Régulièrement menacé, le photoreporter Ruben Espinosa avait fui l’Etat de Veracruz où quinze de ses confrères ont été tués depuis 2010.
La journée de dimanche a été celle du deuil au Mexique, au lendemain de la découverte de cinq cadavres torturés dans un appartement de Mexico : quatre femmes et un homme, le photojournaliste Rubén Espinosa, 31 ans. Spécialisé dans la couverture des conflits sociaux dans l’Etat de Veracruz, il avait décidé début juin de se réfugier dans la capitale, pour échapper aux menaces et intimidations qu’il dénonçait régulièrement. Même si les autorités restent prudentes sur le mobile du quintuple assassinat, des rassemblements ont eu lieu dimanche à Xalapa, capitale de Veracruz, et à Mexico. Les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme ont réclamé justice pour leur camarade assassiné.
L’une des victimes était une amie de Rubén Espinosa, militante dans les milieux étudiants. Les identités des trois autres femmes (dont une employée de maison) n’ont pas été officiellement dévoilées. Les corps sont apparus les mains attachées, avec des traces de violences et achevés par un coup de grâce.
Rubén Espinosa travaillait pour le magazine de gauche Proceso, pour l’agence d’images Cuarto Oscuro et pour plusieurs médias régionaux. Dans l’Etat de Veracruz, où le groupe criminel du cartel des Zetas est très actif, 15 journalistes ont été tués depuis 2010, date de l’arrivée au poste de gouverneur de Javier Duarte de Ochoa, membre du PRI, le parti de droite du président, Peña Nieto. L’assassinat le plus commenté fut celui de Regina Martinez, en 2012. La journaliste de Proceso et du quotidien de gauche la Jornada enquêtait sur les liens supposés entre Duarte et les Zetas.
Carte mémoire
En 2013, le reporter avait été violemment frappé par la police régionale alors qu’il couvrait une manifestation d’enseignants à Xalapa, et forcé d’effacer la carte mémoire de son appareil photo. Après avoir alerté la justice, il s’était vu proposer de l’argent, en échange du retrait de sa plainte, par des proches de Duarte, avait-il révélé.
L’ONG Article 19, qui défend la liberté d’expression, souligne qu’environ 80 journalistes mexicains menacés ont trouvé refuge dans la capitale, où les autorités sont supposées veiller à leur sécurité. Dans le cas d’Espinosa, il semble qu’aucune mesure de protection n’avait été prise. Selon Reporters sans frontières, plus de 80 journalistes ont été tués au Mexique au cours de la dernière décennie, et 17 sont portés disparus.