Théâtre : Karl Marx le retour

Bien après la mort déclarée de l’idéologie, Marx le phénix  est annoncé sur la scène du Carré Rondelet. On le retrouve du 14 au 17 décembre avec le texte d’Howar Zinn Karl Marx le retour mis en scène par Christian Fregnet. Décédé en 2010, l’auteur dramaturge américain Howard Zinn a consacré son œuvre aux rôles historiques des mouvements populaires. On lui doit notamment l’ouvrage de référence Histoire populaire des Etats-Unis (éd Agone). Avec Karl Marx le retour, il réincarne l’auteur du Capital dans l’environnement du capitalisme triomphant. Le texte a été écrit peu de temps après l’effondrement de l’Union soviétique. « Je jugeais important de montrer clairement que ni l’URSS ni les autres pays qui, se disant « marxistes », avaient installé des états policiers, n’incarnaient la conception du socialisme de Marx. Je voulais montrer un Marx furieux que ses conceptions aient été déformées jusqu’à être identifiées aux cruautés staliniennes », indiquait l’auteur.

Dans le rôle d’un Marx indigent, comme il le fut dans sa propre vie, Emile Salvador (de la compagnie Archipel) interprète son rôle avec beaucoup d’humanité. Marx obtient une permission pour venir nous expliquer tout ce qu’on lui a collé sur le dos. Il partage sa compréhension du monde, explique qu’il existe des médicaments pour maintenir un système malade et émet quelques propositions pour changer la donne. Conçue pour être jouée dans des petits lieux, la pièce en un acte se présente sous la forme d’une farce. Elle nous interpelle sur notre condition sociale, sur le fait  que nous sommes de plus en plus étrangers aux autres et à nous-mêmes. Pour autant, le texte n’est pas un réquisitoire, on pourrait même y trouver une forme de réconfort dans la réaffirmation que rien n’est inéluctable.

JMDH

Au Carré Rondelet, 14 rue de Belfort à Montpellier  du 14 au 18 décembre. Rens : 04 67 54 94 19.
Le texte de la pièce est paru aux éditions Agone

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4.48 Psychose : Désespoir, souffrance et lucidité

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Poline Marion incarne une belle impossibilité de vivre. Photo Christian Vinh.

On ne monte pas, 4.48  Psychose comme on monte Les femmes savantes. D’abord parce que l’œuvre posthume de Sarah Kane est considérée comme noire. Ce qui par les temps qui courent ne remplit pas les salles. Ensuite, parce que la pièce comme toute l’œuvre de Sarah Kane, qui en compte cinq, est basée sur le texte et fuit par essence la théâtralité. C’est donc une occasion de se frotter au répertoire contemporain déroutant de la dramaturge britannique que nous offre Sébastien Malmendier en montant cette pièce interprétée par la jeune comédienne Poline Marion.

L’œuvre parle lumineusement de la souffrance et du suicide. Sarah Kane s’est elle-même donnée la mort en février 1999 à l’âge de 28 ans. Elle livre une pièce qui semble s’être imposée à elle. Un personnage psychotique exprime un monologue poétique qui s’entrecoupe d’une conversation avec un psychiatre. La jeune femme projette de se suicider, à 4h 48.

L’espace réduit du Carré Rondelet s’avère propice à la proximité que requiert cette expérience. Evidemment, on part loin des fêtes publiques qui célèbrent les majorités politiques. On s’éloigne aussi des couleurs spectaculaires, comme des pages sans âme de faits divers qui alignent les trucidés. Ici, le noir qui nous est donné à voir est paradoxal.  « J’écris pour les morts, pour ceux qui ne sont pas nés. » On retrouve dans ces mots desséchés une forme d’humanité, presque rassurante. Un espace bien réel qui s’ouvre dans la fiction hors de la majorité morale.

La jeunesse du personnage qui cohabite avec la mort, est un aspect non négligeable de l’expérience qui emplit la scène et la salle. Le texte, qui traverse le corps de la comédienne, résonne avec justesse dans les moments de colère, quand le personnage interpelle sa mère, son père et finalement Dieu : « Je t’emmerde parce que tu me fais aimer quelqu’un qui n’existe pas. » Mais aussi, dans le regard lucide et tragique. « Je ne désire pas la mort, tous les suicidés ne désirent pas la mort. »

L’écriture dit l’impensable. Face à ce défi lancé à la représentation, le parti pris de mise en scène de Sébastien Malmendier est simple et efficace. Il s’agit de donner à voir les mots et sur scène, psychose et littérature font bon ménage.

Jean-Marie Dinh

4.48 Psychose, jusqu’au 13 février Carré Rondelet . 04 67 54 94 19

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