Pulsatilla sur le grill

« La cellulite c’est comme la mafia ça n’existe pas ». Il faut bien dire que le livre de cette jeune Italienne a éveillé les légitimes soupçons de la cellule antiterroriste qui, vigipirate oblige, s’est déplacée, lors de sa venue à Montpellier, pour en avoir le cœur net. C’est entre autre la raison pour laquelle, vite fait bien fait, l’interview programmée par le réseau Sauramps s’est transformée en interrogatoire. Ce qui est à peu de chose près,  la même chose.

Nom, prénom, date de naissance…

« Mais euh… je suis auteur j’avais rendez-vous avec un journaliste. Il n’est pas là ? »

L’inspecteur au traducteur, menaçant de se mettre en colère : dites-lui que ça commence très mal. C’est pas parce qu’on est chez Polymôme qu’on est venu pour jouer. Et qu’elle arrête de poser les questions. Compris ?

Alors on reprend. Nom, prénom, lieu et date de naissance …

« Dina Poly, née le 29 août 1981 à Foggia ».

Foggia, c’est sympa cette ville. Les gens ont de fermes convictions là-bas. Ils votent pour le parti Forza Italia. Je connais le parking du centre commercial. On s’y est promenés avec ma femme… Bon… Dites-moi, pourquoi vous avez dédié votre bouquin à vos parents qui ont fricoté avec l’extrême gauche, et aussi à ce type inconnu qu’est pas dans nos fiches ?

« Pour le type ça s’est fait un soir d’ivresse. Il m’a demandé : Tu me dédies ton livre et j’ai répondu : Un peu ouais ! Je ne sais plus qui sait. Pour mes parents, s’ils avaient pu être un peu plus riches, ils n’auraient jamais été de gauche. D’ailleurs, ils m’ont toujours conseillé de faire un bon métier. »

Ouais ! ah ah, comme tous ces foutus communistes qui veulent que leurs enfants soient médecin ou avocat. Vous confirmez avoir  fait des études religieuses ?

« Oui. Et je suis restée catholique. Je pense même me marier et avoir trois ou quatre enfants. Mais les études, j’en garde un très mauvais souvenir ».

A cause de vos mauvaises fréquentations avec les toxicos. Et vous continuez les stupéfiants en pensant que ça vous aidera dans vos prières peut-être ?

« Oui, c’est vrai je suis restée fumeuse ».

Il suffit de vous lire pour le savoir. On passe sur vos expériences sexuelles qui vous ont quand même laissé le temps de lancer votre blog…

« J’ai fait ça à 22 ans pour occuper mes heures d’ennui. Un éditeur est tombé dessus et m’a proposé de faire un livre qui a bien marché ».

Oui 100 000 exemplaires, ça fait un paquet de pognon. Que faites-vous de tout ce fric ?

La jeune fille s’impatiente comme si elle avait envie de faire pipi. Son traducteur prend le relais :

« Elle dit qu’elle a tout dépensé en Sushi. »

Qu’avez-vous mangé à midi ?

« Une petite daurade avec des courgettes et des aubergines. Plus un petit café ».

Pointant du doigt ses pieds : et ces chaussures, combien elles vous ont coûté ? 

« Trop cher. Mais j’en consomme beaucoup parce que j’ai l’habitude de les jeter sur mes boyfriends ».

Commencez pas avec les anglicismes. Zidane vous en pensez quoi ?

« Il est chaud ».

Moi j’aime bien votre président. Il est comme le nôtre, il parle vrai. Par exemple quand il dit que la gauche n’a pas de goût pour les femmes, il n’a pas tort. Mais d’après vous qui a le plus de cellulite, sa femme ou Carla ?

« Question difficile, parce que chez elle, la cellulite est bien cachée à l’intérieur du cerveau ».

A la page 214 de votre bouquin Vous dites « que la vérité ça simplifie la vie ». Vous y croyez vraiment ?

« Je ne mens jamais. C’est trop fatigant de mentir ».

Bon ça va, circulez. On vous laisse libre… pour cette fois.

« La cellulite c’est comme la mafia ça n’existe pas », Au diable Vauvert, 17 euros.

La rançon du succès éveille autant de soupçons que l’innocence

Photo : François Richard

Saburo Teshigawara : Physique et spirituel

teshigawara-miroku

« J'avais envie de créer un nouveau temps promis à personne »

Saburo Teshigawara. Le chorégraphe japonais présente son solo « Miroku » à l’Opéra Comédie dans le cadre du festival Montpellier Danse.

Saburo Teshigawara fonde sa compagnie en 1985 et n’a cessé d’explorer depuis, les voix du langage chorégraphique. A travers une démarche qui n’établit pas de distinction entre le corps et esprit, le danseur devient le vecteur naturel d’une énergie et source d’innombrables innovations. « Quand je commence à danser, je me mets en position de faiblesse pour capter la force qui m’entoure. » Il présente ce soir le solo Miroku signifiant « L’esprit qui vient du futur ». Ce spectacle produit par le Karas, New national théâtre Tokyo, conduit le chorégraphe à interroger la notion de distance et de temps. « C’est une aventure avec le temps et la transformation infinie. Ici, je m’intéresse au temps naissant. J’avais envie de créer un nouveau temps promis à personne. » L’intention passe par la présence physique du danseur dans son environnement autant qu’elle la dépasse pour rejoindre les faisceaux de l’harmonie spirituelle. « Connaître la limite du mouvement, c’est s’intéresser à la profondeur. On peut mesurer la limite physique de cette profondeur, mais la profondeur spirituelle ne peut se mesurer. C’est l’infini. » L’artiste dont la réputation internationale n’est plus à faire est connu pour l’extrême soin qu’il attache au dispositif scénique dont il assure la conception globale. Et notamment la création lumière qui tient une place centrale dans Miroku. « Dans le spectacle, la lumière permet la rencontre entre l’intérieur et l’extérieur. Elle change la texture de l’espace et permet la perception de l’invisible qui n’est pas spirituel mais bien concret. » La marque esthétique de Saburo Teshigawara s’avère puissante sans rien céder au désir de plaire.

Jean-Marie Dinh


Saburo Teshigawara. « Miroku » un solo jusqu’au bout des limites.

Rencontre du 3ème type : « La profondeur spirituelle ne peut se mesurer »

Deux soirs de suite, l’Opéra est resté suspendu au solo de Saburo Teshigawara. C’est peu dire que Miroku, dont le titre issu de la mythologie shinto fait référence à l’esprit qui vient du futur, nous emporte. A l’aune du décalage fréquent entre le discours des artistes sur leur travail et leur œuvre, on mesure la rigueur avec laquelle Teshigawara affirme la clarté de son intention sans y déroger. Outre la noblesse d’âme et la teneur du risque, la démarche de l’artiste s’avère ici totale. On peut comparer Miroku aux performances américaines des années 60 et 70 dans la façon de saisir l’instant comme support de création, à la différence que le chorégraphe se saisit de l’énergie du présent pour renouer avec la vie des forces ancestrales, avec l’ambition de se projeter vers l’avenir. Le solo devient alors aventure vers l’infini, improbable destination qui ouvre sur un temps naissant. Le discours paraît fumeux. Mais la mise en contact corporelle et spirituelle qui se tient sur scène dissipe toute ambiguïté. Tout est en action au-delà des cinq sens et du mouvement précis et rapide qui exprime le conflit intérieur/extérieur de l’homme jusqu’au bout des limites physique. Pris entre le champ de la pesanteur et la force attractive qui s’y oppose, le corps du danseur s’anime en fonction des espaces dont la lumière modifie la texture. Par moment le danseur devient le véritable vecteur de l’énergie condensée qui le traverse. Au commencement, le corps presque inanimé se charge des vibrations chères à la physique quantique. Il s’anime peu à peu pour détruire l’image du monde matériel et le rapport à la distance y compris celle avec le public dont l’énergie captée contribue à la transformation.

Le public n’a pas fait que voir, il a aussi distingué l’invisible. Avec Miroku, Teshigawara accède à la substance même de la danse qu’il rend perceptible.

JMDH

Voir aussi : Rubrique Japon Le Kabuki-za ferme, rubrique Montpellier,De Goldorak à la cérémonie du thé , Livre La naissance du théâtre moderne, Danse La danse des ténèbres


Maxime Chattam :  » Ne rien laisser au hasard »

« Comment vous est venue l’idée de base de la théorie Gaïa ?

Au départ je suis tombé sur des statistiques de La Croix Rouge démontrant une augmentation de 60% en dix ans du taux de catastrophes naturelles. Parallèlement à cela, je disposais d’information sur l’évolution préoccupante du nombre de serial killers qui suivent à peu près la même courbe. Je me suis dit qu’il y avait là un rapport intéressant à explorer. Ce que j’ai fait.

Les serial killers sont-ils incontournables ?

Je trouve intéressant le comportement des tueurs en série. Seuls 6 ou 7% d’entre eux sont des psychotiques. Le reste, c’est-à-dire la grande majorité, n’ont pas développé de pathologie. Ils sont responsables et parfaitement conscients. Pire, ils aiment ça. Le tueur en série est comme vous et moi, sauf que son plaisir se construit sur la destruction de l’autre. Le serial killer c’est celui qui ce dit en ce réjouissant : ce week-end, je vais trafiquer les portes de ma voiture pour que la prochaine, elle ne puisse pas sortir.

Ceux qui circulent dans les pages de votre dernier livre présentent peu de profondeur psychologique ?

J’ai théorisé sur ce que sont les tueurs en série dans mes trois premiers romans qui abordent la nature du mal, au  sens non religieux du terme. Je me suis attaché à développer les réactions des individus. Dans la théorie Gaïa, qui conclut une trilogie sur l’homme moderne*, les tueurs en série ne sont que la figure monstrueuse de l’homme. C’est un éclairage complètement différent qui s’attache aux pulsions primitives. L’homme n’est ni noir ni blanc. Il est toujours gris.

Partagez-vous l’idée que les  chefs de gouvernement sont les plus grands serial killers ?

Je pense que nous ne sommes plus aujourd’hui en démocratie mais en lobbycratie, dans laquelle les chefs de gouvernement ne sont plus que des pions. Et cette situation est planétaire. On retrouve partout la même façon de faire. Les chefs d’Etats gouvernent à partir des statistiques et des sondages.

Faut-il voir un engagement dans votre façon d’évoquer les magouilles de la Commission européenne et, à certains endroits, le discours critique des citoyens ?

La Commission européenne ne cesse de renforcer l’aspect technocratique dans lequel le monde est déshumanisé. Je ne fais pas partie des utopistes ou des éternels insatisfaits. La nature humaine est un système complexe. Je ne suis pas militant, j’ai du mal à penser que l’on peut changer le système. Ce monde fait naître des angoisses. Ecrire ça me rassure.

Comment gérez-vous votre succès, souffrez-vous des contraintes marketing ?

J’ai un très bon éditeur. Il me suit. Il s’adapte. Je tiens compte de ce qu’il pense et j’ai mon mot à dire. J’ai un certain recul pour savoir tenir ma place, chacun son métier. Moi j’ai besoin d’un rythme intense. J’écris 7 à 8 heures par jour. Je n’aime pas finir un livre sans savoir où je vais. Aujourd’hui, je sais ce que je vais faire jusqu’en 2013. « 

La trilogie se compose de : « Les arcanes du Chaos », « Prédateurs »,  et « La Théorie Gaïa »,  chez Albin Michel

Leg : Maxime Chattam : « Le mécanisme du mal, une pulsion ? »

photo : Rédouane Anfoussi

Un parcours sans faute

Maxime Chattam est en phase avec son époque. A 32 ans, l’auteur prolixe s’est propulsé en quelques années  dans le top 10 des meilleures ventes françaises. Son parcours fait rêver ou cauchemarder, selon les cas, bon nombre de ses confrères qui triment talentueusement dans la veine du noir.

Employé d’une grande enseigne culturelle, le jeune homme plutôt réservé, tire intelligemment profit de son observation du monde de l’édition. Expérience qu’il ira parfaire aux Etats-Unis. L’écrivain dit volontiers sa passion pour le cinéma américain et les romans de Tolkien. Et affirme un goût prononcé pour Stephen King dont il décortique les facteurs de succès avant de se lancer dans l’écriture. Après un roman fantastique, sa première trilogie, dite du mal,  « Maléfice, In Tenebris, et l’Ame du mal » permet à l’auteur d’étancher sa curiosité naturelle. Maxime Chattam s’intéresse de près à un des  archétypes du mal, en mettant au cœur de son intrigue la réalité des sérial killers. Sur les traces de Patricia Cornwell, Chattam  trouvera de la matière en entamant une formation en criminologie où il étudie notamment la psychiatrie criminelle, la police technique et scientifique, ainsi que la médecine légale. La Théorie Gaïa qu’il est venu présenter, clôt le cycle d’une seconde trilogie consacrée à l’humain. Mais avec Chattam, il était improbable que l’humain se présente sous son meilleur jour.

Retour au pays des âmes piégées

Nicolaï Maslov est né en Sibérie en 1953. Ses deux livres de BD apportent un regard créatif qui renouvelle le genre en ouvrant un champ d’expression inédit. Dans Les Fils d’octobre, son dernier-né, l’auteur que l’on peut résolument situer dans le champ littéraire, nous entraîne sur les pas d’un homme qui lors d’une visite, retrouve les lieux de son enfance. La Sibérie de l’après communisme nous ouvre sur la réalité méconnue du monde rural russe. Celle qui a perdu ses kolkhozes, ainsi que la structure économique et sécurisante qui les accompagnait. Il reste peu de monde sur place, mais toujours beaucoup d’espace. Le temps très perceptible semble s’être arrêté pour les habitants qui sont restés là. Et pour ceux qui n’ont pas grossi le flux de l’immigration urbaine, l’alcool a souvent remplacé le travail.

Mais la puissance de la nature demeure comme une mémoire d’enfance. « Le sujet met longtemps à mûrir en moi, explique l’auteur. J’accumule les infos qui entrent. Puis vient un désir fou de partager avec les autres ce qui m’émeut. Peu importe ce qui est reçu. Je dessine juste pour enlever le fardeau qui pèse sur mon cœur. L’écrivain n’a rien à apprendre à personne ». Maslov le pense. Mais ses livres ont tout de suite été salués par un large public. Peut-être parce que  ses dessins disent l’indicible et que l’homme est sincère…

L’image prédomine largement sur le texte. Elle insuffle une forte charge poétique. « Je décris une situation où l’être est tellement embourbé, qu’il a du mal à travailler sur lui-même pour changer sa vie. Je n’ai pas besoin de beaucoup de mots pour cela. » Après avoir été accueilli à La Maison des Auteurs d’Angoulême, Maslov est retourné à Moscou où il vient d’entamer une histoire de la Sibérie.

Les Fils d’octobre, éd Denoël.

Nicolaï Maslov un auteur à découvrir.

Photo : Rédouane Anfoussi

Soljenitsyne, un classique et un survivant

Grande figure de l’édition française, le patron des éditions Fayard Claude Durand signe dès 1967 avec Gabriel Garcia Marquez, pour Cent ans de solitude. Outre Soljenitsyne, il est également l’agent de Lech Walesa et de Ismail Kadaré et s’illustre dans l’hexagone par quelques coups d’éclat comme le transfert de Houellebecq ou la publication de  » La face cachée du Monde. « 

Que retenez-vous de marquant dans la relation de 35 ans qui vous lie à Soljenitsyne ?

 » La qualité, la durée et la fraternité de la relation. On a souvent présenté Alexandre Soljenitsyne comme quelqu’un de rugueux, d’autoritaire, il l’est, avec les puissants peut-être, mais dans le travail quotidien entre auteur et éditeur, il a toujours été d’une très grande courtoisie, d’une grande fidélité. Chaque fois que nous avons rencontré des problèmes, notre concertation a toujours était féconde. Elle se base sur la confiance. Il n’y a jamais eu l’ombre d’une mésentente entre nous.

La première partie de son œuvre se voit couronnée par le prix Nobel en 1970…

Une journée d’Ivan Denissovitch et Le pavillon des cancéreux sont les seuls livres qui ont pu être publiés sous Khrouchtchev. Le premier cercle, comme son épopée historique de la Russie La roue rouge qui réunit plusieurs gros volumes représentant l’équivalent de trois ou quatre fois Guerre et paix de Tolstoï, paraissent en Occident.

Et vous signez avec lui en 73, peu après son exil, L’archipel du Goulag, qui fait date…

Ce fut un coup de tonnerre considérable pas seulement au niveau de l’information et de la qualité littéraire, mais aussi du point de vue des répercussions politiques. Je pense que l’on peut dire qu’il y a trois hommes dont l’action, sous diverses formes, a abouti à la chute du mur de Berlin. Soljenitsyne, Lech Walesa et Jean-Paul II.

Vous en avez signé deux. Il reste donc quelque chose à faire du côté du Vatican…

Oui exactement (rire).

N’y a-t-il pas un paradoxe dans ce cheminement qui voit Soljenitsyne critiquer le système soviétique et l’Etat à ses débuts et recevoir l’année dernière le prix d’Etat des mains de Vladimir Poutine ?

Il ne critique pas l’Etat en tant que tel, mais l’Etat communiste et la dictature. Et il ne considère pas que la Russie actuelle est sous un régime dictatorial, ou alors on ne sait plus ce que les mots veulent dire. Il y a certainement des manifestations d’autorité. Mais si l’on regarde bien la constitution russe, on constate qu’elle n’est pas très différente de la constitution française de la Ve République. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problème de liberté d’expression. Comme dans tous les pays sortis d’une grande dictature, la marche à la démocratie ne se fait pas du jour au lendemain. La France a eu besoin de plusieurs siècles pour que la IIIe République installe définitivement la démocratie. On peut accorder un certain temps à la Russie pour parfaire son système.

Le point commun entre les deux hommes serait-il l’amour partagé de la nation, voire du nationalisme ?

Je pense que Poutine serait ravi de se trouver des points communs avec Soljenitsyne. Est-ce que la réciproque est vraie ? Je n’irais pas jusque là. Plus la Russie s’est trouvée vulnérable, après la chute du mur de Berlin et l’éclatement de l’Union soviétique, plus effectivement il y a eu un réflexe de patriotisme en Russie, comme chez les intellectuels, y compris Soljenitsyne. On peut augurer que la Russie redevenant une puissance économique, grâce à ses ressources pétrolières et gazières, le facteur autoprotection jouera beaucoup moins à l’avenir.

Mais c’est vrai que Soljenitsyne est très attentif à ce que la Russie sortie du communisme, ne soit pas en butte à toutes les critiques que l’on voit fleurir comme s’il ne s’était rien passé sous Eltsine ou Gorbatchev.

Soljenitsyne s’est très tôt prononcé contre l’implication en Tchétchénie…

On a souvent dit que Soljenitsyne pensait en termes de Grande Russie ce qui, naturellement, est totalement faux, puisque dès 1973, il adresse une lettre ouverte aux dirigeants de l’Union Soviétique à Léonid Brejnev dans laquelle il demandait que l’URSS renonce à son impérialisme sur les autres nations.

Aujourd’hui, de jeunes auteurs Russes abordent également ce conflit…

Oui, la grande différence avec Soljennitsyne est qu’il appartient au XXe siècle. Et figure comme l’écrivain témoin d’un des deux grands drames de ce siècle, le Goulag. Au XXIe, il apparaît à la fois comme un survivant et un classique que l’on enseigne dans les écoles et les universités, un classique vivant.

Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération invitée à la Comédie du livre ?

C’est une génération extrêmement variée comme souvent après une sortie de clandestinité. Il y a parfois un empressement à aller au plus facile de la liberté. Par exemple, toute une catégorie d’écrivains s’empresse de copier ce qui marche en Occident. On a d’un côté cette vogue occidentaliste et de l’autre, une école qui incarne plutôt un retour aux traditions de la littérature russe.

A l’inverse des médias, cette nouvelle sphère de pensée, ne semble guère être contrôlée par le pouvoir ?

Ce n’est pas tellement rassurant, parce que cela veut dire que l’on considère peut-être ces œuvres non dangereuses. Ce qui n’est pas un bon point pour la littérature de combat.

Certains auteurs ne se privent pas de cette liberté de critique…

C’est probablement le tempérament russe, les intellectuels et les écrivains ont vite fait de prendre leur part de liberté. Puisque ce sont des gens d’écriture et de parole, ils ont plus d’ardeur à s’en servir que les gens qui n’ont pas l’habitude de manier les mots. Tout cela est normal, on retrouve le même phénomène en occident… Peut-être pas assez d’ailleurs… « 

Claude Durand l’agent exclusif de Soljenitsyne.

DR