Salia
Rencontre. Ex-danseur de la Compagnie de Mathilde Monnier, le chorégraphe burkinabé évoque la place des artistes en Afrique.
« J’ai toujours dansé. La pratique de la danse fait partie de mon quotidien depuis l’enfance. En Afrique, le rapport au corps, à l’espace est omniprésent. On se forme en observant les grands frères et les maîtres »
Le parcours du chorégraphe Salia Sanou est ponctué d’allers-retours entre l’Europe et l’Afrique. Il revient juste du Burkina Faso, son pays d’origine, actuellement traversé par une crise démocratique déterminante. Il a le regard lucide et le coeur plein d’une énergie captée au contact de la société civile. Il y repart dans un mois pour le Festival Dialogues du corps mis en place à partir du premier Centre de développement chorégraphique africain La Termitière, créé avec Seydou Boro en 2006 dans la capitale du Burkina.
Le parcours de Salia Sanou est singulier. Ouagadougou, 1985, son diplôme d’officier de police en poche, Salia Sanou bifurque pour une formation d’art dramatique. 1992, nouveau tournant marqué par sa rencontre avec Mathilde Monnier sur le spectacle Pour Antigone. Il intègre la compagnie de la directrice du CCN de Montpellier et décide de faire de la danse son métier.
« En Afrique danser n’est pas un métier. C’est une expression, en rapport avec l’émotion, les rituels, la fête. La danse est toujours en lien avec un contexte collectif. En Occident c’est différent. J’ai moi-même vécu un choc par rapport à l’abstraction, le fait d’être dans l’espace et ne pas être dans l’espace. Au début, je n’arrivais pas à danser dos au public ou dans le silence. Cela n’arrive jamais en Afrique sauf quand on enterre nos morts et encore...» Nourri par cette confrontation, le travail de Salia Sanou intègre l’héritage de la danse africaine et de la danse contemporaine européenne.
Artiste engagé
« J’ai eu la volonté de transmettre. Mes premiers spectacles en Afrique se sont faits sous un double regard du public à mon égard. Certains attentaient ce que j’avais à leur apporter, d’autres pensaient que je m’étais perdu. Pour moi il s’agit de faire passer mon vécu en faisant des choix d’auteur, une notion quasi inexistante dans cette société. »
La démarche artistique du chorégraphe s’accompagne d’une implication citoyenne*.
« Depuis l’indépendance, nous avons eu cinquante-cinq ans de pouvoir militaire. Le bilan de la construction démocratique montre que le modèle de gouvernance prôné par l’Occident est totalement fabriqué. Tout comme pouvait l’être celui de Sankara à partir d’un autre modèle. La jeunesse oubliée a précipité la chute de Blaise Comparé mais nous venons d’apprendre que c’est un militaire qui a été nommé Premier ministre pour assurer la transition. Dans ce contexte, le mouvement continue pour apporter une renaissance ».
Face à l’impasse politique et aux pressions de l’Union africaine et de l’Europe en faveur d’un statut-quo, la culture permet-elle un dépassement ?
« La culture est une ouverture. Les arts sensibilisent, font mûrir les consciences avec des actes isolés mais porteurs.»
JMDH
w * Salia Sanou monte des ateliers de danse dans les camps de réfugiés maliens au Burkina Faso.
Source : L’Hérault du Jour 22 11 2014
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