Moins d’un mois après son arrivée, Le Monde a révélé que le gouvernement d’Édouard Philippe souhaitait mettre l’état d’urgence dans le droit commun. Celui-ci a déjà été reconduit à quatre reprises, depuis les attentats de novembre 2015. La dernière fois, c’était en décembre dernier pour une prolongation jusqu’en juillet prochain. Mais avec ce nouveau projet de loi antiterroriste, quasiment toutes les mesures entreraient dans le droit commun (seulement pour des questions de terrorisme).
«Assignations à résidence, perquisitions administratives, fermetures de lieux de culte, zones de protection et de sécurité, toutes ces mesures emblématiques du régime d’exception créé en 1955 pendant la guerre d’Algérie et étoffé par touches successives depuis les attentats du 13 novembre 2015, devraient se retrouver dans la loi ordinaire avec quelques modifications marginales. Elles ne pourront néanmoins s’appliquer qu’à la matière antiterroriste. […] La marque de fabrique de cette transposition est que l’autorité judiciaire est maintenue à l’écart. Toutes ces mesures resteront l’apanage du ministère de l’Intérieur et des préfets, sans l’intervention d’un juge judiciaire.»
Plusieurs personnes et autorités s’inquiètent de ce choix de la part du premier gouvernement Philippe. Les magistrats ont d’ailleurs protesté et plusieurs associations réclament le retrait du projet de loi antiterroriste qui doit être examiné en conseil des ministres dans une semaine, le 21 juin.
Une République plus répressive
Il faut désormais y ajouter le comité de rédaction du New York Times. Dans un éditorial publié ce 12 juin, il rappelle la large victoire du parti d’Emmanuel Macron au premier tour des législatives et son imposante majorité si les projections venaient à se confirmer dimanche prochain, lors du second tour. Mais il tient ensuite à avertir des tentations d’abus de pouvoir, avant de s’inquiéter du projet de loi antiterroriste «qui légaliserait de façon permanente l’état d’urgence décrété par le président François Hollande, peu après les attentats terroristes à Paris, en novembre 2015».
«L’absence d’un rôle pour le judiciaire qui pourrait contrôler le pouvoir général de l’exécutif est troublante. Encore plus alarmant consiste à consacrer l’état d’urgence dans le droit ordinaire, ce qui donne un coup de frein permanent aux droits constitutionnels des citoyens français. […] De telles mesures n’ajoutent pas grand chose à la législation antiterroriste déjà existante qui a peu contribué à la lutte contre le terrorisme, tout en faisant du mal aux droits des citoyens.
La seule chose qui peut empêcher le projet de loi de devenir loi peut être le Conseil constitutionnel. […] Il ne doit pas permettre ce qui devait être une suspension extraordinaire et temporaire des droits des citoyens de devenir permanente. Sinon, la promesse du nouveau départ de M. Macron pour la France pourrait aboutir à une république plus répressive et préparer la voie à d’autres abus du pouvoir exécutif au-delà de son mandat.»
Le New York Times avait déjà publié un éditorial au vitriol en mars 2015. C’était alors pour s’en prendre au projet de loi renseignement, qui avait finalement été voté moins de deux mois plus tard.
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