Le parti conservateur Fine Gael a remporté vendredi les élections législatives irlandaises et formera vraisemblablement une coalition avec le Labour. Le parti libéral actuellement au gouvernement, le Fianna Fáil, a perdu plus des deux tiers de ses députés. Les commentateurs appellent le Premier ministre désigné Enda Kenny à renégocier le programme de sauvetage de l’UE et voient le pays au-devant de profonds bouleversements.
Lors des élections législatives, les Irlandais ont réglé leurs comptes avec une politique qui a mené le pays à une grave crise économique, commente le quotidien De Volkskrant : « Ces élections ont notamment montré le profond mécontentement des Irlandais envers leur élite politique, voire envers l’ensemble de leur système politique, qui a fermé les yeux devant les dangers de la croissance démesurée que le pays connaissait depuis les années 1990. Les illusions se sont évanouies en 2008 lorsque le secteur de la construction s’est effondré, menaçant d’entraîner les banques dans sa chute. … L’Irlande n’a pu être sauvée que grâce à un crédit international d’urgence de 85 milliards d’euros, obligeant à des coupes rigoureuses dans les dépenses publiques. … Mais la mission du [nouveau] gouvernement ne changera pas de manière radicale : il doit ouvrir la voie à une reprise économique qui ne sera possible que lorsque le pays aura payé pour avoir vécu au-dessus de ses moyens. » (28.02.2011)
Après sa victoire aux élections législatives, le Premier ministre irlandais désigné Enda Kenny a annoncé vouloir renégocier aussi vite que possible les conditions du programme de sauvetage de l’UE. Une bonne décision, estime le quotidien libéral The Independent : « Enda Kenny … a promis hier de placer l’Irlande sur de nouveaux rails financiers, radicalement différents de ceux de ses prédécesseurs du Fianna Fail. … Les Irlandais semblent résignés à devoir affronter une longue période d’austérité économique. Mais ils ne sont pas résignés à un esclavage à vie, à juste titre. Le programme de sauvetage actuel n’est pas dans l’intérêt des Irlandais. Il n’est pas non plus dans l’intérêt de l’Europe d’imposer des exigences aussi dures à l’Irlande. Kenny a reçu un mandat démocratique pour instaurer un programme plus juste pour l’ensemble de la population irlandaise que celui de ses prédécesseurs. Il ne doit pas craindre d’utiliser ce pouvoir. » (28.02.2011)
Après la sévère défaite infligée au Fianna Fáil lors des élections législatives en Irlande, le quotidien de centre-gauche El País voit un bouleversement du système politique sclérosé du pays : « La crise économique a renforcé le mécontentement, déjà palpable au cours des dernières années, face à un clientélisme quasi atavique. Dans ce système hérité du passé, l’Eglise catholique, empêtrée dans de graves scandales d’abus sexuels sur des mineurs, refuse d’abandonner ses privilèges, gagnés grâce au patriotisme issu de l’opposition à la dominance séculière de Londres. Il est encore trop tôt pour parler d’un renouvellement du cadre dans lequel évolue la politique irlandaise. Mais la fin amère du miracle économique, dans un pays autrefois qualifié de tigre celtique, et le difficile redressement qui l’attend indiquent en tout cas la fin d’un cycle historique. » (28.02.2011)
Il est surprenant qu’à l’occasion des élections législatives en Irlande, le Labour social-démocrate n’ait pas profité davantage de l’échec politico-financier du parti précédemment au pouvoir, le Fianna Fáil, écrit le quotidien libéral-conservateur Neue Zürcher Zeitung : « Malgré tous les coups subis par le Fianna Fáil, il est étonnant que le Labour social-démocrate, et la gauche en général, ne soit pas parvenu à profiter davantage de la colère des électeurs envers l’échec politico-financier du parti au gouvernement. … C’est comme si l’électorat irlandais s’était résolu à ce que la crise de l’endettement ne puisse être surmontée sans une participation importante du centre-droit. Le manque de surveillance des banques et leur attitude irresponsable dans l’octroi des crédits ne peuvent être attribués uniquement au camp de centre-droit, mais à une erreur du système que même le Labour n’a pas clairement identifiée ni combattue. Il se peut que cela ait joué un rôle dans le vote clairement favorable au Fine Gael dans certains endroits. » (28.02.2011)
Pour la deuxième fois en un peu plus d’un an, les Irlandais ont voté, vendredi 2 octobre, à propos du traité de Lisbonne conçu pour faciliter le fonctionnement de l’Union européenne élargie. Le contexte n’est plus le même que le 12 juin 2008 où, à une large majorité (53,4 % contre 46 %), les Irlandais avaient coché la case du non. Ils ont obtenu des « garanties » sur certaines « spécificités celtiques » (fiscalité réduite, interdiction de l’avortement, maintien de la neutralité militaire). La dureté de la récession en Irlande et la montée du chômage ont en grande partie ravivé le besoin de la solidarité européenne. La tradition locale veut que le décompte des voix ne commence pas dès la fermeture des bureaux de vote, à 22 heures, mais seulement le lendemain matin. Les résultats devaient être connus dans l’après-midi de samedi.
Le Fine Gael, principal parti d’opposition qui défend le oui au côté du gouvernement, s’est félicité des résultats d’un sondage qu’il a fait réaliser à la sortie des urnes dans la soirée de vendredi. Selon ces résultats, publiés dans l’ Irish Times et la radio-télévision nationale RTE samedi, les Irlandais auraient voté à 70 % en faveur du traité dans la capitale, et à 60 % dans le reste du pays.