L’esprit de révolte plane sur le festival Big band

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Vanessa Liautey, dans le quatrième mur. Photo Marc Ginot

Theâtre
hTh lieu de circulation pour le théâtre d’Europe ne snobe pas les compagnies de la Région dont les créations s’ancrent avec rage dans le monde d’aujourd’hui. C’est ce que démontre le festival Big Band qui se tient actuellement au CDN jusqu’au 3 mars

Cette ouverture à la richesse de la création régionale confirme la qualité des compagnies, dramaturges, et comédiens qui composent le vivier présent sur notre territoire, lié en partie à un dispositif d’enseignement de qualité. Au regard des premières pièces du bien nommé festival Big Band qui a ouvert cette semaine, on pourrait ajouter un certain goût pour l’esprit subversif avec des positionnements politiques indispensables à notre époque.

Oiseaux de tempête
Comme le déclare la pièce d’Hélène Soulié Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce. Le texte est adapté du conte insurrectionnel de Lola Lafon. Ici, le théâtre aborde en face le désir de l’émancipation féminine en allant droit au but avec force et conviction. Avec la volonté de mettre la vérité à nue, comme Jane Campion le fait au cinéma, parce que l’état des faits est affligeant. Toutes les sept minutes, une femme est violée dans la France d’aujourd’hui. L’ expérience, majoritairement muette, de milliers de viols, ne serait être classée dans la rubrique fait divers. La pièce sort de la normalité pour faire remonter cette oppression comme un indicateur politique. Elle dépasse aussi le stricte sujet du viol pour évoquer les diktats sociaux, économiques et familiaux, le permettant.

Tumultes
Marion Guerrero met en scène  Tumultes, le texte de Marion Aubert produit par la cie Tire pas la Nappe. « Au départ, nous avions le désir, avec  Marion Guerrero de travailler sur les émeutes du 6 février 1934. Le Front Populaire, indique Marion Aubert. On a parler de l’avortement, des tricoteuses de la révolution. On a fait des impros. On a tenté de faire la révolution dans l’école. Manon est allée faire des discours sur les places de Saint-Etienne. Personne ne s’en est rendu compte. J’ai listé des questions, Qu’est ce que c’est que de sentir quelque chose possible ? C’est quoi le sentiment d’injustice ? C’est quoi avoir peur pour ses enfants ? D’où ça nous vient, ce climat d’inquiétude ? De haine ? De suspicion ? Comment ça se fabrique le fascisme ?
Tumultes dresse le portrait d’une génération inquiète mais surtout vive, créative et décidée à empoigner le monde avec rage, esprit critique, humour et passion.

 Le quatrième  mur
« Tout s’étiole, on ne sait plus ce qu’on fait. Les artistes crèvent. Ils ont été satellisés, analyse le metteur en scène Julien Bouffier à propos de l’esprit de contestation que l’on sent planer au sein du milieu artistique, on nous sort parce qu’on en a besoin, mais c’est pas comme ça que ça marche. On discute entre nous. Moi j’ai de la chance, mais tout le monde va tellement mal que nous avons besoin de parler pour redonner une place aux artistes dans la société. Notre place a été spoliée par des administratifs, des filtres, des péages… »

Julien Bouffier monte Le quatrième mur d’après le roman de Sorj Chalandon un des 1er journaliste à entrer dans le camp de Chatila après les massacres. Il  en a tiré une fiction. L’histoire d’un militant pro-palestinien féru de théâtre qui veut monter Antigone d’Anouilh sur la ligne verte de Beyrouth avec des acteurs de  toutes les nationalités et religions du conflit. « Je suis né au Liban, confie Julien Bouffier, j’ai cherché comment m’inscrire dans cette histoire mais le pays du livre n’est pas le Liban, c’est Chalandon spectateur de Sabra et Chatila

JMDH

Source La Marseillaise 25/02/2017

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Les Chonchons de Marion quittent leurs chaussons

Une curieuse épidémie de moustaches

Une curieuse épidémie de moustaches

Création au Théâtre des Treize Vents. Orgueil poursuite et décapitation une comédie féroce de Marion Aubert.

Douce tentation que celle de l’innocence qui nous permet d’échapper aux conséquences de nos actes. Voilà bien un mal qui n’épargne pas notre société. Marion Aubert trouve matière d’en rire dans sa dernière création Orgueil poursuite et décapitation donnée actuellement à Grammont.

Dix chapitres sans commandement pour évoquer les scènes tragi-comiques de la vie quotidienne. Au premier rang desquelles les valeurs familiales passent un mauvais quart d’heure. N’en déplaise à Luc Ferry (1) qui voyait dans la famille l’agencement d’un nouvel humanisme, l’auteur pointe à l’inverse les liens intimes entre bourreau et victime. Merveilleuse pathologie familiale que l’œuvre destructrice d’une belle-mère narquoise à souhait, dont les frustrations personnelles se travestissent en amour maternel pour son fils adoré. Bel exemple d’amour que l’insupportable vulgarité d’un mari toléré par sa femme bonasse. Exemplaire transmission d’expérience que le bilan désespéré d’une grand-mère confiant le vide sidéral de sa vie à sa petite fille…

Hommage au carnage familial

La mise en scène de Marion Guerrero tire parti d’une multitude de situations et de personnages (une trentaine) pour donner vie à ce grand désordre. Des panneaux amovibles à roulettes façonnent l’espace. La sobriété des décors renforce l’intensité du jeu. Les transitions abruptes et le montage très cut des scènes rend hommage au carnage familial dans la beauté de l’instant. L’esprit décalé de l’œuvre et la folie ordinaire à laquelle elle fait appel sied parfaitement aux comédiens de la Cie Tire pas la nappe, qui s’y tiennent à carreau.

Marion Aubert porte le regard d’une femme trentenaire sur notre société postmoderne. Elle excelle dans la description de l’infantilisme et de la victimisation, deux grandes tentations du XXIe. Peuplé de martyres silencieux ou auto-proclamés, l’univers des Chonchons, comme le nomme l’auteur, est aussi véritable qu’imprévisible. C’est un monde comme le nôtre où l’imposture et la métamorphose menacent en permanence. L’ex ministre de l’Education cité plus haut pourrait très bien être ce jeune marié promis à une haute fonction qui fracasse la tête de sa femme contre les rochers parce qu’elle le trouve drôle et qu’elle n’aurait pas dû.

La question du pouvoir tient lieu de fil rouge à la pièce. L’auteur montpelliéraine l’aborde l’œil lucide et le rire aux lèvres. Une fausse naïveté qui fait mouche. Le rire surgit sans que la situation ne s’y prête. C’est l’éveil du Chonchon qui dort en nous…

Jean-Marie Dinh

Le texte Orgueil poursuite et décapitation est édité chez Actes-Sud ainsi que la plupart des textes de Marion Aubert

(1) Luc Ferry 2007 Familles, je vous aime : Politique et vie privée à l’âge de la mondialisation, XO Editions.

Voir aussi : Rubrique Théâtre , rubrique Rencontre, Marion Aubert,