« Flame » à la Chapelle au cœur d’une l’histoire culturelle revisitée par le trio David Pino Rodrigo Garcia, Serge Monségu.
Dans le quartier gitan de la cité St Gély La Chapelle a ouvert une zone carrefour. Un labo artistique au sens premier du terme. En résidence l’artiste David Pino de Cordoue, lauréat du concours National de Córdoba y a joué avec les guitaristes et des musiciens de Figuerolles-Gely et de la région. Dans le cadre des soirée Soy cette rencontre a permis de retrouver les racines gitanes et flamenco. Deux jours plus tard, associé à Rodrigo Garcia et à l’ingénieur du son Serge Monségu, le duende de David Pino a dépassé les règles strictes de la tradition. Le trio proposait une performance en rupture avec les représentations traditionnelles.
Venu nombreux le public a pu voir et surtout sentir qu’il est tout à fait possible de se débarrasser du conservatisme lorsqu’on est dépositaire de racines culturelles forte. On retrouve la douleur et la souffrance du chant dans la voix d’un clown à l’allure maléfique qui démarre à capela. Pas de danseuse aux formes voluptueuses mais un autre personnages féminin grimée accompagne le chant à la batterie avec ardeur. Chaque coup de grosse caisse fait défiler un diaporama d’images de film violent, Orange mécanique de Kubrik, Eraserhead de Lynch, et quelques bons films d’horreur de série Z, où la souffrance des âmes trouvent à se repaître.
Lâchage de larsens entêtant et déjanté en guise de notes franches et souples. Avec un corpus poétique en bonus. Tous le tourbillon du flamenco en flammes. Respect !
L’amour maternel une publicité trompeuse ? Photo dr
A la Chapelle. Vanessa Liautey s’attaque à l’indicible en adaptant un texte de BD au théâtre autour d’un infanticide.
La compagnie théâtrale La Faction vient de présenter à La ChapelleL’enfant qui pleurait. Un spectacle poignant de et avec Vanessa Liautey, accompagnée du regard de la chorégraphe Hélène Cathala, d’après Grégory Ponchard, l’auteur de la bande dessinée Crash-Text.
Au cœur de ce solo, un texte brut relatant un fait divers. A travers la souffrance d’une mère, le traitement qui est donné au drame de l’infanticide propulse le sujet en fait de société.
Pour interpréter le rôle, Vanessa est allée puiser sa matière sur le terrain. « Je tente de raconter l’histoire tragique d’une femme qui vient de jeter son bébé par la fenêtre. Quand on est actrice, par quels méandres de la pensée devons-nous passer pour l’incarner ?En me référant à l’histoire du Théâtre, c’est le personnage de Médée qui m’est venu à l’esprit. Aujourd’hui, les statistiques démontrent que quand les infanticides sont commis par des hommes, ils sont la plupart du temps liés à une vengeance, c’est différent chez les femmes. Médée a été écrit par un homme. »
La volonté de compréhension féminine, celle de trouver un sens à un drame comme l’infanticide est au cœur de la démarche théâtrale de Vanessa Liautey. Paradoxalement, le spectacle produit un sentiment d’empathie pour cette mère qui commet l’irréparable et bouscule les tabous. Toutes les mères ne devraient-elles pas être aimantes…
Prostrée dans un coin de l’espace délimité comme une petite pièce une femme balbutie, elle tente d’exprimer l’inexprimable sans y parvenir. C’est son corps qui parle. La femme est allongée, sa solitude se confond avec le sol. Elle ne dit rien, peut-être se parle-t-elle à elle-même.
La raison est indomptable, le mur d’images traduit ses rêves, cauchemars et projections mentales. Quand elle l’a jeté il n’a pas pris son envol. Tenter de comprendre face au rien, un défi pour trouver quelques miettes d’humanité et faire ressurgir l’espoir.
JMDH
L’enfant qui pleurait sera joué dans le cadre du Festival Hybrides au Théâtre des 13 Vents les 18 et 19 avril.
La Matrice 1 : L’absence crée un type particulier de présence théâtrale. Photo Ferdinant Fortes
La Chapelle. Lydie Parisse met en scène avec Yves Gourmelon, son troisième texte pour le théâtre. Une création au féminin où la muse devient muson.
Je n’aime pas la fiction. Tout doit être réel, provenir de la vie bien réelle… » affirme Lydie Parisse qui porte son troisième texte à la scène à la Chapelle. La Matrice 1 sous titrée Le temps des musons, apparaît comme une pièce maîtresse dans le parcours d’une œuvre foncièrement contemporaine, entreprise créative, à la fois accessible et très vaste. La recherche d’écriture théâtrale de l’auteur met en question le rapport au public à travers l’exploration plastique et les espaces multiples de perception possible, en l’occurrence ceux de la création féminine.
Premier volet d’un diptyque, La matrice 1 évoque le quotidien banal d’une femme. Une de ces femmes sans histoires auxquelles il n’arrive jamais rien. Dans l’espace caricatural de sa cuisine, Loute est la muse et la compagne de Pierre. Celle qui lui permet à lui l’homme, l’ingénieur en aéronautique qui veut devenir artiste, de se réaliser. Loute est aussi un être mythique omniprésent qui est en tout endroit à tout moment. Une éponge épouse infinie de la mémoire collective de tous les temps, mémoire fragmentée par les cauchemars de son siècle, fruits morbides d’illusions masculines.
Mise en lumière du désir
Pierre a disparu dans une pièce inconnue de leur maison Phoénix sans fondation. Il n’est plus là. Et Loute le recherche. Elle souffre, peine à réaliser ce qui lui arrive. Par moments, elle s’en moque, se libère, rit, se remémore et réinvente le passé, avec sa sœur, incandescente confidente, Melpomène (Julie Pichavant). La pièce ouvre et referme de courtes séquences, vidéo, chantées et chorégraphiées. Ce parti pris de mise en scène fait appel au hors-scène, spatial et temporel. Il renforce efficacement la dimension spectrale et onirique. Tous les personnages masculins peuplent cet univers du dehors. Après tout, peut-être que Pierre n’a jamais existé…
Face à l’absence, c’est aux spectateurs qu’il revient de donner forme à l’émotion. Dans cet esprit, la comédienne Claire Engel (Loute) s’impose dans un rôle d’une grande difficulté. Les deux femmes sans âge, passent de l’indétermination à la détermination qui les entraîne sur les traces historiques et spirituelles de l’alchimie magique féminine. Dans une salle de bain, que n’auraient pas reniée Sappho et Lucrèce, elles inversent le mythe des muses pour donner naissance aux musons.
Mais s’il présente de réjouissantes perspectives, cet artifice nourrit l’étrange sans clore l’espace des possibles. Lydie Parisse construit sa pièce sur une succession de glissements vers une tendre et violente mise en lumière du désir. Un hommage à la création au féminin, dont la beauté et la cruauté n’en finissent pas de fasciner, comme la lumière filtrant les persiennes au matin d’un jour, nouveau.
Jean-Marie Dinh
Jusqu’au 7 mai à La Chapelle. Réservation 04 67 42 08 95. Le texte est paru aux éditions Domens