La « mauvaise passe » de la CGT s’annonce durable

Par Michel Noblecourt

Commentant la crise que traverse la CGT à propos du devis des travaux de l’appartement de fonction de Thierry Lepaon, Bernard Thibault a estimé, mercredi 5 novembre sur Europe 1, que la centrale traverse « une mauvaise passe« . Dans l’Humanité du 7 novembre, l’ancien secrétaire général de la CGT, aujourd’hui membre du conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail (OIT), revient sur cet « épisode« , comme l’écrit le quotidien communiste : « Je fais confiance, déclare-t-il, à tous ceux qui sont élus pour trouver les réponses adaptées à la situation. Nous devons conserver une CGT unie, avec toutes ses forces. Le pire serait de rajouter à cet environnement hostile aux salariés, au syndicalisme, une division ou des déchirures au sein de la CGT. Il faut trouver les modalités pour agir dans l’unité la plus large déjà au sein de la CGT« . L’utilisation du pluriel quand il parle de « ceux qui sont élus » sans citer le nom de son successeur fait dire aux opposants à Thierry Lepaon que « Thibault l’a lâché« .

Il faut dire que le comité confédéral national (CCN) qui a débattu les 4 et 5 novembre de « l’affaire Lepaon » s’est terminé dans la plus grande confusion, ce qui accrédite l’idée que cette « mauvaise passe » va être durable. La confédération a diffusé, au soir du 5 novembre, « une déclaration des organisations de la CGT dont les principes ont été votés à l’issue du CCN« . Ce texte dénonce « une campagne de dénigrement visant toute la CGT, à travers les attaques dont fait l’objet notre secrétaire général, auquel nous réaffirmons notre solidarité et notre confiance« . Le seul problème est que la réunion du parlement de la centrale s’est terminée dans le plus grand désordre et… qu’il n’y a eu aucun vote.

« Lepaon  a refusé toutes les propositions des fédérations et des unions départementales qui lui auraient offert une sortie de crise« , raconte un dirigeant. Il a rejeté l’idée que la lettre qu’il compte adresser à tous les adhérents de la CGT émane du CCN (alors que ce sont ses membres qui disposent des fichiers). Il a fait de même avec la demande de création d’une commission du parlement cégétiste qui aurait réalisé un audit des dépenses de la confédération depuis le début de son mandat pour en rendre compte à un CCN extraordinaire. Il a enfin rejeté la proposition d »élargir la commission financière de contrôle à des membres du CCN. Le texte diffusé par la confédération indique seulement que les différentes instances « vont travailler ensemble pour que cette situation ne se reproduise pas ».

« S’il avait accepté nos propositions, commente un frondeur, il aurait obtenu un vote à une large majorité ou à l’unanimité. Mais Thierry est incapable d’écouter et d’entendre une assemblée. Il s’est mis les trois quarts du CCN à dos« . « Je ne me l’explique pas, ajoute-t-il, si ce n’est qu’il a des choses à cacher. Cela ne fait que rajouter à la suspicion ». Durement critiqué par Thierry Lepaon, Eric Lafont, le trésorier confédéral, « commence à se lâcher« , selon une source. Selon une autre source, « il se raconte à Montreuil qu’ils étaient trois à avoir accès au coffre fort de la comptabilité où était rangé le fameux devis: Thierry Lepaon, Eric Lafont et Michel Doneddu« , l’ancien trésorier confédéral. Les mêmes rappellent que, lors du congrès de Toulouse, en mars 2013, Michel Doneddu militait pour être remplacé non par Eric Lafont mais par Philippe Lattaud, aujourd’hui membre du bureau confédéral. Autant dire qu’en interne les règlements de compte ne font que commencer…

Alors qu’une commission exécutive est prévue le 12 novembre, Thierry Lepaon doit recevoir dans les prochains jours chacun des dix membres du bureau confédéral pour, selon sa formule, « s’assurer de leur engagement et adhésion à l’esprit d’équipe« . Sont dans le collimateur les quatre « frondeurs » qui ont refusé de voter « la note interne » diffusée le 29 octobre en réplique aux informations du Canard enchaîné: Eric Aubin, Sophie Binet, Valérie Lesage et Mohammed Oussedik. Seront-ils sommés de se soumettre sous peine d’être démis? « Pour virer un membre du bureau confédéral, explique un dirigeant, il faut qu’il repasse par le CCN. Il en est de même pour les deux membres supplémentaires qu’il envisage de nommer« . Or la prochaine réunion du parlement cégétiste est programmée en février. En attendant, Thierry Lepaon sort encore plus affaibli par cet « épisode« .

Source : Blog Michel Noblecourt 07/11/2014

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