Le festival a charrié dans nos esprits un lot fascinant de réalités, modernes, violentes et attachantes qui composent la contemporanité du bassin méditerranéen. Le cinéma attrape toutes les réalités, pas forcément celles que l’actualité impose. A l’instar d’un pays en crise et en devenir comme l’Egypte, le festival a relevé le défi d’apporter des éléments de compréhension et de réflexion en confiant la présidence du jury au réalisateur Yousry Nasrallah, compagnon de route de Youssef Chahine. « Dans mon pays, faire un film a toujours été un acte héroïque », soutient Nasrallah.
Une affirmation que l’on saisit volontiers avec le film Rags and Tatters (Chiffons et lambeaux) qui remporte l’Antigone d’Or 2013. Avec ce film proche du documentaire pour la nature des mises en situation, mais résolument ambitieux dans son esthétisme et son message, Ahmad Abdalla revient sur le soulèvement de la Place Tahrir avec un regard nuancé sur ce drame humain. Il choisit de saisir le sens de l’événement à partir de la périphérie à travers un personnage qui sort de prison et découvre l’état chaotique de la situation. Le réalisateur s’éloigne de l’action centrale, la grande place du Caire, pour mieux rendre compte de l’onde de choc. Le prisonnier rendu à la liberté par les événements, erre dans le climat tendu de guerre civile. Il est le témoin involontaire de la brutalité de l’histoire, des conséquences sur les minorités notamment chrétiennes. Ahmad Abdalla signe un film aboutit en s’abstenant d’une prise de position politique ou religieuse pour mieux transcrire la réalité de son peuple.
Paroles d’Egypte
L’hommage que le festival rendait cette année à Marianne Khoury, réalisatrice et productrice engagée, est tombé à point nommé pour aborder la contribution du cinéma égyptien à l’avenir du pays. Diplômée d’Oxford, elle fut productrice exécutive sur un grand nombre de film de Chahine. Elle dirige aujourd’hui avec son frère la société Misr production, fondée par le réalisateur du Destin, qui accompagne les oeuvres audacieuses de réalisateurs égyptiens indépendants comme, Asma El- Bakri Concert dans la ruelle du bonheur, Radwan El-Kashef, La sueur des palmiers, Atef Hetata Les Portes fermées, ou la jeune Heba Yousri qui portent le regard social du cinéma égyptien d’aujourd’hui.
« Pour le cinéma d’auteur, le problème se pose souvent au deuxième film, précise la productrice. Il existe des aides pour les premiers longs métrage mais après c’est difficile de passer le cap. Ce qui fait que beaucoup de réalisateurs passent à des films commerciaux.» Marianne Khoury produit actuellement cinq courts métrages de jeunes réalisateurs égyptiens sur le thème de la femme dans l’Egypte contemporaine. « La vraie Egypte n’est pas chrétienne ou musulmane. Ca se sont les stéréotypes générés par les médias. Moi je suis née chrétienne et je me sens musulmane. Chez nous il y a des chrétiens qui font le ramadan, par respect.»
Jean-Marie Dinh
Source : L’Hérault du Jour 04/11/2013
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