Metro de Gaza par Uri Avnery

Uri Avnery* commence à réfléchir sur les conséquences de cette guerre en Israël. Et cela fait froid dans le dos. Alors que j’avais toujours été admirative de la totale liberté d’expression régnant en Israël  il semblerait qu’il commence à y avoir des limites. et cela fait très peur.

Aline Baldinger

Metro de Gaza

 

220px-UriAvneryIl n’y a pas de metro à Tel Aviv. On en a discuté pendant des années. Tous les maires l’ont promis. Hélas il n’y a toujours pas de métro

Lorsque l’armée Israélienne est entrée dans la bande de Gaza et a trouvé un extaordinaire réseau de tunnels, une idée a germé. Pourquoi ne pas inviter le Hamas à creuser le métro de Tel Aviv ? Ils possèdent l’expertise, la technologie, les plans et la main d’œuvre.

 Mais la guerre n’est pas une plaisanterie c’est une terrible tragédie. Après 29 jours de combat (jusqu’à ce jour) qui a gagné?

 

Il est bien sûr beaucoup trop tôt pour pouvoir tirer des conclusions définitives.  Le cessez le feu n’a pas duré. Cela prendra des années pour tirer toutes les conséquences. Mais la sagesse populaire des Israéliens  a déjà tiré ses propres conclusions: Il y a match nul.

Cette conclusion est en elle-même une sorte de miracle. Pendant un mois entier les citoyens Israéliens ont été bombardés  par un intense tir de barrage de propagande. Jour après jour, heure après heure ils ont été soumis à un courant ininterrompu de lavage de cerveau.

Les dirigeants politiques et militaires distillaient une image de la victoire. Les chars et les soldats sortant de Gaza ont reçu l’ordre d’agiter de grands drapeaux. Toutes les photos montraient des soldats quittant la bande de Gaza en souriant de toutes leur dents. ( Mon imagination me montre ces troupes s’entrainant à la sortie avec le sergent major criant : » Soldat Cohen un peu plus convaincu le sourire ! »  

Si on en croit les paroles officielles notre glorieuse armée a rempli tous ses buts. Mission accomplie. Le Hamas est battu. Si l’on en croit un de ces correspondants militaires “aux ordres”: “ Le Hamas rampe à quatre pattes pour obtenir le cessez le feu”.

Cela a donc été une grande surprise que lors du premier sondage , 51% des Israéliens Juifs répondent que cette guerre s’est terminée par un match nul

Seulement 36% répondirent que nous avions gagné et 6% conclurent à une victoire du Hamas.

Lorsqu’une guerilla dirigeant au plus 10 000 combattants fait match nul avec une des plus puissantes armées du monde équipée des armes les plus modernes cela peut être considéré comme une sorte de victoire.

Le Hamas n’a pas seulement montré un grand courage pendant les combats mais aussi beaucoup d’intelligence dans la préparation de cette campagne. Et il est toujours debout.

L’armée Israélienne quant à elle a fait montre de très peu d’imagination. Elle n’était  pas du tout préparée aux tunnels labyrinthiques. Le “dôme de fer » qui a obtenu de grands succès  dans la défense contre les rockets a été installé il y a huit ans par un Ministre de la défense qui était un civil, contre l’avis express de l’armée. Sans cette défense la guerre aurait été bien différente. .

De fait, ainsi que ‘un commentateur a osé l’écrire l’armée est devenue une machine encombrante et conservatrice. Elle suit sa routine sans mettre en jeu des forces spéciales. Fondamentalement sa doctrine était de pousser la population civile à la soumission en faisant le plus de morts et destruction possibles  afin de décourager toute résistance  le plus possible et le plus longtemps possible. En Israël les terribles images de mort et de destruction n’ont provoqué aucune compassion. Au contraire. Les gens en étaient fiers.  

A la fin les deux côtés étaient totalement épuisés. Pourtant pendant les négociations de cessez le feu du Caire, le Hamas ne s’est pas rendu.

Pour les dirigeants Israéliens l’alternative au retrait était la conquête de la totalité de la bande de Gaza. Cela aurait permis d’exterminer le Hamas et de démanteler toutes ses infrastructures. Mais l’armée contesta vigoureusement cette option et parvint à convaincre les politiques. Il y aurait eu au moins un millier de soldats morts et la bande de Gaza toute entière aurait été réduite en ruines.

32 ans auparavant le duo Begin-Sharon avait rencontré la même problématique. La conquête de Beyrout ouest aurait couté la vie à au moins 800  soldats Israéliens. Ils avaient renoncé tout comme le duo Netanyahu-Ya’alon venait lui aussi de renoncer.

La société Israélienne n’a pas la force d’affronter de si nombreux morts. Et les protestations internationales contre le carnage de civils aurait été trop important.

Et donc Netanyahou a fait ce qu’il avait juré de ne jamais, au grand jamais  faire: il a commence des négociations avec  une organisation terroriste méprisable- le Hamas

Il existe une maladie mentale appellee Paranio Vera. Elle a pour symptôme principal que le malade adhère à une affirmation folle ( la terre est plate, kennedy a été tué par un extraterrestre, les Juifs conduisent le monde) et reconstruisent toute un système logique à partir de cette affirmation. Plus le système est logique plus le patient est fou.

La paranoïa d’Israel concerne le Hamas. C’est l’affirmation que e Hamas est une organisation terroriste diabolique toute entière tournée sur l’annihilation d’Israël. Ainsi que l’écrivait un journaliste cette semaine «  un gang de psychopathes ».  

Toute la politique Israélienne est fondée sur cette affirmation. La guerre reposait elle aussi sur cette affirmation.

On ne peut pas parler avec le Hamas. On ne peut pas faire la paix avec el Hamas. Il faut juste le supprimer.

Ce tableau démoniaque n’a aucun rapport avec la réalité.

Je n’aime pas le Hamas. Je n’aime pas les partis religieux en général, ni en Israël, ni dans le monde Arabe, nulle part. Je ne voterais jamais mais pour un parti religieux.

Mais le Hamas fait partie intégrante de la société Palestinienne. Lors des dernières élections Palestiniennes, -supervisées par des instances internationales le Hamas a obtenu la majorité. Il a ensuite, c’est vrai, pris le pouvoir dans la bande de Gaza par la Force mais après avoir gagné une majorité dans la bande de Gaza.

Le Hamas n’est pas “Jihadiste” au sens de al-Qaeda ou de  ISIS.Il ne se bat pas pour l’établissement mondial d’un califat. Le Hamas est un parti Palestinien entièrement dévoué à la cause Palestinienne. Il se donne à lui même le nom de résistance. Il n’a pas imposé la loi religieuses (sharia) à la population

Ah mais qu’en est il de la Charte du Hamas qui Demande la destruction de l’Etat d’Israel et comprend des affirmations antisémites virulentes ?  

Je dirais que cela ressemble à du “déjà vu”. L’For me, this is frustratingly deja vu. La charte de l’OLP demandait elle aussi la destruction de l’Etat d’Israel. La propagande Israélienne s’en servait sans cesse. Yehoshafat Harkabi professeur respecté et ancien responsable des services secrets, pendant des années , n’a parlé que de cela.  A respected professor and former army intelligence chief, , spoke for years about nothing else. Seulemetn après la signature des Accords d’Oslo entre Israel et l’OLP ces clauses furent tout simplement ôtées de la charte, en présence du Président Clinton.  

En raison de d’interdictions religieuses, le Hamas ne peut pas signer lui même un accord de paix. Mais à l’instar de tous les peuples religieux du monde ( surtout les Juifs et les Chrétiens d’ailleurs) il a trouvé comment contourner les interdits divins. Le fondateur du Hamas le Sheik Ahmad Yassin (qui a écrit la charte et fut assassiné par Israel) avait proposé une Hudna de trente ans. Une Hudna est une trêve sanctifiée par Dieu et qui peut être renouvelée jusqu’au jugement dernier.

Gush Shalom, Le mouvement pour la paix auquel j’appartiens a demandé il y a hui tans que notre gouvernement commence à discuter avec le Hamas. Nous mêmes nous avons eu à plusieurs reprises des discussions amicales avec plusieurs leaders du Hamas. La ligne officilel actuelle du Hamas est  que si Mahmoud Abbas parvient à un accord de paix avec Israel, le Hamas l’accepterait, après qu’il eut été ratifié par un referendum.

Malheureusement il y a peu d’espoir qu’Israel guérisse bientôt de sa paranoïa

 

En supposant que cette guerre finisse bientôt, que restera t il?

L’hystérie guerrière qui a submerge Israel pendant cette guerre a apporté une odieuse vague de fascisme. Il y eut des mouvements de lynchage  d’Arabes à Jérusalem.

Des journalistes comme Gideon levy ont du être protégé par des gardes du corps, des professeurs d’Université ayant osé defendre la paix ont été censuré (provoquant un boycott universitaire dans le monde entier) et des artistes ayant osé avoir une opinion divergente ont été licenciés.

Certains pensent que c’est un évènement marquant dans la décadence de la démocratie israélienne. J’ose espérer que cette vague horrible va refluer. Mais quelque chose restera. Le fascisme a d’une certaine façon été approuvé dans le discours dominant.

L’un des symptômes du fascisme est l’histoire du “couteau dans le dos”. Adolf Hitler, l’a utilisé pendant toute son ascension au pouvoir : Notre glorieuse armée était proche de la victoire quand un complot de politiciens ( Juifs) lui a planté un couteau dans le dos.

On entend déjà dans les rue d’Israël : «  Nos braves soldats auraient pu conquérir toute la bande de Gaza si Netanyahou et ses larbins – le ministre de la défense et son chef de cabinet- n’avaient pas donné l’ordre ignominieux d’une retraite honteuse.

A l’heure actuelle Netanyaou est au sommet de sa popularité . Un sondage lui accorde le soutien de  plus de 77 % des citoyens Juifs sur sa conduite de la guerre.  Mais cela peut changer en un jour. Les critiques murmurées aujourd’hui à voix basse, y compris au sein de son propre gouvernement peuvent  devenir majoritaires et être dites à voix haute.

A la fin Netanyahu peut être dévoré par le feu de super patriotism qu’il a lui même allumé.

Les images de mort et de destruction venant de Gaza ont fait profondément impression à l’étranger. Ces images ne pourront pas être éffacées d’un coup de gomme. Le sentiment anti Israélien restera,  parfois mêlé à un veritable antisémitisme. The awful pictures of devastation and death coming out of Gaza have made a profound impression abroad. They cannot be simply erased.  Anti-Israeli sentiment will remain, some of it tinged with outright anti-Semitism. L’affirmation ( fausse) d’Israel voulant être reconnue comme “l’Etat nation du peuple Juif” et l’identification presque totale des Juifs de la diaspora avec Israel, conduira inévitablement à reprocher à tous les Juifs les exactions d’ Israel.  

L’influence de cette guerre sera encore bien plus importante dans le monde Arabe. Pour chaque enfant tué, pour chaque maison détruite naitra un nouveau « terroriste ».

Peut-être y a t il quand meme des conséquences  positives.

Ette guerre a créer, temporairement une alliance improbable en Israel, l’Egypte, l’Arabie Saoudite et l’AUtorité Palestinienne.

Il y a deux mois Abbas était le souffre douleur de Netanyahou. Maintenant il est le favori de Netanyahou et de l’opinion publique Israélienne. En Même temps, parodoxalement, Abbas et le Hams n’ont jamais été si proches.

 Cela pourrait constituer une opportunité unique pour commencer sérieusement un processus de paix à la suite d’une solution au problème de la bande de Gaza.

Si…

Uri Avnery

* Uri Avnery est un écrivain et journaliste israélien né le 10 septembre 1923 à Beckum. Surtout connu pour être un militant des droits des palestiniens et pacifiste convaincu 

Source : Blog de Aline Baldinger 09/08/14

 

 

La parole donnée au noir

Au-delà des séances de dédicaces qui gardent pleinement leur vocation, le Firn est un lieu où l’on forge sa pensée critique. Les nombreuses tables rondes organisées permettent d’approfondir la noire parole souvent bien plus édifiante que les austères critiques.

Samedi à l’heure où le soleil touchait à son zénith, un beau plateau d’auteurs mettait le couvert autour de la question : crime social et crime historique. Lorsqu’on demande à l’auteur américain Adam Braver, dont l’ouvrage 22 novembre 1963 sur l’assassinat de JF. Kennedy vient d’être traduit, s’il a du nouveau sur cette affaire, il répond que ce n’est pas ce qui l’intéresse. « Ce meurtre est un pavé dans la mare. Moi je m’attache aux petites ondes sur la surface de l’eau.  Il s’agit davantage de parler du présent que de dénoncer quoi que ce soit. Parce qu’aux États-Unis tout devient très vite un mythe et se retrouve, de la sorte, gravé dans le marbre. Avec ce livre je m’intéresse à ce qui se passe dans la société autour de cet événement. Je voulais lui redonner une dimension humaine. »

daeninckxLe roman noir est ici envisagé comme un moyen d’échapper à l’usine à rêve. Pour David Peace, il permet d’écrire une histoire qui n’est pas officielle : « Si on ne s’intéresse pas aux répercussions économiques sociales et politiques d’un fait on ne comprend pas ce qui se passe. » Didier Daeninckx dont l’œuvre confirme une volonté d’ancrer ses intrigues dans la réalité explique comment cela lui est venu : « L’histoire de ma rencontre avec la mémoire mondiale a débuté par l’assassinat par la police de Papon de quelqu’un qui m’était proche. » L’auteur de Meurtre pour mémoire a signé depuis une quarantaine d’ouvrages. Son dernier livre Galadio narre l’histoire d’un jeune Allemand, né à Duisbourg en 1920, qui découvre qu’il est également Galadio Diallo, l’enfant d’un tirailleur de l’armée française originaire du Mali et part à la recherche de ses origines africaines.

denis_robert_poingLe journaliste Denis Robert engagé dans la lutte contre le crime financier témoigne des difficultés qu’il a rencontrées dans son enquête sur l’affaire Clearstream. « Ce que je n’avais jamais mesuré auparavant, c’est la faiblesse des hommes, des journalistes, et des juges… Après un de mes procès perdus en appel, on a retiré un de mes livres des mains des lecteurs qui venaient l’acheter dans les Virgin et les Fnac. Le plus incroyable, dans un pays comme la France, c’est que personne n’en a vraiment parlé. » Le livre documentaire et le roman noir demeurent néanmoins de l’avis général un espace d’expression privilégié pour aborder des sujets dont on ne peut parler ailleurs. Même s’il faut lutter contre la censure à l’image de la journaliste et auteur turque laïque Mine G.Kirikkanat qui trouve dans la fiction un moyen de la dépasser.

Jean-Marie Dinh