Dimoné : « J’arrive à me trouver grotesque. »

Concert Rockstore nov 2014. Photo Marc Ginot

Concert Rockstore nov 2014. Photo Marc Ginot

Si c’était une couleur ? Le noir. Si c’était une paire de pompes ? Deux boots. Si c’était une figure du coin ? Dimoné, le rocker poète nourri à la contre-culture. Celles des hautes années du rock montpelliérain, OTH, les Shériffs, les Vierges… A l’époque il sévit à la basse dans Les Sulfateurs espagnols.

« J’étais dans la colonie. Acteur du collectif au coeur d’une énergie palpable dans la musique comme dans les mouvements sociaux étudiants. » Plutôt prudent face au rock français qui s’institutionnalise et la grande trahison de la gauche : « La politique est vouée à décevoir une part de moi qui est farouche. »

Évidemment la vie lui a joué des tours : « J’aimais le mythe du rocker mort à 27 ans mais quand c’est toi et que tu n’es pas mort, comment tu fais ?». Dimoné, difficile à saisir, impossible à fixer, fluctuant, et pourtant toujours Dimoné. Toujours la même métamorphose.

Prendre le risque

Dimoné a fait des expériences sociales diverses. Un père éducateur spécialisé, une mère au foyer : « je viens d’un milieu où on a l’idée qu’il faut travailler. Les métiers du spectacle m’ont accueilli. J’ai appris à monter des estrades pas à me trouver directement dessus

La compagnie de Dimoné est agréable, elle enrichit. Il est profond mais pas triste, prend le risque de vivre et aussi celui de mourir, joue avec cet éternel balancier. « J’ai entrepris la reconquête de mes tourments. Cela m’a ouvert le chemin sinueux des énigmes qui sont en moi maquillées de mystère. Pourquoi je porte la moustache ? Pourquoi cette barbe d’abeille ?», dit-il en se prenant une longue gorgée de bière.

Chez lui, imprudence et imprévu semblent avancer la main dans la main. Il fut un temps où on le voyait sur scène conjurer le temps en dansant, abdominaux à l’air. En novembre son concert au Rockstore tenait d’une autre facture. « J’ai coupé le fil de quelque chose. Je suis moins attaché à ma carcasse. Je n’ai pas le même désir de séduire. J’arrive à me trouver grotesque. »

L’oeuvre se révèle dans le temple du rock montpelliérain mêlant texte, musique, intimité avec le public. « Jouer à Montpellier c’est différent. Je ne fais pas le show parce que je pourrais être dans le public. » Reste le côté sacrificiel du moment de scène. « Il faut que tu correspondes à ce qu’on attend et que tu surprennes. Il faut accepter de se faire manger et manger, passer par la transpiration. Tu t’abîmes, paies de toi, tu disparais un peu à chaque fois. »

Dimoné bâtit sa légende malgré lui. Celle d’un artiste audacieux affrontant les défis de la vie et de son art qui débute par le texte. « D’abord le texte. Puis, quand le matériau mot est là, je le redistribue. L’auteur que j’ai été ventile en étant un peu irrévérencieux avec le texte. Pendant longtemps je pensais faire du rock-n-roll. Je sais aujourd’hui que je fais un métier. »

L’album Bien hommé mal femmé est à caler dans la platine. Dimoné s’exprime par son contraire et son complémentaire. « Ce n’est pas ce qu’on dit qui est intéressant, c’est de le dire.» Un filon en attendant que les dérives nous submergent.

Jean-Marie Dinh

Subchronique

Le bien nommé Dimoné malfamé

IMG_9496-e1413441499991Dimoné, le dandy fumeux, vient de sortir un nouvel album, Bien hommé mal femmée. Le plus souvent, on a l’impression que c’est à nous qu’il s’adresse, qu’il nous parle de conditions de vie connue, sans nous mettre au courant des tristes nouvelles du CAC 40, juste pour parler des choses du monde, en cachant sa peine. De ces choses on ne retient rien ou presque à la première écoute. Après sa voix nous appartient. Le corpus poétique de cet album aborde la question du genre, maintes observations y ont creusé d’invisibles et discrètes lacunes. Main négligente et genoux tremblant, naufrage du corpus dont l’existence se perçoit en creux. Photographie, presque de famille, transformée qui s’envisage comme une expérience de l’extrême, de lanceur de couteaux poussé aux limites de ses possibilités. Une vie d’artiste partagée où l’amour se meut dans les milieux artistiques, oscillant entre poésie, art littérature, théâtre et rock n roll. Reste le jeu de l’illusion. Comme il est illusoire de vouloir rattacher Dimoné à une école. Une forme de fascination, pour la naissance, l’apparition, l’évanouissement, l’incarnation de l’image pour être un objet du monde, quelque chose de noir mais aussi de lumineux.

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