Théâtre. Singulière histoire sexuelle et amoureuse

16508119_10155844653598146_1989802459945520608_n

Stephanie Marc dans La nuit la chair, Editions Espace 34

Elle se tient debout le dos au mur en fond de scène. Ce pourrait être un homme, mais ce soir cette voix sera celle d’une femme. L’organe sexuel masculin n’est pas le seul à pouvoir se prévaloir d’une érection. Elle fume dans l’obscurité en prenant le temps de tirer de bonnes bouffées. Elle  fait peser la suspension du temps.

Sur le devant de la scène, une estrade où les projecteurs éclairent le vide, derrière un grand lit mal fait, vague représentation d’un espace intime et sauvage. Le public  attend  activement les premiers mots en s’imprégnant de l’atmosphère, celui des ébats sexuels.

On est au Théâtre de Lattes, la pièce écrite par David Léon se nomme La nuit et la chair, elle est mise en scène par Alexis Lameda-Waksmann et interprétée par Stéphanie Marc.

16473750_10155844653698146_7000391677140252191_n« De deux choses l’une, ou la parole viendra à bout de l’érotisme ou l’érotisme viendra à bout de la parole. » Cette phrase de Georges Bataille figure en épigraphe du texte de Léon. Cette question s’inscrit dans le silence qui va donner vie au texte.

L’actrice quitte son mur pour venir vers nous, elle monte sur l’estrade, éteint sa première cigarette et s’adresse à nous sans duperie. « L’homme est assis en face de moi. Pas tout à fait à califourchon. Ni même en tailleur. Ses paumes pressés contre ses cuisses. Je le regarde. Je regarde l’homme. Image(s) après images(s). Son corps trapu ruisselle. Il a cette odeur âcre, amère comme un relent. Je vous masturbe. »

Exercice périlleux que de répondre à l’exigence d’abandon que requiert ce texte qui aborde les thèmes de la férocité, de l’écart, de l’extrême, du désir comme principe d’excès. Il est question du pouvoir, celui des mots que l’homme refuse. L’effacement des codes sociaux ne vaut que dans l’espace du sexe. Dehors, le froid, et les chiens, le protocole qui reprend ces droits. La recomposition imaginaire du monde ne s’entrebâille que dans la garçonnière.

Toutes ces forces traversent le corps exposé, brutalement interrompues par un court extrait musical hardcore (noyau dur). Belle trouvaille, qui donne à la mise en scène un tempo ultra speed,  en correspondance avec l’esprit cash et rock adopté par la comédienne.

Alexis Lameda-Waksmann prend le parti de travailler les contrastes, jouant sur la dualité détermination vulnérabilité. Stéphanie Marc incarne la figure érotique en s’attaquant au soleil.

JMDH

Source La Marseillaise 04/02/2017

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Littérature,

Parole intime dans l’espace fou

UnBatmanDansTaTete_3«Nous entendons tous des voix dans nos rêves.»

Treize Vents. « Un Batman dans la tête » mise en scène par Hélène Soulié.

A la récré, Matthieu, un adolescent de Béziers, utilise un rasoir contre ses camarades de classe. Acte incompréhensible, juteux fait divers générateur de clicks. Les lecteurs avides de sensations fortes, plébiscitent l’article sur les sites des journaux. L’auteur David Léon, dessine un jeune homme dans une baignoire avec un miroir qui le surplombe et écrit un texte pour le théâtre (éditions Espaces 34).

Il a dans l’idée de faire entendre une autre voix. D’aller plus loin en explorant la situation de l’intérieur. Il donne la parole à Matthieu qui raconte l’histoire en cherchant à se comprendre lui-même. Est-il si différent des lecteurs de faits divers ? Oui assurément, lui a commis des actes brutaux,  les raisons ? Il voulait « ressentir de l’émotion. »  Sans doute à cause de «la femme qui ne voulait pas être une mère et du père lâche

Mathieu passe beaucoup de temps sur sa console de jeu. Depuis qu’il s’est plongé dans les aventures du Batman, il entend une voix qui s’adresse à lui de façon répétée et envahissante. Il devient difficile de distinguer le réel. Lui-même dont personne ne s’occupe, l’est-il vraiment, réel ? La destruction lui permet de se construire, d’apprendre des choses sensibles. Il use de ses capacités cognitives, comme il peut, sans les autres.

L’auteur recompose son histoire, celle du Batman, de la quête identitaire de l’ado, de la violence et du meurtre. La force du texte est au coeur de la mise en scène d’Hélène Soulié  qui dessine  l’altération psychique des fonctions humaines comme on peint une nature presque morte. Dans une scénographie juste et précise Thomas Blanchard livre une performance époustouflante. La vie étouffée respire.

JMDH

Source L’Hérault du Jour, 01/03/2014

Voir aussi Rubrique Théâtre,