L’Agence France-Presse a un nouveau président, Emmanuel Hoog

Emmanuel Hoog, président de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), a été élu jeudi à la tête de l’Agence France-Presse pour trois ans alors qu’un rapport commandé par le gouvernement va proposer un cadre pour l’avenir de l’AFP.

Emmanuel Hoog, qui succède à Pierre Louette, a recueilli douze voix sur quinze parmi les administrateurs de l’Agence. Âgé de 47 ans, ce haut fonctionnaire, qui a fait une grande partie de sa carrière comme gestionnaire d’entreprises culturelles, présidait l’INA depuis neuf ans. Le conseil d’administration devait se prononcer sur trois candidatures: outre M. Hoog, MM. Philippe Micouleau, ancien patron de l’Agefi, et Louis Dreyfus, ancien directeur-général de Libération puis du Nouvel Observateur, avaient été retenus pour défendre leur projet devant les administrateurs.

La candidature d’Emmanuel Hoog avait été sollicitée par des administrateurs représentant les pouvoirs publics après que dix postulants eurent formellement déposé leur dossier. L’élection a résulté d’un consensus particulièrement délicat à obtenir entre les huit administrateurs issus de la presse et les représentants de l’Etat et de l’audiovisuel public. Lors du processus de sélection, certains administrateurs n’avaient pas caché une certaine irritation à l’idée que le gouvernement puisse initier de nouvelles candidatures, bien que la procédure établie par le Conseil le prévoie.

Selon le compte rendu des représentants du personnel au Conseil d’administration, « un premier vote informel mais secret a été organisé à l’issue des auditions. MM. Micouleau puis Dreyfus ont été éliminés à la majorité simple. M. Hoog, resté seul en lice, a ensuite été élu au premier tour du vote « officiel » du CA, par 12 voix pour et trois bulletins blancs ».

Devant le Conseil d’administration « M. Hoog s’est expliqué sur le caractère tardif de sa candidature », selon les représentants. « Il lui était impossible de se déclarer publiquement candidat à un poste comme celui de l’AFP alors qu’il était en train de négocier un COM (Contrat d’objectifs et de moyens) avec l’Etat et une convention collective à l’INA ». « Je ne suis pas dans une logique de réformateur mais dans une logique de constructeur. Je ne suis pas là pour réformer un modèle ancien mais pour construire un modèle nouveau », a dit M. Hoog lors de son audition par les administrateurs de l’AFP.

Le nouveau PDG de l’Agence devra prendre connaissance dans les jours qui viennent d’un rapport sur l’avenir de l’AFP, demandé par le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, à cinq experts. Le document, remis au ministre la semaine dernière, n’a pas encore été rendu public dans l’attente de la désignation du nouveau patron de l’Agence.

Dans un communiqué publié jeudi, Frédéric Mitterrand s’est « réjoui que la candidature d’Emmanuel Hoog, unanimement reconnu pour la réussite dans ses fonctions précédentes à l’Institut national de l’audiovisuel (INA), ait recueilli un large consensus au sein du conseil d’administration de l’AFP ». « C’est un gage évident de légitimité et de confiance pour un nouveau président qui doit maintenant mener le grand chantier de la modernisation de l’Agence », a ajouté le ministre.

M. Hoog succède à Pierre Louette qui a démissionné au milieu de son deuxième mandat pour rejoindre l’état-major de France Télécom. Le Conseil d’administration a indiqué avoir « rendu hommage à la qualité du travail effectué et aux résultats obtenus par Pierre Louette à la tête de l’Agence depuis 2003 ».

RFI: Silence sur les ondes

« Comment va radio tam-tam? » L’invective aurait été lancée par Christine Ockrent à des salariés de RFI. La phrase, qu’elle soit réelle ou fantasmée, déchaîne les passions dans les couloirs de Radio France. A tel point que la grève des techniciens qui paralyse RFI depuis le 12 mai dernier s’étend aux journalistes. Un communiqué interne, signé par une soixantaine de personnes, appelle tout journaliste à cesser son travail vendredi soir, à minuit. Ils revendiquent des pourparlers avec la direction, qui a annoncé en avril dernier la suppression de 206 postes – soit 22% des effectifs. Et au vu de l’absence de réaction de la direction, le mouvement risque d’être suivi.

Depuis février 2008, RFI constitue, avec France 24, la chaîne publique de télévision d’informations en continu, et TV5 Monde, la Société de l’Audiovisuel extérieur français (AEF). En théorie, le principe est de moderniser et dynamiser des médias destinés à une diffusion internationale. En réalité, il s’agit plus d’une mutualisation des moyens techniques et humains. Si, en 2006, France 24 avait embauché 400 personnes, l’heure est à la stricte économie. Dans cette optique, le tandem qui dirige l’AEF, Christine Ockrent et Alain de Pouzilhac, privilégie la jeune France 24 à l’ancêtre RFI.

Manque d’informations

Un pari osé au regard des études d’audience effectuées. La radio, classée troisième sur l’échiquier des radios internationales, a largement les faveurs de l’Afrique francophone et du Maghreb. Face à ces millions d’auditeurs, habitués depuis quatre décennies aux programmes de RFI, France 24 peine à s’aligner. Avec la concurrence d’Al-Jazeera au Maghreb et de BBC World dans le reste du monde, la jeune chaîne française revendique 962 000 téléspectateurs, selon une étude d’audience réalisée… pour l’Europe seulement. Aucune autre donnée ne parvient à expliquer l’enthousiasme des deux dirigeants de l’AEF, qui ont tendance à l’enjolivement. A les croire, France 24 serait « leader des chaînes d’info internationales en Afrique francophone et numéro 2 au Maghreb« .

France 24 est donc la priorité. Et RFI peut passer le micro à gauche, sans que ça puisse visiblement émouvoir l’hydre à deux têtes de l’AEF. Ockrent et Pouzilhac justifient d’ailleurs la suppression des 206 postes à RFI par le déficit budgétaire que la radio accuse. Sans préciser que ce déficit n’était pas économique mais comptable. En effet, l’augmentation des recettes publiques – du financement de l’Etat en grande partie – n’a été que de 3,4% entre 2004 et 2008, contre 11,9% en moyenne pour France Télévisions ou les autres radios publiques.

Réforme impossible

Côté syndicats, la mobilisation reste active pour dénoncer « l’assassinat » de leur radio. Tous acceptent l’idée d’une réforme de RFI, qui « aurait dû être entreprise depuis longtemps » selon une journaliste interrogée par leJDD.fr. Benoît Ruelle, producteur à RFI depuis trente ans, est encore plus acerbe: « Rien n’a été pensé pour l’avenir de RFI. (…) On a engagé des gens de qualité, on les presse et maintenant on les vire« , affirme-t-il sur le site RFIengreve.info. Des services de langues sont supprimés ou développés par des filiales de l’AEF – un salarié extérieur au service public coûte tellement moins cher… Derrière cette restructuration, les salariés trinquent au nom de France 24 qui pourra bientôt profiter des traducteurs de RFI.

A la fois témoin et acteur du conflit, le gouvernement s’est refusé à une médiation entre les syndicats et les dirigeants de l’AEF. Le 26 août dernier, une lettre ouverte a été adressée à Frédéric Mitterrand, lui mandant de se prononcer sur le sujet. En vain. Le silence du ministère de la Communication – un comble – devrait désormais faire écho à celui des ondes, dès ce vendredi soir.

Gaël Vaillant (JDD)

Voir aussi : Rubrique Médias RFI une entreprise mise en difficulté,

Congo : « harcèlement » de journalistes lors de la présidentielle

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New York, a dénoncé un « harcèlement » de journalistes internationaux ayant couvert au Congo l’élection présidentielle du 12 juillet et ses suites, dans un communiqué reçu samedi par l’AFP à Libreville.

L’ONG cite Arnaud Zajtman et Marlène Rabaud de la chaîne de télévision française France 24, Thomas Fessy de la radio britannique BBC, ainsi que Catherine Ninin de Radio France Internationale (RFI), qui ont été « harcelés » lors de leur travail dans le cadre de ce scrutin.

La police s’en est prise aux trois journalistes de France 24 et de BBC alors qu’ils couvraient « la dispersion d’une manifestation de l’opposition » à Brazzaville le 15 juillet. Leur matériel a été confisqué et « les tentatives de récupérer leurs biens ont été vaines », a rapporté le CPJ.

Le porte-parole de la police congolaise, le colonel Jean-Aive Alakoua, a assuré à l’ONG n’avoir « reçu aucune plainte à propos » de cet incident.

La journaliste de RFI, elle, a reçu des « menaces » et a été l’objet d' »intimidation » de la part d’agents de renseignement mais également de responsables du pouvoir.

« Il est inacceptable dans une démocratie que des journalistes soient harcelés alors qu’ils couvrent des élections et ses suites. (…) Nous appelons les autorités à mettre fin à ces intimidations, à retourner immédiatement le matériel saisi et à dédommager » les professionnels des médias agressés, a déclaré Tom Rhodes, un responsable du programme Afrique du CPJ.

Avant et après le jour du vote, des membres du pouvoir ont critiqué à plusieurs reprises les « médias internationaux », leur reprochant de « relayer de fausses informations », selon des journalistes de l’AFP.

Voir aussiSarkozy et la Françafrique , La vérité sur la mort du journaliste Bruno Ossébi

Le postulat de la presse libre revu et corrigé

propagandeLe duo Herman/Chomsky pose un regard critique sur le fonctionnement des médias aux Etats-Unis.

Après La Fabrique de l’opinion publique qui s’attachait au système de l’information aux Etats-Unis, l’économiste Edward S. Herman spécialiste des réglementations financières relevant des conflits d’intérêts et le linguiste Noam Chomsky connu pour sa critique de la politique étrangère américaine renouvellent leur collaboration avec La fabrication du consentement. En s’appuyant sur des faits précis, les deux chercheurs posent cette fois leur grille de lecture critique sur la propagande médiatique dans la démocratie américaine. Et démontrent, dans cet ouvrage de référence, comment le postulat démocratique de la liberté de la presse qui figure dans le premier amendement de la constitution des Etats-Unis est détourné de sa vocation initiale.

Les 650 pages de ce livre très documenté présentent une critique sans complaisance qui permet de comprendre par quel processus le pouvoir de l’argent sélectionne les informations. Et notamment de mesurer l’impact de la propagande médiatique sur les croyances et les codes comportementaux des citoyens. Herman et Chomsky montrent comment les messages et les symboles qui ont vocation à distraire et à informer, transmettent des codes et des croyances. Et dénoncent ce processus qui intègre en profondeur les structures sociales en favorisant le pouvoir politique néo-libéral et les grands acteurs industriels et financiers. La critique des auteurs n’affirme pas que les médias puissent se résumer à des organes de propagandes mais que cette fonction en est une caractéristique centrale.

L’impact de la publicité

Le constat n’est pas nouveau. Mais la collusion d’intérêts entre les grands groupes financiers et l’industrie des médias comme le mouvement de concentration qui a suivi, ont considérablement réduit la garantie d’une information permettant aux citoyens de conserver leur capacité critique. A partir d’une multitude d’exemples comparatifs relatifs à la politique intérieure, comme à la politique internationale, Chomsky révèle comment les médias désignent les victimes dignes ou indignes d’intérêt. Il soulignent que les démocraties adoptent les modèles de propagande observée dans les Etats totalitaires.

Un autre aspect du livre met en évidence l’impact de la publicité sur le contenu. Dans la mesure où les grands médias généralistes dépendent essentiellement des revenus de la publicité pour survivre, le modèle de fonctionnement de la presse suggère que l’intérêt des publicitaires ou des institutions prévaut sur le récit de l’information. En conséquence, si les thèmes abordés dans le contenu, s’avèrent contraires aux intérêts des commanditaires et divergent par rapport à leur vision du monde, ils sont à écarter. Le modèle de fonctionnement des médias décrit dans le premier chapitre s’avère éclairant sur la marge de manœuvre des journalistes et les choix éditoriaux. Une des caractéristiques essentielles de la propagande consiste à ne pas révéler les intentions réelles de l’autorité pour laquelle elle agit. Dans un souci de clarification, les auteurs précisent que les mécanismes laissant sporadiquement apparaître des faits dérangeants sont infiniment plus crédibles et efficaces qu’un système de censure officielle.

Jean-Marie Dinh

fab-consent

édition Agone 28 euros

« En exagérant un peu, dans les États totalitaires, c’est le pouvoir à la tête de l’État qui décide de la ligne du parti. Et chacun doit alors y adhérer et s’y soumettre. C’est différent dans les sociétés démocratiques. La ligne du parti n’est jamais énoncée comme telle, elle est sous-entendue. C’est dans ces présupposés qu’il pourra y avoir un débat passionné, mais qui se limitera à ce cadre précis. Dans les sociétés démocratiques, la ligne est comme l’air qu’on respire, elle est sous-entendue… Du coup elle donne l’impression qu’il y a un débat très vigoureux. C’est très efficace comme système et ça marche beaucoup mieux que dans les systèmes totalitaires. »

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