Ruth Rosenthal

Samedi, le Festival hybrides s’est mis en action un peu comme un train fou dont les étapes urbaines sont autant d’attentats. On ne couve pas sa place pour être au premier rang, dans ce grand jeu de rôle de la confrontation, on en change pour voir ce que ça fait. C’est drôle, et l’on peut toujours dire ce qu’on en pense, dans le quotidien du festival, Empreinte, qui émule du côté du Kawenga. Le côté festif et branché ne se mord pas la queue grâce à la qualité des propositions et à leurs propensions à écorcher l’édifice du temple. Samedi, Winter Family a ouvert le bal au studio Cunningham de l’Agora. L’artiste israélienne Ruth Rosenthal accompagnée du musicien Xavier Klaine ont renoué avec l’agitprop pour évoquer la propagande omniprésente du gouvernement israélien en direction de sa population. Un théâtre documentaire efficace qui restitue les paroles du peuple, ouvre sur des émissions de variétés à la gloire de l’armée, le tout émaillé d’un chapelet de résolutions de l’ONU rappelant l’Etat d’Israël à ses obligations en matière de droit international. On mesure autant l’impuissance des Nations unies que le poids de l’idéologie nationaliste et religieuse sioniste sur les israéliens. Au-delà on s’interroge sur la dictature des mass médias qui jouent sur l’émotion sans permettre la compréhension.

Dimanche à la Chapelle, le performer catalan Roger Bernat soumettait le public à l’expérimentation d’une démocratie d’opinion ouverte en dotant chaque spectateur d’un boîtier pour se prononcer par oui ou par non. Ludique, interactif, le dispositif de FFF permet aussi une prise de parole individuelle ou collective et interroge le pouvoir de l’artiste, du critique et du citoyen. Personne n’est parfait !

Le Festival Hybrides se poursuit jusqu’au 31 mars, voir le programme sur wwwfestivahydrides.com

Voir aussi : Rubrique Festival, rubrique Théâtre, Rubrique Montpellier, rubrique Israël,

Les nègres : Le grotesque salvateur

 

Après sa relecture des Nègres, le metteur en scène Emmanuel Daumas, parle de mise en abîme à l’infini, à propos du texte de Genet. Ce qui l’a poussé à aller chercher ses comédiens en Afrique. Il a rencontré au Bénin des comédiens prêts à donner suite à l’idée qui le taraudait : mettre en scène des jeunes qui puissent dire leur quotidien urbain en faisant paraître leur ressenti sur la manière dont les blancs les perçoivent et « qu’ils déconnent avec ça ».

Le résultat sur scène nous entraîne sur un fil sensible. La puissante présence des comédiens qui campent le plateau en appuyant sur le mauvais goût s’écarte des critères de la bienséance. On néglige la diction chère au théâtre classique au profit d’un langage corporel, tout paraît plus libre. Étrange sensation que d’éprouver un autre monde qui est pourtant le nôtre, celui de la cruauté et de la barbarie, celui de l’absurdité, de la honte, celui des célébrations travesties…

On est bien dans l’esprit de l’auteur qui voulait prendre les blancs à leur propre jeu. Genet a écrit ce texte à la fin des années 50, dans les années 70, il s’est investi aux côtés des Black Panthers. C’était un type convaincu et peu fréquentable qui mettait du blanc sur les visages noirs et du noir sur la peau noire en faisant ressortir la bouche bien rouge et les dents bien blanches, comme dans The Very Black Show de Spike Lee.

Cinquante ans plus tard, la confrontation entre le noir africain et le blanc français demeure ambiguë. La décolonisation institutionnelle s’est bien accomplie, mais elle n’a pas été suivie d’une décolonisation des esprits. Est-ce au théâtre d’en chercher les raisons ? Peut-être pas, mais le théâtre, pour Genet en tout cas, reste un art provocateur et subversif. Dans la pièce les nègres parlent aux morts.

Jean-Marie Dinh

Théâtre des 13 Vents, jusqu’à vendredi, résa 04 67 99 25 00.

Théâtre Trioletto

Hb Project, Les Européens d’Howard Barker

Howard Barker

Nous n’aurons pas peur des monstres ; nous serons capables d’être monstrueux et de mon(s)trer les monstres. Auteur anglais contemporain sulfureux, Barker décrit une humanité cruelle par nature et, paradoxalement, toujours séduisante d’intelligence et de lucidité. Dans les années 80, sa langue prend un tournant radical en rompant définitivement avec la narration et le sens, explorant avec rigueur l’effondrement du discours. Les thèmes très présents de la mutilation, et des violences spectaculaires ou invisibles font de son théâtre une œuvre puissante. Mise en scène de Stefan Delon

Au Théâtre Trioletto jusqu’au 23 mars à 20h30, entrée libre Résa Crous : 04 67 41 50 09.