«Deux inconnus», «deux figures ternes»: les quotidiens européens ne montrent guère d’enthousiasme pour le tandem Van Rompuy-Ashton placé par les 27 à la tête de l’UE. La presse européenne se montre vendredi très critique sur les nominations à Bruxelles du Premier ministre belge Herman Van Rompuy comme premier président de l’Union européenne et de la Britannique Catherine Ashton au poste de Haut représentant de l’UE aux affaires étrangères.
Dans un commentaire en ligne, le journal espagnol El Mundo (centre-droit) se montre dubitatif à propos de ces « ces deux inconnus sur la scène européenne et encore plus internationale » qui « assumeront la représentation des 27 dans le monde ». Pour El Pais, « La nouvelle Europe concrétisée par le Traité de Lisbonne sera commandée par deux figures ternes et de bas profil ».
La presse allemande juge également Herman Van Rompuy et Catherine Ashton incapables d’incarner une voix européenne forte. « Ces deux personnalités (…) peuvent-elles incarner cet élan promis par ceux qui nous gouvernent? Le traité de Lisbonne est la version quelque peu allégée de ce qui avait à l’origine été baptisé Constitution de l’UE. Le mot était trop grand pour les ambitions des Européens. Ceux de ministre des Affaires étrangères et de président de l’UE ont maintenant l’air bien grands », affirme ainsi le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ, conservateur). Pour la Frankfurter Rundschau, « l’Union européenne s’est trouvé « des dirigeants sans éclat, sans vision voire en partie sans expérience dans le domaine requis ».
Mêmes sons de cloche dans la presse britannique, le Financial Times affirmant que « ces nominations jettent un doute sur leur capacité (des intéressés) à rivaliser avec Washington et Paris ». « Le choix de deux personnalités relativement inconnues (…) est un objet de consternation pour ceux qui voulaient donner plus de poids à l’Europe sur la scène mondiale », écrit encore le journal. Pour le Guardian, ce choix a réduit à néant « tous les espoirs de l’Europe de forcer le monde à lui prêter une attention nouvelle ». « Le continent, la nuit dernière, s’est éloigné de la table des grands, manquant une chance réelle de se maintenir au niveau du monde du G2 dominé par les pôles jumeaux Washington et Pékin », conclut le quotidien.
La Turquie emprunte la meilleure voie pour devenir une puissance majeure au Proche-Orient. Son importance politique et économique croissante la rend encore plus attractive pour l’UE, estime le quotidien progressiste de gauche Frankfurter Rundschau : « Depuis les années 1960, la Turquie attendait patiemment dans le vestibule de l’Europe. Désormais, elle ne veut plus se contenter plus longtemps du rôle de fidèle partenaire de l’OTAN ni de celui d’éternelle candidate à l’UE. Elle se tourne vers ses voisins orientaux et commence à façonner activement les rapports de force dans la région. Au bout de ce chemin, la Turquie pourrait disposer d’un leadership majeur dans le monde musulman. Cette nouvelle orientation est certainement une réaction à l’attitude indécise des opposants à son adhésion en Europe qui aimeraient claquer la porte de l’UE au nez de la Turquie. Mais interpréter la nouvelle politique étrangère de la Turquie comme une réponse négative d’Ankara à l’Europe ou comme un prétexte justifiant une exclusion du pays de l’UE, serait erroné et dangereux. … Accepter l’adhésion de la Turquie ne sera pas un fardeau pour l’UE ; cela lui conférera au contraire un plus grand poids économique et politique dans le monde. »
L’écrivaine germano-roumaine Herta Müller s’est vue décerner le prix Nobel de littérature. Le comité suédois du prix Nobel a ainsi rendu hommage jeudi à Stockholm à l’œuvre d’une femme qui a grandi dans la région de Banat en Roumanie au temps du régime communiste, est ensuite passée en Allemagne fédérale en 1987, et y a été poursuivie par les services secrets roumains, la Securitate. Le jury l’a récompensée pour avoir « dessiné les paysages de l’abandon » dans ses œuvres.
La Cour constitutionnelle italienne a abrogé la loi d’immunité qui protégeait le président du Conseil, Silvio Berlusconi, contre des poursuites judiciaires. Les magistrats ont déclaré mercredi que la loi violait entre autres le principe d’égalité. Suite à ce verdict, Berlusconi pourra désormais être jugé. On l’accuse de corruption et de fraude fiscale. La presse européenne discute des conséquences de cette décision pour Berlusconi et son gouvernement.
Die Welt – Allemagne
Avec la levée de l’immunité juridique du président du Conseil, Silvio Berlusconi, l’Italie a perdu une partie de sa position particulière en Europe, estime Paul Badde dans le quotidien conservateur Die Welt : « L’Italie redevient un peu plus normale avec cette décision, pourrait-on dire, voire même plus européenne. Elle perd en même temps une part de son authentique mémoire historique, comme celle du pape souverain Alexandre VI Borgia, individu moralement condamnable à bien des égards, mais excellent et rusé politique pour les intérêts et l’importance de son empire. » (08.10.2009)
El País – Espagne
Le quotidien progressiste de gauche El País se réjouit de la levée de l’immunité juridique du président du Conseil italien, Silvio Berlusconi : « En signalant l’illégalité de la loi aussi bien dans son contenu (l’inégalité manifeste devant la loi) que dans la forme de sa mise en œuvre (une simple loi adoptée en moins de 25 jours), la Cour constitutionnelle a redonné sérieux et crédibilité à un pays que Berlusconi voulait transformer en paradis de l’illégalité et de l’impunité des puissants. » (08.10.2009)
The Times – Royaume-Uni
Le quotidien conservateur britannique The Times écrit que le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, suite à la levée de son immunité, doit désormais également répondre aux accusations selon lesquelles il aurait corrompu son ex-conseiller fiscal britannique, David Mills. L’affaire était jugée au tribunal de Milan : « Si le procès du tribunal de Milan est rouvert, Berlusconi, comme tout autre citoyen, devra comparaître devant le tribunal. Il pourra y exercer le droit qu’ont tous les citoyens de se défendre face aux accusations qui lui sont faites. Il reste innocent tant qu’il n’est pas reconnu coupable. Le procès le distrairait toutefois énormément de son travail de Premier ministre. Il a cherché à vivre au-dessus des lois ; celles-ci vont désormais provoquer sa perte. Il est assurément temps que Berlusconi arrête de mettre ses propres intérêts au-dessus de ceux de son pays. Il devrait démissionner. » (08.10.2009)
Corriere del Ticino – Suisse
Selon le quotidien libéral-conservateur Corriere del Ticino, la décision de la Cour constitutionnelle italienne de lever l’immunité du président du Conseil, Silvio Berlusconi, plonge le pays dans une crise institutionnelle et politique : « Une crise institutionnelle car comme on a pu le voir juste après l’annonce du verdict, le conflit est désormais ouvert entre Silvio Berlusconi, qui a parlé d’un ‘jugement politique’, et le président, Giorgio Napolitano, qui a défendu la Cour comme un ‘organe de garantie’. … La crise aura également des conséquences politiques graves et inévitables dans le pays et sur le plan international. … C’est le scénario que beaucoup … avaient prévu en cas d’une invalidation de la loi d’immunité. … Avec ce résultat, la crise constitutionnelle et la crise politique risquent de s’alimenter mutuellement. La loi d’immunité choisie par Berlusconi pour pouvoir gouverner [le pays] … va désormais se transformer en baril de poudre qui peut même renverser un gouvernement disposant d’une large majorité. » (08.10.2009)
Il Sole 24 Ore – Italie
Après l’invalidation par la Cour constitutionnelle de l’immunité du président du Conseil, Silvio Berlusconi, la politique doit s’efforcer de limiter les dégâts, estime le journal économique Il Sole 24 Ore : « Sans immunité et avec des procès en cours, la voie de Berlusconi sera semée d’embûches. Mais il n’y a pas d’alternatives directes. Il appartiendra au Premier ministre de décider à l’avenir s’il se sent encore en mesure de continuer à gouverner le pays avec sérénité. Il existe sur le papier une majorité de centre-droite qui peut aussi survivre à son leader charismatique. Un centre-droite post-Berlusconi. Mais cela n’est pas à l’ordre du jour. Il est important pour le moment de garder son sang-froid et de s’efforcer d’éviter le plus grand dégât : une opposition entre les institutions démocratiques et le peuple. » (08.10.2009)
Les Allemands ont élu dimanche un nouveau Bundestag [Parlement allemand]. Les chrétiens-démocrates (CDU) de la chancelière Angela Merkel, avec 33,8 pour cent des voix, ont été confirmés de nouveau en tant que première force politique du pays. Ils formeront vraisemblablement une coalition dite noir-jaune avec les libéraux du FDP, qui ont obtenu 14,6 pour cent des voix. Les sociaux-démocrates, qui gouvernaient jusque-là avec la CDU au sein d’une grande coalition, n’ont réuni que 23 pour cent des suffrages et feront désormais partie de l’opposition.
Spiegel Online – Allemagne
Le portail d’information Spiegel Online estime que le parti libéral FDP est le véritable vainqueur des élections législatives allemandes : « Selon toutes les prévisions, Angela Merkel a sauvé son poste de chancelière – mais le prix que l’Union [CDU/CSU] doit payer pour cela est élevé. Le résultat de cette dernière est inférieur à celui de 2005. Le fait qu’une coalition noir-jaune soit désormais possible, Angela Merkel le doit à un FDP qui a été plébiscité par les électeurs d’une façon que les instituts de sondages estimaient quasiment impossible il y a peu de temps encore. La structure interne de cette alliance menée par Merkel divergera fondamentalement des coalitions noir-jaunes du passé. Dans les gouvernements de Helmut Kohl, il a toujours été clairement établi qui était le chef et qui était le serveur, car l’Union avait obtenu quatre à cinq fois plus de mandats que son junior partenaire libéral. Cela vient de changer – peut-être irrémédiablement. … L’initiative du futur gouvernement appartient désormais à Guido Westerwelle [le chef du FDP]. » (27.09.2009)
Le journal économique De Tijd considère que le résultat des élections législatives allemandes n’est pas très surprenant : « Ces élections allemandes sont tout à fait conformes aux règles des élections dans d’autres pays. La première règle, c’est que les partis du gouvernement en place sont sanctionnés par les électeurs. … La deuxième, c’est que les sociaux-démocrates ont dû payer cher. … On constate à gauche que [le parti] plus progressif Die Linke ressort renforcé des élections et que les défenseurs de l’environnement se trouvent à la quatrième place. Il faut encore attendre de voir si les trois partis de gauche s’uniront dans l’opposition. Pour [la chancelière fédérale Angela] Merkel, l’issue des élections apporte beaucoup de bonnes nouvelles. Elle dispose du partenaire de coalition qu’elle souhaitait et peut ainsi mieux s’affirmer. Mais cela ne signifie pas que les quatre prochaines années seront faciles pour elle. Cela ne doit pourtant pas être un problème. Merkel est connue pour parvenir à fixer des objectifs précis et à les atteindre, et ce même dans des circonstances difficiles. » (28.09.2009)
D’après le quotidien Delo, la chancelière allemande Angela Merkel du parti chrétien-démocrate a atteint son objectif, malgré le mauvais résultat de son parti : « Lors de la plus grave crise économique de la période après-guerre, c’est une politique délaissant l’ingérence de l’Etat dans l’économie de marché qui a été légitimée. Au vu de la répartition des forces politiques, la situation de la chancelière pragmatique Merkel est très confortable. En plus du Bundestag [le Parlement], la coalition noir-jaune domine également le Bundesrat [la chambre haute]. … Mais pour la chancelière, … la situation est tout sauf simple. Lorsque le nouveau gouvernement sera formé, il sera confronté à la pression exercée par ces mêmes groupes qui, au moment de la coalition noir-rouge [entre les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates], s’étaient montrés relativement bien disposés envers le gouvernement car celui-ci avait laissé de côté sa politique tournée vers l’économie. En outre, les libéraux, en tant que représentants politiques des cercles économiques, feront pression pour que leurs promesses soient tenues : moins d’impôts et une diminution des dépenses publiques. » (28.09.2009)
Le quotidien Dnevnik compare les élections de cette année en Bulgarie et en Allemagne et y voit des similitudes : « En Allemagne comme en Bulgarie, les électeurs s’attendent manifestement à ce que le gouvernement de centre-droite puisse sortir plus habilement le navire de l’Etat hors de l’océan agité de la crise. Les valeurs éternelles de la gauche telles que la solidarité et la justice remportent certes un fort crédit en ces temps incertains. Malgré tout, les Allemands ne soutiendraient pas une majorité des trois partis de gauche qui existent désormais dans le pays. » (28.09.2009)
Que vont devenir les sociaux démocrates ?
Après leur lourde défaite aux élections législatives, les sociaux-démocrates allemands figureront dans l’opposition avec 23 pour cent des voix. Le SPD faisait jusque-là partie de l’alliance gouvernementale de la grande coalition avec les chrétiens-démocrates. La presse européenne discute de l’avenir des sociaux-démocrates malmenés et de leurs relations avec le parti de gauche Die Linke.
Népszabadság – Hongrie
Le quotidien progressiste de gauche Népszabadság commente l’amère défaite du SPD aux élections législatives en Allemagne : « Après onze ans au gouvernement, les sociaux-démocrates allemands sont au plus bas. Leur maigre résultat aux élections (23 %) signifie également que la différence avec les Verts et le parti de gauche rouge vif Die Linke a fortement diminué. Il n’y a pas si longtemps, en 1998, le SPD, en tant que force dominante de la gauche, pouvait encore rassembler 41 pour cent des suffrages. … Nous avons déjà pu observer dans d’autres pays d’Europe ce qui est arrivé au SPD. Le temps où les faibles sur le plan social étaient représentés par un grand parti populaire est révolu. En plus de cela, le SPD s’est vu confronté deux fois en peu de temps à une concurrence de gauche. Ils ont d’abord perdu une partie de leur électorat au profit des Verts, puis ensuite du parti de gauche Die Linke. Jusqu’ici, le SPD n’a pas pu trouver de réponse à l’ère de la mondialisation et ne parvient pas à s’entendre avec les autres partis de gauche. Il semble qu’il se trouve actuellement dans une voie sans issue. » (29.09.2009)
Après sa défaite aux élections législatives, le SPD doit suivre un nouveau cap, estime le quotidien progressiste de gauche De Volkskrant : « Comme en France, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, la social-démocratie subit une forte pression en Allemagne. L’électeur allemand considère [la chancelière chrétienne-démocrate Angela] Merkel … comme une gestionnaire de crise plus fiable que le social-démocrate [et candidat malheureux à la chancellerie] Frank-Walter Steinmeier. Cela contraint le SPD à regagner sa confiance en soi et sa force d’attraction dans l’opposition. Il doit pour cela tenir compte du fait qu’il a perdu la plupart de ses électeurs au profit des autres partis concurrents de gauche. Ainsi, il semble évident que le SPD essayera de récupérer ses partisans en affichant un profil ‘plus à gauche’. Cela implique, selon les différents avis, un rapprochement avec le parti Die Linke, jusque là considéré comme paria par le SPD. Le rassemblement de centre-gauche ne peut être une alternative à celui de centre-droite que s’il dépasse ses divisions internes. Une grande coalition n’apporte rien au SPD. » (29.09.2009)
« Alors que les sociaux-démocrates ont dû subir la pire défaite de l’histoire d’après-guerre lors des élections législatives, le parti Die Linke jubile », constate le quotidien conservateur Lidové Noviny. « Die Linke, une alliance entre des déviationnistes issus de la social-démocratie et d’anciens communistes de l’Allemagne de l’Est, a obtenu plus de voix qu’elle n’en a jamais eu. Avec douze pour cent, elle s’est placée parmi les principaux partis allemands, et même devant les Verts, ceux-ci ayant néanmoins célébré également leurs dix pour cent. … Le parti n’est pas loin d’atteindre son objectif visant à devenir un parti populaire, du moins en Allemagne de l’Est. Il est possible que lors des prochaines élections, l’ancienne RDA devienne aussi unicolore que la Bavière, qui est traditionnellement dominée depuis la fin de la guerre par les chrétiens-sociaux. … Et le prochain objectif du parti Die Linke ? Un plus grand nombre de coalitions gouvernementales avec les sociaux-démocrates dans les lands, déclare Lafontaine. Ce qui n’est qu’un préambule à une alliance rouge-rouge au sein de la République fédérale. Peut-être même dès les prochaines élections. » (29.09.2009)
Face à la défaite électorale des sociaux-démocrates allemands et à la position difficile du Labour britannique, Anthony Giddens distingue dans le quotidien progressiste de gauche La Repubblica deux raisons au déclin d’une politique de centre-gauche en Europe : « La première, c’est que la crise a amplifié les divisions au sein de la gauche en augmentant le radicalisme de ceux qui ont rejeté … le réformisme. Dans de nombreux pays, la séparation entre gauche réformiste et gauche radicale s’est aggravée en raison de la crise économique. … L’Europe se trouve [en outre] confrontée aujourd’hui à de nouveaux problèmes qui la préoccupent : immigration, criminalité, quête d’une identité nationale face à la mondialisation. … Le camp de centre-gauche a besoin de deux choses aujourd’hui : l’élaboration d’une nouvelle pensée politique nécessaire pour traiter les nouveaux problèmes que présente un monde radicalement transformé, et la capacité à réunir toutes ses forces en mettant fin à la séparation entre modérés et radicaux [dans ses propres rangs]. » (29.09.2009)