Les amoureux du noir se retrouvent au Firn

Roman noir. 40 auteurs débarquent de tous les horizons pour élire leur homicide au Firn de Frontignan où l’on dissèque l’idée de frontière…

Michel Gueorguieff le Président de Soleil Noir. DR

Michel Gueorguieff le Président de Soleil Noir. DR

Chaque année à la même époque, le festival international du roman noir de Frontignan (Firn) s’allume comme un phare de nuit pour hommes en danger. Une sorte d’antibiotique à large spectre, efficace pour tous ceux dont la chute libre ne sera pas entravée par un parachute doré. Le président de Soleil noir, Michel Gueorguieff, veille à la destinée du dispositif avec la sagesse d’un ange libéré. Encyclopédie vivante des livres obscurs au regard aiguisé, ce Diderot du roman noir tire d’une production inflationniste le meilleur du moment. C’est lui qui définit le thème et choisit les auteurs invités. Cette année, une quarantaine répondent au principe indéfectible de la manifestation, à savoir?: un dosage subtil entre auteurs émergents à découvrir et monstres du genre. L’esprit de la démarche fonde la réputation du festival y compris Outre Atlantique, où les auteurs d’envergure invités les années précédentes se passent le mot. Cette année les Anglo-saxons seront représentés à Frontignan par Don Winslow, Thomas H. Cook pour les Américains, et Russel James, Tom Rob Smith et Tim Willocks pour les Britanniques.

 

 

Identité forte et indépendante

 

« ?Le thème est la priorité des priorités. L’écrasante majorité des écrivains invités le sont en fonction du thème.? Au Firn, l’actualité est secondaire.  » Loin d’être anodin, ce choix est un gage d’indépendance. Ne pas s’acoquiner aux lumières artificielles de l’actualité signifie que le festival développe et assume sa propre voie. C’est ce qui le caractérise, avec sa longévité, parmi les 20 festivals de roman noir organisés en France.  » Nous prenons totalement en charge nos invités. Ce qui signifie que ce ne sont pas les éditeurs qui décident. Mais nous entretenons avec eux de très bons rapport. Tous les grands éditeurs sont passés au festival. Un certain nombre ont rencontré leurs auteurs américains ici.? »

 

 

Aux Frontières

 

« La frontière », le thème du 12e Firn qui se déroule du 22 au 28 juin. «  Le terme de frontière invite à s’ouvrir sur l’univers du noir et ses frontières culturelles. Nous accueillons cette année, Naïri Nahapetian, la seule Iranienne à écrire du roman noir, José Ovejero, un auteur espagnol marié à une Allemande qui habite à Bruxelles et aborde dans son dernier livre de manière très convaincante le passé colonial du Congo Belge. Nous accueillerons aussi la Vietnamienne Thanh-Van Tran-Nhut, à l’origine des enquêtes du juge Tan dans le Vietnam du XVIIe. Nous n’entendons pas seulement la frontière dans son sens physique et géographique, mais également dans sa dimension psychique, frontière entre folie et raison, frontière juridique: entre la loi et l’illégalité, l’ordre et le désordre, avec des auteurs comme Claude Mesplède, Lilian Bathelot, Eric Halphen, Jan Thirion… »

Le roman noir entretient depuis toujours une relation privilégiée avec le cinéma. Cette année, le festival rend hommage à l’œuvre de Michel Deville qui sera présent vendredi 26 juin.

 

 

Derrière les murs

 

Il est encore question de frontière avec la première édition de l’opération Derrière les murs. Montée en partenariat avec la mission BD du Languedoc-Roussillon, la Drac, le SPIP et la Pjj, elle propose aux détenus de la Maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone dix ouvrages (romans noirs et BD écrits par les auteurs invités du festival). Les détenus désigneront les lauréats qui viendront s’entretenir avec eux jeudi 25 juin. Loin d’être une simple distraction, le roman noir dit le monde et le Firn en apporte la preuve.

 

 

Jean-Marie DINH

Voir aussi : Rubrique Livre, rubrique  Roman noir,


Voyage au pays des meurtres stimulants

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Plateau noir pour soirée lumineuse

Un plateau d’exception s’est posé à la médiathèque Emile Zola, dans le cadre du 25ème anniversaire de la collection 10/18 Grands Détectives. Plateau noir, sur une initiative de la Librairie Sauramps, animé par Michel Gueorguieff, grand spécialiste du genre, s’il en est.

Pour ce débat, la directrice éditoriale de 10/18, Emmanuelle Heurtebize, était entourée de trois gardes du corps aux regards sombres, et néanmoins affûtés sur ce que l’humain recèle de faiblesse et de violence. Trois auteurs de poids, représentatifs des 80 autres qui irriguent aujourd’hui en drames contrastés, cette collection consacrée au polar historique. Inaugurée en 1983 avec les enquêtes du juge Ti par Robert Van Gulik qui retraçaient les aventures de ce personnage ayant réellement existé dans la Chine des Tang, la collection introduit le genre en France.

La synergie entre la forme narrative de l’enquête et le regard sur une période historique ouvre des horizons. A ce sujet Anne Perry, prolifique et richissime auteure anglaise, (25 livres, 25 millions d’exemplaires vendus) sacrée reine de l’époque victorienne, confie à propos de son dernier livre situé au cœur de la première guerre mondiale :  » j’aime m’attacher au challenge d’un environnement difficile. Cela me permet d’amener mes personnages au bout de leurs croyances. On ne peut pas mentir ou utiliser des mots vides de sens dans un contexte pareil. « 

A la possibilité de remonter le temps, s’ajoute celle de situer l’action dans un univers précis, ce qu’apprécie particulièrement la Française Viviane Moore. Elle vient de publier Le hors venu, quatrième tome de la saga de Tancrède le Normand. Elle situe son action au XIIe pour y retracer l’épopée des rois normands qui rejoignent la Sicile pour y combattre les Sarrasins.  » Dans sa façon de gouverner, le roi de Sicile Roger II, trouve un équilibre interculturel qui reste un exemple pour les historiens. « 

On a pu constater à quel point, Gyles Brandreth, les sens en éveil jusqu’aux hormones, est incollable sur Oscar Wilde. Ce talentueux touche à tout à l’humour décapant, est traduit pour la première en fois en France. Sous sa plume, l’auteur du portrait de Dorian Gray mène l’enquête après avoir découvert le cadavre d’un adolescent au centre de Londres en 1889. Un hommage plein de saveur, rendu au génie de Wilde comme au papa de Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle qui, dans le livre, participe à l’investigation.

En joignant à la peinture de l’époque de bonnes enquêtes et des personnages aux antipodes de l’auto-fiction, le polar historique séduit un public curieux et voyageur toujours plus large. Vingt cinq ans après ses premiers pas vers le crime, la bonne santé de la collection Grands Détectives est là pour en témoigner.

Jean-Marie Dinh

Photo David Maugendre

Dans la collection Grands Détectives 10/18 :
Anne Perry  » Les tranchées de la haine « . 7,9 euros.
Viviane Moore  »  Le Hors venu  » 14,8 euros.

Gyles Brandreth :  » Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles  » 13,5 euros