Assurance chômage: où en est la négo?

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Ce devait être le dernier rendez-vous des partenaires sociaux pour se mettre d’accord sur les nouvelles règles relatives à l’indemnisation chômage. Mais syndicats et représentants patronaux sont loin d’avoir trouvé un terrain d’entente.

Le sixième rendez-vous entre partenaires sociaux visant à définir les nouvelles règles d’indemnisation chômage s’est terminé ce jeudi soir… sans qu’aucun accord ne se dessine à l’horizon. Le point sur cette négociation qui n’en finit pas de diviser syndicats et organisations patronales, sur fond de contestation du projet de loi travail.

Qui est autour de la table?

Tout le monde. C’est-à-dire l’ensemble des organisations patronales et syndicales représentatives. Y compris le Medef qui, après avoir menacé de boycotter les négociations portant sur les règles de l’assurance chômage si le gouvernement ne modifiait pas le projet de loi travail, a bien pris place à la table des discussions. Et pour cause: si l’organisation patronale critique «un texte décevant qui n’aura pas d’impact sur la création d’emplois», elle a toutefois gagné sur un point: le gouvernement n’a pas inscrit dans la loi l’obligation de moduler les cotisations sur les contrats courts. Et ce alors qu’il s’agissait d’une promesse concédée par le Premier ministre aux organisations de jeunesse, début avril, pour calmer le mouvement de contestation.

Mais si les négociateurs du Medef sont bien assis autour de la table, certains dénoncent leur manque d’entrain. Dans un tweet, Sophie Binet, de la CGT, dénonce le «blocage» du Medef, dont l’objectif, explique-t-elle, est de «faire durer la négociation pour passer les festivals et le mouvement loi travail». Quant aux syndicats, en face, ils étaient également bien au rendez-vous. Même si la CGT a demandé, en début de réunion, une suspension de séance, avant de retrouver l’ensemble des partenaires sociaux.

Qu’est-ce qui coince?

Le sujet a déserté le projet de loi et l’Assemblée nationale. Mais il ne s’est pas éteint pour autant: la surtaxation des CDD, qui permettrait de gonfler les caisses de l’Unédic de plusieurs centaines de millions d’euros, selon FO, la CGT et la CGC, reste le dossier qui fâche. Côté patronal, le message n’a pas bougé d’un iota: pas question d’accepter la moindre hausse de cotisations patronales sur les contrats les plus courts. «Comme la loi n’aura aucun effet positif sur l’emploi, nous ne sommes pas enclins à envisager de charges supplémentaires sur le travail, quelle qu’en soit la forme», a coupé court Jean Cerutti, le négociateur du Medef. Problème, il s’agit de la principale revendication unanime des négociateurs syndicaux. D’où le résumé, un brin pessimiste, de Franck Mikula, de la CGC: «Le Medef n’a toujours pas de mandat pour augmenter les recettes, moi je n’ai pas de mandat pour faire autre chose qu’augmenter les recettes, donc on ne va pas pouvoir s’entendre très longtemps.» «On s’éloigne de la conclusion d’un accord», abonde Eric Courpotin (CFTC).

Si elles sont toutes d’accord sur le fond, les centrales syndicales proposent toutefois des scénarios différents: la CGT plaide pour une surcotisation générale, là où FO et la CGC sont favorables à un système de bonus-malus pénalisant les entreprises qui abusent des contrats courts. Quant à la CFDT et la CFTC, elles défendent une dégressivité des cotisations selon la durée dans l’emploi. Mais c’est sur un tout autre terrain que s’est aventuré, jeudi, en début de séance, l’Unédic (le gestionnaire de l’assurance chômage) qui a présenté un document aux partenaires sociaux. Ce dernier chiffre de 450 millions à 1,5 milliard d’euros les économies réalisables en modifiant le mode de calcul des allocations. Une option qui colle davantage aux aspirations du patronat. Mais qui se ferait «sur le dos des privés d’emploi», selon la CGT.

Où en est le dossier des intermittents du spectacle?

Jeudi après-midi, ils étaient plusieurs dizaines à occuper, à Paris, un des bâtiments de l’Autorité des marchés financiers (AMF) situé place de la Bourse. Preuve que la question de leur régime particulier, qu’ils entendent bien défendre, est loin d’être réglée. Organisée à l’appel, notamment, de la CGT spectacle et de la Coordination des intermittents et précaires (CIP), cette action visait à protester contre l’utilisation du 49.3 pour l’adoption de la loi travail et à faire pression sur la négociation en cours sur l’assurance chômage. Quelques heures auparavant, la CGT spectacle dénonçait «le chantage à la négociation assurance chômage» du Medef qui, à ce jour, n’a toujours pas validé l’accord signé le 28 avril par l’ensemble des représentants, syndicaux et patronaux, du secteur du spectacle. Or ce dernier, négocié pour la première fois «à part», doit toutefois recevoir l’aval des partenaires sociaux interprofessionnels pour être appliqué. Pour les intermittents, qui réclament l’application de l’accord dès le 1er juillet, il y a donc urgence à mettre la pression.

Quelles sont les prochaines étapes?

Le rendez-vous du 12 mai devait être le dernier avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention Unédic au plus tard le 30 juin. Mais le respect de cette échéance semble aujourd’hui très hypothétique. Deux nouvelles réunions entre partenaires sociaux ont d’ores et déjà été inscrites à l’agenda, le 30 mai et le 14 juin. Mais pour beaucoup, cela ne suffira pas. D’autant qu’il ne suffit pas que syndicats et organisations patronales se mettent d’accord – ce qui est loin d’être gagné. Avant son entrée en vigueur, l’accord doit être traduit en convention puis être agréé par le gouvernement. Autant dire que le calendrier est plus que serré. Reste une solution: prolonger les règles actuelles au-delà du 30 juin, le temps de finaliser la négociation. Mais l’option est politiquement risquée. Car si elle s’éternisait, la discussion risquerait de venir polluer la campagne présidentielle qui arrive à grands pas.

 

Amandine Cailhol

Source Libération 12/05/2016