Bilan parlementaire. Le changement c’est pour quand ?

Bilan. Dans un contexte historique où le PS dispose d’une majorité à l’AN et au Sénat, les vacances des parlementaires donnent l’occasion de faire le point sur la première année Hollande, les promesses plus ou moins bien tenues, celles oubliées et les nouveautés jamais annoncées.

Voilà, c’est fini. Après une session ordinaire ouverte en juin 2012 et terminée le 27 juin 2013 pour le Sénat et le 28 juin pour l’Assemblée nationale et une session extraordinaire en ce mois de juillet, les députés et sénateurs peuvent désormais partir en vacances. Avant le dernier coup de collier, les commentaires sont allés bon train. Au Sénat, Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, dénonce les « 900 heures de séance publique » tandis que Bernard Accoyer, ancien président UMP de l’Assemblée assure que l’on « surlégifère ». Un rapide examen des statistiques disponibles sur la précédente législature montre que les dénonciations sont exagérées. Cette première année de pouvoir de Sarkozy avait enclenché nombres de réformes importantes, notamment le bouclier fiscal de triste souvenir. Car la première année est importante pour prendre ses marques et marquer les esprits. D’ailleurs les parlementaires de gauche ne rechignent pas, bien convaincus de réformer la France. C’est donc l’occasion de voir à quel point.

Pour la première année François Hollande, ce bilan fait tout d’abord état du mariage pour tous. Promis et réalisé. Même s’il a monopolisé un temps incroyable des parlementaires. A l’Assemblée, le nombre de d’intervention s’est élevé à 7832, certes essentiellement le fait de l’UMP qui en compte 5133. Autre promesse, la refondation de l’école. Tenue mais… avec une loi qui n’est pas à la hauteur des attentes provoquées par le mot « refondation ». D’autant que le sujet a d’abord été pris par le petit bout de la lorgnette des rythmes scolaires, ce que beaucoup de professionnels ont pris comme un leurre.

Idem pour la séparation des activités des banques. Le dossier n’est pas clos mais entre les promesses de campagne et les premiers textes, l’écart est important et les ambitions largement revues à la baisse.

Même sentiment d’insatisfaction concernant l’acte III de la décentralisation. Là encore, la boucle n’est pas bouclée. Mais les premières réformes qui ont notamment portées sur les métropoles sont surtout autoritaires et ne posent pas sainement l’ensemble des enjeux puisque la boussole semble être la baisse des investissements de l’Etat.

Frustration aussi concernant la réforme fiscale : annoncée comme « réalisée » par Jérôme Cahuzac, remise sur le tapis après le scandale lié au même homme… et  dans le floue depuis. Les créations d’emploi jeunes ou de génération auraient pu être crédités au bilan, réalisés au printemps. Mais si la promesse de campagne a été respectée, sa réalisation a dévoilé un pan jamais annoncé de la réflexion de François Hollande sur la lutte contre le chômage. L’emploi est effectivement abordé du point de vue de la compétitivité. Ce qu’il n’avait jamais dit mais qui est apparu clairement avec le vote du crédit d’impôt pour les entreprises et la loi sur la sécurisation de l’emploi. Cette dernière a repris les orientations de l’ANI, adoptées entre quelques partenaires sociaux. Se faisant, les oppositions de la population largementet publiquement exprimées n’ont pas été entendues.

Idem pour le Traité européen : aucune écoute de l’opinion citoyenne. Si ce n’est qu’il s’agit là d’un mensonge. Durant la campagne, la promesse avait été faite de ne pas le signer en l’état. Et ce n’est pas l’introduction d’un pseudo pacte de croissance dont nul ne parle plus depuis qui pourra transformé un mensonge en un semi vérité.

Boniment encore concernant l’amnistie des délits syndicaux : promis en campagne mais repoussé au moment du vote. Fourberie aussi, quand François Hollande promet l’interdiction des licenciements boursiers mais que la proposition n’arrive même pas à de venir « de loi ».

Au terme d’une année, le bilan est donc plus que mitigé et souligne surtout que le changement annoncé n’est pas pour maintenant. Les aménagements, oui. Mais cela ne saurait être suffisant.

Angelique Schaller

Source: La Marseillaise le 30 juillet 2013

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Une « grande réforme fiscale » est-elle possible ?

le ministre du budget-Bernard Cazeneuve

le ministre du budget-Bernard Cazeneuve le 2 juillet à l’Assemblée. Photo AFP

Alors que le gouvernement défendait, mardi 2 juillet, son budget 2014 devant l’Assemblée nationale, quatre « sensibilités » du PS représentant un tiers des députés socialistes ont tenté de relancer la question de la réforme fiscale, promesse du candidat Hollande disparue durant la campagne présidentielle de 2012.

Maintenant la gauche et Un monde d’avance, les deux courants de l’aile gauche du PS, ainsi que les clubs parlementaires Gauche durable et Gauche populaire veulent « démontrer que la gauche n’est pas synonyme de ‘matraquage fiscal' » et rendre du pouvoir d’achat aux « couches populaires ».

Ces parlementaires veulent une réforme d’ici à 2017, avec une première étape dès 2014. Le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, s’est prononcé aussi pour une réforme, mais à l’automne 2015. A court terme, ces élus veulent peser dans les débats de la loi de finances, notamment par le biais d’amendements au projet de loi gouvernemental. Leur proposition a été accueillie fraîchement par le gouvernement.

Pourquoi une réforme fiscale ?

François Hollande en avait fait l’un de ses projets clés durant la primaire socialiste. C’était l’engagement 14 de son programme : une « grande réforme fiscale redistributive » qui reviendrait à créer un nouvel impôt sur le revenu (IR), plus égalitaire et plus efficace, en le fondant avec la CSG. Candidat du PS, M. Hollande l’avait écartée progressivement durant la campagne présidentielle, en faisant un simple objectif « à terme ».

L’impôt sur le revenu représente aujourd’hui plus de 50 milliards d’euros. Il n’est payé que par un foyer sur deux et son assiette est trouée de niches fiscales. La CSG rapporte plus : environ 85 milliards de contribution au budget de la sécurité sociale. Elle est prélevée sur la quasi-totalité des revenus au paiement du salaire plutôt qu’en fin d’année, de façon individuelle (et non par foyer fiscal) et est imposée à presque tous les contribuables au même taux : 7,5 % (les retraités, eux, paient une CSG plus faible).

Fusionnée avec l’impôt sur le revenu, la CSG deviendrait graduée : les Français aux plus faibles revenus y contribueraient proportionnellement moins que les plus riches, à recette constante pour l’Etat, selon les promoteurs de ce projet. Dans le même temps, elle rendrait à l’impôt sur le revenu une « assiette fiscale large qui comprendrait tous les revenus quelle que soit leur nature », expliquait au Monde, à la veille de la présidentielle, l’économiste Thomas Piketty, qui avait largement inspiré le projet de M. Hollande. Il y aurait moins de souplesses pour faire échapper une partie des revenus du capital à l’impôt.

La réforme en continu

Les quatre sensibilités du PS ne souhaitent pas toucher, pour l’heure, à l’impôt sur le revenu. Seule la CSG serait rendue « plus progressive », par une baisse de deux points (à 5,5 %) pour plus de 50 % des Français. La baisse serait compensée par des hausses symétriques pour les revenus supérieurs. Le gain mensuel pour un salarié au smic serait, selon leur calcul, de 30 euros.

Mardi, le ministre délégué au budget, Bernard Cazeneuve, répondait dans Le Monde (abonnés) à cette proposition en affirmant que « le grand soir fiscal n’existe pas (…). La réforme a commencé hier et a vocation à se poursuivre demain. » Autrement dit : il n’y aura pas de grande réforme, mais une évolution au fur et à mesure du quinquennat.

M. Cazeneuve atténuait ainsi, sans le récuser, un argument énoncé en janvier par l’ancien ministre du budget, Jérôme Cahuzac, lors d’un débat en direct sur France 2 avec Jean-Luc Mélenchon. La réforme « est faite », avait tout bonnement déclaré M. Cahuzac à son adversaire.

Mardi, M. Cazeneuve citait, pour expliquer qu’une réforme était bien en cours, le principe d’égale taxation des revenus de l’épargne (intérêts, dividendes et plus-values) et du travail qui figurait au budget 2013 et la nouvelle tranche d’imposition sur le revenu à 45 %. Il ajoutait la réforme des successions, le rééquilibrage de la fiscalité des grandes entreprises et celle des PME et la lutte contre la fraude fiscale.

Laurent Baumel, député PS et membre de la Gauche populaire, à l’origine de la proposition, voit dans cette approche très progressive, qui ne remet pas en cause l’architecture de l’impôt à la française, « une plaisanterie ». Pour lui, « une vraie réforme fiscale, c’est une modification de la redistribution. Cela n’est pas aller chercher de l’argent par tous les bouts pour combler les déficits en affirmant qu’on fait le contraire. »

  • Quels obstacles ?

Rendre la CSG progressive pose deux problèmes. Le premier est le précédent Jospin. En 2000, le Conseil constitutionnel avait censuré un projet d’allègement de la CSG pour les bas salaires du gouvernement socialiste. Il exigeait qu’un impôt progressif tienne compte de toutes les ressources du contribuable, y compris celles de sa famille. Sans cela, l’allègement rompait, selon le Conseil, le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt.

On retombe ici sur les quotients conjugal et familial, qui réduisent l’impôt sur le revenu des couples et des familles, selon le nombre d’enfants, alors que la CSG est un prélévement individuel, sur salaire. De plus, pour intégrer un tel calcul avant le paiement du salaire, le contribuable devrait communiquer à son employeur des informations sur sa famille, le nombre de ses enfants, ce qui pose des problèmes de confidentialité.

La solution proposée par ces parlementaires consiste à graduer le prélèvement de la CSG sur le salaire et à corriger selon la situation familiale au moment du paiement de l’impôt sur le revenu, une fois par an.

La fusion des deux impôts, elle, pose des questions plus difficilement solubles. Le projet des parlementaires socialistes prévoit un prélèvement à la source pour les revenus du travail et un calcul de l’impôt individuel, plutôt que par foyer fiscal : deux changements majeurs. « Ils se trompent, critique un ministre auprès de l’AFP. Les gens vont croire que les impôts augmentent pour tout le monde. »

« Mais cette méthode n’est pas une obligation : tout cela peut être débattu, précise Vincent Drezet, secrétaire général du syndicat Solidaires finances publiques. Ce qu’il faut, c’est redonner une direction claire à la réforme, avec un objectif et un calendrier, pour qu’elle puisse être comprise et acceptée. »

Il faudrait alors définir l’allocation des recettes de cet impôt fusionné : actuellement, l’impôt sur le revenu alimente les caisses de l’Etat et la CSG, elle, participe au financement de la Sécurité sociale. Il faudrait également définir la progressivité de l’impôt (quelle échelle, et à partir de quels seuils augmente-t-il ?) et son assiette : cela veut dire faire la liste des niches fiscales utiles et de celles à supprimer, et reformuler la façon dont sont calculées les réductions d’impôt pour les couples et pour chaque enfant.

Louis Imbert

Source Le Monde.fr |

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