Montebourg : « TFI a une tradition délinquante »

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Le député socialiste Arnaud Montebourg s’en est pris dimanche à nouveau à TF1, l’accusant d’être une «chaîne à tradition délinquante par rapport à ses obligations» et de bénéficier de «privilèges injustifiés». «Voilà une chaîne qui s’adresse à presque la moitié des Français, qui dispose d’un quasi-monopole et qui a réussi en quelque sorte à circonvenir toutes les autorités et les contre-pouvoirs qui pouvaient lui demander des comptes», a affirmé le dirigeant socialiste au «Grand Rendez-vous Europe 1/Le Parisien-Aujourd’hui en France».

Affirmant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel «passe son temps depuis des années à la rappeler à l’ordre», il a lancé: «C’est une chaîne, j’allais dire, qui a une tradition délinquante par rapport à ses obligations réglementaires». «Comme les routes, les routes hertziennes dans l’air appartiennent à tout le pays» et «nous sommes en droit de poser quelques questions à ceux qui utilisent de façon contestable ce domaine public», a encore fait valoir le député de Saône-et-Loire.

«Regardez le nombre de meurtres, de viols, de crimes qui sont mis en scène, scénarisés dans toutes les séries, les films qui sont choisis par cette chaîne!», a-t-il poursuivi. Alors qu’elle a été «privatisée sur un contrat, le mieux disant culturel», «il y a une sorte d’escroquerie finalement», a-t-il jugé.

M. Montebourg a suggéré qu’on remette en concurrence la concession accordée à TF1. Le «renouvellement automatique» de cette concession a été décidé «par la droite comme beaucoup d’avantages et de privilèges», a-t-il accusé. Pour lui, «ce sont des privilèges injustifiés de la part d’une chaîne qui ne fait pas son travail, ne respecte pas ses obligations». «C’est comme si on confiait à une société d’autoroute privée le soin d’exploiter nos autoroutes et qu’elle ne bouchait pas les nids-de-poule», a-t-il encore dit.

Dans un documentaire de Pierre Carles, le député avait récemment qualifié TF1 de «télé de droite» et déclaré à l’équipe: «C’est le moment de taper sur TF1, c’est pour cela que je vais vous donner un coup de main». Nonce Paolini, PDG de la chaîne, avait jugé ces propos «consternants».

AFP

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Avec «le Jeu de la mort», la télé explore ses limites.

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Les candidats prêts à en torturer d’autres pour complaire à la caméra : le documentaire de Christophe Nick diffusé ce soir sur France 2 instruit le procès d’une télé-réalité imposant sa toute-puissance jusqu’à l’extrême

Pour la première fois de sa jeune histoire, la télévision se joue d’elle-même. Pour la première fois, elle se sert de ses propres armes, un jeu dont la nullité ne déparerait pas sur TF1 entre le Juste prix de Lagaf et les boîtes d’Arthur, afin de se décortiquer. Afin d’analyser ses propres effets, afin de trépaner le téléspectateur, celui qui passe 3 h 39 chaque jour devant le petit écran, une consommation qui va sans cesse augmentant. Et c’est à une trépanation à vif que se livre Christophe Nick dans le Jeu de la mort que diffuse France 2 ce soir à 20 h 35. L’expérience cathodique est sans précédent : appuyé par des scientifiques, Nick tente de démontrer que les candidats d’un jeu télé sont prêts à infliger des décharges électriques mortelles. «Ainsi, dit la voix off, la télévision peut sans contestation possible organiser demain la mise à mort d’un individu en guise de divertissement: huit personnes sur dix s’y soumettront.»

Réquisitoire. C’est un réquisitoire contre la télé-réalité que délivre Nick, dénonçant même une «kohlantisation» de la société, sans se demander si ce n’est pas précisément cette société faite de plans sociaux et de «destruction d’emplois» qui engendre les Koh-Lanta et autre Maillon faible. Sans accorder au téléspectateur le bénéfice d’un œil critique voire amusé sur les galipettes de Loana.

Même si le projet a été lancé il y a plusieurs années, le réquisitoire de Nick tombe parfaitement bien pour France Télévisions. Si Nicolas Sarkozy a supprimé d’un coup d’un seul la publicité des antennes publiques, c’était parce que notre téléphage de président jugeait qu’elles ne se distinguaient pas assez des chaînes commerciales. Un reproche maintes fois formulé par le président de la République, malgré la réalité des grilles publiques bien différentes de celles, attrape-ménagères de moins de 50 ans, de TF1 et M6. Ainsi, jamais France 2 ou France 3 n’ont hébergé de Loft Story ou de Star Ac. Avec l’opération Le Jeu de la mort, la Deux se paie même le luxe d’aller dauber sur les pratiques de ses rivales commerciales.

Panache. Joli baroud de Patrick de Carolis et Patrice Duhamel qui, à la présidence de France Télévisions, commencent déjà à faire leurs cartons. D’ici l’été, le président de la République va en effet user du superpouvoir qu’il s’est lui-même arrogé : la désignation du patron de l’audiovisuel public. Qu’est-ce que Sarkozy va bien pouvoir reprocher à ce Carolis qui, ce soir, diffuse un pamphlet, fût-il balourd, fût-il maladroit, contre la télé-réalité dont se repaît en ce moment même, avec la Ferme Célébrités, son ami Martin Bouygues ? Le documentaire de Christophe Nick a d’ailleurs fortement irrité TF1 et M6: le 26 février dernier lors d’un dîner rue de Valois, des représentants des deux chaînes se sont rués sur le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand pour se plaindre de Carolis…

Mais son panache est vain : déjà, le président de France Télévisions a dû accepter de négocier la vente de la régie pub publique à Stéphane Courbit. Celui-là même qui, au capital de sa société, compte un certain Alain Minc. Celui-là même qui a inspiré à Sarkozy la suppression de la pub après 20 heures sur France Télévisions… La réalité de la télé est bien plus cruelle que la télé-réalité.

Raphaël  Garrigos et Isabelle Roberts (Libération)

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