Hassan Blasim. Nouvelles à l’encre rouge et au sang noir

122463_couverture_Hres_0Cadavre Expo Douleur sublimée de l’Irak après l’invasion. Photo D.R.

CT  CTH Hassan Blasim.jpgLivre
Le Seuil publie  le premier livre en français de l’auteur et cinéaste irakien Hassan Blasim. Cadavre Expo se compose de quinze nouvelles qui donnent la mesure d’une oeuvre en cours de traduction dans une vingtaine de pays. Blasim compte assurément parmi les figures de proue de la nouvelle génération littéraire arabophone.
Irak

L’encre dont use Hassam Blasim pour écrire ses nouvelles est rouge comme la couleur du sang mais elle ne coule pas ou très peu dans ses courts récits. L’auteur exilé en Finlande fait miroiter un monde inquiétant et étrange, peuplé de lapins pondant des oeufs, d’assassins transformés en artistes, de fantômes et de crapules, où les hommes fuient leur destin. Le fluide rouge de vie se compresse et ternit dans les corps à demi vivants des personnages que l’on croise.

Cadavre Expo propose un  voyage en quinze escales au pays de la cruauté. Une comédie noire où l’on  traverse les ruines humaines d’un pays déchiré par la guerre et la terreur sans presque s’en apercevoir. Même si ici, la faiblesse du cœur ne parvient plus à alimenter tous les organes en oxygène. « Le réduve, une espèce de punaise, n’embrasse pas ses congénères, il préfère la bouche d’un être humain endormi. Il grimpe sur son visage, va jusqu’à la commissure des lèvres et commence à le bécoter. Ce faisant il produit une toxine. Quelques gouttes microscopiques à chaque baiser.»

Le travail des artères est ralenti par les humiliations successives. La grande circulation sanguine qui fluidifie habituellement notre rapport à l’altérité dysfonctionne sous les effets d’un fruit amer. Blasim  pousse la porte de l’effroi qui ouvre sur un monde encombré par les traumatismes, Cette perception atténuée du présent devient un principe actif libérant un imaginaire, lyrique et profane.

Entre Kafka et Borgès  pour l’univers et la désillusion, Hemingway pour la limpidité, le style de Blasim séduit d’emblée, et nous entraîne dangereusement dans ce cycle obstrué, où les veines ramènent le sang utilisé des organes chargé de déchets vers le cœur. Quand celui-ci se contracte pour expulser le sang, la pression est très forte, pour célébrer le vivant avec le peu qu’il reste de l’humain.

Jean-Marie Dinh

18 euros, en librairie le 12 janvier.

Source La Marseillaise 31/12/2016

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