Matin chagrin à la Maison ronde

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«Val démission ! Val démission !» En direct, hier, un peu après midi, le public du Fou du roi vient d’apprendre que Didier Porte est viré. A la fin de sa chronique, l’humoriste a indiqué avoir reçu une lettre recommandée lui annonçant son licenciement. Signée Philippe Val, le directeur de France Inter. Et les fidèles de l’émission de Stéphane Bern n’ont pas apprécié. Au point que l’antenne a résonné, donc, d’appels à la démission, huées incluses. Au point que Bern himself s’est fendu, et toujours en direct, d’un soutien à Didier Porte et s’est interrogé sur son propre avenir à France Inter. Deux heures plus tôt, dans un entretien au Monde, le président de Radio France, Jean-Luc Hees, annonçait qu’il éjectait Stéphane Guillon des ondes publiques. Il ne fait plus bon rire le matin sur France Inter.

Allégeance. La double éviction n’a pas fait marrer l’opposition qui, du NPA au Modem en passant par le PS, a dénoncé le licenciement des deux humoristes : François Bayrou jugeant que «la démocratie a besoin d’humoristes, même s’ils y vont parfois trop fort» et Martine Aubry défendant un «droit à la moquerie et même à l’outrance».

A Radio France, c’est la consternation. Le SNJ dénonce une «entreprise d’autodestruction» de la direction, tandis que, pour Sud, Hees et Val «sont les liquidateurs de l’indépendance, de la liberté de ton des antennes de la maison». Et c’est aussitôt le spectre élyséen qui fait son apparition : premier patron de l’audiovisuel public désigné par Nicolas Sarkozy, selon le nouveau pouvoir que le Président s’est arrogé par la loi de mars 2009, Jean-Luc Hees est poissé par ce mode de nomination, et le soupçon d’allégeance le suit comme son ombre

Au Monde, pourtant, Hees l’affirme : «J’assume.» «Si l’humour se résume à l’insulte, je ne peux le tolérer pour les autres mais aussi pour moi. […] J’ai un certain sens de l’honneur : je ne peux accepter que l’on me crache dessus en direct.» Val, qui n’a pas donné suite aux demandes d’interview de Libération, a abondé : «Où ailleurs peut- on supporter une chose pareille, se faire pourrir à l’antenne, c’était une atteinte à notre honneur et à notre considération en permanence», a déclaré à l’AFP l’ancien chansonnier et ex-directeur de l’hebdo satirique Charlie Hebdo.

Sûr que Stéphane Guillon et Didier Porte ne donnaient pas cher de leur peau. Guillon est dans le collimateur depuis qu’il a moqué Dominique Strauss-Kahn en infatigable coureur de jupons, en février 2009. La chronique déclenche alors l’ire élyséenne. Quand Jean-Paul Cluzel, alors président de Radio France, est remercié, Guillon en est l’une des causes. Du coup, à peine Hees désigné à la présidence de Radio France, il est déjà envisagé comme un tueur à gages de Guillon à la solde de Sarkozy.

Averto. Le cas de Didier Porte est plus récent : le 20 mai, il imagine un Dominique de Villepin atteint du syndrome de la Tourette (qui occasionne de brusques bordées d’injures) servant au Président de sonores «J’encule Nicolas Sarkozy !» L’affaire vaudra à Porte un avertissement et déclenchera une note de service de Val : défense de régler ses comptes à l’antenne, sinon, zou, averto. C’est que Stéphane Guillon – et dans une moindre mesure Didier Porte – ne se prive pas de rire à l’antenne de ses déboires avec sa direction. Une attitude de «petits tyrans», selon le terme de Hees.

Hier matin, la dernière chronique de Guillon a été applaudie dans le studio, à la demande de Nicolas Demorand. Avant même d’avoir la confirmation qu’il était viré, Guillon a livré un genre de testament radiophonique, raillant notamment «France Inter, une radio de gauche qui licencie comme la pire entreprise de droite».

Libération

Voir aussi : rubrique Médias : Recettes publicitaires en chute

A quoi joue Gérard Collomb ?

Gérard Collomb était mardi à Montpelier pour soutenir son « ami de vingt ans » Georges Frêche

Dans la course aux élections régionales. Le sénateur-maire de Lyon a pris, une fois de plus, le contre-pied des positions du parti, qui, non content d’avoir exclu le président du conseil régional du Languedoc Roussillon, vient de mettre à pied pour deux ans les 59 colistiers socialistes de Georges Frêche. Et si le parti socialiste joue les pères fouettard, Gérard Collomb préfère lui la voltige. Et ce n’est pas la première fois. Depuis sa sortie d’Octobre 2009 sur le débauchage proposé par Nicolas Sarkozy, Gérard Collomb multiplie les attitudes équivoques auprès de sa propre famille politique. Une posture trop grossière pour être sincèrement naïve.

«Il faudrait que la gauche me déçoive beaucoup pour que j’en vienne à accepter les propositions de Nicolas Sarkozy». Une réponse en forme d’avertissement. Gérard Collomb, invité du plateau de la Matinale le 28 Octobre 2009, laisse peu de place à la tiédeur, quand Caroline Roux, son interlocutrice, évoque, malicieuse, les tentatives de débauchage dont a été l’objet le sénateur-maire de Lyon par l’Élysée. Et de la déception à la dissidence, il n’y a qu’un pas. Un pas franchi, et allègrement par Gérard Collomb, depuis sa réponse sybilline devant les caméras de Canal+.

Cela a commencé par le contre-pied pris par le maire de Lyon suite à la défection surprise de Vincent Peillon pour le débat de Mots Croisés sur France 2, face à Éric Besson, sur la question de l’identité nationale. «J’y serais allé» assurait-il le 18 Janvier, se positionnant déjà à l’inverse du bureau national du PS et de Martine Aubry. Et Gérard Collomb de persister, et signer, lorsqu’il se rend au dîner annuel du CRIF où le ministre de l’immigration est l’invité d’honneur. Jean-Jack Queyranne avait refusé de s’y rendre. Une occasion trop belle pour le sénateur-maire de Lyon de faire voir à nouveau sa différence. Besson et Collomb, socialistes contrariés, chantre de l’ouverture à la Sarkozy pour l’un et poil à gratter du parti pour l’autre, se promettent même un débat ultérieur autour du thème tellement polémique de l’identité nationale.  Alors que penser aujourd’hui du soutien de Gérard Collomb à Georges Frêche ?

S’il nous est vendu comme un soutien du coeur, sa portée est sans doute plus politique qu’il n’y paraît.  Car au jeu des inventaires, cette dernière transgression de Collomb a une saveur plus offensive. Soutenir Georges Frêche, c’est très clairement faire acte de défiance auprès de la direction du parti socialiste. De là à ce que Collomb devienne un nouveau symbole de l’ouverture pour la majorité présidentielle, il y a loin de la coupe aux lèvres. Alors Collomb prépare-t-il réellement le terrain à Dominique Strauss-Kahn, comme le laissent entendre les commentateurs de la politique locale. C’est probable, connaissant l’amitié liant les deux hommes. Mais il reste encore des zones où la maire de Lyon joue double-jeu.

En effet, Gérard Collomb est chargé d’une partie du projet économique du Parti Socialiste pour les Présidentielles de 2010. Il s’agit plus précisément du volet innovation et recherche de la convention nationale du PS sur l’économie. Alors pourquoi s’impliquer dans le futur proche du parti, sur c’est pour piétiner, dès que l’occasion s’en présente, la doctrine et les positions du bureau national ? Une position ambivalente qui donne à réflechir. Et quand Gérard Collomb assure être venu à Montpellier «pour l’apaisement», on l’entend sans doute d’une autre oreille rue de Solférino. Joint ce mercredi matin, le service communication du PS n’a pas souhaité donner suite à notre demande d’interview.  Il faudra pourtant, le moment venu, savoir pour qui roule réellement le maire de Lyon. Sans pour autant jouer les Cassandre, tout laisse à penser que Martine Aubry n’aura pas forcément un allié entre Saône et Rhône dans la course aux élections présidentielles.

Lyon Mag

Voir aussi : Rubrique politique

Marie NDiaye « persiste et signe », Frédéric Mitterrand refuse de trancher

Marie NDiaye maintient ses propos sur « la France de Sarkozy » mais, selon son éditeur, elle considère la polémique close après l’intervention de Frédéric Mitterrand, qui a toutefois refusé jeudi d’arbitrer le différend l’opposant au député UMP Eric Raoult sur un éventuel « devoir de réserve » des écrivains. « Je ne vois pas ce qui depuis le mois d’août a changé pour que je veuille revenir sur ces propos. Je persiste et signe », a déclaré sur France Inter la romancière, Prix Goncourt 2009 pour « Trois femmes puissantes ».

Dans un entretien publié cet été par le magazine Les Inrockuptibles, elle avait notamment qualifié de « monstrueuse » la France de Nicolas Sarkozy : « Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité… Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux », déclarait-elle. Avant même le début de la polémique, Marie NDiaye avait toutefois accordé un entretien lundi à Europe 1 dans lequel elle estimait ses propos « très excessifs ». Jeudi, Eric Raoult a lui même nuancé son propos en suggérant à Marie NDiaye non plus de respecter un « devoir de réserve », mais un « principe de modération ».

L’élu de Seine-Saint-Denis avait interpellé mardi le ministre de la Culture sur les propos, selon lui « insultants », de la romancière, soulevant un tollé dans les milieux littéraires. Pressés à la fois par Marie NDiaye et Eric Raoult de réagir, Frédéric Mitterrand a finalement estimé que l’un et l’autre avaient le droit de dire ce qu’ils pensent. « Je n’ai pas à arbitrer entre une personne privée qui dit ce qu’elle veut dire et un parlementaire qui dit ce qu’il a sur le coeur (…) Ca me regarde en tant que citoyen, ça ne me concerne pas en tant que ministre », a-t-il déclaré.

« Après l’intervention du ministre, Marie NDiaye estime la polémique close », indiquait-on jeudi chez son éditeur, Gallimard. L’affaire a continué en revanche d’agiter les milieux politiques. Martine Aubry, Première secrétaire du Parti socialiste, a condamné la « volonté de censurer la parole libre d’une écrivaine » et a demandé à Eric Raoult de « présenter ses excuses » à Marie NDiaye. Et Ségolène Royal (PS) a estimé que « dans une démocratie il doit être possible de critiquer le pouvoir en place ».

Le PCF a demandé pour sa part au ministre de la Culture de condamner les propos du député UMP et dénoncé un gouvernement qui « cherche maintenant à museler les artistes et à censurer leur liberté d’expression ». Et l’eurodéputé Europe Ecologie, Daniel Cohn-Bendit, a fustigé « la République des fayots », estimant qu' »il ne doit y avoir aucun devoir de réserve pour un intellectuel, comme pour toute autre personne ».

A l’UMP, le porte-parole adjoint, Dominique Paillé, s’est déclaré opposé à la « censure », tout en appelant Marie NDiaye à « la mesure » : « Je rappelle à Mme NDiaye que tout ce qui est excessif est insignifiant. Et ce qu’elle a écrit ne correspond pas à la France de Nicolas Sarkozy. C’est à cent lieues de la réalité », a-t-il ajouté, estimant que l’écrivain avait « entamé sa propre crédibilité ». « Si Marie NDiaye doit demander au ministre de la Culture ce qu’elle peut dire sans manquer de respect à Nicolas Sarkozy, quelle sera la prochaine provocation destinée à réveiller le ralliement de l’extrême droite à la majorité présidentielle », s’est enfin interrogée la Ligue des Droits de l’Homme.

Voir aussi : Rencontre avec Marie NDiaye