COMMISSION
DES DROITS DE L’HOMME
Communiqué de presse de la CNCDH – 21 juin 2010
Le projet actuel de réforme de la procédure pénale présente des risques pour le respect des droits de l’homme
Intervenant dans le débat sur la réforme de la procédure pénale, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) prend position sur les garanties indispensables au respect des droits de l’homme dans la phase préparatoire au procès pénal. Elle rappelle dans un avis rendu public aujourd’hui les principes qui doivent guider toute réforme dans le domaine de la procédure pénale, domaine particulièrement sensible pour les droits de l’homme et les libertés publiques, le droit à un procès équitable étant la pierre angulaire de sa réflexion. Elle se réserve par ailleurs la possibilité de se prononcer ultérieurement sur un projet de loi abouti dont elle demande à être saisie.
La CNCDH demande de toute urgence une réforme de la garde-à-vue. Elle dénonce dans son avis le recours abusif car quasi-systématique à une telle mesure privative de liberté. Si le projet de réforme cherche à en limiter le recours, la CNCDH considère que les propositions restent bien insuffisantes et souhaite que les conditions de placement en garde-à-vue soient limitées par des critères objectifs. De plus, le respect des droits de la défense de la personne gardée à vue passe par l’assistance effective d’un avocat dès le début de la mesure, et pendant les interrogatoires. Il est indispensable de rendre cette assistance possible, en droit comme en pratique, à travers l’accès au dossier, mais aussi un renforcement des crédits alloués à l’aide juridictionnelle. Par ailleurs, les droits de la défense ne peuvent être exercés dans le cadre d’une audition libre, sorte de « pré garde-à-vue », dont la CNCDH demande la suppression, en alertant sur les risques de banalisation de tels régimes dérogatoires, présentés au départ comme une amélioration mais qui se révèlent en réalité être une régression en matière de respect des droits. La CNCDH revient également dans son avis sur les conditions mêmes de la garde-à-vue souvent décriées par les instances nationales et internationales des droits de l’homme, comme conditions indignes de la personne humaine. La CNCDH insiste pour que des mesures adéquates soient prises, limitant notamment à des cas exceptionnels les fouilles à nu, de façon à assurer des conditions matérielles de garde-à-vue conformes aux droits de l’homme.
S’agissant de la disparition annoncée du juge d’instruction et du transfert des pouvoirs d’enquête au Parquet, la CNCDH recommande à titre principal que soit immédiatement appliquée la loi du 5 mars 2007, cherchant à remédier aux problèmes du système actuel en instaurant la collégialité de l’instruction, qui a été soutenue par la grande majorité des professionnels du droit, et qui est l’expression de la volonté populaire. Elle alerte par ailleurs sur les risques que les principes d’indépendance de la justice et de séparation des pouvoirs, fondements d’une société démocratique, soient mis à mal si la réforme était effectivement mise en œuvre. Si le Parquet, actuellement hiérarchiquement subordonné au Ministre de la Justice, assure la direction de toutes les enquêtes pénales, on aboutit à une violation inévitable du principe d’égalité des armes entre les parties. A titre subsidiaire, la CNCDH insiste pour que la réforme, si elle devait être présentée en l’état au Parlement, soit accompagnée des « garde-fous » indispensables face à l’extension progressive mais certaine des pouvoirs du Parquet. Or, en l’état actuel du texte, ces garanties sont inexistantes, et le projet de réforme n’est pas acceptable au regard des dangers qu’il comporte pour le respect des droits de l’homme et l’indépendance de l’institution judiciaire.
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