Le député (PS) du Val-d’Oise François Pupponi estime que si le système d’aides est très coûteux, celles-ci s’avèrent nécessaires pour les ménages les plus modestes.
Le gouvernement a annoncé, samedi 22 juillet, une baisse de 5 euros par mois des aides au logement, à partir du 1er octobre, pour les 6,5 millions de bénéficiaires. Durant tout le week-end, cette mesure, qui devrait permettre d’économiser 100 millions d’euros en 2017, a été fustigée, et mise en rapport avec la baisse de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui coûtera à l’Etat entre 3 milliards et 4 milliards d’euros, sans que le gouvernement réagisse.
Le député (PS) du Val-d’Oise et maire de Sarcelles François Pupponi avait piloté, en 2015, un groupe de travail à l’Assemblée nationale sur les aides au logement, qui avait rendu ses conclusions en mai de la même année.
Que pensez-vous de la mesure envisagée par le gouvernement ?
C’est absurde ! Notre groupe de députés, qui a planché sur le sujet en mai 2015, avait précisément écarté toute mesure de réduction généralisée. Car ce système est, certes, très coûteux : 18 milliards en 2016, probablement 18,5 milliards en 2017, mais il est d’une nécessaire efficacité sociale : 60 % des allocataires vivent sous le seuil de pauvreté, 80 % gagnent moins que le smic, les aides représentent 21 % des revenus des 10 % des ménages les plus modestes.
Grâce à ces aides, les Français sont ceux qui ont les taux d’effort logement les moins élevés d’Europe. Pour moi, cette réduction générale est juste une bourde de Bercy, qui cherche à tout prix des économies. Il est certain que le budget est colossal et dérive chaque année de plusieurs centaines de millions. Il faut le contenir et le rendre plus efficace.
Quelles pistes d’économie proposez-vous ?
Tout d’abord, les frais de gestion des caisses d’allocations familiales sont énormes : 800 millions à 900 millions d’euros. Le calcul des aides est trop complexe et trop fréquent. Au lieu de réactualiser tous les trois mois, on pourrait le faire tous les six mois.
Ce qui est difficile à gérer, ce sont les ruptures de situation des allocataires, comme les pertes ou les reprises d’emploi qui peuvent se succéder à un rythme rapide. Ces calculs incessants n’offrent aucune visibilité aux familles sur leur budget, il faut donc simplifier pour tout le monde.
Dans mon rapport, je signale que 30 % des allocataires ne paient aucun loyer, car les aides, avec le forfait charges, couvrent la totalité de la quittance. C’est particulièrement vrai dans les zones détendues [secteurs sans tension en matière de demandes de logement] où les loyers privés sont bas. C’est un chiffre qui circule sous le manteau, que j’ai donné dans mon rapport et que personne n’a contredit. Il faudrait l’expertiser.
Ce serait une mesure de justice sociale de laisser un reste à charge à tous : pourquoi le smicard de Reims n’a aucun loyer alors que celui de Sarcelles doit consentir de gros efforts pour se loger ? Ce serait juste que tout le monde paie un peu et cela permettrait des économies.
Que répondez-vous à ceux qui disent que les aides ont un effet inflationniste ?
C’est certain pour les petites surfaces et les logements des étudiants, qui doivent se loger dans le privé. La Cour des comptes l’a encore affirmé, l’aide d’un montant moyen de 225 euros distribuée à 800 000 étudiants coûte plus de 2 milliards d’euros.
On pourrait plafonner les loyers étudiants et cesser d’engraisser les bailleurs privés sans pénaliser les locataires. Ce n’est pas plus difficile que cela.
Recueillis par Isabelle Rey-Lefebvre
Source : Le Monde 24.07.2017