Arcelor Mittal : 2 intérimaires (Randstatt) ont chuté dans la fonte en fusion 1400° – La presse préfère parler de 2 chemises déchirées

2132268976_B976062572Z.1_20150714111210_000_GDG4S5FAB.1-0C’était un intérimaire de la société interconseil Randstad. Jérôme Domaerel avait 41 ans. Il est mort à 15 h 30, le 13 juillet, sur le site dunkerquois d’Arcelor-Mittal à Grande-Synthe. Le salarié, originaire de Calais, 30 minutes après « l’opération classique de bouchage du trou de coulée, lors des activités habituelles de préparation de la coulée suivante », Jérôme a chuté dans la rigole principale de fonte liquide » du haut-fourneau numéro 4. La fonte en fusion sort à 1400°C. Les restes de son corps calciné ont été retrouvés dans la rigole du haut-fourneau. Le corps a été autopsié et rendu à la famille : « Le cercueil était scellé, compte tenu des circonstances ». A ce jour, les circonstances de l’accident ne sont pas claires car la direction ose mettre des bâtons dans les roues à l’expertise demandée par le CHSCT et on attend la décision du tribunal..

C’était le 3° accident mortel au sein du groupe en peu de temps. Le 26 décembre 2014, un accident du travail avait déjà coûté la vie à un salarié de l’entreprise sidérurgique de 36 ans, percuté par une chargeuse. Le 12 avril, un jeune intérimaire de 21 ans s’était retrouvé coincé puis écrasé entre deux wagons, sur les rails, près de l’aciérie.

Et puis voila, pendant que l’enquête sur l’accident du 13 juillet est paralysée,  le  jeudi 10 septembre, en fin de matinée un autre ouvrier intérimaire de 29 ans a trouvé la mort sur le site de Fos sur mer, tombé lui aussi, dans une cuve en fusion. Les pompiers ont mis plusieurs heures à retrouver le corps dans la fonte.

Alain Audier, secrétaire général CGT du site, pointe du doigt le recours à la sous-traitance et à un salarié précaire « Ils travaillent sur des installations qui malheureusement se sont pas à la hauteur en termes de sécurité, de mise à niveau, d’entretien et de maintenance ». Il est anormal que dans ces métiers à haut risque, l’industrie se permette de recourir à des travailleurs peu formés, au péril de leur vie.

Il s’agit de « sites dits Seveso » pourquoi de jeunes intérimaires non formés y sont ils placés en exploitation ? L’actuel taux d’interimaires est monté à 21 % ce qui correspond à un chiffre scandaleux, forcément sur des postes permanents !

Faut il « adapter le code du travail aux entreprises » comme l’a déclaré François Hollande dans sa dernière conférence de presse ? Non c’est l’inverse !

Le code du travail n’est pas « illisible » Monsieur le Président, il dit bien dans quelles conditions des intérimaires doivent être utilisés : pas pour des postes permanents, pas dans des conditions dangereuses. Et l’état a des conventions avec Arcelor-Mittal !

« A ArcelorMittal… personne ne s’attarde sur un gant ou un casque moins bien mis : le principal est de redémarrer au plus vite la production ; au détriment de certains points fondamentaux dans la sécurité de circulation des employés » dit Bernard Collin secrétaire du CHSCT Fonte.

La CGT s’interroge, a contrario du Président de la république,  sur la politique de santé et de sécurité d’ArcelorMittal : est-elle réellement adaptée aux véritables risques auxquels les salariés sont confrontés quotidiennement ? Non bien sur.

« La sécurité et la santé des salariés ne sont plus considérées comme une priorité par nos dirigeants. Seuls comptent les résultats financiers de l’entreprise » ajoute la CGT qui a organisé une journée d’action le 15 octobre à Dunkerque avec 200 entreprises, une conférence de presse et la mobilisation d’intérimaires de Randstatt France.

Ce jour là, tout à été fait pour sensibiliser l’opinion : mais croyez vous qu’il y a eu des caméras de télévision ? Croyez vous qu’il y a une « une » des journaux télévisés ?  Croyez vous que le premier ministre a traité de « voyous » les patrons responsables d’Arcilor, par faute inexcusable, de ces morts ? Croyez vous qu’il a demandé une enquête, des mesures, des sanctions ? Non ! Croyez-vous que Pujadas a exprimé ses regrets d’avoir ridiculisé le Code du travail, (« un kilo et demi »)  devant 5 millions de téléspectateurs et a fait sa « une » sur les morts d’Arcelor ? NON ! Pourtant hélas il y aurait de quoi hurler car depuis 1962,  il y a eu 200 accidents du travail mortels à Arcelor !

Qu’en dit le sous-préfet, à la délégation de la CGT reçue ce 15 octobre, plutôt du genre poli mais fataliste ?  Que si Arcelor prend des CDD avant d’embaucher, c’est bon puisqu’ils deviennent des CDI ? Mais non un CDD n’est pas une période  d’essai. Et un CDD après des années d’intérim, ce n’est pas une procédure légale non plus. Et des intérimaires sans formation exposés aux risques non plus. Et puis supprimer des postes fixes et prendre 21 % d’intérimaires, ce n’est pas conforme non plus au code du travail. Décidément, ce n’est pas de trop de « code du travail » dont on souffre mais de « pas assez » et de pas assez de respect des humains au travail.

Ce n’est pas le moment de faire des rapports Combrexelle et Mettling mais de renforcer le code, la sécurité, les CHSCT, d’imposer au patronat de respecter  et de ne pas leur mettre des bâtons dans les roues.  Quant à l’intérim, il convient de dire qu’il y a eu 67 morts l’an passé parmi les intérimaires et que 2 millions d’intérimaires c’est dangereux ce n’est pas « normal », c’est ce que ceux de Randstatt, 3° groupe d’intérim, sont venus dire de toute la France, ce 15 octobre à Dunkerque. Décidément,ça ne fait pas la ‘une », les médias des 7 gros milliardaires du pays, préfèrent parler des chemises déchirées pendant des journées entiéres que de la violence des  morts ouvrières.

 Gerard Filoche

Source Blog Médiapart 17/10/2015

Voir aussi :  Rubrique Travail,

L’entreprise modèle sans fard

Les nouvelles formes de précarité, l'oppression mentale et le développement de l’ouvriérisme clandestin.

On trouve en couverture de ces dix textes de fiction réunis par Arnaud Viviant, le planning des ressources disponibles de la semaine avec les petites fiches en bristol de couleur indiquant que tout le monde est bien à la bonne place. Dès lors, reste à se mettre au boulot en tirant les fiches aux hasard. Chacune d’entre elles propose une entrée sur l’entreprise contemporaine vue par des romanciers.

Cette pluralité de regards, sans valorisation esthétique, laisse par endroits une empreinte  naturalisme.  Dans un Un jeune ouvrier qui franchit le pas,  les sociologues Stéphane Beaud et Michel Pialoux posent à froid les étapes qui amènent un jeune manutentionnaire à s’engager syndicalement.  Le propos de ce document dénonce moins les conditions de travail des sous-traitants du secteur de l’automobile qu’il ne décrit la précarité d’un monde ou tout peut basculer à chaque instant.

Les autres textes sont des fictions inédites qui permettent une juste appréhension du monde du travail. Dans « Qu’est-ce que tu vas faire? » Hellena Villovitch évoque à la première personne du singulier la vie d’une employée qui court après les CDD et l’incidence de la culture kleenex sur ses relations sexuelles basées sur le plaisir immédiat et l’interrogation systématique.

Dans une veine plus cynique Régis Jauffret décrit la non vie d’une secrétaire de direction qui joue le jeu en cultivant une haine féroce à l’égard de son patron. Par petites touches impressionnistes, François Bon évoque la disparition de la culture ouvrière des chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire. Arnaud Viviant nous embarque dans un sulfureux service de DRH où l’on découvre que les relations intersexuelles au sein de l’entreprise s’avèrent un formidable levier de productivité.

L’ensemble des récits pointe les déterminants sociaux et biologiques qui affectent en profondeur l’individu et le groupe au sein de l’entreprise, les nouvelles formes de précarité, l’oppression mentale et le développement de l’ouvriérisme clandestin dans le tertiaire.

On a vu la magnifique conversion de la sphère politique dans la philosophie néolibérale. On a observé la féchitisation de l’entreprise qui nous est vendue comme un incontournable modèle de société. Ce qui se passe dans le monde du travail aujourd’hui, et ce qu’il nous est donné à voir dans ce livre, annoncent assurément la faillite de ce modèle.

Jean-Marie Dinh

L’entreprise, édition La Découverte, 8,5 euros.

Voir aussi : Rubrique Actualité France Vague de suicide chez France Telecom