Révisionniste, nationaliste, voici Tomomi Inada, ministre de la Défense du Japon

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En présentant son nouveau gouvernement le 3 août 2016, le Premier ministre japonais Shinzo Abe en a surpris plus d’un-e avec l’arrivée d’une très proche à la Défense, la très conservatrice, ultra-nationaliste et  bien peu féministe Tomomi Inada.

Parfois, la foi en la parité vacille. Est-on bien sûre de toujours vouloir que les femmes accèdent aux plus hautes fonctions ? Mais bien sûr on se remémore la célèbre phrase de la journaliste et écrivaine Françoise Giroud :  « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » Et donc, on se dit tant pis… Parce que c’est bien ce qui fait frémir avec le nouveau gouvernement japonais annoncé le 3 août 2016 : au poste crucial de ministre de la Défense, sur fond de tirs de missiles coréens, de partage des eaux avec la Chine et de révisions historiques tous azimuts, arrive donc Tomomi Inada, 57 ans, arqueboutée à des certitudes terrifiantes :  pour elle le massacre de Nankin est un mensonge et les femmes de réconfort chinoises ou coréennes données en esclaves aux soldats japonais, un aimable conte pour enfants.

L’ère des mères-patries

Si dans un premier temps l’avènement de femmes dans le sérail politique japonais, et au plus hautes fonctions, peut réjouir, après coup, c’est un peu l’effet « gueule de bois ». Que ce soit la toute nouvelle gouverneure de Tokyo, ou cette ministre de la Défense, ces  « élues » du peuple ou de leur chef brillent par leur manières guerrières, et sont comme un écho lointain à toutes ces cheffes de file de l’extrême droite européenne (Marine Le Pen en France, Frauke Petry en Allemagne, Erna Solberg en Norvège, etc),  ou nord américaine , en particulier dans le « tea party » ultra conservateur du côté républicain (Katrina Pierson – porte parole de Donald Trump), Michele Bachmann, ou Sarah Palin) : des Walkyries, mères nourricières, mères patries, défenderesses de la tradition, voire de l’obscurantisme…

Tomomi Inada partage beaucoup de points de vue avec l’autre Japonaise du moment, Yuriko Koike (64 ans) qui fut elle aussi une (éphémère) ministre de la Défense en 2007, la première femme à occuper cette fonction, et qui vient de prendre la tête du gouvernorat de Tokyo, cette capitale dont l’économie dépasse celle de l’Indonésie voisine toute entière. Le même culte de la nation japonaise, des vues belliqueuses vis-à-vis du géant chinois, une volonté de réécrire l’histoire en gommant toutes les atrocités commises  par le Japon allié aux nazis pendant la Seconde guerre mondiale.

Mais la nouvelle ministre de la Défense y ajoute une aversion pour le féminisme qui se traduit à l’extrême par un virulent refus d’admettre la réalité des femmes de réconfort, esclaves sexuelles chinoises ou coréennes livrées aux armées japonaises entre 1937 et 1945. « Ces soi-disant femmes de réconfort travaillaient comme prostituées volontaires, ce qui était commun partout dans le monde à cette époque » a-t-elle sobrement répondu à une question sur le sujet.

Mais le diable se cache aussi dans les détails. La fiche Wikipedia de Tomomi Inada nous apprend que, comme avocate, elle « considère que les deux membres d’un couple marié doivent adopter le même nom, ce qui, généralement, signifie que les femmes ne peuvent garder leur nom de jeune fille après leur mariage« .

Cette anicroche semble une vétille face aux positions et gestes extrêmes de cette fondamentaliste. Elle n’hésite pas à se rendre régulièrement au très controversé sanctuaire Yasukuni-jinja (dernière visite en date, en août 2015 à l’occasion de la fin de la Seconde guerre mondiale en Asie pacifique, tandis que d’autres fêtaient la paix retrouvée) qui honore les criminels de guerre des conflits du 19ème et 20ème siècle entre le Japon et ses voisins. Le Japan Times et l’édition anglophone de l’Asahi Shimbum, le plus grand quotidien du pays, nous apprennent en outre qu’elle fréquente Kazunari Yamada qui se proclame lui même chef suprême du parti néo-nazi japonais, une photo faisant foi de ces liens, même si Tomomi Inada affirme, mollement, ne pas partager les vues de ce personnage nauséabond.

Une guerrière pour faire la paix ?

Dans l’un de ses livres “Watakushi Wa Nihon Wo Mamoritai” (Je veux protéger le Japon), où elle développe sa profession de foi et ses points de repère idéologiques, elle écrit : « Si vous regardez objectivement (sic) les relations entre le Japon et ses voisins, la situation entre la mer de la Chine Est et la mer du Japon sont tout sauf pacifiques Les chimères énoncées telles ‘faites de la mer de Chine Est une zone de paix et d’amitié’ ne servent qu’à mettre le Japon en danger.« 

Ce qui fait dire au correspondant à Tokyo du quotidien El Mundo sur son compte twitter : « La nomination de Tomomi Inada n’est pas vraiment de nature à apaiser les relations du Japon avec la Chine« . Un euphémisme n’est-il pas ?

Tomomi Inada no parece que vaya a mejorar la situación en el pacífico siendo derechona rancia nipona pic.twitter.com/6THdCHDH00

— Ego? (@fmvfmv1) 4 août 2016

C’est donc cette guerrière qui devra accompagner la nouvelle interprétation, voulue par son mentor Shinzo Abe, d’une partie de la charte fondamentale sur les questions militaires en vue de renforcer les prérogatives des forces armées japonaises à l’extérieur. L’article de ce texte constitutionnel, héritage post bombe atomique, qui doit être revu et corrigé expose : « Les forces armées de terre, mer et air, ainsi que d’autres moyens de guerre, ne doivent pas être maintenus.« 

Son arrivée coïncide avec un tir de missile nord-coréen tombé en mer du Japon. Pas de chance…