Chroniques du Printemps : Tempête sous un crâne, le quai des oubliés

Spectacles programmés au Printemps des Comédien 2011

« Tempête sous un crâne » d’après Les Misérables. Mise en scène Jean Bellorini

Inventivité narrative

L’Adaptation au théâtre d’un roman comme Les Misérables, est à la fois un pari sur le succès que l’on peut toujours escompter des grands idéaux romantiques et le risque de se planter sur un monument littéraire. La mise en scène de Jean Bellorini donnée au Printemps des comédiens, déjoue en partie ces pièges en soumettant le récit à une belle inventivité  narrative. La jeunesse et la personnalité respectée des comédiens apportent de la fraîcheur. Les acteurs ne jouent pas, ils racontent  une belle histoire.

Dans la première partie, on suit le parcours de Jean Valjean. Les états d’âmes du bagnard au grand cœur, brisé par la structure sociale résonnent avec la misère contemporaine. Les sobres interventions de deux musiciens nourrissent la trame poétique du texte.  La gestion de l’espace joue efficacement avec le vide en renforçant l’importance du vivre ensemble.  Dans la même idée, les personnages évoluent souvent dans un même corps et d’une même voix, ce qui affermit paradoxalement la solitude de leur existence.

La première phase de la seconde partie qui pose les jalons de l’idylle contrariée de Marius et Cosette est un peu plus confuse. Suit l’épisode de l’insurrection républicaine de 1832 où le plaidoyer social se perd dans le lyrisme des héros de barricades. La durée du spectacle (3h30) ne joue pas en faveur de cette adaptation sincère et pétillante.

JMDH

Spectacle donné à Sortie Ouest les 13,14 et 15 octobre 2011.

 

« Le quai des oubliés » par les allumés de la troupe Dromesko

Tout est possible

Ce spectacle pourrait être un intermède joyeux offert par la SNCF à sa clientèle mécontente, ou un remake contemporain d’En attendant Godot où l’on aurait remplacé la symbolique de l’arbre par le quai d’une gare.

Qu’est-il censé se passer entre quatre voyageurs qui attendent un train quand celui-ci n’arrive pas ? Confiée aux foutraques Dromesko,  cette situation entraîne les spectateurs dans une vertigineuse aventure. On commence par des petits détails indiquant l’exaspération pour finir dans un foutoir des plus incongrus. Le tout entrecoupé de grands moments de solitudes… La troupe des Dromesko nous perd avec fracas dans l’œil du cyclone ferroviaire avec cet art singulier qui fait sa marque de fabrique. Celui d’ouvrir la porte à la poésie, et à l’inventivité après avoir balayé notre plat et incertain  désir de sécurité. Voyages voyages…

JMDH

 

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Festival, Jean Varela « rassembler autour d’un projet artistique », Guillaumat l’Homme qui rit,

Plume regarde la lune !

L'atelier du peintre. Photo Yves Petit

Il convient d’évoquer ce spectacle sans en gâcher la mystérieuse magie. Bref, de ne rien en dire de concret, de descriptif et même d’élogieux. Il convient de faire cela parce que nous ne sommes pas en présence d’une œuvre figurative. Commencer par décrire la fin, la vrai fin, c’est-à-dire le noir, comme Soulage sait si bien le faire pourrait nous soulager (c’est facile, on vous l’accorde). Le noir donc, ce qu’il reste après la mort d’un grand artiste, pas Michael si vous voulez bien, disons Vincent, Vincent Van Gogh. Un type presque inconnu à sa mort qui annonce le fauvisme, l’expressionnisme voir le cubisme. Un type que l’on pourrait croiser en se promenant au bord d’un champ sans même l’apercevoir. Le noir dans lequel on se plonge parfois nous rend aveugle comme le soleil de midi. L’abondance de commentaires, d’avis éclairés sur une question cruciale aussi.

Mais revenons à notre artiste. Un homme étonnamment doué disparaît, dans le sens où il n’est plus là et ne reviendra pas, vous êtes face à la partie de son œuvre qui lui a survécu. Vous rencontrez son œuvre sans pouvoir le rencontrer lui personnellement. Vous êtes face à l’art. Il vous reste à en faire quelque chose. Vous situez ? Bon, on tient le bon bout là. Parce que c’est à peu près le propos de Bernard Kudlak quand il dit, à propos de L’atelier du peintre : « Nous pouvons ajouter nos images aux images », ça signifie nous sommes libres, alors profitons ensemble. Tout le monde : les artistes, les techniciens, les spectateurs et les autres. Qui sont les autres ? Cela pourrait être le sujet d’un prochain spectacle.

La magie de Plume, c’est qu’on ne peut pas subir le spectacle qui reste suspendu comme un rêve. On ne subit pas nos rêves parce qu’on en est l’acteur. Cela nécessite un sens de la créativité et du respect de l’autre absolu. « Le cirque est un poème en acte. A partager », les deux derniers mots sont très importants. Le cirque Plume fait de l’art en regardant la lune. C’est décisif. On éprouve le sentiment que nos points d’appui se dérobent. Il convient de vous inviter à aller les voir. Comme ça, sans rien attendre, juste pour ressentir.