Saburo Teshigawara : Physique et spirituel

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« J'avais envie de créer un nouveau temps promis à personne »

Saburo Teshigawara. Le chorégraphe japonais présente son solo « Miroku » à l’Opéra Comédie dans le cadre du festival Montpellier Danse.

Saburo Teshigawara fonde sa compagnie en 1985 et n’a cessé d’explorer depuis, les voix du langage chorégraphique. A travers une démarche qui n’établit pas de distinction entre le corps et esprit, le danseur devient le vecteur naturel d’une énergie et source d’innombrables innovations. « Quand je commence à danser, je me mets en position de faiblesse pour capter la force qui m’entoure. » Il présente ce soir le solo Miroku signifiant « L’esprit qui vient du futur ». Ce spectacle produit par le Karas, New national théâtre Tokyo, conduit le chorégraphe à interroger la notion de distance et de temps. « C’est une aventure avec le temps et la transformation infinie. Ici, je m’intéresse au temps naissant. J’avais envie de créer un nouveau temps promis à personne. » L’intention passe par la présence physique du danseur dans son environnement autant qu’elle la dépasse pour rejoindre les faisceaux de l’harmonie spirituelle. « Connaître la limite du mouvement, c’est s’intéresser à la profondeur. On peut mesurer la limite physique de cette profondeur, mais la profondeur spirituelle ne peut se mesurer. C’est l’infini. » L’artiste dont la réputation internationale n’est plus à faire est connu pour l’extrême soin qu’il attache au dispositif scénique dont il assure la conception globale. Et notamment la création lumière qui tient une place centrale dans Miroku. « Dans le spectacle, la lumière permet la rencontre entre l’intérieur et l’extérieur. Elle change la texture de l’espace et permet la perception de l’invisible qui n’est pas spirituel mais bien concret. » La marque esthétique de Saburo Teshigawara s’avère puissante sans rien céder au désir de plaire.

Jean-Marie Dinh


Saburo Teshigawara. « Miroku » un solo jusqu’au bout des limites.

Rencontre du 3ème type : « La profondeur spirituelle ne peut se mesurer »

Deux soirs de suite, l’Opéra est resté suspendu au solo de Saburo Teshigawara. C’est peu dire que Miroku, dont le titre issu de la mythologie shinto fait référence à l’esprit qui vient du futur, nous emporte. A l’aune du décalage fréquent entre le discours des artistes sur leur travail et leur œuvre, on mesure la rigueur avec laquelle Teshigawara affirme la clarté de son intention sans y déroger. Outre la noblesse d’âme et la teneur du risque, la démarche de l’artiste s’avère ici totale. On peut comparer Miroku aux performances américaines des années 60 et 70 dans la façon de saisir l’instant comme support de création, à la différence que le chorégraphe se saisit de l’énergie du présent pour renouer avec la vie des forces ancestrales, avec l’ambition de se projeter vers l’avenir. Le solo devient alors aventure vers l’infini, improbable destination qui ouvre sur un temps naissant. Le discours paraît fumeux. Mais la mise en contact corporelle et spirituelle qui se tient sur scène dissipe toute ambiguïté. Tout est en action au-delà des cinq sens et du mouvement précis et rapide qui exprime le conflit intérieur/extérieur de l’homme jusqu’au bout des limites physique. Pris entre le champ de la pesanteur et la force attractive qui s’y oppose, le corps du danseur s’anime en fonction des espaces dont la lumière modifie la texture. Par moment le danseur devient le véritable vecteur de l’énergie condensée qui le traverse. Au commencement, le corps presque inanimé se charge des vibrations chères à la physique quantique. Il s’anime peu à peu pour détruire l’image du monde matériel et le rapport à la distance y compris celle avec le public dont l’énergie captée contribue à la transformation.

Le public n’a pas fait que voir, il a aussi distingué l’invisible. Avec Miroku, Teshigawara accède à la substance même de la danse qu’il rend perceptible.

JMDH

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