Montpellier : Le conseil des Prud’hommes en danger

Suite à la démission de la majorité des conseillers du collège « employeurs » du tribunal des prud’hommes, l’institution en charge de l’application du Code du travail, se trouve menacée sur Montpellier.

Le tribunal des prud’hommes en surchauffe

Acte 1, jeudi 6 octobre  lors d’une séance en référé, procédure qui juge l’urgence et l’incontesté, deux membres du collège employeur, le conseiller Etourneau, et Chantal Boix* qui assure actuellement la présidence du Conseil paritaire démissionnent en pleine séance laissant les 18 justiciables inscrits à l’audience sur le carreau. Dans les jours qui suivent 10 des 12 conseillers employeurs décident de ne plus siéger. Leur lettre de démission n’est pas motivée. Elle relèverait d’après l’hebdomadaire l’Agglorieuse d’un problème de personne : « Ce Monsieur du collège des salariés fout la zizanie (…) il passe son temps à nous insulter, à nous menacer, à nous traiter de suppôts du patronat , il nous rend la vie impossible. » Un autre son de cloche issu du collège salarié affirme sous couvert de l’anonymat  :  « Ce conseiller référiste connaît le code du travail sur le bout des doigts et il ne lâche rien et a le verbe haut. Dans huis clos de la salle des délibérations, l’argumentation discriminatoire développée par certains conseillers employeurs a le chic de le faire sortir de ses gonds. »

Acte 2, suite au report de l’audience du 6 octobre, Jean-Paul Luce, vice-président CGT du Conseil des Prud’hommes est reçu le 11 octobre par ses responsables hiérarchiques, le Procureur de la République et le président de la Cour d’appel. Alors qu’il s’apprête à demander leur intervention pour faire appliquer le règlement et dénoncer l’attitude patronale qui met en danger le fonctionnement de l’institution, il s’entend répondre que si les deux parties ne parviennent pas à une entente les jugements pourraient être transférés au tribunal d’instance. Le Parquet se donnant le temps de voir si l’audience en référé en date du jeudi 13 se tiendra ou pas.

Une apparente neutralité qui laisse du champ à l’attitude en francs-tireurs adoptée par les conseillers du collège employeur et orchestré par Chantal Boix.

*Chantal Boix vient par ailleurs d’être mise en examen dans l’affaire de la fraude électorale supposée lors des dernières élections à la CCI.

 

L’audience en référé s’est finalement tenue hier mais le fonctionnement de la juridiction demeure en sursit

Hier, l’audience en référé prévue au tribunal des prud’hommes à 14h a débuté avec deux heures de retard. Le seul conseiller employeur à ne pas avoir démissionné n’étant pas disponible avant 15h30. L’importance des dossiers traités (2 882 en 2010 avec un délais moyen de 14 mois) implique de trouver une solution rapide car ce courageux conseiller ne pourra pas tenir seul le rythme des audiences.

« La justice est un service qui ne peut être interrompu, affirme-t-on au Parquet général par la voix de son secrétaire général Joël Garrigue :  » Il n’est pas question de fermeture. Nous étudions les portes de sortie. En toute hypothèse nous mettrons en œuvre les possibilités que nous offre la loi. Il n’est pas exclu que nous demandions un transfert au tribunal d’instance. La question est toujours en réflexion. Nous espérons que les conseillers prud’homaux sauront faire face à leurs responsabilités. »

La Bâtonnière Michelle Tisseyre se dit, elle aussi, préoccupée par la situation : « Ce mouvement antagoniste entre les conseillers des collèges employeur et salarié pose des difficultés. Devant le nombre d’affaires importantes, les avocats ont du mal à expliquer à leur clients les vicissitudes procédurales. On est réduit au rang de spectateurs. Mais nous insistons  auprès de nos magistrats pour qu’ils trouvent une solution rapide. »

La situation du Conseil des prud’hommes (CPH) de Montpellier s’inscrit dans un contexte tendu. « La réforme de la carte judiciaire qui s’est soldée par la suppression de 63 Conseils éloigne de fait les citoyens de la justice ce qui se traduit par une minoration des affaires. Les justiciables de Clermont l’Hérault et de Bédarieux qui disposaient d’un tribunal dans leur ville hésitent naturellement à se rendre à Montpellier. Par ailleurs la participation de 35 euros pour tout recours en justice sera également un élément dissuasif. Ce déni de justice de la part des employeurs est la goutte qui fait déborder le vase. » commente le secrétaire général de l’UD CGT Serge Ragazzacci qui projette de faire un point avec les autres organisations salariales.

L’influence de la présidente Chantal Boix auprès de son collège n’est un secret pour personne. Son discours très offensif lors de l’audience solennelle de rentrée où elle s’en était pris indistinctement à la médecine du travail, à la formation des conseillers et aux syndicats de salariés a donné le ton et quelques indications sur la méthode. Celle-la même qui semble à l’origine du blocage. Mais une nouvelle reconfiguration de la représentation syndicale pourrait se mettre en place après la lutte violente autour de l’élection de la CCI. L’heure est à la redistribution des cartes au sein du monde patronal.

Jean-Marie Dinh

Voir aussi : Rubrique Justice, rubrique Montpellier, Dissensions après les élections consulaires,