Avec «le Jeu de la mort», la télé explore ses limites.

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Les candidats prêts à en torturer d’autres pour complaire à la caméra : le documentaire de Christophe Nick diffusé ce soir sur France 2 instruit le procès d’une télé-réalité imposant sa toute-puissance jusqu’à l’extrême

Pour la première fois de sa jeune histoire, la télévision se joue d’elle-même. Pour la première fois, elle se sert de ses propres armes, un jeu dont la nullité ne déparerait pas sur TF1 entre le Juste prix de Lagaf et les boîtes d’Arthur, afin de se décortiquer. Afin d’analyser ses propres effets, afin de trépaner le téléspectateur, celui qui passe 3 h 39 chaque jour devant le petit écran, une consommation qui va sans cesse augmentant. Et c’est à une trépanation à vif que se livre Christophe Nick dans le Jeu de la mort que diffuse France 2 ce soir à 20 h 35. L’expérience cathodique est sans précédent : appuyé par des scientifiques, Nick tente de démontrer que les candidats d’un jeu télé sont prêts à infliger des décharges électriques mortelles. «Ainsi, dit la voix off, la télévision peut sans contestation possible organiser demain la mise à mort d’un individu en guise de divertissement: huit personnes sur dix s’y soumettront.»

Réquisitoire. C’est un réquisitoire contre la télé-réalité que délivre Nick, dénonçant même une «kohlantisation» de la société, sans se demander si ce n’est pas précisément cette société faite de plans sociaux et de «destruction d’emplois» qui engendre les Koh-Lanta et autre Maillon faible. Sans accorder au téléspectateur le bénéfice d’un œil critique voire amusé sur les galipettes de Loana.

Même si le projet a été lancé il y a plusieurs années, le réquisitoire de Nick tombe parfaitement bien pour France Télévisions. Si Nicolas Sarkozy a supprimé d’un coup d’un seul la publicité des antennes publiques, c’était parce que notre téléphage de président jugeait qu’elles ne se distinguaient pas assez des chaînes commerciales. Un reproche maintes fois formulé par le président de la République, malgré la réalité des grilles publiques bien différentes de celles, attrape-ménagères de moins de 50 ans, de TF1 et M6. Ainsi, jamais France 2 ou France 3 n’ont hébergé de Loft Story ou de Star Ac. Avec l’opération Le Jeu de la mort, la Deux se paie même le luxe d’aller dauber sur les pratiques de ses rivales commerciales.

Panache. Joli baroud de Patrick de Carolis et Patrice Duhamel qui, à la présidence de France Télévisions, commencent déjà à faire leurs cartons. D’ici l’été, le président de la République va en effet user du superpouvoir qu’il s’est lui-même arrogé : la désignation du patron de l’audiovisuel public. Qu’est-ce que Sarkozy va bien pouvoir reprocher à ce Carolis qui, ce soir, diffuse un pamphlet, fût-il balourd, fût-il maladroit, contre la télé-réalité dont se repaît en ce moment même, avec la Ferme Célébrités, son ami Martin Bouygues ? Le documentaire de Christophe Nick a d’ailleurs fortement irrité TF1 et M6: le 26 février dernier lors d’un dîner rue de Valois, des représentants des deux chaînes se sont rués sur le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand pour se plaindre de Carolis…

Mais son panache est vain : déjà, le président de France Télévisions a dû accepter de négocier la vente de la régie pub publique à Stéphane Courbit. Celui-là même qui, au capital de sa société, compte un certain Alain Minc. Celui-là même qui a inspiré à Sarkozy la suppression de la pub après 20 heures sur France Télévisions… La réalité de la télé est bien plus cruelle que la télé-réalité.

Raphaël  Garrigos et Isabelle Roberts (Libération)

Voir aussi: Rubrique Médias, Sarkozy propos hors antenne, rubrique Société entretien avec Armant Mattelard,

Un projet industriel pour France 3

Gérard Vallès entre Limousin Poitou Charentes et Grand Sud

Gérard Vallès entre Limousin Poitou Charentes et Grand Sud

L’enjeu de rentrée de la chaîne publique répond moins à la présentation de nouvelles émissions qu’à la stratégie d’harmonisation portée par le directeur de France télévision Patrick de Carolis. C’est-à-dire appliquer à moyens constants, sur l’ensemble du groupe des chaînes publiques, une politique éditoriale visible et cohérente.

Gérard Vallès, le nouveau directeur de France 3 Sud (Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon), cumule déjà cette responsabilité avec la direction Limousin Poitou-Charentes. Bordeaux devrait s’y rattacher d’ici début janvier dans la perspective de regrouper les 13 pôles actuels en 4 groupes de gouvernance.   » Ce projet éditorial est aussi un projet industriel, précise le super directeur. Comprenez concurrentiel : Nous entendons tenir la dragée haute à TFI et aux autres télés européennes. « 

En théorie, les mesures d’audiences locales (30% sur la tranche 19h-20h contre 23% en moyenne nationale) devraient le permettre. Pour la nouvelle grille, les maîtres mots demeurent ouverture et proximité. Christian Detranchant, le rédacteur en chef du LR, explique la logique paradoxale qui fait que l’émission du matin consacrée à des documentaires locaux est remplacée par des productions en provenance de toutes les régions.  » En allant chercher le bon exemple dans un autre coin du territoire lié à notre proximité, on décentralise en recentralisant.  » De quoi donner du grain à moudre à ceux qui verraient là une simple mesure économique.

La grille 2009/2010 sera moins figée. Les régions qui font la force de la chaîne bénéficieront d’une meilleure flexibilité dans les cases de la programmation avec la PAE (prise d’antenne exceptionnelle).  » Cela offre la capacité de bousculer notre ordonnancement, en fonction de l’événement « , commente Gérard Vallès.

Devant l’imminence de la convergence ordinateur-télé, France 3 entend aussi mettre les bouchées doubles pour satisfaire les internautes. Ils peuvent déjà découvrir une offre unique sur l’interface culture box qui permet de visionner en ligne tous les reportages culturels tournés en France avec des exclus web. Bref, France 3 poursuit sa révolution culturelle !

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Médias France 3 la rédaction nationale  rejette le projet éditorial,