Plume regarde la lune !

L'atelier du peintre. Photo Yves Petit

Il convient d’évoquer ce spectacle sans en gâcher la mystérieuse magie. Bref, de ne rien en dire de concret, de descriptif et même d’élogieux. Il convient de faire cela parce que nous ne sommes pas en présence d’une œuvre figurative. Commencer par décrire la fin, la vrai fin, c’est-à-dire le noir, comme Soulage sait si bien le faire pourrait nous soulager (c’est facile, on vous l’accorde). Le noir donc, ce qu’il reste après la mort d’un grand artiste, pas Michael si vous voulez bien, disons Vincent, Vincent Van Gogh. Un type presque inconnu à sa mort qui annonce le fauvisme, l’expressionnisme voir le cubisme. Un type que l’on pourrait croiser en se promenant au bord d’un champ sans même l’apercevoir. Le noir dans lequel on se plonge parfois nous rend aveugle comme le soleil de midi. L’abondance de commentaires, d’avis éclairés sur une question cruciale aussi.

Mais revenons à notre artiste. Un homme étonnamment doué disparaît, dans le sens où il n’est plus là et ne reviendra pas, vous êtes face à la partie de son œuvre qui lui a survécu. Vous rencontrez son œuvre sans pouvoir le rencontrer lui personnellement. Vous êtes face à l’art. Il vous reste à en faire quelque chose. Vous situez ? Bon, on tient le bon bout là. Parce que c’est à peu près le propos de Bernard Kudlak quand il dit, à propos de L’atelier du peintre : « Nous pouvons ajouter nos images aux images », ça signifie nous sommes libres, alors profitons ensemble. Tout le monde : les artistes, les techniciens, les spectateurs et les autres. Qui sont les autres ? Cela pourrait être le sujet d’un prochain spectacle.

La magie de Plume, c’est qu’on ne peut pas subir le spectacle qui reste suspendu comme un rêve. On ne subit pas nos rêves parce qu’on en est l’acteur. Cela nécessite un sens de la créativité et du respect de l’autre absolu. « Le cirque est un poème en acte. A partager », les deux derniers mots sont très importants. Le cirque Plume fait de l’art en regardant la lune. C’est décisif. On éprouve le sentiment que nos points d’appui se dérobent. Il convient de vous inviter à aller les voir. Comme ça, sans rien attendre, juste pour ressentir.


Le peintre de la grâce intimiste à Lodève

Jour d'hiver

L’œuvre du Français Pierre Bonnard est visible jusqu’au 1er novembre au Musée de Lodève, qui consacre une exposition à ce peintre de l’intérieur intitulée Bonnard guetteur sensible du quotidien. « A partir de tableaux provenant de plusieurs musées et collections particulières, j’ai voulu livrer l’ensemble des sujets traités par Bonnard, explique le commissaire général Maïthé Vallès-Bled. Les paysages, natures mortes, personnages, et bouquets présentés dans l’exposition offrent un regard d’ensemble sur l’itinéraire singulier de cet artiste dont le travail est une célébration ininterrompue de la peinture. »

Esthétique Nabis

Issu d’une famille aisée de la bourgeoisie, le jeune Bonnard se destine à la carrière administrative avant d’être happé par la peinture. Bonnard est rapidement converti par Serusier, le catalyseur du mouvement Nabis qui se débarrasse des contraintes imitatives avec Gauguin pour s’engager sur les voies de la modernité. Les Nabis émergent en 1888, constitués d’un groupe d’individualités disparates dont Bonnard, Vuillard, Verkade, Serusier…. Adeptes des saveurs et de la sensation primitive, ils souhaitent retrouver les sources pures de l’art en s’échappant du modelage et de la perspective enseigné depuis le XVIe italien. Leur théoricien  Maurice Denis, est l’auteur de la phrase connue : « Le tableau avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs et un certain ordre assemblé. »

Miroirs complexes

Cette idée que la peinture est une interprétation de la nature, par le choix et la synthèse opérés par l’artiste, est un fil conducteur dans l’œuvre de Bonnard même si celui-ci s’éloigne du mouvement Nabis au début du XXe siècle. L’artiste participe au mouvement qui tente de lever les barrières entre art décoratif et la peinture de chevalet. C’est un contemporain du peintre tchèque Mucha que l’on peut découvrir actuellement au Musée Fabre de Montpellier. Dans la deuxième partie de son œuvre, Bonnard réintroduit la perspective et la profondeur à travers un système de reflets et de miroirs complexes plein d’ingéniosité. La totalité de son œuvre est empreinte d’une grande élégance.

Pierre Bonnard : Jour d’Hiver, 1905, Musée Calvet, Avignon

DR

« Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre la peinture vivante… »

En trompant la torpeur de l’été ou en prolongeant la féerie des couleurs d’automne, les amateurs de peinture trouveront refuge au Musée Fleury pour découvrir le parcours d’un peintre (1867-1947) sensitif et sensoriel.

Nu aux babouches rouges

Nu aux babouches rouges

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La visite de l’exposition qui rassemble près de soixante-dix- œuvres se ponctue de citations de l’artiste qui donnent des clés sur l’état d’esprit du peintre. « Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture » lit-on sur l’un des murs. Bonnard semble parfois saisir les personnages de son entourage en tant que sujets, pour les confronter à sa recherche picturale. Ici, sa grand- mère s’incruste comme le temps dans son intérieur, face à la cage du serin témoignant du regard patient de l’artiste. Là, les vignerons autour du pressoir semblent écrasés par le lourd labeur de la journée. Le bas de leur corps a déjà disparu dans la masse boueuse (Le Pressoir 1893).

Le visiteur découvre plusieurs représentations de Marthe, la femme de l’artiste qui fut durant toute sa vie un sujet de prédilection et d’inspiration infini. On la voit (Nu couché au bras levé 1898), se lovant dans l’écume des draps du lit, le corps en suspension et l’expression du ravissement enfantin inscrit sur le visage. On la retrouve parmi les couleurs surgissant de son jardin. Dans des scènes intérieures (Femme nu à la lampes, 1900) où la peinture s’empare de son corps par les jeux de lumière. Une lumière qui introduit la couleur avec l’aplat sur la poitrine et saisit l’espace dans une dimension presque religieuse. Une lumière qui dévore la verticalité tandis que l’expression de contentement sur le visage reste dans l’ombre, et s’efface dans la tapisserie. Plusieurs tableaux rendent compte de l’intimité féminine dans le décor aquatique si cher à Bonnard que peut être la salle de bain. D’autres scènes d’intérieur évoquent les rêverie de la vie et notamment le regard sur ce qui se passe dehors.

Dans la première partie de l’exposition, les quelques toiles présentant des aspects de la vie de Paris, démontre l’intérêt que l’artiste portait à la décoration. Le peintre saisissait les scènes dans l’immédiateté, notant dans son agenda le temps météorologique pour retrouver la gamme chromatique. Il restituait ces instants de vie à travers un travail de mémoire, mettant en œuvre le souvenir revu et corrigé par les pensées qui le traversaient. Cette mise à distance lui permettait de laisser libre court à la liberté, la fantaisie, la mélancolie et la grande subtilité qui caractérise son œuvre.

Peintre sensualiste Bonnard s’est abandonné aux certitudes fugitives. Mais il est aussi un peintre verlainien soumis au subtilité de la lumière.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique Littérature française, rubrique Exposition, De Gauguin au Nabis,

Représentations et esthétisme

Jose Ortiz Echagüe

En amont de la Comédie du Livre où l’Espagne sera à l’honneur du 22 au 24 mai, le Pavillon Populaire propose un voyage photographique en terre hispanique. Une occasion de découvrir l’Espagne à travers les figures particulières de quinze photographes espagnols.

L’espace de l’exposition se divise en trois parties. En entrant dans la pièce centrale, on accède à l’Espagne contemporaine. Emprunts d’une force émancipatrice, les personnages du Barcelonais Miguel Trillo collent à l’attitude posée, moderne, parfois surjouée, de la movida. A quelques pas de là, Ricky Davila capte l’intégralité de son pays à travers dix portraits que l’on entend respirer. Cette partie de l’exposition provient du Musée d’art moderne de Madrid.

Riche et diversifiée, la matière de l’exposition ouvre sur d’autres perspectives. Certains travaux ayant été spécialement produits pour Montpellier. C’est le cas du travail de Juan Salido dont a été tirée l’affiche. Présent lors du vernissage, le photographe dispose d’une salle où il présente des grands formats consacrés aux mouvements entêtant du flamenco.

En contrepoint de l’Espagne d’aujourd’hui, les côtés du Pavillon offrent un accès aux représentations plus anciennes. Les compositions minutieuses et contrastées de Koldo Chamoro révèlent une certaine inquiétude face à la disparition gokautomaat online de la mémoire. La démarche de l’artiste évoque une volonté ultime de transmission dans une société qui pousse vers l’effacement de la tradition.

A l’étage on découvre le travail hors du commun de Jose Ortiz Echagüe (1886-1980) tant par la forme que dans les représentations. Ingénieur, industriel, et pilote, Jose Ortiz Echagüe échappe à son métier grâce à sa passion pour la photographie. Son travail de picturaliste se distingue par le procédé utilisé basé sur le charbon. On s’attarde volontiers sur les nuances de ses compositions très travaillées et parfaitement distribués dans l’espace.

L’exposition prend en considération les représentations les plus significatives de l’Espagne à la fois urbaine et rurale. Le travail de Fernando Herraez qui s’intéresse aux ferias locales ou celui de Benito Roman sur les nains toréadors pénètre en profondeur la culture hispanique marquée par le génie goyesque.

On s’attarde volontiers sur les nuances et la composition du travail de Jose Ortiz Echagüe

 

« L’Énergie qui danse »

L’art de l’acteur, un dictionnaire d’anthropologie théâtrale

energie-danseQuels principes techniques ont en commun acteurs et danseurs de diverses culture. En quoi consiste la présence d’un acteur/danseur ? Quelle est la différence entre le comportement physique et mental d’un acteur/danseur sur scène et celui dans sa vie quotidienne ? Est-il possible d’étudier comment se caractérise la force d’attraction d’un acteur/danseur et sa capacité de capturer l’attention du spectateur. Avec l’aide de l’anthropologie théâtrale (étude du comportement biologique et culturel de l’homme en situation de représentation) et plus de huit cent photos, c’est à ces questions que Eugenio Barba et Nicola Savarese, tente de répondre avec ce beau livre qui attache de l’importance au contenu.

Metteur en scène de nationalité danoise, né en Italie en 1936, Eugenio Barba devient le plus proche collaborateur de Jerzy Grotowski avec qui il travaille de 1960 à 1964. En 1964 il fonde l’Odin Teatret avec un groupe d’acteurs venus d’horizons divers. Ses créations, mais aussi ses activités de recherche et de formation connaissent très vite un retentissement international.

Né en 1945, Nicola Savarese est l’un des spécialistes capables de faire le lien entre recherche sur le passé et participation directe au spectacle vivant. Il a étudié les théâtres antiques et la dynamique de rencontre complexe entre théâtre occidental et théâtres orientaux. Il a enseigné l’Histoire du théâtre dans les université de Kyoto, Montréal, Paris Sorbonne III, Bologne, Lecce, Rome Trois.

Il existe un art secret de l’acteur/danseur. Il existe des « principes qui reviennent » qui sont à la base de sa présence scénique en diverses cultures et époques. Il ne s’agit pas des recettes mais des points de départ qui permettent aux qualités individuelles de devenir, à travers une créativité technique, une expression artistique efficace dans le contexte de l’histoire de chacun.

L’énergie qui Danse, Beau livre éditions de L’Entretemps, 338 p, 48,5 euros


Topologie de l’invisible

angelin_preljocaj_topologie_invisible-copie-1 Outre le soin esthétique porté à ce livre objet, c’est le contenu qui retient l’attention. Le travaille d’approche de Françoise Cruz est avant tout sensible. « Je ne suis pas une spécialiste de la danse. Après avoir vu plusieurs pièces d’Angelin, j’ai eu envie de savoir comment vient le désir de création chez lui, comment il dépasse le stade de l’idée. L’autre motivation qui m’a poussée à aller à sa rencontre, ce sont toutes ses collaborations artistiques. J’y vois une qualité essentielle pour un créateur. Angelin est attiré par ce qui n’est pas lui... » Le livre est emprunt de ces résonances. La capacité de l’artiste à passer les frontières, à transfigurer, à pratiquer son art comme un combat. Le DVD qui accompagne l’ouvrage permet de (re)découvrir trois créations : L’annonciation (2003), les raboteurs (1988), et Un trait d’union (1989) chacune est ancrée dans le contexte de son époque mais toutes demeurent intemporelles. « Preljocaj ne se laisse pas écraser par l’héritage du passé, indique Françoise Cruz, il s’en enrichit. Il décrit le geste classique dans la modernité. » Un chapitre est consacré à l’écriture chorégraphique que défend l’artiste. Un autre aux témoignages de ses compagnons artistiques. On retient celui de Pascal Quignard pour sa justesse : « La danse c’est se lever vraiment

JMDH

Coffret Angelin Preljocaj Topologie de l’invisible Ed, Naïve, 120 euros