Cinemed 2010 : Agusti Vila, Antigone d’or pour La Mosquitera

poticheCinemed s’est conclu cette année samedi, avec un jour de moins que les éditions précédentes. Au programme de la soirée de clôture, les spectateurs ont pu assister en avant-première à la projection du dernier film de François Ozon, Potiche*. Une comédie franchouillarde bien écrite qui inscrit son intrigue autour des enjeux de domination sociale des notables de province dans les années 70. Porté par le trio Deneuve, Luchini, Depardieu le film est tiré d’une pièce de Barillet et Grédy, deux auteurs qui firent naguère le bonheur du théâtre de boulevard. A grand renfort de clichés, Potiche aborde la question de la liberté de la femme bourgeoise. En arrière plan de cette auto-émancipation s’inscrit la transformation de la société française à travers la mue du clivage gauche-droite vers la social-démocratie bon teint. Ozon signe un film plaisant a regarder, mais qui laisse un peu sur notre faim. La réactualisation recherchée par le réalisateur pèche par son manque d’idée neuve.

la-mosquiteraUn peu plus tôt dans la soirée, le mystère s’était levé dans une salle un peu clairsemée mais enthousiaste lors de la cérémonie du Palmarès. Le jury du 32e Cinemed a attribué cette année l’Antigone d’Or au film La Mosquitera, second long métrage du réalisateur catalan Agusti Vila. Un film dramatique portant sur les relations troublées au sein d’une famille aisée, à travers plusieurs générations, avec Géraldine Chaplin. « C’est une comédie noire, cruelle, d’une grande intelligence qui nous dérange beaucoup… et nous avons beaucoup aimé être dérangés ! », a fait savoir le jury sur les motivations de son choix, en attribuant également une mention spéciale au film marocain La Mosquée de Douad Aoual-Syad.

Un festival équilibré

cinemed2010_afficheUne nouvelle fois, le Cinemed 2010 s’est révélé fécond en découvertes. Comme l’ont souligné beaucoup de réalisateurs présents cette année, c’est un festival unique en son genre qui est devenu incontournable de part sa capacité à faire écho aux expressions cinématographiques du bassin méditerranéen. On a pu observer un rétrécissement de la diversité des nations et des invités représentés, au profit des film français, italiens et espagnols et de leurs protagonistes, mais le nombre total de films projetés est resté sensiblement le même. Dans l’ensemble la qualité des films était au rendez-vous. L’esprit du festival auquel sont très attachés les Montpelliérains, suppose que la qualité demeure un critère central de la programmation sans se substituer pour autant à la diversité culturelle et à la mise en perspective des chefs-d’œuvre du cinéma.

En même temps, comme le défend le président Henri Talvat, « il ne faut pas s’enfermer dans une impasse en reprogrammant toujours les mêmes films. C’est très important de s’ouvrir à de nouvelles propositions. » D’où l’importance de la compétition et du panorama en sélection officielle. Par ailleurs, on note depuis quelques années, une présence accrue des professionnels du cinéma à Montpellier ce qui facilite la qualité de la programmation comme des rencontres proposées et favorise, pour les réalisateurs, les possibilités de se faire distribuer. La collaboration étroite et la confiance mutuelle entre le Président Talvat et le Directeur Jean-François Bourgeot assurent ce bon équilibre. Une stabilité nécessaire pour l’avenir du festival jusqu’ici soutenu par le défunt président de l’Agglo.

Jean-Marie Dinh

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Cinemed, 30 ans d’ouverture et toujours de l’inédit

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En ouverture du festival le film de Paolo Sorrentino, Il divo

Une sirène assise sur le chiffre 30 sur fond de soleil couchant : « C’est une affiche signée Caza qui ne connaît pas la crise », commente le directeur du Cinemed, Jean-François Bourgeot. A l’aube de cette trentième édition, tout se passe comme si l’identité du festival et son âge respectable lui permettaient d’observer avec une certaine sérénité les bouleversements qui secouent la planète. Cette présentation de l’édition 2008 a permis aux pères fondateurs Pierre Pitiot et Henri Talvat de revenir sur le chemin parcouru depuis cette semaine consacrée au cinéma italien, initiée en 1979. « On n’est jamais prophète en son pays a souligné Pierre Pitiot, mais je me réjouis de la reconnaissance acquise autour de la Méditerranée. Et j’ai la certitude que le festival est devenu le phare de ce cinéma qui nous unit et nous fascine », a confié celui qui entame sa dernière présidence de l’événement.

Une identité essentielle

Voilà de quoi rassurer le public (85 000 spectateurs attendus) sur la question de l’identité de la manifestation qui conserve sa destinée. Le débat soulevé l’an dernier par le président de l’Agglo tendant à élargir la vocation du Cinemed en dépassant la dimension méditerranéenne ne semble plus à l’ordre du jour. Du moins en ces termes, car bien plus que de se poser en gardien de l’identité méditerranéenne, les organisateurs cinéphiles savent que le cinéma est un regard spécifique qui se nourrit d’autres apports. Le Cinemed offre un espace d’expression aux réalisateurs méditerranéens dont les œuvres renvoient à une multitude d’horizons. A cet égard on peut citer le film Baby Doll Night de l’Egyptien Adel Adeeb, qui donne, pour la première fois dans l’histoire du cinéma arabe, une représentation de la Shoa. Dans l’environnement mondial, il ne s’agit plus de rester circonscrit aux seuls territoires concernés mais de les dépasser. Et si le manque de visibilité nationale, dont peut souffrir le Cinemed, correspond à sa spécificité, le festival s’inscrit, comme l’a souligné Michaël Delafosse, dans la nécessaire volonté de « montrer des œuvres de l’esprit face à une industrie très concentrée. »

La richesse de la diversité

Avec 120 films inédits répartis dans la programmation et ses rétrospectives issues des sélections concoctées par ses nombreux invités, l’édition 2008 offre un panorama d’une riche diversité. 14 pays du bassin méditerranéen sont représentés dans la compétition longs métrages, dont le film turc Les trois singes de Nuri Bilge Ceylan, (Prix de la mise en scène à Cannes). Dans la section Panorama, la place importante accordée aux courts métrages participe pleinement à la révélation de nouveaux talents. Parmi les 21 courts en compétition, on trouve des points d’entrée percutants comme le film Insights du réalisateur israélien Dana Keidar, où un sniper observe une jeune palestinienne dans sa lunette. A cela s’ajoute un panorama des meilleurs courts métrages produits entre 2007 et 2008 et les 11 films de la compétition documentaire.

Les grands rendez-vous

La soirée d’ouverture s’annonce comme un clin d’œil à l’histoire du festival avec Il divo, projeté à Cannes cette année. Le film italien de Paolo Sorrentino dresse le portrait sans complaisance D’Andreotti, vieil homme politique rompu à la pratique du pouvoir qui prépare sa réélection. L’hommage qui sera rendu aux frères Taviani à travers la sélection d’une quinzaine de leurs films, comme celui consacré au réalisateur espagnol Jaime Camino pour son œuvre sur la fin de la guerre civile espagnole, renoue avec les thématiques politiques.

Autres temps forts, l’avant première de Mesrine de Jean-François Richet, un concert de musiques de film avec le compositeur algérien Safy Boutella et l’hommage à Youssef Chahine avec la projection de l’Emigré.

Jean-marie Dinh

L’agglomération de Montpellier est le premier partenaire financier de l’événement avec un financement de 455 000 euros.