Novarina monté par Yves Gourmelon et Lydie Parisse « Ce dont on ne peut parler, c’est cela qu’il faut dire »

Lydie Parisse

Le parti est ambitieux et réussi. Il ouvre et s’inspire de l’œuvre singulière de Valère Novarina en englobant sa dimension théâtrale, picturale et théorique autour de la parole. Le spectateur est invité à pénétrer dans le laboratoire de l’écriture ou s’élabore le langage de l’auteur contemporain. Quand on est monté à l’étage, qu’on a fait le tour du propriétaire, on ne sait plus très bien où l’on est. Mais on est bien quelque part. Là justement, sous le haut-parleur qui rabâche son questionnement sur les notions d’intérieur et d’extérieur.

On entre alors dans la salle de spectacle pour regarder la prétentieuse télévision qui parle à notre place et nous laisse dans le silence. Et puis entre l’acteur qui explique que nous sommes en condition physique de ne rien comprendre puisque tout est déjà dit. Est-ce la place du théâtre d’aujourd’hui de présenter notre déreprésentation humaine ? Et que doit-il nous montrer ce théâtre? Que la parole est trouée, nous dit Novarina. Que l’homme lui-même est un trou et qu’il faut jouer au bord !

Cela, on le comprend avec cette pièce qui nous bombarde de sens dans tous les sens, piétine nos valeurs sans pondération pour finalement nous abandonner à notre passivité. Reste l’instinct, la métaphysique et la poésie pour immerger. Ce n’était pas une illusion. C’était un très bon spectacle comme il ne s’en fait plus assez.

Jean-Marie Dinh

L’Art vidéo au Musée Fabre : une absolue plénitude…

Peter-campus "double-vision" (1971)

Conçue à partir de la collection d’art Vidéo du Musée national d’art moderne, Vidéo, un art, une histoire 1965-2007 présente une version renouvelée de l’exposition du Centre Pompidou. « C’est la première escale en France de l’exposition, après trois années d’itinérance à travers le monde, avant de partir pour l’Amérique latine. » souligne la conservatrice du Musée national d’art moderne Christine Can Assche, commissaire de l’exposition. La lecture historique proposée est chronologique. « Elle est doublée d’une trajectoire transversale qui marque l’influence des précurseurs sur l’œuvre d’artistes plus jeunes. »

La visite  qui succède à cette introduction – On épargne ici aux lecteurs les liens alambiqués qui tentent de trouver une filiation picturale entre Courbet et Paik et le marketing institutionnel qui lie l’utilisation de la vidéo dans les vitrines commerçante du centre ville et l’art de Viola – nous permet d’appréhender une sélection de 35 œuvres réalisées par les pionniers de l’art vidéo : Nam June Paik, Peter Campus, Jean-Luc Godard, Chris Marker, ainsi que par des artistes contemporains comme Pierre Huyghe et Isaac Julien…

La neutralité de l’installation qui occupe 1 400 m2 sur deux niveaux est assez réussi mais manque d’espace. Ce qui explique sans doute l’absence de vidéo sculpture, outre le fait que celles-ci soient réputées plus rentables pour les compagnies d’assurances et les transporteurs que pour l’institution muséale.

Mythe ou Histoire ?

Sur le fond, c’est la notion d’histoire qui pose question avec un médium tel que la vidéo qui pourrait-on dire incarne la part maudite de l’art contemporain. Au milieu des années 60, un fort potentiel l’a propulsé dans le ciel de l’art où il a explosé comme les météores. Le caractère éphémère des électrons n’y est sans doute pas pour rien. Rétrospectivement, l’éclosion délirante,  poétique et subversive de l’art vidéo apparaît comme une ligne alternative et fugitive qui se poursuit sur une vingtaine d’années avant de se perdre à l’intérieur du petit écran devenu spatial. En ce sens, l’art vidéo se trouve largement en inconformité avec une histoire linéaire qui le conduirait jusqu’à nos jours. Cette métaphore du champ magnétique relève davantage du mythe en créant des relations diffuses dans l’esprit du spectateur.

Un premier combat fatal

L’exposition Vidéo un art une histoire 1965-2007 tente de présenter une histoire en quatre étapes. La première concerne la confrontation avec la télévision, tentative de pénétration et de détournement. La seconde s’articule autour des recherches identitaires, phase expérimentale qui voit le développement de performance autour de l’interaction, du corps, du temps et de l’espace. L’après cinéma aborde dans le troisième volet l’émancipation de l’image et du son de leur contexte narratif. Et la vision du monde, conclut sur diverses directions esthétiques en lien avec la mondialisation culturelle.

Cette vision de l’histoire électronique et magnétique créée un fil ininterrompu alors que dès la première étape l’art vidéo a pris un coup fatal en se confrontant à la tyrannie télévisuelle, l’absence de lieu de diffusion faisant le reste. Il est heureux que les musées ouvrent enfin leurs portes à ce médium. C’est évidemment un peu tard, mais ne boudons pas l’occasion de s’y rendre pour voir.

Jean-marie Dinh

Vidéo, un art, une histoire 1965-2007. L’œuvre des plus grands artistes à découvrir à Montpellier du 25 octobre 2008 au 18 janvier 2009.

L’œil ne change pas le décor

David Abiker vient parler de son livre  « Contes de la télé ordinaire » avec des journalistes du Club de la presse. Une rencontre-débat est organisée avec le concours de Sauramps sur « Le monde de la télé ». Outre les accros de la Star’Ac et autres sitcom, ça devrait peut-être intéresser quelques journalistes.

Il est à l’aise, David Abiker pour parler de la télé. Il est in, son CV signale qu’il travaille pour France Info et plusieurs mags de la presse écrite. On s’attend donc à quelque chose d’un peu consistant, au pire de croustillant, mais on reste ahuri devant ces quelques notes de soirées ordinaires. David Abiker nous parle du JT, de sa fille, de Nicoletta, de Fillon, de l’abbé Pierre… bout à bout tout cela ne mène nulle part. On se dit qu’au fond, on est peut-être au cœur du sujet. Aujourd’hui, l’événement c’est du 24h/24h. Pour quelques euros seulement, on vous sert du standard en continu. Faut s’accrocher pour ne pas rater l’occasion. On serre le livre dans ses doigts, pour éviter qu’il ne tombe.

Allez, encore un effort, si un journaliste vous invite à voyager à travers les émissions du paf, il doit bien avoir quelque chose à nous dire. Il faut beaucoup de patience et très peu de cerveau disponible pour le suivre. On s’ennuie, alors on s’imagine le spécialiste dans son canapé en plein travail d’observation. Un citoyen presque comme les autres. Un citoyen éveillé, qui prend plaisir à critiquer ce qu’on lui montre. Comme tout le monde en somme. La différence c’est que David Abiker en a fait un livre.

Va pour quelques impressions décalées qui valent le détour comme quand il évoque le basculement dans le sacré de la communauté médiatique autour de la libération de Florence Aubenas, la disparition des pauvres ou l’impossibilité des médias et des politiques à traduire le non des Français à l’Europe ultra libérale. Il y a aussi le prologue qui augure la mort annoncée du petit écran  face à l’ordi et celle, non moins inévitable, de PPDA.

Mais au final, on se demande pourquoi ce livre est venu s’interposer entre nous et notre écran, passez-moi la zappeuse. Il n’y a rien ce soir, c’est nul,  je sais, c’est pas grave…

Conte de la télé ordinaire, éd Michalon 14 euros