Les «dark pools», nouveau front judiciaire pour les banques aux USA

668607-le-procureur-de-new-york-eric-schneiderman-le-27-mai-2014Déjà cibles de multiples enquêtes, les grandes banques font face à un nouveau front judiciaire aux Etats-Unis, menaçant un de leurs relais de croissance: les «dark pools», des plateformes alternatives où s’échangent dans l’anonymat des milliards de dollars par jour.

Tour à tour, la britannique Barclays, les suisses UBS et Credit Suisse, l’allemande Deutsche Bank et les américaines Goldman Sachs et Morgan Stanley ont révélé avoir reçu des demandes de documents d’autorités américaines dans le cadre d’enquêtes concernant leur «dark pool» respective. Elles disent coopérer.

A l’exception de Barclays, attaquée en justice, la plupart des investigations, menées par le procureur de l’Etat de New York Eric Schneiderman, le FBI et le régulateur des marchés financiers (SEC), sont encore à un stade préliminaire.

Une dark pool est une plateforme où les transactions, qui sont de gré à gré, se font à l’aveugle, c’est-à-dire que le prix et l’identité du vendeur et de l’acheteur ne sont connus qu’une fois l’opération conclue. L’opérateur, souvent une banque d’affaires, joue les intermédiaires.

A l’inverse des marchés réglementés, il y est difficile de tracer qui a acheté et vendu quoi.

Les dark pools sont fréquentées par les investisseurs institutionnels (fonds d’investissements, de pension ou spéculatifs) qui achètent et vendent de gros blocs de produits financiers (actions, obligations) et ne veulent pas que ça se sache.

«Ils viennent ici pour l’anonymat», explique à l’AFP Adam Sussman, un des responsables de la plateforme alternative Liquidnet, qui compte 700 participants affichant des portefeuilles d’actifs d’un montant total de 13.000 milliards de dollars.

Les dark pools représentent aujourd’hui 35% du volume des échanges boursiers aux Etats-Unis, contre 25% en 2009, selon des chiffres cités par la patronne de la SEC Mary Jo White lors d’un discours en juin.

Les enquêtes à leur sujet viennent allonger la liste déjà longue des litiges auxquels les grandes banques sont confrontées aux Etats-Unis: des prêts immobiliers toxiques «subprime» aux violations d’embargo américain en passant par les manipulations des marchés de changes ou du taux interbancaire Libor.

Favoritisme

L’angle d’attaque des autorités américaines porte sur le favoritisme supposé accordé aux traders de haute fréquence sur ces plateformes alternatives légales.

Depuis le krach éclair de Wall Street en mai 2010, pour lequel il avait été mis en cause, le courtage de haute fréquence, qui permet à des robots d’échanger des actions instantanément, est sous haute surveillance des autorités – bien que cette pratique ne soit pas illégale.

La parution au printemps du best-seller du journaliste Michael Lewis, «Flash Boys», qui relate l’histoire vraie d’un courtier en rébellion contre les méthodes de courtage les plus sophistiquées, a encore accentué la tendance.

Les régulateurs reprochent notamment aux banques d’attirer les traders à haute fréquence sur leurs dark pools en leur accordant des «avantages systématiques» au détriment des autres courtiers, selon les termes de la plainte déposée fin juin contre Barclays par Eric Schneiderman.

La banque britannique est ainsi accusée d’avoir «falsifié» un document marketing destiné aux gros investisseurs en y retirant le nom d’une maison de courtage spécialisée dans la haute fréquence et qui s’était déjà distinguée par des pratiques «agressives».

La banque a saisi la Cour suprême de l’État de New York pour lui demander de «rejeter» cette plainte qu’elle estime «injustifiée».

«Je suis inquiète par le manque de transparence des dark pools», avait déclaré en juin Mary Jo White, en rappelant que la transparence est un «outil important» censé protéger les investisseurs quel que soit le marché.

Pour elle comme pour les critiques du courtage alternatif, la dark pool alimente d’une façon ou d’une autre la spéculation.

Un investisseur peut par exemple jouer à la baisse une action sur un marché réglementé pour la racheter à très bon prix ensuite sur une dark pool.

Au Canada et en Australie, les autorités n’ont pas hésité à y interdire les transactions à moins que celles-ci ne s’effectuent à des prix supérieurs à ceux des marchés réglementés.

L’Europe et Hong Kong réfléchissent à faire de même.

Source AFP : 08/08/14

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